La place de la littérature de jeunesse à l’école

Evolution des familles et la place de l’enfant en leur sein

Parallèlement à cela, depuis quelques années, la place de l’enfant au sein des familles a changé et est devenue plus importante qu’auparavant. En effet, selon Naouri (2005, p.105) « depuis les origines, l’enfant a souvent été un accident dont on faisait ce qu’on pouvait.
Aujourd’hui, il est devenu la valeur suprême qui focalise l’attention de tous. » Les rapports entre les parents et les enfants ont donc changé. L’enfant n’est plus élevé pour reprendre la suite familiale ou aider par la suite ses parents. Il est comblé, choyé et placé en priorité, ce qui peut parfois le conduire à une attitude dominatrice et égocentrique. Cette attitude pousse alors l’enfant à vouloir être le centre de l’attention. Il éprouve alors du plaisir. Lorsqu’il est soumis à l’attente, il doit prendre en compte les autres, n’est plus placé au centre et cela lui est difficilement supportable.
Comme l’explique Renier et Schrod (2008), l’évolution de notre société est marquée par la mise en avant et l’écoute du Aujourd’hui, dès le plus jeune âge, l’enfant obtient tout ce qu’il veut, rapidement. La hiérarchie dans les familles est de plus en plus confuse et les parents consentent davantage aux désirs de leur enfant. Ils ont donc du mal à fixer des limites et leur attitude oscille entre un comportement autoritaire et un comportement laxiste. À travers ce dernier, les parents attendent en retour de l’amour de la part de leur enfant. Par conséquent, dans un grand nombre de familles, l’enfant a acquis une nouvelle place et est devenu un « enfant roi ». Cette attitude est donc symptomatique de « la crise des valeurs que traversent certaines familles face aux mutations dans l’environnement. » (Renier et Schrod, 2008, p.109).

La construction du temps chez l’enfant

Acquisition de la notion de temps

Dès ses premiers jours, un bébé voit ses besoins être satisfaits. Il se souvient alors de la satisfaction ressentie et l’appel du désir se fait de plus en plus grand afin de retrouver cette sensation. D’après Sadek-Khalil (2001, p.41), « l’enfant commence l’expérience de l’attente, de l’anticipation ». Elle fait également remarquer que, paradoxalement avec le fait que la société accélère sans cesse et que les parents cherchent constamment à répondre aux besoins de leur enfant, « un des premiers mots que l’enfant comprend, un de ceux qu’on lui dit souvent, sans toujours en avoir conscience, est le mot « attends » ». En effet, les parents sont souvent très occupés. Dans la vie de tous les jours, dans les activités quotidiennes, les parents demandent aux enfants d’attendre. Même si ses besoins sont rapidement comblés, l’enfant découvre très tôt ce que signifie : « attendre ».
En revanche, selon Droit-Volet (2001), jusqu’à quatre ans, l’enfant ne se représente pas le temps. Il ne se rend pas compte du temps qui s’écoule entre deux activités. Pour lui, le temps est celui du moment où il est en action. Il n’a pas conscience de la notion de durée, ni que le temps permet de prévoir ou de mesurer des évènements.
C’est notamment à l’école maternelle que l’enfant va prendre, petit à petit, conscience du temps.
En effet, l’école maternelle propose un emploi du temps régulier avec des activités qui se succèdent toujours de la même manière. L’enfant connaît alors quelles vont être les activités qui s’enchaînent et commence à prendre conscience de ce qu’il va se passer quand une action est terminée.
La mise en place de cette structuration de la journée, alternant des temps définis (tels que les rituels, les activités) permet d’organiser la journée de l’enfant et de lui apporter une stabilité.
L’enfant vit alors dans un monde avec un temps pour chaque activité: un temps pour les ateliers, un temps pour manger, un autre pour la sieste… Cette régularité permet à l’enfant d’acquérir une conscience temporelle, des notions de cycle et permet, d’après Lotta de Coster, José-Luis Wolfs, Anne Courtois (2007), de créer une sécurité affective.
Pour les auteurs, l’enfant possède alors des connaissances du temps qui ne sont pas reliées entre elles. Elles sont fragmentées. C’est ce qui fait la différence entre l’enfant et l’adulte ou l’enfant plus âgé, qui eux arrivent à faire un lien. La notion de temps est généralement maîtrisée vers huit ans.
L’enfant prend aussi conscience du temps en fonction de l’attention qu’il y porte. En effet, pour Sylvie Droit-Volet (2001, p.26), « plus on accorde d’attention au temps, plus la durée subjective est longue. » En effet, quand un enfant est occupé à travailler ou à jouer, il ne donne pas d’importance au temps. Mais s’il attend le moment de la récréation ou que ses camarades finissent de travailler, il va s’impatienter. D’après Philippe Malrieu (1953), l’impatience est une réaction liée à l’écoulement du temps. En effet, le jeune enfant prouve qu’il prend conscience de la durée, du temps qui s’écoule, en exprimant son impatience face à l’obligation d’attendre. Ainsi, laisser attendre un enfant fait partie des mécanismes qui lui permettent, petit à petit de prendre conscience du temps qui passe.

