Pouvoir stérilisant d’un plasma
Plasmas, gaz ionisés et décharges électriques
Les plasmas, peuvent être considérés comme étant le quatrième état de la matière, en suivant par ordre croissant d’énergie les états solides, liquides et gazeux (40). Ce quatrième état, que l’on rencontre à l’état naturel uniquement dans certaines étoiles est à proprement parler un milieu de faible densité globalement neutre composé d’ions et d’électrons libres. Cependant, les plasmas utilisés pour la stérilisation sont beaucoup plus froids et sont actuellement des gaz ionisés : en plus d’ions et d’électrons, les gaz ionisés comportent des particules neutres (atomes, molécules) et des radicaux libres (atome ou ensemble d’atomes possédant un électron non apparié, chimiquement réactif) que l’on regroupera sous le nom de neutrals. Les ions et les neutrals possèdent une grande énergie interne et se caractérisent par une haute instabilité (l’énergie étant nulle dans un état de stabilité maximal).
Le retour à un état plus stable de moindre énergie (vers lequel la particule considérée tend spontanément à revenir) peut se faire soit en émettant un photon, soit en transmettant une partie de l’énergie lors d’une collision avec une autre particule ou une surface. La collision avec une surface peut aboutir à une perte énergétique matérialisée sous la forme d’un composé volatil (qu’il conviendra d’extraire de l’enceinte) ou à l’adsorption de la molécule activée par la molécule cible (protéine de surface d’un micro-organisme). Les photons émis lorsque les composés activés retournent à un niveau de moindre énergie, peuvent eux-mêmes induire des réactions chimiques, les photons UV étant particulièrement efficaces à cet égard (36). Les plasmas fabriqués par l’homme sont le plus souvent issus d’un gaz ou d’un mélange de gaz (air, O2) soumis à un champ électrique (entre deux électrodes), ce champ peut être généré soit en courant continu, soit en courant alternatif.
La zone où les gaz sont soumis au champ électrique est appelée zone de « décharge-électrique », le flux gazeux émanant de ce mélange se trouvant dans la zone « de post-décharge » (40). Le champ électrique accélère les particules chargées, et plus spécifiquement les électrons, les ions étant beaucoup plus lourds, et l’énergie de ce champ est instantanément transmise au plasma par le biais des collisions entre les électrons et les particules lourdes qui constituent le gaz originel .
Le rayonnement et le flux de post-rayonnement d’un plasma.
Comme il est de règle dans les plasmas de décharge, le volume gazeux soumis au champ électrique devient assez lumineux (libération de photons UV), c’est pourquoi les physiciens parlent de décharge rayonnante (40). Quand la décharge a lieu dans un flux de gaz, certaines des espèces chimiques formées dans la zone de rayonnement peuvent être repoussées dans une enceinte dépourvue de champ électrique, on obtient alors ce que l’on appelle un flux de post-rayonnement, ce qui correspond à un flux de gaz issu de la zone de décharge, mais qui n’est plus soumise au champ électrique. La stérilisation peut être obtenue soit dans la zone de rayonnement (zone de décharge), on utilise alors les vertus stérilisantes du plasma lui-même, soit on utilise le flux gazeux émanant du plasma (flux de post-rayonnement) au niveau de la zone de post-décharge (40).
La zone de décharge se caractérise par la présence de particules chargées (ions et électrons), extrêmement réactives. Comparée à la zone de rayonnement, celle de post-rayonnement contient peu de particules chargées, on trouvera dans cette dernière essentiellement des atomes neutres, des radicaux libres et des molécules (certains de ces composants étant dans un état d’excitation). Les espèces qui nous intéressent sont les particules qui ont une durée de vie courte, c’est-à-dire des molécules instables et actives en l’occurrence ce que l’on nomme : espèces réactives d’oxygène Reactive Oxygen Species et d’azote Reactive Nitrogen Species (on retrouvera les ROS et les RNS dans un plasma issu d’un mélange gazeux O2+N2).
Pour tirer profit de la potentielle activité des particules néoformées, une condition est nécessaire : le flux de plasma doit avoir une vitesse suffisamment élevée afin de permettre la projection des particules actives sur la cible (si la vitesse de flux est inférieure à un certain seuil, les molécules actives qui ont une durée de vie courte auront disparu avant l’impact) (40). On trouve parmi les ROS : l’atome d’oxygène O, l’ozone O3, le radical hydroxyle OH•, et parmi les RNS : l’atome d’azote N, le monoxyde d’azote NO, et le dioxyde d’azote NO2 (34).
