La place de la logique chez les élèves

La place de la logique chez les élèves

Introduction

  Le jeu est une activité faisant partie intégrante du quotidien de l’enfant. A son entrée à l’école enfantine, son besoin de jouer est toujours fortement marqué. Il nous semble normal que l’enseignant réponde à ce besoin en donnant à l’enfant l’opportunité de jouer. Le rôle de l’enseignant au cycle 1 est de permettre la transition du rôle d’enfant à celui d’élève, mais cela ne se fait pas du jour au lendemain. Les jeux peuvent aider à cette transition. Leurs côtés ludiques permettent à l’élève d’entrer dans de réels apprentissages. Et c’est ce dernier point que nous souhaitons développer au travers de notre mémoire.En effet, nous avons toutes deux un intérêt particulier pour les élèves de 1-2 HarmoS. Nous nous intéressons aux apprentissages fondamentaux qui doivent être développés au cours de ce demi-cycle. Nous avons choisi d’approfondir le thème de la logique en mathématiques par le biais des jeux individuels de logique. Ce dispositif nous parait particulièrement intéressant avec des élèves de 4 à 6 ans. Nous nous sommes également intéressées à ce sujet suite à des pratiques observées en stage. Nous avons parfois eu l’impression que les jeux de mathématiques étaient utilisés comme de « simples » jeux, sans que les enseignants et les élèves aient conscience des apprentissages en jeu. Nous sommes persuadées qu’ils permettent de développer des compétences du plan d’études romand (PER)1 chez les élèves. Et c’est pour cela que nous souhaitons approfondir l’utilisation de ce type de jeux en classe.Une seconde motivation à réaliser notre mémoire sur ce sujet est de laisser une trace de notre travail, des conseils pour les enseignants ou futurs enseignants qui seraient intéressés à connaitre plus en détail les jeux individuels de logique, de type SmartGames. Nous appelons cette catégorie de jeux SmartGames, car cette marque est leader sur le marché et propose uniquement ce type de jeux. Nous avons finalement décidé de n’utiliser qu’un seul jeu de cette marque pour notre expérimentation. En lisant notre mémoire, vous aurez l’opportunité de découvrir en profondeur quatre jeux : Rush Hour, l’Arche de Noé, Logik Ville et MetaForms. Vous trouverez des exemples de ces jeux, des aménagements que nous avons mis en place, des conseils d’utilisation et des explications sur le rôle de l’enseignant. Nous avons également tissé des liens entre les compétences que développent ces jeux, en regard du PER.Notre recherche s’appuie sur l’expérimentation de ces jeux en classe, la réalisation des défis par les élèves et l’analyse que nous en avons faite.

La place du jeu à l’école et son rôle dans les apprentissages

  De nos jours, la valeur éducative des jeux est enfin reconnue. Le lien entre jeu et apprentissage est désormais fait. Le jeu se définit comme une « activité divertissante, soumise ou non à des règles, pratiquée par les enfants de manière désintéressée » ou « activité ludique organisée à des fins pédagogiques »2. Le lien entre jeu et apprentissage, ainsi que son rôle à Trois grands auteurs, Henri Wallon, Jean Piaget et Jean Château3, ont étudié les étapes selon lesquelles se développe l’activité ludique chez l’enfant. Le premier est le jeu d’exercice ou jeu fonctionnel, puis le jeu symbolique et le jeu de règles. Dans le cadre de notre mémoire, nous nous intéressons particulièrement aux jeux de règles. Les enfants commencent à jouer à ce type de jeux vers 4-5 ans, âge d’entrée à l’école enfantine justement. Caillois (ibid.) classe les jeux en quatre catégories : les jeux de compétition, les jeux de hasard, les jeux d’imitation et les jeux de vertige. Au jour d’aujourd’hui, les jeux sont très présents dans les classes des petits degrés, mais plus les élèves grandissent, moins ils ont l’occasion de jouer. En effet, le concept de jeu est souvent opposé au terme « travail ». Jouer est une activité naturelle de l’enfant, essentielle dans la construction de la fonction symbolique, de l’intelligence, mais également des capacités transversales comme la communication. C’est sûrement la raison principale qui explique la place que prend le jeu à l’école enfantine aujourd’hui. « Le jeu est le maillon qui relie les aptitudes latentes de l’enfant et l’organisation de ses habiletés, de son savoir-faire et de ses connaissances » (Des Chênes, 2006, p.2). Le jeu à l’école nous semble donc incontournable.Dans certaines classes enfantines, le jeu est vraiment considéré comme un travail. Ceci est souvent expliqué aux parents lors des réunions de début d’année afin d’éviter qu’ils pensent que leur enfant n’a rien appris s’il rentre à la maison en disant qu’il a joué. Ces jeux ont pour buts d’exercer le raisonnement spontané, découvrir et respecter une règle, exercer la mémoire, développer l’autonomie, etc. Comme l’affirment Berdonneau et Cerquetti-Aberkane : « Le jeu est l’occasion de développer nombre de compétences transversales. Participer à un jeu conduit à effectuer des choix, à prendre des décisions, à organiser des stratégies » (2007, p.16).