L’attente et la frustration

Lotta de Coster et al. définissent le terme d’attente comme « le délai mis à la satisfaction ou à la gratification pulsionnelle », c’est à dire que c’est un temps qui transforme le besoin en désir.
En ce qui concerne les jeunes enfants, Sylvie Droit-Volet (2001, p.33) affirme que « jusqu’à cinq ans, les enfants éprouvent des difficultés à attendre pour des raisons non seulement d’inhibition de l’action mais aussi de conception du temps. » Cependant, même s’il leur est compliqué d’attendre « sans rien faire », les enfants peuvent apprendre à attendre dès le plus jeune âge, et cela nécessite un réel apprentissage qui se fait à travers l’expérience de la frustration. En effet, Lotta de Coster et al. expliquent que « en cas de frustration, le jeune enfant du stade oral se montre impatient, il lui est très difficile d’attendre. Progressivement, sa stabilité émotive devient plus grande, il prend conscience de l’intervalle qui le sépare de la satisfaction et cela lui permet de mieux supporter l’attente. » (2007, p.55).
La frustration, liée à l’attente, jouent alors un rôle primordial dans la construction des notions de temps et de durée chez l’enfant, et plus précisément « dans le développement de la pensée et de l’organisation temporelle de l’enfant » (Lotta de Coster et al., 2007, p.54). Ces notions se développeraient dans l’esprit de l’enfant lorsque celui-ci serait face à une expérience frustrante de distance entre un désir naturel (tel que la faim, le besoin de présence d’un parent, l’envie d’un objet …) et l’accomplissement de ce désir. Lotta de Coster et al. reprennent ainsi les propos de Piaget, qui soulignait que « c’est grâce aux objets absents et aux situations de manque (grâce à une « réelle distance temporelle entre le désir présent et le but à atteindre ») que les rapports entre avant et après et la conscience de la durée se constituent et que l’enfant pourra les situer dans un temps représentatif » (2007, p.54).
Néanmoins, ces auteurs expliquent que, afin que la conscience de la durée se construise correctement grâce à l’attente, il ne faut pas que cette dernière soit trop longue, elle doit avoir du sens et l’absence d’un objet, ou d’une personne doit être couplée à des expériences de présence de ces mêmes objets, personnes. Pour autant, « un temps « idéal », où les parents répondent systématiquement aux besoins de leur bébé de façon anticipatoire, ou continuellement surchargé (sans temps libre, sans temps de rêverie…), ne permet pas au psychisme du bébé de vivre un temps de manque, de gérer le négatif et l’ennui, d’investir et de représenter l’objet et le lien à celui-ci et donc ne permet pas d’élaborer et d’intérioriser une conscience temporelle. » (Lotta de Coster et al., 2007, p.56).
Il est donc nécessaire pour les parents, de trouver le juste milieu entre répondre aux besoins de leur enfant, tout en lui laissant certains temps d’attente, de frustration, et également d’ennui, et ce dès leur plus jeune âge. Isabelle Lechevallier, Maud Matrand et Nicolas Murcier (2005, p.45) indiquent, en effet, que l’ennui peut être positif, voire même nécessaire au développement socio-affectif de l’enfant, puisqu’il lui permet de « développer son imaginaire, sa créativité et de penser. Mais pour que [cet ennui] soit constructif, il s’avère nécessaire que l’enfant ait « appris » à s’ennuyer très tôt et qu’il puisse trouver dans son environnement de quoi y pallier par lui-même. »

