La place de la santé sexuelle en consultation menée par une sage-femme

Sexualité et santé sexuelle

La sexualité, une définition compliquée ?

Face à la première question du guide d’entretien qui était « quelle est votre définition de la sexualité? », seulement 2 sages-femmes sur 8 n’ont pas eu de grandes difficultés à donner leur définition. La majorité des interviewées sont quant à elles étonnées d’avoir à répondre à cette question : « c’est une définition très compliquée, je m’y attendais pas à ce genre de question, très intéressante pour le coup mais … » (C). Certaines mentionnent qu’elles auraient eu besoin d’une réflexion préalable sur la question : « Olala c’est dur ça. J’aurais du y réfléchir avant » (H), voire jusqu’à demander de revenir à la question plus tard : « On a le droit d’y réfléchir un peu et de revenir ou non ? » (B). Ainsi, cette notion ne semble pas être si simple pour ces professionnels de santé qui ont été dans l’embarras, et ont eu de nombreuses hésitations lors de leurs réponses.

L’importance de la sexualité dans les relations

Pour la plupart des sages-femmes interrogées, la sexualité a une part importante à jouer dans les relations humaines, notamment les relations amoureuses « pour moi c’est une partie importante de ta relation, en général amoureuse » et « dans le cadre d’un couple » (D). La sexualité a un rôle à jouer dans «les relations avec l’autre ou les autres», car en effet, les sages-femmes soulignent le fait que celle-ci ne se limite pas à la relation conjugale, mais est une « pratique, solo, en groupes ou en binôme » « seul ou à plusieurs » (C) et indépendamment de l’orientation sexuelle « qu’elles soient [les personnes] femme-homme ou 2 hommes ou 2 femmes » (B).

La sexualité comme partie intégrante de la santé

La sexualité est considérée comme placée « au cœur de l’équilibre, si on le souhaite», car en effet selon la sage-femme A, « selon la façon dont ça se passe, ça peut avoir des répercussions sur l’ensemble de l’homéostasie, sur l’équilibre corporel et psychique », soit « des répercussions sur la santé ». Madame H, insiste sur le fait que la sexualité fasse partie intégrante de la santé d’une personne car selon elle, « c’est une facette comme d’autres facettes, c’est une part de ce qui fait qu’on est humain, ça fait partie intégrante de la santé », jusqu’à avoir un « impact sur la santé globale ». Pour l’une d’entre elles (B), « c’est un thème important de santé publique autant que les autres domaines, c’est aussi important que de boire, de manger, d’avoir suffisamment chaud ». Ces dernières placent donc la sexualité au même titre que les autres besoins élémentaires de l’Homme tel que l’alimentation. Madame B, conclue en disant que pour elle « ça prend part à la santé globale de quelqu’un ».
Néanmoins, si certaines ont une approche positive de la sexualité : « quand tout va bien, ça fait qu’on est en bonne santé » (G), « une bonne sexualité participe à un bien-être global » (D), pour d’autres une sexualité altérée peut avoir des « répercussions physiques et psychiques » (C). En effet, la sexualité est un sujet de santé « d’un point de vue médical, car en lien avec des douleurs ou de santé mentale en lien avec des traumatismes, conscients ou inconscients », en conclusion « c’est un sujet de santé car attrait au mental comme au physique » (G). Monsieur C, va même jusqu’à donner une place plus importante à «l’impact psychologique, avant le corporel».

Quel professionnel pour aborder la santé sexuelle avec les femmes en consultation ?

