La place de la promotion et de la protection des droits de l’enfant au sein des BCMP

LA PLACE DE LA PROMOTION ET DE LA PROTECTION DES DROITS DE L’ENFANT AU SEIN DES BCMP

CADRE DE RECHERCHE ET THÉORIQUE 

En Suisse, pays réputé pour être un des berceaux des droits humains et de l’enfant, aucune Institution -nationale- des droits humains de l’enfant (ci-après INDHE), organe étatique indépendant doté d’un mandat constitutionnel ou législatif, ne répond aux exigences internationales fixées en la matière. Cela alors que ce type de structures n’a cessé de se développer à travers le monde depuis près de trois décennies, afin de promouvoir et protéger les droits fondamentaux des enfants. Cette situation demeure questionnante, la Confédération helvétique ayant ratifié la plupart des importantes conventions internationales relatives aux droits de l’enfant et s’étant ainsi de fait engagée activement à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en oeuvre les droits reconnus dans les différentes conventions et protocoles ratifiés par les responsables politiques helvètes. Pour la non-existence de ces institutions, la Suisse s’est fait réprimander à de nombreuses reprises par des instances internationales, dont le Comité des droits de l’enfant en 2002 et 2015, qui recommandent à chaque fois la mise en place d’une institution nationale indépendante sur le territoire, chargée de surveiller et d’évaluer les progrès dans le domaine de la mise en oeuvre des conventions liées aux droits de l’enfant ratifiées par la Confédération.

Ce positionnement des instances internationales et le non-aboutissement de résultats sur le territoire ont soulevé depuis presque deux décennies une mobilisation de la société civile en Suisse. Des entités politiques, sociales et universitaires helvètes percevant la nécessité de la création au minimum d’une Institution -nationale- des droits humains (ci-après INDH) dans laquelle pourrait être compris la thématique de l’enfant ou d’une INDHE ont ainsi mis sur pied ces dernières années des initiatives et motions parlementaires, des groupes de travail et un projet pilote.

Néanmoins, jusqu’à présent, le Conseil fédéral s’est montré réfractaire à la création d’une INDHE, estimant qu’il existe d’autres structures qui remplissent déjà ce rôle ; il serait pour lui plutôt nécessaire de coordonner les divers services existants. Pour illustrer cela, en septembre 2014, Christine Bulliard-Marbach, du parti démocrate-chrétien suisse, déposa au Conseil national la motion 14.3758 « Ombudsman indépendant pour les droits de l’enfant ». En réponse à cela, Alain Berset, conseiller fédéral, a considéré qu’il est, pour reprendre sa citation, « préférable de miser sur des structures aussi proches que possible des enfants, [structures] adaptées aussi à leurs spécificités. Et nous avons pour cela les services de médiation, au niveau cantonal, au niveau communal, qui remplissent cette fonction de l’avis du Conseil fédéral, mieux que ne le ferait un ombudsman national. » (L’Assemblée fédérale – Le Parlement suisse,2014). Le 14 août 2019, à la suite de la motion déposée par Noser Ruedi pour « créer un bureau de médiation pour les droits de l’enfant », le Conseil fédéral réitère l’avis qu’une telle institution ferait doublon aux services proposés par Kescha, Pro Juventute, ou le Comité des droits de l’enfant via le troisième protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant (ci-après CDE) lequel établit une procédure de présentation de communications, permettant aux particuliers qui ont épuisé les voies de recours internes, de dénoncer les violations des droits stipulés par la CDE.

Le dilemme de la différence, concept central de la recherche

La théorie du dilemme de la différence est essentielle à aborder dans ce travail, étant une base utile qui orientera l’analyse de données et aidera à répondre aux questions de recherche. En effet, il n’y a pas de réponse simple à apporter à la question centrale de ce travail. Il s’agit plutôt du fruit d’une fine analyse prenant en compte les intérêts et les désavantages à opter pour l’une ou l’autre option, sans stigmatiser les enfants, mais sans pour autant nier leurs spécificités. Le dilemme de la différence est ainsi au centre de notre questionnement, dilemme que Minow formule ainsi : « à quel moment reconnaître que la différence gêne ou stigmatise les gens et à quel moment le fait de les traiter de la même manière crée une insensibilité à la différence et gêne ou stigmatise les personnes sur cette base ?1 » (Minow, 1990 dans MC Mullen 1991).