La patience à l’école

La nécessité d’attendre et d’être patient

L’un des enjeux de l’école maternelle est d’apprendre ensemble et de vivre ensemble. Aujourd’hui, les classes sont relativement chargées. Le nombre d’élèves est important, même en maternelle et l’enseignante est parfois seule pour gérer l’ensemble des ateliers. Quelques fois, l’enseignante a également besoin de passer plus de temps avec un élève. Les autres élèves doivent alors gérer leur frustration et patienter, leur tour viendra.
Au début, chaque élève exige que l’enseignante s’occupe de lui individuellement ce qui est difficilement réalisable. Mais selon Malrieu (1953, p.134) « C’est en faisant attendre les autres que l’enfant apprend à se faire attendre lui-même.» Au début, l’élève est centré sur lui-même puis progressivement, il prend en compte ses camarades et apprend à différer ses attentes, ses besoins immédiats vis-à-vis de l’enseignant.

La durée et l’ennui

L’ennui peut se définir comme une « impression de vide, de lassitude causée par le désœuvrement, par une occupation monotone ou dépourvue d’intérêt » (Le petit Robert, 2009). Pour l’enfant, nous pouvons étendre cette définition au simple fait de ne rien avoir à faire.
Actuellement, à l’école, il n’y a pas de place pour l’ennui. Beaucoup de personnes, tant dans le milieu scolaire qu’à l’extérieur, pensent que si un enfant s’ennuie en classe, c’est que l’enseignant n’a pas bien préparé son travail. De fait, beaucoup d’enseignants anticipent la fin des activités des élèves en préparant à l’avance des activités complémentaires ou de délestage, afin d’occuper les élèves à tout prix. Effectivement, de nos jours, Lechevallier et al. (2005, p.45) expliquent que parents, comme professionnels de l’enfance (personnels de crèche,professeurs…) cherchent constamment des solutions pour supprimer l’ennui des enfants car pour les adultes, « l’enfant doit être actif ». Cependant, cela provient des « représentations sociales d’adultes », pour lesquels l’ennui est insupportable ; alors que la vision de l’enfant sur l’ennui est certainement différente de celle de l’adulte.
Or, « l’ennui de l’enfant n’est pas systématiquement un défaut de la relation éducative » (Lechevallier et al., 2005, p.48). Selon les auteurs, à l’école, il y a fréquemment des moments où certains enfants n’ont rien à faire, comme par exemple ceux qui terminent leur travail avant les autres. Par habitude que l’adulte leur donne toujours quelque chose à faire, ces élèves s’inquiètent de ne pas avoir d’activité et demandent à l’enseignant ce qu’ils doivent faire.
C’est alors que, comme le suggèrent Isabelle Lechevallier et al., l’enseignant peut mettre en place une différenciation pédagogique lors des activités de délestage. Il peut par exemple prévoir des activités supplémentaires pour les élèves qui craignent le fait de ne rien avoir à faire, et laisser choisir leur activité, voire laisser ne rien faire, les élèves qui le souhaitent. Les auteurs soulignent ainsi le fait que les adultes doivent accepter de laisser les enfants s’ennuyer, car il est important pour ces derniers de développer des stratégies pour atténuer l’ennui, cela permet d’accroître la pensée et l’imaginaire de l’enfant : « Il est primordial de ne pas chercher à évacuer l’ennui en gavant l’enfant. Ce dernier en éprouvant le manque, le vide, cherche des solutions, met en place des stratégies pour y pallier. » (Lechevallier et al., 2005, p.45).
De plus, les pauses sont nécessaires à l’enfant dans la construction du savoir. Elles lui permettent de s’évader et de mieux assimiler ensuite les connaissances.
La littérature de jeunesse entre réalité et fiction offre aux jeunes enfants un levier idéal pour les aider à gérer au mieux cette vacuité.