La sage-femme face aux autres professionnels de santé

Le thème de la santé sexuelle lors d’une consultation avec un professionnel de santé comme le médecin traitant par exemple, est un sujet très peu abordé dans la vie des femmes. En effet, plusieurs sages-femmes relatent le fait que cet item n’ait jamais été abordé lors d’une consultation antérieure : «on m’a déjà dit que ça n’avait jamais été abordé» (G) voire même « des jeunes filles qui sont accompagnées de leur maman, souvent elles me disent que elles, on ne leur avait jamais demandé » (G).
Ce sujet est également très peu abordé dans la sphère familiale et dans l’entourage d’une femme comme le souligne Madame F, « il y a vraiment des questions qui n’osent pas être abordées dans le domaine familial ou avec les amis, et que là ça peut être vraiment discuté à ce moment là», valorisant la place de la sage-femme dans la prise en charge de la santé sexuelle des femmes, tout comme cette sage-femme (H) qui pense que «si nous on est pas là pour l’aborder, ça peut ne jamais être abordé ». De plus, comme le dit Madame D, « si on y met un tabou, les femmes n’en parleront pas forcément à leur médecin traitant » car selon elle, hormis auprès de la sage-femme «les femmes n’ont pas l’occasion d’en parler. Les gens n’en parlent pas dans le milieu médical alors que c’est important.». Ces 4 sages-femmes valorisent donc la sage-femme comme étant une interlocutrice essentielle à l’abord de la santé sexuelle des femmes lors d’une consultation comme le dit l’une d’elles « c’est plus facile pour une sage-femme que pour un médecin».

Quelle légitimité pour la sage-femme à parler de sexualité avec ses patientes ?

Notre profession, du fait de notre patientèle, fait que l’ « on a forcément la moitié du genre à notre portée au quotidien », comme nous le rappelle Monsieur C. La sage-femme possède pour certaines, une place importante dans la prise en charge de la santé sexuelle du couple, celle-ci étant « un partenaire privilégié de la santé des mères » mais aussi des couples. L’une d’entre elles (H) nous évoque la relation spéciale de la sage-femme avec ses patientes en expliquant qu’elle « a un lien qui est assez unique ». Pour Madame A, « s’il n’y a pas de sexualité, il n’y a pas de sage-femme ! », plaçant celle-ci comme unique interlocutrice légitime pour aborder la santé sexuelle des femmes, tout comme le pense Monsieur C : « On ne peut pas ne rien connaitre en sexualité et être une sage-femme parce que ce n’est pas cohérent ».
A l’unanimité, la sage-femme semble donc être tout à fait légitime à aborder la santé sexuelle avec ses patientes, car en effet « c’est notre rôle, en tant que sage-femme en consultation, d’aborder le sujet » comme le souligne l’une d’elles (E). Une autre précise « si il y a un endroit en tout cas où on peut parler sexualité, c’est peut-être ici. »tout en mettant en valeur la neutralité du professionnel : «de se dire que moi je suis neutre et que ça sortira pas d’ici, ça peut parfois valoir le coup. » (B)
Lorsqu’une patiente consulte une sage-femme, elle se retrouve être « vraiment au bon endroit pour en discuter. » selon la sage-femme G. Notre profession, par son rapport unique avec la grossesse et les femmes, «fait qu’il y a une intimité qui est assez proche avec les patientes» (C) jusqu’à instaurer une relation de confiance entre le soignant et le soigné : «Il y a un suivi qui s’instaure et une certaine confiance», « On sent qu’on est confident justement » (H).

Quel rôle pour la sage-femme dans la prise en charge de la santé sexuelle ?

Infections sexuellement transmissibles et contraception

La moitié des sages-femmes interrogées précisent le rôle crucial qu’elles ont dans la prévention des IST, comme madame F qui va même jusqu’à répondre à la question « En quoi la sexualité peut être un sujet de santé ? » : « A cause des IST, pour moi c’est évident !».
La sage-femme a donc un rôle d’information et de prévention vis-à-vis des IST, comme le dit madame A : «c’est parler un petit peu … de la protection en fait vis-à-vis des maladies sexuellement transmissibles», tout comme madame B pour qui aborder la santé sexuelle avec ses patientes lui permet de « voir le comportement sexuel de la personne et on peut adapter nos conseils en terme d’IST ».
La contraception est également évoquée lors de nos entretiens : « Je parle tout le temps de la contraception à la fin de la grossesse » (D), « nous on doit aborder le sujet par rapport à la contraception, surtout dans notre métier » (E). Ceci est cependant paradoxal, car seulement 2 sages-femmes évoquent la sexualité comme sujet de santé dans le cadre de la reproduction. En effet, Madame A considère la sexualité en tant que sujet de santé car « la sexualité amène au désir d’enfant et à la grossesse », tout comme Madame B qui exprime le fait que « c’est ce qui amène la grossesse, c’est ce qui amène le bébé etc ».

