La place de l’adhésion des familles au projet thérapeutique en unité de soins palliatifs

Je suis infirmière dans une Unité de Soins Palliatifs depuis octobre 2016, date à laquelle le service a été créé. Je fais donc partie d’une équipe qui s’est constituée dans son intégralité à ce moment. Dès le départ, nous avons le projet commun d’accorder une place prépondérante à la famille dans notre prise en charge soignante car il nous apparaît évident que cela est essentiel à la qualité de soins que nous entendons apporter aux patients. Forte de ces convictions, je suis déstabilisée lorsque pour la première fois dans ce service je rencontre de réelles difficultés dans l’accompagnement d’une famille, qui conduisent selon moi à un amoindrissement de la qualité de prise en charge de la patiente. C’est pourquoi je souhaite travailler sur cette situation par le biais de mon Récit de Situation Complexe Authentique.

Récit de la situation

Infirmière en Unité de Soins Palliatifs (USP), je prends en charge Madame B., patiente transférée du service de Court Séjour Gériatrique (CSG) pour prise en charge palliative dans un contexte d’Accident Vasculaire Cérébral (AVC) sylvien gauche ayant entrainé une hémiplégie droite et une aphasie. Madame B. ayant déjà eu trois AVC par le passé elle souffre d’une très importante altération de ses capacités physiques et cognitives. Elle a été récusée par la neurochirurgie pour une thrombectomie l’AVC étant déjà constitué lors de son hospitalisation, c’est pourquoi la décision de ne pas pratiquer d’acharnement thérapeutique a été prise de façon collégiale. La famille a été informée de cette décision et l’accepte.

Madame B. est une patiente âgée de 81 ans, d’origine marocaine et de religion musulmane. Elle est veuve et a sept enfants, trois garçons et quatre filles qui sont tous très présents. Ils se relaient à tour de rôle à son chevet afin qu’il y ait une présence constante autour d’elle. L’une de ses filles, Madame F. est infirmière et elle a été désignée comme sa personne de confiance. D’après les enfants Madame B. ne parlait que très peu le français avant son AVC et comprenait uniquement les phrases simples. Lors de son arrivée en USP le vendredi 22 septembre 2017 Madame B. est sous Hypnovel* par voie sous-cutanée à 0,2mg/h en continu à la seringue auto-pulsée, avec des bolus de 2mg si besoin. Ce traitement a été débuté en CSG suite à des épisodes d’agitation lors desquels Madame B gémissait, avait un faciès crispé et paraissait inconfortable. Elle a une hydratation par voie sous-cutanée également, Glucidion* 500ml/24h, qui sera stoppée le 24 septembre en raison d’un début d’encombrement bronchique.

Un traitement antalgique par Oxynorm* sous-cutané a été débuté également le 24 septembre à 0.2 mg/h en continu avec des interdoses de 2mg à administrer si besoin à la seringue autopulsée, car Me B. était algique lors des mobilisations. La décision a été prise dans le service de CSG de ne pas débuter d’alimentation artificielle. Je rencontre Madame B. pour la première fois le 25 septembre. Je suis en poste de jour, de 7h à 19h et le matin j’effectue sa toilette en binôme avec ma collègue aidesoignante. Deux des filles de Madame sont présentes dans la chambre à ce moment-là et nous demandent si elles doivent sortir. Nous leur expliquons que non seulement elles peuvent rester, mais qu’elles peuvent également participer au soin si elles le désirent. La fille aînée choisit de rester, elle participe essentiellement en effectuant après la toilette intime un rinçage à l’eau de source sur le bassin, et en effectuant un soin de bouche à l’eau de source également après que nous lui ayons montré comment utiliser le set dédié. Face aux interrogations de ma collègue, elle nous explique qu’il ne s’agit pas de rites religieux mais plutôt d’habitudes culturelles. Le soin se déroule sans problème, Madame B. parait ne pas souffrir. Je reviens travailler le 28 septembre, de jour également. En fin de matinée je vais avec ma collègue aide-soignante faire la toilette de Madame B., la même fille que trois jours plus tôt est présente. Nous préparons le matériel nécessaire au déroulement du soin, puis nous commençons la toilette. Lorsque je m’apprête à retirer la chemise de nuit de Madame B., je constate qu’elle est douloureuse à la mobilisation du bras : elle grimace, gémit. J’évalue sa douleur au moyen de l’échelle Algoplus, alors en vigueur dans le service, que je côte à 3/5.Je décide alors d’interrompre le soin. J’explique à sa fille que je vais lui administrer une interdose d’Oxynorm* afin de soulager la douleur, et reprendre la toilette une heure plus tard lorsque l’antalgique sera au maximum de son efficacité. Elle est alors réticente, me dit que ce n’est pas nécessaire et qu’elle n’a pas l’impression que sa maman soit douloureuse. Le médecin arrive sur cet entrefait, et confirme qu’il faut une interdose. Je l’administre et avec ma collègue nous réinstallons confortablement la patiente puis nous quittons la chambre en expliquant à la fille que nous revenons dans une heure terminer le soin. Lorsque nous revenons une heure plus tard, la même fille et une de ses sœurs ont visiblement terminé la toilette elles-mêmes et finissent d’installer leur mère dans le lit. Nous sommes encore sur le seuil de la porte lorsqu’elles nous disent que c’est bon, qu’elles ont terminé et que nous pouvons repartir. Leurs visages sont «fermés», et j’ai le sentiment qu’elles sont en colère. Je leur redis que nous avions volontairement attendu une heure afin que le soin soit effectué sans douleur pour leur maman. L’aînée me répond que c’est bon, qu’elle n’a pas eu mal. Je transmets cette information au médecin du service, qui me dit qu’il aura un entretien avec les enfants de la patiente pour en discuter.