La place de la littérature de jeunesse

Le livre et la littérature de jeunesse au cœur du développement de l’enfant

Le livre est un objet essentiel à la construction personnelle d’un enfant, il doit apparaître tôt dans la vie du bébé. Comme l’explique Marie Bonnafé (1994), il est important de familiariser l’enfant à la lecture dès qu’il commence à parler. Néanmoins, l’auteur conseille aux parents d e réciter des comptines et de raconter des petites histoires dès le premier semestre de la vie du bébé. Evelyne Resmond-Wenz ajoute à cela que la lecture représente très tôt un plaisir pour les tout-petits, qui savent montrer leur curiosité « et, sans les mots, savent dire leur appétit à ceux qui sont à leur écoute » (2012, p.224).
Dans un premier temps, comme l’indique Marie Bonnafé (2012), le jeune enfant appréhende le livre comme un objet manipulable qu’il utilise comme un jouet en le mettant dans la bouche et en le tournant dans tous les sens. Très vite, il imite l’adulte et tourne les pages. Il sait alors consulter un vrai livre. Cependant, l’auteur explique qu’il est important de ne pas les laisser percevoir le livre comme un simple objet, mais de valoriser, en parallèle, la lecture à haute voix. En effet, « chez les petits la manipulation du livre est un élément que l’on ne peut dissocier de l’écoute : la manipulation ne précède pas l’activité intérieure de la pensée, elle l’accompagne dès le début de la vie. » (Bonnafé, 1994, p.165).
De plus, Marie Bonnafé explique qu’au-delà de l’aspect de plaisir et de partage avec les parents, la lecture représente un facteur primordial dans la construction de l’identité de l’enfant et de sa compréhension du monde dans lequel il va grandir. En effet, elle affirme que cette approche de l’imaginaire, éveillée par les premières lectures d’album, permet à l’enfant de mieux s’intégrer dans le monde qui l’entoure. Dominique Rateau (2012) corrobore cette idée en expliquant que dans les imagiers, le bébé rencontre de nombreuses « représentations du monde ». Il y retrouve alors des sujets qu’il connaît déjà mais découvre également des choses nouvelles. « Ils découvrent des mondes et des histoires mis en mots et en images par des artistes » (2012, p.210).
En outre, le jeune enfant aime entendre plusieurs fois la même histoire. En effet, la répétition d’un récit connu, d’une structure familière rassure l’enfant et permet de construire, chez lui, la notion d’anticipation. Il est alors possible de reprendre la définition de la patience énoncée par Pierre Faure « attendre, c’est goûter par avance, se représenter ce qui va arriver » (2004, p.667), qui illustre tout à fait le processus mis en place lors de la lecture d’une histoire connue par l’enfant : le petit apprend à anticiper la suite de l’histoire en sachant ce qu’il va se passer.
Comme l’explique Marie Bonnafé, la répétition d’une histoire permet à l’enfant de se l’approprier. Cette relecture permet également au bébé, qui apprend à parler, d’acquérir du vocabulaire nouveau. De plus, le tout-petit affectionne très tôt des histoires particulières, ou des genres littéraires spécifiques. En effet, il aime écouter des histoires simples, « dont la construction est répétitive et où les éléments s’enchaînent sans trop de complexité » (Bonnafé, 1994, p.128), ce qui lui permet de mieux comprendre et de s’imprégner de l’histoire.
Le choix des livres donnés aux enfants n’est pas anodin. Le plus souvent, les adultes proposent aux petits des albums “utiles” à leur apprentissage, qui montrent un bébé allant sur le pot, ou commençant à manger tout seul, entre autres. En revanche, ils évitent de leur présenter des histoires de monstres qui font peur, ou des histoires dramatiques sur la mort.