Selon ce même auteur, cette théorie met en exergue le doute dans lequel nous sommes souvent placés, soit de prioriser l’intégration en traitant de manière similaire les individus ou soit de prôner la séparation par un traitement spécifique. Dans quelle mesure un traitement spécialisé et dissocié permet de véritablement prendre en compte les différences, de les intégrer dans nos analyses et y répondre adéquatement ? Est-ce que cette culture de séparer les choses ne consoliderait pas certaines distances qui pourraient être dépassées et n’enfermerait pas les gens dans un schéma et des stéréotypes inextricables ? A contrario, dans quelle mesure le traitement égalitaire, non différencié, qui remplit certes des critères formels d’égalité peut devenir source d’exclusion, et de négation ou d’omission de besoins spécifiques ? Les effets de la différenciation/catégorisation ne peuvent-ils pas non plus être perçus sous différents angles, oscillant entre stigmatisation pour certains et fierté ou chance pour les autres ? Comme le relève encore une fois Minow (dans MC Mullen 1991), les perceptions de la différence ne seraient-elles pas qu’une construction sociale dans la mesure où cela est inventé par l’Homme et est supporté de manière variée voire disproportionnée par certains membres de la société, suivant les représentations véhiculées, qu’elles soient positives ou négatives ? Des hiérarchies totalement arbitraires peuvent-elles ainsi être créées dans ce contexte ?

Méthodologie de la recherche

C’est par une approche interdisciplinaire et une analyse qualitative que sera abordé la question des activités et du fonctionnement des BCMP en perspective avec la promotion et la protection des droits de l’enfant. Ce sujet est aux confins de plusieurs disciplines et domaines, comme notamment le droit, les sciences politiques et sociales et la sociologie. L’interdisciplinarité, qui selon Darbellay et Paulsen (2008, p. 3-5) n’est pas à confondre avec la pluri/multi ou transdisciplinarité vise la mise en « interaction dynamique » de plusieurs disciplines « pour décrire, analyser et comprendre la complexité d’un objet d’étude donné ». Ce n’est pas selon eux une « simple juxtaposition de points de vue disciplinaires », mais une mise en dialogue et une « collaboration » entre des disciplines spécifiques autour d’un sujet commun complexe. L’étude interdisciplinaire « est basée sur l’interaction entre plusieurs points de vue. Les questions et les problèmes qui sont traités se situent en effet « entre » (inter-)des disciplines existantes ». Cette méthode émergente nécessite tout de même de dépasser certaines limites et frontières naturelles, ayant été souvent habitués voire même formatés durant la scolarité à compartimenter et comparer chaque discipline et moins à les mettre en lien et en perspective. Dans le cadre de ce travail, il a par ailleurs été opté pour une recherche qualitative qui « privilégie la description des processus plutôt que l’explication des causes » (Imbert, 2010, p. 25). Cette méthode permet de gagner en profondeur d’analyse, mais aussi de rendre compte et retranscrire de manière objective et fiable, les éléments récoltés lors du desk research et lors des questionnaires et entretiens.