La logique en mathématiques

  Mais qu’est-ce que la logique ? Comment la définir ? Nous nous sommes inspirées de la définition du dictionnaire Larousse en ligne. La logique se définit comme objet conforme au bon sens, cohérent. Elle est donc en lien avec certaines notions mathématiques comme le raisonnement, la démonstration, la résolution de problèmes.
Intéressons-nous maintenant à la place qu’occupe la logique à l’école, plus particulièrement dans les activités en mathématiques. En prenant comme référence le classeur de commentaires didactiques sur les moyens d’enseignement, nous pouvons dire que les notions de la logique « sont construites et exercées non en tant qu’objets mathématiques, mais en tant qu’outils au service de la pensée » (Gagnebin, Guignard & Jaquet, 1997, p.67). La logique n’est donc pas exercée en tant que telle, mais au travers d’autres activités. Et le développement de la logique chez les élèves n’est donc pas un but en soi, mais bien une aptitude au service d’autres apprentissages et de la pensée. Cela explique donc le fait que dans le plan d’études romand,aucune composante ne vise clairement la logique comme notion. En effet, elle se travaille dans la plupart des situations mathématiques proposées aux élèves. Cette branche scolaire a pour visées prioritaires « se représenter, problématiser et modéliser des situations et résoudre des problèmes en construisant et en mobilisant des notions, des concepts, des démarches et des raisonnements propres aux Mathématiques […] » (Plan d’études romand, 2011). C’est-à- dire que les « Mathématiques et les Sciences de la nature » cherchent à développer chez les élèves les composantes de l’objectif de modélisation (MSN 15) qui traitent toutes de la
résolution de problèmes, tout en étant liés à un autre axe thématique du PER suivant la tâche.Les intentions des commentaires généraux du domaine « Mathématiques et Sciences de la nature » argumentent bien l’idée qu’il faut développer l’esprit logique. « Face aux évolutions toujours plus rapides du monde, il est nécessaire de développer chez tous les élèves une pensée conceptuelle, cohérente, logique et structurée, d’acquérir souplesse d’esprit et capacité de concevoir permettant d’agir selon des choix réfléchis » (ibid.). Nous comprenons que grâce à la pensée logique nous pourrons nous adapter aux situations de la vie quotidienne que nous rencontrons en agissant d’une manière réfléchie. Le plan d’études en mathématiques « favorise [chez les enfants] une prise de conscience des conséquences de leurs actions sur leur environnement. L’approche ludique dans la résolution de problèmes logiques et de stratégie leur offre une manière de s’ouvrir à des situations avec confiance et réflexion » (ibid.).