La place de la littérature de jeunesse à l’école

Le programme d’enseignement de l’école maternelle stipule, dans le domaine « mobiliser le langage dans toutes ses dimensions », que la littérature, et notamment la littérature de jeunesse, tient une place importante dans la préparation des élèves « aux premières utilisations maîtrisées de l’écrit […]. L’enjeu est de les habituer à la réception du langage écrit afin d’en comprendre le contenu. » (2015, p.9) Selon Bonnafé (1994, p.123), « le livre est le médiateur de la culture ». Beaucoup pensent que seuls les « héritiers » de la culture peuvent y avoir accès et pensent que les bibliothèques ne sont destinées qu’aux scolaires. Bien au contraire. Quel que soit son origine, tout le monde peut accéder à la littérature et aux œuvres littéraires. De plus, être plongé dès le plus jeune âge dans les livres permet une approche positive pour l’apprentissage de la lecture. D’après Bonnafé (1994), un élève qui fréquente les bibliothèques et qui ouvre des livres tout-petit aura plus de facilités à s’investir dans l’apprentissage de la lecture, car il conservera en grandissant « un intérêt actif pour l’écrit » (1994, p.34).
L’un des rôles de l’école est d’apporter une culture commune à tous les élèves, notamment en ce qui concerne la littérature.
En classe, à tous les niveaux, il est important de favoriser des moments de lecture. Ceux-ci peuvent être individuels, silencieux, et permettre aux élèves de se retrouver seul et se plonger dans un monde imaginaire. Ils peuvent également être collectifs. L’enseignant peut en effet lire des histoires à ses élèves, et cela même en cycle 2 et 3, ou bien les élèves peuvent lire à tour de rôle au reste de la classe, comme le suggère Evelyne Resmond-Wenz (2012).
En ce qui concerne, plus spécifiquement, le cycle 1, l’enseignant peut proposer à ses élèves d’entrer dans une œuvre littéraire en s’identifiant au personnage de l’histoire. Cette identification leur permet de mieux comprendre l’histoire dans sa globalité, mais également de mieux appréhender les notions abordées dans l’album. En effet, comme l’explique Jocelyne Giasson (2000), « le personnage est le pivot du récit. L’action n’acquiert son sens que par rapport à un personnage. Comprendre les personnages demeure donc le moyen fondamental de comprendre l’histoire comme un tout. » Proposer à l’enfant une histoire contenant un personnage auquel il peut facilement s’identifier, c’est à dire un personnage du même âge que lui environ, permet, comme l’énonce Mouna Ben Ahmed Chemli (2012), d’évoquer les angoisses et les problèmes auxquels l’enfant peut devoir faire face, en les appliquant au personnage.
L’auteur explique que l’élève peut alors ressentir un lien affectif avec le personnage. Cela représente un élément de motivation pour l’enfant et l’aide à s’approprier l’histoire, ainsi qu’à « apprécier le texte et porter sur lui des jugements » (2012, p.6).
En somme, Mouna Ben Ahmed Chemli (2012) indique que l’entrée dans un récit par identification au personnage, permet à l’enfant de mieux comprendre le monde dans lequel il vit, ainsi que de mieux se comprendre lui-même.
Les œuvres de littérature jeunesse peuvent également servir de points d’entrée pour proposer des débats à visée philosophique.