Stérilisation par immersion à froid dans une solution antiseptique.
On regroupe sous le terme de LCG (liquid chemical germicides) l’ensemble des solutions utilisées dans le but d’une désinfection parmi lesquelles : le glutaraldéhyde, le peroxyde d’hydrogène, le formaldéhyde, la chlorhexidine…. Il est primordial de noter que la plupart de ces LCG ne sont que des désinfectants de haut niveau. En pratique, seules les solutions composées de glutaraldéhyde et de chlorhexidine ont de réelles vertus stérilisantes. Applications : Les solutions commerciales, qui sont de plus en plus utilisées pour la stérilisation et la désinfection de matériel non stérilisable par des moyens physiques, contiennent en plus des inhibiteurs de la corrosion (4). Une solution de glutaraldéhyde à 2% est adéquate pour la stérilisation des instruments chirurgicaux, ils sont alors complètement immergés pendant une heure (20). Après, les instruments doivent être soigneusement rincés avant tout contact avec les tissus vivants (5). L’objet est ensuite séché (avec une compresse stérile par exemple), avant d’être utilisé, le plus rapidement possible après la stérilisation (15). Elles sont destinées à un matériel trop fragile pour être traité par les autres procédés de stérilisation : endoscopes ou arthroscopes (optiques, connectiques, caméras), exceptionnellement un instrument de chirurgie dont on a besoin en urgence (22).
Principe : Tout comme le formol, le glutaraldéhyde est un aldéhyde, qui est bactéricide, sporicide, fongicide, virucide. En pratique on réalise une immersion dans la solution de glutaraldéhyde et de chlorhexidine (Instrunet liquide®) puis un rinçage au sérum physiologique stérile. Inconvénients : L’activité antimicrobienne du glutaraldéhyde est nettement plus marquée à pH alcalin. Souvent, les solutions commerciales sont vendues sous forme acide (durée de conservation plus longue) et alcalinisées au moment de l’utilisation. Les instructions du fabriquant, relatives à la durée de vie et à la concentration du produit doivent être suivies scrupuleusement. De plus, la solution doit être changée régulièrement, sous peine de dilution, voire de contamination. Contrairement aux autres méthodes de stérilisation pour lesquelles l’efficacité du procédé peut être surveillée par la mesure de paramètres simples (température, pression, saturation…), souvent contrôlés automatiquement, les méthodes de stérilisation par immersion sont directement tributaires du manipulateur (respect des protocoles, durée d’immersion…) et de l’efficacité de la solution qu’il est difficile de mesurer (concentration du principe actif…).
Toxicité : Les solutions de glutaraldéhyde sont irritantes, et peuvent engendrer des hypersensibilités chez des individus qui y sont régulièrement exposés. Des gants doivent être portés systématiquement, pour retirer les objets de bains de glutaraldéhyde. La toxicité par inhalation est rare, mais il est recommandé de travailler dans des lieux bien ventilés.
Plasma et toxicité des méthodes de stérilisation.
Le chef de file des agents utilisés dans les techniques à froid est l’oxyde d’éthylène. Ce gaz présente l’inconvénient d’être extrêmement toxique pour le patient comme l’environnement. Les techniques utilisant des pastilles de troximéthylène sont elles aussi toxiques. Les techniques utilisant des bains froids de glutaraldéhyde ne sont pas satisfaisantes, en effet ce produit très toxique pour les tissus implique un rinçage avec une solution stérile de sérum physiologique, les manipulations successives des instruments ainsi stérilisés sont un frein à une garantie optimale de l’état stérile.
Dans le cas des plasmas, le peroxyde d’hydrogène concentré utilisé est irritant pour la peau et peut causer de sérieuses blessures aux yeux par contact direct. Une fois vaporisé, il est irritant pour les yeux, le nez, la gorge et les poumons. Des procédés de sécurité ont donc été incorporés aux systèmes de stérilisation utilisant la technologie plasma afin d’éviter au manipulateur d’être en contact avec les produits actifs. Le peroxyde d’hydrogène est concentré dans une cartouche scellée sur laquelle se trouve un indicateur de fuite. Cette cartouche est placée dans l’enceinte de stérilisation, et ce n’est qu’une fois l’enceinte refermée et verrouillée que le gaz est libérée. Le processus de stérilisation s’effectuant à une pression inférieure à la pression atmosphérique, les fuites sont hautement improbables. A aucun moment l’utilisateur ne peut donc être en contact avec le produit. A la fin du cycle, tout le peroxyde d’hydrogène a été transformé en eau, oxygène et dioxyde de carbonne. La technologie plasma présente donc l’avantage de ne laisser persister aucun résidu dangereux ou toxique.
