Ces dernières décennies, l’environnement est devenu une préoccupation aussi bien nationale qu’internationale. Dans le cas de Madagascar, de nombreuses espèces animales, ainsi que des plantes endémiques, sont effectivement menacées de disparition ou ont déjà disparu . Différents facteurs en sont à l’origine. Chaque année, des centaines de milliers d’hectares de forêts sont parties en fumée, par exemple, par la pratique du tavy (culture sur brûlis), entre autres, des millions d’hectares de tanety sont détruites par le feu (Charte de l’environnement 1990 : 9). Une loi relative à la Charte de l’environnement fut alors promulguée en 1990. Le pouvoir a mis en place divers projets de protection des ressources naturelles et de l’environnement avec le concours des bailleurs de fond. Ainsi, un projet sur l’éducation environnementale a été mis en œuvre au niveau du Ministère de l’Education Nationale depuis 1996. Actuellement, le Plan d’Action Environnementale ou P.A.E est à sa phase 3 . Ce qui établit un nouveau contexte dans le domaine de la gestion de l’environnement. En outre, l’éducation tient un rôle important dans toute action environnementale. C’est pourquoi, nous proposons d’analyser la place et les aspects de l’éducation environnementale à travers les thèmes du programme scolaire de la discipline «malgache» dans l’enseignement secondaire, discipline et niveau d’enseignement qui nous sont dévolus.
LA NÉCESSITÉ D’UNE APPROCHE MULTIPLE
Dans la mesure où le développement est propre à l’homme, il est fondamentalement culturel. Bien qu’il soit nécessaire à la satisfaction de ses besoins primaires (nutrition, habillement, etc.), le limiter à une dimension purement physique équivaut, alors, à lui attribuer une fonction animale. D’ailleurs, comme le disait Auguste Comte, quiconque se contente de la dimension physique de l’homme ne peut s’en faire qu’une idée superflue, sinon fausse. D’aucuns savent effectivement que la culture est une entité complexe qui ne se limite pas à un ensemble matériel, mais s’étend également à tout un système d’idées, de croyances et d’attitudes. Etudier la relation de l’homme avec son environnement nécessite donc une multiplicité d’approches, sinon de disciplines, dans la mesure où, comme chaque discipline, chaque approche a ses possibilités mais également ses limites : l’essentiel est d’essayer de percevoir à partir d’une discipline ou d’une approche ce que l’on perd dans d’autres.
Les possibilités de l’anthropologie
Dans notre cas, l’anthropologie socioculturelle prédominera sur d’autres, une discipline pour laquelle la culture est un «tout complexe, qui inclut les connaissances, les croyances, l’art, la morale, le droit, les coutumes et toutes les autres capacités et habitudes acquises par l’homme en tant que membre de la société» .
La démarche consiste à comparer la société à un organisme vivant, organisme dans lequel existent des interrelations entre les organes et les fonctions. Chaque élément joue son rôle dans cette totalité, de par sa fonction vis-à-vis de celle-ci et de par sa relation avec les autres éléments. On s’attachera donc à rechercher cette logique interne propre à assurer le maintien de la société, plus précisément une logique des systèmes et sous-systèmes qui s’articule d’après les structures envisagées, autrement dit, la mise en relation mutuelle des sous-systèmes (parenté, politique, religieux, économique…) qui constituent la structure de la société.
En ce qui concerne notre objet d’étude, l’anthropologie nous conseille de l’inscrire dansle rapport entre nature et culture, celle-ci étant comprise comme l’ensemble des productions matérielles et intellectuelles ou des comportements propres à chaque société, transmis par un processus social acquis . Pour être bref, la principale question que nous nous poserons est la suivante : comment la culture peut-elle se lire au travers de l’environnement, et, inversement, comment celle-ci influe sur celle-là? Si, par hypothèse, il devrait y avoir une interaction entre culture et environnement, un choc culturel peut se répercuter sur celui-ci, et, en sens inverse, la destruction de l’environnement peut avoir des effets sur la culture.