Accompagnement des femmes

Le rôle de la sage-femme dans la prise en charge de la santé sexuelle des femmes est considéré comme «primordial» pour madame H. Du fait de sa place particulière auprès des femmes, celle-ci va pouvoir agir de différentes façons : informations, explications, réassurance de la femme. Madame B répond à la question « Quel est le rôle de la sage-femme dans la prise en charge de la santé sexuelle des femmes ? » par : « accompagnement, écoute, compréhension de comment les gens fonctionnent, les modes de sexualité, ne pas être dans le jugement, accueillir ce qui vient ». Apporter des réponses aux questionnements et aux problèmes des femmes est également un des nombreux rôles de la sage-femme comme nous expriment ces professionnelles suivantes : « je teste des solutions, je leur propose des solutions » (C), « j’écoute et j’essaye de répondre dans la limite des compétences que j’ai » (D), « j’essaye d’apporter des réponses, des conseils pour améliorer si il le faut la situation pour régler des problèmes, si problème il y a » (A), « Je vais essayer de trouver, en tout cas éventuellement des astuces, des solutions possibles, en tout cas des axes d’améliorations » (B).

Quelles sont les connaissances des sages-femmes sur la santé sexuelle féminine ?

La majorité des interviewées, estiment ne pas être suffisamment à l’aise avec les connaissances qu’elles possèdent pour accompagner et rassurer les femmes sur leur santé sexuelle. Pour illustrer, Madame E pense « qu’on est jamais complètement à l’aise. ». Si l’une d’entre elles se dit « pas encore au top », une autre va jusqu’à dire qu’elle « ne se sent pas assez formée pour l’intégrer dans l’interrogatoire ». Néanmoins, aucune des sages-femmes interrogées ne se sent dans l’impasse. En effet, toutes savent rebondir et aucune n’a exprimé s’être retrouvée dans une situation de grande difficulté. Madame H n’a «pas eu l’impression d’avoir eu de grosses lacunes», cette dernière estimant en savoir suffisamment dans le cadre des consultations qu’elle faisait.
Cependant, parmi les 8 sages-femmes interrogées, seulement 2 s’estiment à l’aise pour répondre aux questionnements des femmes. A la question, « estimez vous avoir suffisamment de ressources et de connaissances pour accompagner ces femmes ? », l’une d’entre elles (A) répond : « Là globalement, oui. » et l’autre (B) : « je me sens plutôt à l’aise et j’ai l’impression d’avoir un petit bagage qui m’aide à ne pas être trop gêner et à pouvoir répondre quand même à certaines questions ».

Table des matières

I- Introduction 
II- Matériels et méthode
1. Objectifs
2. Type d’étude
3. Population choisie
4. Outils
III- Résultats et analyse
1. Description de la population
2. Sexualité et santé sexuelle
2.1 La sexualité, une définition compliquée ?
2.2 L’importance de la sexualité dans les relations
2.3 Aspect émotionnel de la sexualité
2.4 La sexualité comme partie intégrante de la santé
2.5 Une sexualité altérée
2.6 Une sexualité dans le respect
3. Quel professionnel pour aborder la santé sexuelle avec les femmes en consultation ?
3.1 La sage-femme face aux autres professionnels de santé
3.2 Quelle légitimité pour la sage-femme à parler de sexualité avec ses patientes ?
4. Quel rôle pour la sage-femme dans la prise en charge de la santé sexuelle ?
4.1 Infections sexuellement transmissibles et contraception
4.2 Accompagnement des femmes
4.3 Réorientation
4.4 Le respect de l’intimité des femmes et des couples
5. L’abord de la santé sexuelle en consultation
5.1 Quand ?
5.2 Comment ?
5.3 Pourquoi ?
6. Quelles sont les connaissances des sages-femmes sur la santé sexuelle féminine ?
6.1 Formation initiale et continue
6.2 Impact de l’expérience
6.3 Crainte de ne pas avoir les réponses
6.4 Savoir reconnaitre ses limites
7. Les interlocuteurs
7.1 Ressenti de la sage-femme
7.2 Barrières
7.3 Réactions des femmes
IV- Discussion
1. Principaux résultats
2. Points forts et limites
3. Discussion des résultats
3.1 Définition de la sexualité
3.2 Santé sexuelle
3.3 Différents intervenants
3.4 Rapport à l’intimité et au tabou
V- Conclusion 

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