Contexte général et choix du sujet
Les forêts sont des sources de nourriture, de refuge, de combustibles et médicaments pour de nombreuses populations. Ainsi, 350 millions de personnes dans le monde vivent dans l’espace forestier (FAO, 2008 in Vololonirainy, 2010), 1,2 milliard de personnes dans les pays en voie de développement dépendent des systèmes d’exploitation agro forestiers (Banque mondiale, 2004 in Vololonirainy, 2010) et 60 millions des peuples autochtones dépendent presque entièrement des forêts (FAO, 2011). Malgré ces rôles économiques, sociaux et écologiques, la déforestation s’effectue actuellement de manière alarmante. Depuis quelques années, elle s’est accélérée surtout dans les zones tropicales et les pays du Sud. Les forêts tropicales sont plus touchées par ce problème, entre 2000 et 2010, l’Amérique du Sud et l’Afrique ont perdu respectivement 4 millions et 3,4 millions d’hectares par an (Garric, 2010). A Madagascar, en 1950, la forêt primaire couvrait encore 25% de la superficie totale et pour réduire à 16% en 2002 (Ministère de l’environnement, 2002). Cette situation préoccupante justifie l’orientation des stratégies de la nouvelle politique forestière, définie en 1992, sur la nécessité de la participation des populations locales dans la gestion des ressources forestières. Malgré l’adoption de la nouvelle politique forestière, le lien entre protection durable et développement local n’est pas encore identifié dans notre pays (Toilier et Serpantie, 2006, in Vololonirainy, 2010). Par contre, la forêt possède encore un potentiel économique insuffisamment mise en valeur. Il s’agit des Produits Forestiers Non Ligneux (PFNL). (Paupert, 2005). En 1991, le département des forêts de la FAO a lancé un programme pour promouvoir et valoriser les PFNL. Ce programme s’est fixé trois objectifs différents : la gestion durable des forêts, la conservation de la diversité biologique et l’amélioration de la sécurité alimentaire. Par définition, les PFNL sont « des biens d’origines biologiques autres que le bois, ou des services dérivés des forêts ». (FAO, 1995). On peut classer les PFNL en deux catégories: les produits végétaux (aliments, fourrage, matière première pour produits médicinaux et aromatiques…) et les produits animaux (animaux vivants, viande de chasse, miel sauvage et cire d’abeille…). Les produits apicoles sont classés parmi les produits animaux des PFNL. Le terme apiculture désigne à la fois l’élevage des abeilles et l’exploitation des produits (miel, gelée royale, pollen et cire). C’est une activité pratiquée depuis la plus haute Antiquité et elle serait originaire de Proche-Orient (Encarta, 2007). L’apiculture est un secteur promoteur de l’économie agricole, tant par le rôle joué par les populations d’abeilles dans la pollinisation que dans la production des produits apicoles. D’après Gester en 2012, la liste des plantes à fleurs pollinisées par les abeilles représente environ 170 000 espèces, dont celle des 40 000 ne peuvent se réaliser sans l’intervention des abeilles. Le rôle des abeilles dans la conservation et le développement de la population est encore peu connu et ainsi mal apprécié dans les programmes et les activités du développement local. Cependant, l’apiculture joue un rôle important aussi bien dans la reforestation par le biais de la pollinisation que dans l’amélioration du niveau de vie des populations locales. La pratique de l’apiculture permet d’assurer à la fois la conservation de la forêt et le développement de la population riveraine. Ces rôles et fonction de l’apiculture orientent et justifient le choix de notre thème de recherche qui s’intitule « La place de l’apiculture dans la conservation de la forêt de Manombo Farafangana ». La forêt de Manombo est choisie comme site de recherche en tant que dernier vestige de la forêt dense humide du Sud-est de Madagascar.
Les colonies d’abeilles sauvages
Dans le domaine de l’apiculture, les races européennes Apis mellifera sont généralement utilisées. Ces espèces d’abeilles proviennent d’Afrique et du Moyen-Orient. À Madagascar, les apiculteurs élèvent pour la plupart des Apis mellifera var unicolor. Cette espèce endémique à Madagascar a été introduite aux îles Mascareignes5 au XVIIe siècle. Elles colonisent n’importe quel milieu sur la grande île, et ce, quel que soit le climat, sec ou humide, en altitude ou en plaine. Mais les caractéristiques de leur lieu d’implantation influence leur comportement. Les abeilles des Hautes Terres sont peu agressives. Elles sont sédentaires et travailleuses. Les abeilles des côtes sont quant à elles assez agressives et paresseuses. Ces insectes vivent en colonie et en liberté. Une seule reine domine des milliers d’ouvriers et quelques certaines de mâles. Cette reine est l’unique pondeuse qui assure la multiplication des espèces. Ce mode de vie sociale qui classifie l’abeille Apis mellifica dans la famille des APIDAE et le genre Apis (Annexe Ia). Dans la forêt de Manombo, ces types d’abeilles abondent. À l’état sauvage, elles sont très faciles à capturer et à mettre en ruche. Ces colonies ont un grand besoin en plantes mellifères pour satisfaire leurs besoins vitaux. La forêt de Manombo est également riche en plantes mellifères
L’insuffisance de ruches utilisées par les apiculteurs
L’exploitation apicole peut être une source de revenu principale lorsqu’un apiculteur utilise au moins 10 à 20 ruches. En effet, le rendement est considérable parce que plus les ruches sont nombreuses, plus le rendement est élevé et apporte ainsi des revenus importants pour l’exploitant, ce qui peut satisfaire les besoins annuels des ménages apiculteurs. Par contre, lorsque les ruches utilisées sont insuffisantes c’est-à-dire moins de dix, le rendement est moyen voire même faible. Donc, les revenus restent complémentaires. Dans la région de Manombo,parmi les villageois enquêtés, aucun ne dispose d’une dizaine de ruches. Un paysan dispose d’un maximum de 5 ruches représentant 15.79 % des apiculteurs (figure 5). Ceux qui ont recours à une seule ruche représentent 31.58 % des apiculteurs (figure 5). Ce qui signifie que, les ruches utilisées par le paysan restent insuffisantes pour que l’apiculture soit une activité principale.