Par suite logique, d’emblée, nous mettrons de côté la vision statique que l’on retrouve souvent dans l’enseignement du malgache. Effectivement, nous avons trop tendance à nous incliner devant le passéisme, face aux idéaux de nos ancêtres, comme si la société et donc la culture malgache n’a pas évolué depuis «l’époque des ancêtres», à tel point que le contenu des programmes de «malgache» non plus n’a presque pas connu d’évolution. Nous opterons donc pour une anthropologie dynamique, qui, elle, « a remis en cause les interprétations fixistes des sociétés et des cultures, construisant en même temps une nouvelle ‘‘image’’ des sociétés dites traditionnelles », disait Akoun (1972 : 125) lorsqu’il parlait de changement et de rénovation socioculturelle.
L’approche systémique
L’approche systémique ou holistique — elle n’est pas du tout nouvelle, puisqu’elle rejoint dans une certaine mesure la théorie de la totalité, mise en forme par Mauss — est centrée sur la notion d’interdépendance (Bertrand 1993 : 171).
Durand (1979 : 96) en résume la teneur selon les termes suivants :
« L’approche systémique part du fait que les êtres humains ne vivent pas en solitaires mais qu’ils se groupent en unités opérationnelles. Ces unités agissent sur le milieu écologique, forment des structures sociales, participent à des transactions économiques et sont sujettes à des institutions.» .
Ainsi, l’éducation, en tant qu’outil et production de la société, implique la mise en œuvre, simultanée ou en alternance, d’un certain nombre d’institutions. Quant à l’éducation environnementale, la problématique peut être analysée comme étant un système à multiples composantes dont :
– les composantes, évidemment, écologiques, l’objet sur lequel on agit : état de la faune, de la flore, etc., et leurs exploitations ou leurs non-exploitations par l’homme;
– une relation avec les composantes économiques (mode et techniques de production, système de cultures, etc.) ;
– un lien intime avec les socioculturels à Madagascar, où il existe des croyances et des coutumes traditionnelles — pour ne citer que le système de croyances — liées à la protection des éléments de l’environnement ;
– et son inscription dans le cadre institutionnel de l’Etat, c’est-à-dire l’implication du système éducatif (à l’instar du programme scolaire) et la politique environnementale.
Le spatiologisme
Il s’agit du volet très important de l’étude du paysage, volet généralement négligé par les décideurs : le paysage en tant que construction sociale. Effectivement, nombreux sont ceux qui avaient tendance à ne voir que les aspects physiques et biologiques de l’environnement, mettant en avant la géographie physique et les sciences de la vie et de la terre, insistant notamment sur le problème de cycle, adoptant donc une approche dite spatialiste. Vers le début des années 1970, c’est à-dire à l’époque de l’émergence du mouvement écologiste en Occident, une nouvelle approche naquit : la spatiologie. Elle propose trois idées fondamentales (Giblin 1978 : 74-89) :
– d’une part, il n’existe pas de paysage naturel ; tout environnement est une construction sociale, il fait partie intégrante de la culture ;
– d’autre part, tout paysage est façonné, d’une manière ou d’une autre, par la société pour répondre à ses besoins, qui, eux, peuvent être non seulement matériels mais aussi idéologiques, relevant des croyances, exprimés dans la littérature… Ainsi, dans les folklores occidentaux et également dans la représentation malgache, la forêt est un espace habité par les esprits ; ainsi aussi, dans la perception chrétienne, le désert, même si on n’y retrouve pas des traces matérielles humaines, porte des empreintes religieuses ;
– et enfin, tout paysage est le point d’intersection de l’histoire de la société humaine et celle de la terre. Les deux vont de pair. Autrement dit, on ne peut faire abstraction de l’une en parlant de l’autre.
Par conséquent, il est pratiquement impossible d’étudier un paysage, d’agir sur un environnement «naturel», sans prendre en compte la société humaine, c’est-à-dire la représentation qu’elle s’en fait, l’usage, direct, visible (exploitation matérielle) ou indirect (ensemble de croyances), bref, la culture, car le paysage fait partie intégrante de la culture. C’est alors à juste titre que (Radcliffe Brown 1968 :17) disait :
«L’univers est […] une totalité réglée par un ordre moral ou social par des lois rituelles ou religieuses, et non par des lois naturelles.» .