La place de la logique chez les élèves

 Avant d’arriver à l’école, les enfants sont déjà pourvus de logique, et leur développement se poursuit petit à petit, surtout au travers de jeux. Grâce aux jeux individuels de logique, les élèves peuvent prendre conscience de leurs démarches, en essayer d’autres, ou encore persévérer. En effet, souvent ils apprennent par « tâtonnement », puis arrivent à anticiper les coups. Le développement de ces stratégies est un travail cognitif, mais aussi un travail sur le comportement, comme la concentration et la persévérance. On observe parfois aussi des élèves incapables de renoncer à une démarche inefficace ou qui ont peur d’essayer, de faire faux.Pour aider nos élèves à développer leur raisonnement logique, il est intéressant de travailler autour des stratégies de résolution de problèmes. Par exemple, la formule « si… alors… » nous semble intéressante. En effet, elle prouve un réel raisonnement déductif. Comme nous le relaterons plus tard lors de l’analyse de nos résultats de l’expérimentation, nous avons observé certains élèves capables d’utiliser cette formule, en jouant à Logik Ville par exemple. Nous avons aussi remarqué, grâce à notre expérimentation, que les niveaux proposés sont parfois en lien avec la maturité des élèves. Nous avons rencontré des élèves qui étaient face à un blocage, qui ne comprenaient pas la signification du symbole « à gauche de » dans Logik Ville. C’est alors que nous nous sommes rendu compte que ces jeux sont liés au stade de maturation de l’élève. Un élève qui ne comprend pas n’est peut-être pas encore prêt à faire tel jeu, avec un niveau d’abstraction trop élevé. Cette réflexion nous a amenées à nous intéresser aux différents stades de développement de la pensée logico-mathématique, soutenus par la théorie piagétienne.

Les stades du développement cognitif selon Piaget

  La rédaction de ce sous-chapitre est inspirée principalement de Papalia, Olds et Feldman (2010) et Baulu-MacWillie et Samson (1990, pp.10-12). Piaget décrit le développement de l’intelligence en quatre stades. Les âges donnés sont approximatifs car le développement de l’enfant dépend beaucoup de la maturité de son cerveau. Il dépend également de l’environnement, qui doit être stimulant et riche pour expérimenter afin de permettre à l’enfant de se développer convenablement. Le premier stade est nommé « sensori-moteur » (de 0 à 2 ans). Durant cette période, l’enfant expérimente l’environnement par ses perceptions sensorielles et motrices. A cet âge, le jeune enfant fonctionne par réflexes innés, des essais-erreurs et des actions répétées. Ce fonctionnement lui permettra par la suite d’anticiper le résultat de ses actions. Durant ce stade l’enfant développe aussi son langage. La permanence de l’objet se manifeste également à cette période. C’est la capacité à comprendre qu’un objet continue d’exister même si l’enfant ne le voit plus. Par exemple, si un adulte met une peluche dans un sac sous les yeux de l’enfant, ce dernier est capable de comprendre qu’elle n’a pas disparu, qu’elle est toujours dans le sac. Cette compréhension est signe du début de l’intelligence.Le stade « préopératoire » est le deuxième stade (de 2 à 7 ans). Lors de cette période, l’enfant développe deux nouvelles aptitudes : parler et faire semblant. Cela marque « l’apparition de la fonction symbolique, cette capacité de se représenter mentalement les objets et les actions hors de la situation réelle » (Des Chênes, 2006, p.14). A force d’exercer la fonction symbolique, il deviendra capable de se décentrer pour gentiment atteindre le stade suivant, où il verra la réalité de points de vue différents.Le troisième stade est celui des « opérations concrètes » (de 7 à 11 ans). L’enfant développe des opérations concrètes à travers l’expérience directe. « La pensée de l’enfant se caractérise par l’acquisition d’opérations mentales appelant la pensée logique, telles la conservation, la classification et la sériation » (Baulu-MacWillie & Samson, 1990, p.12). Mais pour cela l’enfant a besoin d’expérimenter de manière sensorielle, réelle et concrète, manipuler les objets, pour se faire une idée du fonctionnement de l’environnement. Contrairement au stade précédent, il peut désormais porter son attention sur plusieurs points de vue.