A partir de ce moment et durant tout le reste de la journée je ressens une hostilité de la part des enfants, ils nous laissent peu nous occuper de la patiente, effectuent euxmêmes les massages et les soins de bouche. J’en discute avec ma collègue qui a le même ressenti que moi. Deux jours plus tard je reviens travailler de nuit. Ma collègue de jour me transmet qu’il est difficile de prendre en charge Madame B. notamment sur le plan de la douleur, car d’une part ses filles effectuent elles-mêmes jour et nuit tous les soins de confort et d’hygiène, qui sont des moments clés pour évaluer la douleur, et d’autre part les enfants sont tous réticents quant à l’usage de l’Oxynorm*, notamment Madame F. qui est infirmière et a dit à ses frères et sœurs que c’était un produit dangereux qui pouvait accélérer le décès de leur mère. Elle a d’ailleurs dit au médecin lors d’un entretien que ce n’était pas pour rien si la morphine s’appelait ainsi, car d’un point de vue sémantique si on décomposait le terme en deux mots cela faisait « mort fine ». En fin d’après-midi, Madame B. étant douloureuse ma collègue de jour a augmenté la dose de fond d’Oxynorm* de 0.2 à 0.4mg/h selon la prescription (« à augmenter de 0.2 en 0.2 si besoin »). Lorsque j’effectue mon premier tour du soir à 20h, deux des fils de Madame B. sont présents dans la chambre. Le plus âgé des deux m’exprime son mécontentement par rapport à l’augmentation du traitement antalgique, il me dit qu’il a l’impression que sa mère est beaucoup plus endormie depuis que ça a été fait, et que nous avons doublé la dose, ce qui est énorme surtout pour sa mère qui n’avait jamais reçu ce type de traitement jusque-là. Pour ma part je trouve Madame B apaisée, l’expression de son visage est détendue. Je lui explique que sa mère est effectivement un peu plus endormie, probablement parce qu’elle est mieux soulagée et donc détendue, et que par ailleurs la dose même si elle a été doublée reste faible, et que cela ne va pas accélérer le décès de sa maman, mais simplement lui apporter davantage de confort. Il me répond que le problème est que nous n’avons pas la même interprétation de la douleur, et que là où l’équipe soignante voit de la douleur, lui trouve que l’expression de sa mère est normale. Il me dit que par ailleurs lui et ses frères et sœurs ne sont pas des monstres, et qu’eux non plus ne souhaitent pas que leur mère souffre. Le réitère mon positionnement en expliquant que selon mon évaluation la patiente est soulagée et apaisée, et que l’antalgique restera à la même dose. Je l’invite par ailleurs à solliciter un entretien auprès du médecin afin qu’il puisse s’il le souhaite obtenir davantage d’information concernant les traitements que reçoit sa maman.

Je ne revois pas la patiente qui décède le 6 octobre 2017, mais j’apprends quelques jours plus tard en prenant mon poste que le lendemain dans la journée, après que les enfants aient eu un entretien avec le médecin la dose de fond d’Oxynorm* a été finalement diminuée à 0.2mg/h. Le traitement antalgique est resté identique jusqu’au décès de la patiente, et la famille a continué à se charger de tous les soins d’hygiène et de confort, laissant peu intervenir l’équipe soignante. Les soignants ont eu l’impression à plusieurs reprises que la patiente n’était pas soulagée, notamment lors de la toilette intime à l’eau de source sur le bassin.

Les problèmes que pose cette situation sont 

L’Accident Vasculaire Cérébral
Les séquelles qui en résultent :
➤ hémiplégie droite
➤ aphasie, absence de communication .

Une prise en charge de la douleur insuffisante, liée aux réticences et craintes de la famille ainsi qu’à une difficulté à pouvoir évaluer la douleur du fait de la nonréalisation des soins par les soignants et du fait que patiente n’est pas en mesure de s’exprimer.(critères subjectifs) Le manque de confiance de la famille vis-à-vis de la prise en charge médicale et paramédicale. Le sentiment d’inutilité qui se développe chez les soignants au fur et à mesure qu’ils sont éloignés des soins d’hygiène et de confort.