En bref, le rôle que peut ou doit jouer la discipline «malgache» s’annonce déjà au travers de l’approche spatiologiste. Ce qui nous amène à voir les théories sociales de l’éducation qui sont nécessaires pour atteindre l’éducation environnementale.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIEREPARTIE METHODOLOGIE
1. LA NECESSITE D’UNE APPROCHE MULTIPLE
1.1. Les possibilités de l’anthropologie
1.2.L’approche systèmique
1.3. Le spatiologisme
1.4.Théories sociales de l’Education
1.4.1.Les pédagogies de conscientisation
1.4.2. Les théories écosociales de l’éducation
2.DEMARCHES ADOPTEES
2.1. Etudes préliminaires
2.2. Préparation technique et élaboration des questionnaires
2.3.Travaux de terrain
2.3.1. Choix de la circonscription étudiée
2.3.1.1. Critères de choix
2.3.1.2. Critères d’échantillonnage
2.3.2. Observation participante
2.3.3.Entretiens
2.3.3.1.Entretien individuel
2.3.3.2. Entretien de groupes
2.3.4. Observations de classe
2.3.5.Dépouillement des cahiers de texte des trois dernières années
2.3.6.Nos propres pratiques
2.4.Exploitation et analyse de données
2.4.1. Dépouillement des données
2.4.2. Saisie des corpus de travail collectés
2.4.3. Le traitement de données
3.DISCUSSION SUR LA METHODOLOGIE
3.1. Avantage de la méthodologie
3.2. imite de la méthodologie
DEUXIEME PARTIE : RESULTATS
1. QUELQUES DEFINITIONS
1.1. L’éducation
1.2. L’Environnement
1.3. L’éducation à l’environnement
1.4. Objectifs de l’éducation à l’environnement
1.5. Historique de l’éducation à l’Environnement dans le monde
2. LES CAUSES DE L’ECHEC DE L’EDUCATION ENVIRONNEMENTALE
2.1. La protection de l’Environnement et les problèmes socio-économiques
2.2. Approches inefficaces
3.ETAT DES LIEUX SUR L’ÉDUCATION ENVIRONNEMENTALE DANS LE SYSTEME EDUCATIF MALGACHE
3.1. Indices officiels : Identification de la dimension socioculturelle
3.1.1.Les textes réglementaires
3.1.1.1. La Charte de l’Environnement
3.1.1.2. Les programmes scolaires des classes de terminales A, C, D à partir de l’année scolaire 1998-1999 suivant l’Arrêté N° 2532/98-MINESEB
3.1.1.3. La note circulaire N° 02/0180 du 02 Août 2002 du MINESEB
3.1.1.4. Le Décret N°2002-751 du 31 Juillet 2002 fixant la Politique Nationale d’Education Relative à l’Environnement
3.1.1.5. La Loi N°2004-004 du 26 Juillet 2004 portant orientation générale du Système d’Education, d’Enseignement et de Formation à Madagascar
3.1.2. Les institutions liées à l’environnement
3.1.2.1. Le Bureau Programme éducation environnementale (BPEE)
3.1.2.2. Le Centre Culturel Educatif et Environnemental
3.2.- Indices réels: Absence de la dimension socioculturelle
3.2.1. La place de l’Education Environnementale dans le Secteur Educatif
3.2.1.1.Au niveau des décideurs
3.2.1.2. Au niveau des enseignants
3.2.1.3. Au niveau des programmes scolaires
3.2.1.4.Au niveau des méthodes pédagogiques
3.2.1.5.Au niveau des examens officiels
3.2.2. La place d’Education Environnementale dans la discipline « malgache »: Cas de la CISCO d’Ambohidratrimo
3.2.2.1. Présentation de la Circonscription Scolaire d’Ambohidratrimo
3.2.2.2. Force et faiblesse de l’éducation environnementale dans la CISCO d’Ambohidratrimo
3.2.2.3. Présentation des Etablissements étudiés
3.2.2.4. Approche d’éducation environnementale basée sur les composantes physiques et biologiques de l’environnement
3.2.3. La place de l’éducation environnementale dans la discipline « malgache »
3.2.3.1. Absence de l’éducation environnementale dans la discipline «malgache »
3.2.3.2. Potentialités de la discipline « malgache »
TROISIEME PARTIE : DISCUSSION
CONCLUSION