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Table des matières

CHAPITRE 1 : CADRE DE RECHERCHE ET THÉORIQUE
I.PROBLÉMATIQUE
II.QUESTIONS PRINCIPALE ET SECONDAIRES DE RECHERCHE
III. LE DILEMME DE LA DIFFÉRENCE, CONCEPT CENTRAL DE LA RECHERCHE
IV.MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
VI.PLAN DE LA RECHERCHE
V.TERRAIN DE LA RECHERCHE
VII. LIMITES DE LA RECHERCHE
VIII. ETHIQUE DE LA RECHERCHE
CHAPITRE 2 : LE MÉDIATEUR PARLEMENTAIRE SOUS TOUTES SES FORMES ORIGINE ET DÉFINITION DE L’INTERVENTION DU MÉDIATEUR PARLEMENTAIRE
LES GRANDS MODÈLES DE MÉDIATEUR PARLEMENTAIRE
LES ÉLÉMENTS PRINCIPAUX DE CONCORDANCE
LES SPÉCIFICITÉS DES INSTITUTS DES DROITS HUMAINS OU ORGANISMES CONSULTATIFS ET DE CONSEIL
LES SPÉCIFICITÉS DES INSTITUTIONS DE MÉDIATION
LES SPÉCIFICITÉS DES INSTITUTIONS DE DROITS HUMAINS
AUTRE CLASSIFICATION DES BUREAUX DE MÉDIATION PARLEMENTAIRES
TABLEAU RÉCAPITULATIF DES PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DES MODÈLES PRÉSENTÉS
III. LES PRINCIPES DE PARIS ET LES FONCTIONS PROACTIVES ET RÉACTIVES
CHAPITRE 3 : LES INSTITUTIONS DE DROITS HUMAINS DE L’ENFANT
I.LES ENFANTS, UNE POPULATION COMME UNE AUTRE ?
II.LES BUTS D’UNE INSTITUTION DE DROITS HUMAINS DE L’ENFANT
III. LES FORMES D’INSTITUTIONS DE DROITS HUMAINS DE L’ENFANT
IV.LA RÉPARTITION DES INSTITUTIONS DE DROITS HUMAINS DE L’ENFANT
V.LES CARACTÉRISTIQUES COMMUNES DES INSTITUTIONS DE DROITS HUMAINS DE L’ENFANT
CHAPITRE 4 : LES BUREAUX CANTONAUX DE MÉDIATION PARLEMENTAIRES SUISSES PRÉSENTATION ET ANALYSE DOCUMENTAIRE
I.DÉFINITION, ORIGINE ET FONDEMENTS JURIDIQUES
II.COMPARAISON INTERCANTONALE ET ANALYSE DOCUMENTAIRE DE LA STRUCTURATION DES BCMP
III. COMPARAISON INTERCANTONALE ET ANALYSE DOCUMENTAIRE DE L’OBJECTIF MAJEUR DES BCMP
IV.COMPARAISON INTERCANTONALE ET ANALYSE DOCUMENTAIRE DES FONCTIONS ACCOMPLIES DANS LES BCMP
LA FONCTION DE CONSEIL
LA FONCTION DE CONTRÔLE
LA FONCTION DE SENSIBILISATION ET D’ÉDUCATION, AINSI QUE LA FONCTION DE RECHERCHE
V.COMPARAISON INTERCANTONALE ET ANALYSE DOCUMENTAIRE DES MOYENS D’ACTION DES BCMP
VI.COMPARAISON INTERCANTONALE ET ANALYSE DOCUMENTAIRE DE LA PLACE LAISSÉE À L’ENFANT DANS LES BCMP
LA PLACE EXPLICITE FAITE À LA PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’ENFANT
LA VISIBILITÉ ET L’ACCESSIBILITÉ DES BCMP AUX ENFANTS
L’ACCESSIBILITÉ CONCEPTUELLE DES BCMP AUX ENFANTS
LES BCMP, LES ENFANTS ET LE DILEMME DE LA DIFFÉRENCE
CHAPITRE 5 : LA PRATIQUE DES BUREAUX CANTONAUX DE MÉDIATION PARLEMENTAIRES PRÉSENTATION ET ANALYSE
I.LA STRUCTURATION DES BCMP
II.L’OBJECTIF DES BCMP
III. LES FONCTIONS DES BCMP
LES MOYENS D’ACTION DES BCMP
LA PLACE LAISSÉE AUX ENFANTS DANS LES BCMP
LA SOLLICITATION
LES DROITS DE L’ENFANT, UN CHAMP DE COMPÉTENCE POUR LES BCMP ?
L’ACCESSIBILITÉ ET LA VISIBILITÉ DES BCMP AUX ENFANTS
LES ASPIRATIONS DES MÉDIATEURS SUISSES EN MATIÈRE D’ENFANCE
TABLEAU RÉCAPITULATIF DES PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES ACTUELLES DES BCMP
CHAPITRE 6 : DISCUSSION AUTOUR DES QUESTIONS DE RECHERCHE
I.LA PLACE DE LA PROMOTION ET DE LA PROTECTION DES DROITS DE L’ENFANT AU SEIN DES BCMP
II.LES SIMILITUDES ET DIVERGENCES D’ACTIVITÉS ET DE FONCTIONNEMENT DES BCMP ET DES INDH(E)
LES SIMILITUDES ET DIVERGENCES AVEC LES INDHE
LES SIMILITUDES ET DIVERGENCES AVEC LES INDH
III. LES AVANTAGES ET LES DÉFIS DE L’INCLUSION DE LA THÉMATIQUE DE LA PROMOTION ET DE LA PROTECTION DES
DROITS DE L’ENFANT AU SEIN DES BCMP
LES AVANTAGES
LES DÉFIS
IV.LE TRAITEMENT EN SUISSE DES VOLETS DE LA PROMOTION ET DE LA DÉFENSE DES DROITS DE L’ENFANT
UN TRAITEMENT GÉNÉRALISTE OU SPÉCIFIQUE À L’ENFANT ?
QUEL TYPE DE STRUCTURE ?
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE I
ARTICLES, RAPPORTS, LIVRES ET SITES INTERNET
TEXTES JURIDIQUES ET NORMATIFS
ANNEXES
ANNEXE 1 : QUESTIONNAIRE
ANNEXE 2 : QUESTIONS D’ENTRETIEN, CANTON DE VAUD
ANNEXE 3 : QUESTIONS D’ENTRETIEN, CANTON DE BÂLE-VILLE

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