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Table des matières
Liste des tableaux
Liste des figures
Glossaire
Introduction
Partie I: Stérilisation par les plasmas froids: mécanismes et méthodes
1/ Définition et caractéristique du plasma
1-1/ Plasmas, gaz ionisés et décharges électriques
1-2/ Le rayonnement et le flux de post-rayonnement d’un plasma
1-3/ Les plasmas froids
2/ Plasmas de décharges : mode d’action et espèces actives
2-1/ Les premiers pas de la stérilisation par plasma.
2-2/ Mode d’action d’un plasma de décharge et identification des particules actives
2-2-1/ Rôle du gaz ou du mélange de gaz
2-2-2/ Influence de la densité énergétique dans la zone de décharge.
2-2-3/ Rôle des UltraViolets
2-2-4/ Rôle des atomes d’oxygène
2-2-5/ Influence du type de microorganismes
2-2-6/ Stérilisation d’instruments emballés.
3/ Pouvoir stérilisant d’un plasma.
3-1/ Action des UV sur l’ADN bactérien
3-2/ Erosion de la paroi des bactéries par les UV
3-3/ Erosion de la paroi par les molécules neutres
Partie II: La place des plasmas froids parmi les méthodes de stérilisation usuelles
1/ La désinfection
2/ Les stérilisations usuelles, rappels
2-1/ Moyens physiques de stérilisation
2-1-1/ La stérilisation par la chaleur sèche dans un four Poupinel®.
2-1-2/ La stérilisation par la chaleur humide dans un autoclave
2-1-3/ Stérilisation par les radiations ionisantes.
2-2/ Moyens chimiques de stérilisation.
2-2-1/ Stérilisation par immersion à froid dans une solution antiseptique
2-2-2/ Stérilisation par les gaz
3/ Intérêt des plasmas froids dans le cadre de la stérilisation
3-1/ Intérêt des plasmas dans la stérilisation de matériaux thermosensibles
3-2/ Plasma et durée de cycle
3-3/ Plasma et toxicité des méthodes de stérilisation
3-4/ Plasma et ATNC
4/ Actualité sur les procédés de stérilisation par les plasmas.
4-1/ Les premières études expérimentales, cinétique d’inactivation et mécanismes mis en Jeu
4-1-1/ Influence de la concentration des germes sur l’efficacité du plasma
4-1-2/ Influence des caractéristiques pariétales des micro-organismes
4-1-3/ Efficacité comparée des neutrals par rapport aux UV, influence de la nature du gaz et de la pression
4-1-4/ Influence des proportions du mélange gazeux
4-2/ Bilan expérimental
4-3/ Les premiers procédés commerciaux
4-4/ Procédés de stérilisation plasma et législation
Partie III: Premières applications pratiques des gaz plasmas
1/ Application de la technique de stérilisation « plasma » au matériel de bronchoscopie contaminé par Mycobactérium tuberculosis (2001)
1-1/ Préambule
1-2/ Matériel et méthode
1-2-1/ Source de la contamination
1-2-2/ Expériences préliminaires
1-2-3/ Contamination des bronchoscopes
1-2-4/ Bronchoscope utilisé
1-2-5/ Lavage, désinfection
1-2-6/ Système LTPS
1-3/ Résultats
2/ Application à l’inactivation du virus de l’hépatite B par la technique des plasmas froids (1999
2-1/ Préambule.
2-2/ Matériel et méthodes.
2-2-1/ Animaux de laboratoire
2-2-2/ Dépistage du VHBC
2-2-3/ Tests in vitro
2-2-4/ Tests in vivo : simulation de la contamination entre patients.
2-3/ Résultats
2-3-1/ Tests « in vitro
2-3-2/ Test « in vivo
2-4/ Discussion
Conclusion
Bibliographie
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