Les débats philosophiques

La philosophie à l’école maternelle

A l’école, les ateliers philosophiques permettent, d’après Laurence Jeanne, d’amener les enfants à développer un sens critique, d’apprendre à se poser des questions et donc de s’ouvrir au débat. Débattre c’est « examiner contradictoirement quelque chose, avec un ou plusieurs interlocuteurs » (Le petit Robert, 2009), cela permet d’échanger son point de vue, son avis.
A l’école maternelle, les élèves réfléchissent sur des notions complexes qui vont leur permettre d’apprendre à argumenter et à débattre, mais aussi à conceptualiser une notion. En école élémentaire, les débats philosophiques offrent aux élèves l’occasion d’apprendre à relativiser, à gérer leurs émotions et à prendre confiance en eux.
Les activités philosophiques favorisent le vivre ensemble et servent l’acquisition de nombreuses compétences telles qu’apprendre à discuter et à échanger, développer son vocabulaire, travailler le langage… Elles proposent « une analyse collective, structurée qui conduit à une pensée argumentée et justifiée. », comme l’énoncent Bernard Calvet et Martine Lageat-Favre.

Comment mener des débats philosophiques à l’école ?

Un débat philosophique se construit selon un schéma précis, décrit par Michel Tozzi (2012).
Dans un premier temps, l’enseignant doit aider les élèves à conceptualiser les notions qui seront abordées lors du débat. Il doit ensuite les mener à se poser des questions sur ces dernières : c’est la phase de problématisation. Enfin, l’enseignant doit laisser les élèves argumenter leurs différents points de vue, tout en les incitant à justifier ces derniers, et en veillant à ce qu’ils écoutent et respectent les avis qui différent des leurs.
Afin de lancer le débat, l’enseignant peut s’appuyer sur des situations vécues en classe, mais aussi sur des récits, des extraits de films. D’après Edwige Chirouter (2007, p.17), « le texte est un support privilégié pour apprendre à philosopher ». En effet, à partir d’un texte ou d’un récit, un débat littéraire, avec des questions portant sur l’histoire, peut initier un débat philosophique.
Lorsque des ateliers philosophiques sont proposés en classe, les élèves doivent y être préparés.
D’après Anne Lalanne, il faut informer les élèves qu’ils vont apprendre à réfléchir ensemble sur une notion. Pour cela, il faut les rassurer en leur expliquer qu’ils ne sont pas obligés de prendre la parole et qu’il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses.
Le thème du débat doit également être annoncé aux élèves en amont. Selon Michel Tozzi (2012), il faut mettre en place un dispositif qui permette de favoriser l’échange entre les élèves sans qu’il n’y ait de débordement. Afin de structurer le débat, il est possible, selon l’âge des élèves, de leur attribuer des rôles. En maternelle, les groupes doivent être constitués avec huit élèves au maximum. Il est recommandé de faire circuler la parole avec un micro ou un bâton de parole. Selon les classes, l’enseignant peut également distribuer la parole à la demande. Il est aussi préconisé qu’il n’intervienne pas durant le débat afin de ne pas prendre le risque d’interrompre les élèves. Ils pourront ainsi s’exprimer librement et leur réflexion en sera favorisée. Dans un exemplaire des ateliers philo de Pomme d’api, Oscar Brenifier écrit que le rôle de l’enseignant est cependant d’interroger les élèves et « de mettre en valeur les interventions, de mettre en rapport les différentes prises de paroles et de réguler le débat ».

Présentation des albums de la littérature de jeunesse

Etude de l’album Moi j’attends écrit par Davide CALI et Serge BLOCH

L’étude de cet album au format original doit permettre aux élèves d’identifier quand est-ce que nous attendons mais aussi de les amener à comprendre que tout au long de notre vie nous sommes soumis à l’attente. Ils doivent également prendre conscience que ce n’est pas toujours pénible, négatif d’attendre, mais qu’il faut aussi être patient pour attendre des événements joyeux, positifs, tels que Noël, son anniversaire… Les auteurs ont choisi de représenter l’enchainement des différentes attentes que nous pouvons rencontrer dans la vie.
Ces attentes étant nombreuses, nous avons fait le choix de ne sélectionner que les exemples les plus évocateurs pour des élèves de moyenne section (cf. annexe 2).
Cet album devait permettre aux élèves d’identifier les moments en classe où ils sont soumis à l’attente par exemple lors des regroupements, ou lorsque l’enseignante s’occupe d’un ou plusieurs élèves en particulier ou quand elle s’entretient avec un adulte (parents, autres enseignantes, Atsem …) ou encore lorsqu’un élève explique, raconte quelque chose au reste de la classe… Ces situations font partie des apprentissages et sont au cœur des nouveaux programmes de 2015.