L’essaimage
L’essaimage consiste à poser la ruche dans un endroit non investi par les colonies d’abeilles. Ces ruches se trouvent dans la forêt ou au cœur des champs de culture. La population utilise des produits “attire-essaim” pour capturer les colonies. La cire d’abeille associée à de la citronnelle est à cet effet placée dans la ruche ou sur une caisse déposée à l’endroit repéré. Cette opération se déroule durant le mois de septembre (tableau 5) car les essaims migrent vers la forêt pour profiter de leur floraison en cette saison, c’est le début de la floraison. Cette activité est nécessaire pour ceux qui veulent démarrer l’apiculture. Autrement dit, c’est l’activité primordiale de l’élevage d’abeille. Les paysans profitent ce moment pour piéger des colonies à nidifier. Parfois, ils ont toujours réussi l’opération grâce à l’abondance des colonies dans la forêt. Cette action ne prend pas beaucoup de temps car il suffit juste de poser la ruche et attendre une semaine après pour que les colonies soient bien installées, puis on la récupère. De ce fait, les villageois peuvent faire ses activités agricoles sans interactions.
Le miel : un produit nutritif et thérapeutique
Le miel est le principal produit de la ruche. Il est fabriqué par les abeilles et leur sert de nourriture. C’est un élément sucré et visqueux. Généralement, le miel est le résultat de l’action d’une enzyme fournie par l’abeille sur le nectar qu’elle a préalablement butiné sur une fleur. S’en suit une autre série de réactions chimiques à l’intérieur de la ruche pour donner le miel que les abeilles déposent dans les alvéoles. La majorité de la population riveraine de Manombo utilise le miel surtout comme produit pharmaceutique. Les apiculteurs l’utilisent en guise de remplacement du sucre. Il peut être mélangé avec du café ou du manioc. Parfois, les enfants mangent aussi les brèches pour leur goûter. Ainsi, un ménage consomme entre 0.25 à 1 litre de miel par an seulement pour leur médicaments (enquêtes, 2013). En effet, le miel a se riche et vertus en tant qu’ aliment riche et énergétique, il contient 335kcal/100g (Andriamarovololona, 2003), des vitamines (B1, B2, B3, B5, B6, et C), en plus petite quantité de vitamine A, B8, B9, D et K , des acides organiques et des sels minéraux composés de plus d’une trentaine d’éléments. Ce produit tient donc, une place importante dans la nourriture de la population locale car il peut remplacer le sucre à cause des apports énergiques que le sucre important. Grâce aux facteurs antibiotiques regroupés sous le nom de l’inhibine, le miel tient une place déterminante dans la vie sanitaire de la population locale. Chaque ménage stock quelques centilitres de miel pour soigner certains maladies comme la toux ou les maux de gorge en le mélangeant avec de l’eau chaude. Il permet également de faire un massage thérapeutique, calmer la douleur causée par les vaccins et les piqûres. Enfin, il contribue au traitement des plaies et des brûlures. A ces effets, l’utilisation du miel comme produit médicinal résout en moitié l’absence des médicaments dans la zone ainsi que son éloignement du centre de santé de base11.
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Table des matières
INTRODUCTION
Première partie : LA FORET DE MANOMBO : UNE RESSOURCE FAVORABLE POUR LA PRATIQUE APICOLE
Chapitre I : Les ressources apicoles dans la forêt de Manombo
I. 1. Les disponibilités en ressources naturelles pour la pratique de l’apiculture
I.2. Les acteurs innovateurs à la pratique de l’apiculture
Chapitre II : L’importance des pratiques apicoles traditionnelles
II.1. La diversité des pratiques apicoles locales
II. 2. L’apiculture : une activité secondaire
Deuxième partie : LES APPORTS BENEFIQUES DE LA PRATIQUE DE L’APICULTURE DANS LA ZONE FORESTIERE DE MANOMBO
Chapitre III: L’apiculture: productrice des produits utiles et source de revenu complémentaire
III.1. Les usages locaux des produits apicoles
III.2. La vente des produits apicoles : source de revenus complémentaires
Chapitre IV : L’apiculture : facteur de préservation des diversités biologiques
IV.1. L’abeille : un agent pollinisateur par excellence
IV-2- L’enruchement des abeilles maintient la raréfaction des colonies
Troisième partie : LA PRECARITE DE L’ACTIVITE APICOLE DANS LA FORET DE MANOMBO
Chapitre V : Les contraintes d’ordre écologique et anthropique
V.1. La destruction des ruches et la disparition des colonies par des fortes pluies
V.2. La saisonnalité de la floraison des essences mellifères limite les produits apicoles
V.3. Diminution des espèces mellifères par la déforestation
V.4. Les ennemis et prédateurs des abeilles dans la région de Manombo
Chapitre VI : Le contexte local : un facteur limitant le développement de l’activité apicole.
VI.1. L’insécurité décourage la population locale à investir dans l’activité apicole
VII.2. Amélioration technique limitée par l’absence de formations et de matériels
VI.3. La varroase : une maladie des abeilles redoutable
VI.4. L’apiculture face à l’invasion acridienne
VI.5. Perspective pour le développement de l’apiculture dans la zone forestière de Manombo
CONCLUSION GENERALE.
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