Les problèmes que me pose cette situation

La conviction que la prise en charge de la douleur aurait été plus efficace si les enfants n’avaient pas eu cette méfiance vis-à-vis de notre prise en charge et des traitements. La souffrance de la patiente (objectivée par l’échelle Algoplus). Le fait de ne pas avoir réussi à instaurer un climat de confiance avec les enfants.

Le sentiment « d’inutilité soignante » et la frustration qui en résulte. Le fait de ne pas effectuer pleinement mon rôle soignant (dans la mesure où la prise en charge de la douleur n’est pas efficiente…).

La recherche documentaire

L’Unité de Soins Palliatifs

Il paraît utile dans un premier temps de définir ce que sont les soins palliatifs : Définition de la loi n°99-477 du 9 juin 1999 : « Les soins palliatifs sont des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage. » Selon la définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de 2002 : « Les soins palliatifs cherchent à améliorer la qualité de vie des patients et de leur famille, face aux conséquences d’une maladie potentiellement mortelle, par la prévention et le soulagement de la souffrance, identifiée précocement et évaluée avec précision, ainsi que le traitement de la douleur et des autres problèmes physiques, psychologiques et spirituels qui lui sont liés. » Selon la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), 1996 : « Les soins palliatifs sont des soins actifs délivrés dans une approche globale de la personne atteinte d’une maladie grave, évolutive ou terminale. L’objectif des soins palliatifs est de soulager les douleurs physiques et les autres symptômes, mais aussi de prendre en compte la souffrance psychologique, sociale et spirituelle. Les soins palliatifs et l’accompagnement sont interdisciplinaires. Ils s’adressent au malade en tant que personne, à sa famille et à ses proches, à domicile ou en institution. La formation et le soutien des soignants et des bénévoles font partie de cette démarche. Les soins palliatifs et l’accompagnement considèrent le malade comme un être vivant et la mort comme un processus naturel. Ceux qui les dispensent cherchent à éviter les investigations et les traitements déraisonnables. Ils se refusent à provoquer intentionnellement la mort. Ils s’efforcent de préserver la meilleure qualité de vie possible jusqu’au décès et proposent un soutien aux proches en deuil. Ils s’emploient, par leur pratique clinique, leur enseignement et leurs travaux de recherche à ce que ces principes puissent être appliqués ».

Qu’est-ce qu’une USP ?
Selon la SFAP : « les Unités de Soins Palliatifs (USP) sont des structures d’hospitalisation d’environ dix lits accueillant pour une durée limitée les patients en soins palliatifs. Les USP sont constituées de lits totalement dédiés à la pratique des soins palliatifs et de l’accompagnement. Elles réservent leur capacité d’admission aux situations les plus complexes et/ou les plus difficiles. Elles assurent ainsi une triple mission de soins, d’enseignement et de recherche. » .

Le docteur Maurice Abiven, qui a ouvert en 1987 la première unité française de soins palliatifs à l’Hôpital international de l’Université de Paris, souligne dans la description qu’il fait de son unité l’importance de la place accordée aux familles dans la prise en charge des patients, avec des conditions matérielles optimales prévues pour faciliter et encourager leur présence. Cela se traduit notamment par la présence d’un salon qui leur est dédié, la possibilité d’installer un lit d’appoint dans la chambre du proche malade ainsi qu’un règlement intérieur qui permet les visites à tout moment du jour et de la nuit. Concernant les visites il n’y a pas de limites d’âge (les jeunes enfants peuvent venir). Plus loin il décrit le service dans l’unité comme « un service à la carte» , où le personnel s’adapte au rythme du patient et non l’inverse. Il n’y a pas de réveil ou de repas à horaires fixes par exemple, et les soins sont personnalisés en fonction des besoins de chaque patient.

Le projet thérapeutique

Dans le Dictionnaire illustré des termes de médecine , le mot « thérapeutique » est défini comme la « partie de la médecine qui s’occupe des moyens propres à guérir ou à soulager les malades ». Il est précisé que « ce terme est souvent employé de façon incorrecte comme synonyme de traitement ». En USP, le projet thérapeutique a une signification toute particulière. En effet il ne va plus être question de traiter une pathologie dans un but de guérison, mais d’accompagner une personne dans les derniers moments de sa vie. De ce fait, la qualité de vie va primer sur sa quantité. Maurice Abiven fait bien la distinction entre soigner et guérir, entre le « care » et le « cure » : le fait de ne plus pouvoir guérir une pathologie ne signifie pas qu’il n’y a plus de soins à apporter, bien au contraire.

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Table des matières

I. Introduction
II. Récit de la situation
III. Les problèmes que pose cette situation
IV. Les problèmes que me pose cette situation
V. La problématique
VI. La recherche documentaire
1) L’Unité de Soins Palliatifs
2) Le projet thérapeutique
3) L’adhésion
4) Familles et soignants
VII. Synthèse
VIII. Conclusion

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