Etude de l’album Toujours rien ? écrit par Christian VOLTZ

Cet album met en scène un personnage, Monsieur Louis qui un beau matin sème une graine. Il attend ensuite qu’un jour une fleur voit le jour. Mais sa patience est mise à rude épreuve…
L’objectif de cet album est de permettre aux élèves de comprendre combien il est important d’être patient pour optimiser leurs savoirs et « apprendre ensemble pour vivre ensemble ». Ils doivent aussi s’apercevoir que s’ils sont trop impatients, ils peuvent passer à côté de certaines choses et notamment à côté de choses qu’ils pourraient attendre depuis un certain temps.
Ainsi, en classe, les élèves doivent, pendant les ateliers, attendre les nouvelles consignes (lors des différentes phases par exemple), de même lorsqu’un camarade explique sa procédure de résolution. Lors des regroupements, ils doivent attendre que leur camarade ou l’enseignant aient fini de parler afin d’écouter les idées des autres. À la fin d’un atelier, ils doivent patienter, calmement, le temps que tout le monde ait terminé et rangé (surtout si certains élèves ont fini avant les autres) … Ils pourront ainsi connaitre ce qu’ils vont faire ensuite. Si un élève n’est pas assez patient et chahute, une sanction voire un isolement pourrait le soustraire un instant de l’activité mais surtout l’isoler des autres.

Etude de l’album Je t’aime tous les jours écrit par Malika DORAY

Cet album raconte l’histoire d’une maman qui s’en va quatre jours, ce qui est long pour son petit. Ensemble, ils vont chercher quatre cailloux, un pour chaque jour où ils sont séparés.
Durant l’absence de sa maman et pour faire passer le temps, le petit lapin joue, dessine et enlève chaque jour un petit caillou.
L’étude de cet album a pour but d’amener les élèves à mettre en place différentes manières de supporter l’attente en classe lors des regroupements ou des ateliers, comme le fait le personnage de l’histoire.
Par exemple, lorsqu’ils ont terminé un atelier, les élèves ne doivent pas oublier de montrer leur production à l’enseignante ou de la prendre en photo (selon la consigne donnée ou les habitudes mises en place dans la classe). Ensuite, ils peuvent se diriger vers le coin bibliothèque ou un coin jeux, utiliser les boîtes autonomes…
Au coin regroupement, ils doivent attendre que le camarade ou l’enseignante ait fini son intervention. S’ils veulent participer, ils doivent lever le doigt et attendre d’être interrogés.Si l’enseignante s’entretient avec un élève ou un adulte, les autres élèves doivent attendre qu’elle ait fini sans venir l’interpeller ou la solliciter.
Pour supporter cette attente, les élèves proposent différentes « astuces » leur permettant d’attendre. Ils peuvent par exemple identifier une durée en faisant des marquages sur une horloge, se diriger vers des activités de délestages, des activités libres ou ne rien faire en restant calme. Toutes les propositions faites, par les élèves, lors d’une discussion, peuvent être mises en place.