La manipulation

  L’habillage de ces jeux a un effet sur les élèves, il leur donne envie de s’en approcher, de les manipuler, d’y jouer. C’est donc une variable à prendre en compte lorsque nous proposons des défis aux élèves. Nous avons observé que cet habillage a aussi un rôle affectif pour l’élève. Par exemple dans Logik Ville, Lisa ne plaçait pas directement les personnages, mais prenait du temps pour les observer, leur donner une identité, un rôle. Lors du défi 4, elle nommait le personnage rouge « pompier ».Nous avons observé Paul qui a joué avec les pièces du jeu indépendamment desrègles en question. Au défi 2, au début donc de son entrée dans le jeu, il juxtaposait les triangles pour former des mosaïques. Cette observation montre la nécessité que les élèves de 6 ans environ ont de toucher les pièces, les manipuler, jouer avec parfois. Cela nous semble une étape nécessaire pour qu’ils s’accrochent aux jeux et poursuivent la résolution des défis. A préciser que nous pensons qu’il s’agit d’une étape, car plus Paul avançait dans les défis, moins il nous semblait avoir ce besoin. Dans les défis suivants, l’élève se lançait plus rapidement dans la tâche, sans se préoccuper de manipuler les pièces pour seule fin.

  Par le jeu Rush Hour, nous avons constaté chez Eva un grand besoin de manipuler les voitures afin de visualiser concrètement ce qui se passe. L’anticipation, l’image mentale pour elle est encore trop abstraite ou trop difficile d’accès. Par exemple, au défi 18 elle déplace les véhicules afin de voir ce qui se passe. Au défi 19, elle touche les voitures pour tester, voir si vraiment elle a la possibilité de les déplacer. Plus tard durant ce défi, elle bouge plusieurs fois le véhicule jaune de haut en bas parce qu’elle n’arrive pas à s’imaginer sans manipuler que le camion jaune bouche la route à la voiture blanche dans les deux cas. Nous avons observé chez cette élève un réel besoin de bouger, de procéder par tâtonnements.Ci-dessous, un extrait de dialogue où l’enseignante essaie de faire anticiper à Nathan les déplacements au défi 11 de Rush Hour :
Enseignante : Sans déplacer les véhicules, lesquels est-ce que tu vas bouger en premier ?
Nathan : La violette. (Il la déplace).
Enseignante : Et puis après ?
Nathan déplace la voiture de police avant de répondre « la police ». Puis parle en même temps qu’il déplace les véhicules qu’il cite « maintenant la violette et pis maintenant celle-là [camion rouge] ». (Petit moment de réflexion). « Et pis après, et pis après la verte ». Ensuite il continue sans rien dire. Ici, nous voyons avec Nathan que l’enseignante tente de faire anticiper les gestes de déplacements des véhicules. La réflexion est permise grâce à l’anticipation. Ça a fonctionné pour une voiture puis Nathan s’est mis à les déplacer en même temps qu’il réfléchissait. Nous voyons que la manipulation rend concrète la pensée et permet de visualiser les effets des déplacements. Ceci montre qu’il n’arrive pas encore à différer sa pensée et ses actions. Comme nous l’avons appris, la manipulation d’objets concrets aide à se concentrer sur l’objectif visé. Les gestes des élèves nous renseignent sur ce à quoi ils portent leur attention. Par exemple, au défi 10, Maxime touchait des voitures sans les bouger. Ceci nous permet de voir à quelle voiture il est en train de penser, d’anticiper le chemin.

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Table des matières

1. Introduction
2. Problématique
3. Cadre théorique
3.1 Le jeu
3.2 La place du jeu à l’école et son rôle dans les apprentissages
3.3 La logique en mathématiques
3.4 La place de la logique chez les élèves
3.5 Les stades du développement cognitif selon Piaget
3.6 Les caractéristiques du type de jeux sélectionné
3.7 Le rôle de la manipulation dans les premiers degrés de la scolarité
3.8 Le rôle de l’enseignant
4. Choix et description des jeux
4.1 Rush Hour Junior
4.2 L’Arche de Noé
4.3 Logik Ville
4.4 Meta-Forms
5. Dispositif pédagogique
5.1 Dispositif dans la classe de Mélanie
5.1.1 Présentation de la classe et des élèves
5.1.2 Observations des élèves
5.2 Dispositif dans la classe de Joëlle
5.2.1 Présentation de la classe et des élèves
5.2.2 Observations des élèves
6. Analyse de l’expérimentation
6.1 La manipulation
6.2 Les apprentissages développés
6.3 Les difficultés / erreurs des élèves
6.4 Le rôle de l’enseignant-e
7. Conclusion
Remerciements
Bibliographie
Annexes

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