Présentation des séances

Recueil des représentations initiales

La première séance est consacrée au recueil des représentations initiales des élèves sur les notions de patience et d’attente.
Nous avons établi un questionnaire (cf. annexe 3) puis nous avons interrogé les élèves individuellement afin que les réponses des uns n’influent pas celles des autres. Les premières questions sont orientées sur la connaissance des définitions d’« attendre » et d’« être patient ».
Les cinq questions suivantes permettent aux élèves de donner des exemples sur les différents moments où ils attendent. Enfin, les dernières questions amènent les élèves à réfléchir sur ce qu’ils ressentent lorsqu’ils attendent.
Les élèves ont ensuite visionné un court-métrage intitulé La patience. C’est quoi l’idée ? Dans cette vidéo, le personnage, Hugo, se demande pourquoi il doit toujours attendre. Une amie lui explique qu’il faut savoir être patient. Hugo, lui, trouve cela frustrant d’attendre mais se rend compte que finalement, il attend tout le temps quelque chose. À la fin de la vidéo, il demande aux élèves ce qu’ils en pensent. Ce visionnage doit permettre aux élèves de comprendre ce que signifie « attendre », mais également enrichir leur réflexion sur les différents endroits et moments où ils doivent attendre. À l’issue de la vidéo, les élèves sont à nouveau interrogés pour voir s’ils ont plus d’exemples à proposer.

Etude de Moi j’attends

Parmi les trois séances vouées à l’étude de l’album Moi j’attends, les deux première séances sont consacrées à la découverte de l’album.
Dans un premier temps, l’enseignante explique de quoi va parler l’album afin de donner aux élèves le contexte de l’étude. Ils observent ensuite la première de couverture ainsi que les pages sélectionnées. Suite à une observation fine des indices et en faisant appel à leurs connaissances et leurs expériences, ils émettent des hypothèses sur ce que peut bien attendre le personnage et sur ses attentions. Une trace écrite des propos des élèves est faite afin de garder en mémoire leurs idées. S’ensuit la lecture de la page qui permet une comparaison et ouvre un débat par rapport aux idées émises.
La séance 4 permet de revenir sur certaines questions posées lors de la séance 1. Elles induisent des échanges structurés conduisant les élèves à identifier les moments où ils sont amenés à attendre. À travers ces échanges, ils comprennent que l’attente est une notion qui est inhérente à notre vie. Pour cela, les élèves doivent à la fois s’identifier au personnage du livre et se distancier en faisant appel à leur culture et leur expérience.

Etude de l’album Toujours rien ?

Comme pour l’album précédent, les séances 5 et 6 ont été consacrées à la découverte de l’album. Toutefois pour cet album, la lecture est découpée en plusieurs phases qui prennent appui sur les temps forts de l’album et les différentes péripéties des personnages. Grâce à des questions ouvertes nous incitons les élèves à réfléchir sur les évènements et à avancer des hypothèses. L’enseignant privilégie la liberté d’expression des élèves et incite à la pluralité des points de vue plutôt qu’une réponse unique. Lors de cette séance, les élèves s’exercent à l’argumentation et la justification des propositions. Cette démarche constitue un réel apprentissage.
À la fin de l’histoire, nous proposons aux élèves un débat littéraire. Nous demandons aux élèves ce qu’ils pensent de l’histoire et de l’attitude de Monsieur Louis.
Lors de la séance 7, nous orientons la séance vers un débat philosophique à partir d’une question centrale : pourquoi est-il important d’être patient ?
Des questions reprenant l’histoire de l’album sont posées en début de séance afin de permettre aux élèves de contextualiser et de partir de quelque chose de concret.
Puis, ils réfléchissent ensemble autour de la question nodale. Les élèves doivent alors justifier, expliquer leurs arguments mais aussi être capable d’admettre l’argument de l’autre. Enfin, un temps est consacré à la réorganisation des idées dans l’objectif d’élaborer une trace écrite.

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Table des matières

Introduction 
1. Fondements scientifiques 
1.1. Qu’est-ce que la patience ?
1.2. Evolution de la société : la vitesse prime et l’attente diminue
Evolution vers la société moderne
Evolution des familles et la place de l’enfant en leur sein
1.3. La construction du temps chez l’enfant
Acquisition de la notion de temps
L’attente et la frustration
1.4. La patience à l’école
La nécessité d’attendre et d’être patient
La durée et l’ennui
1.5. La place de la littérature de jeunesse
Le livre et la littérature de jeunesse au cœur du développement de l’enfant
La place de la littérature de jeunesse à l’école
1.6. Les débats philosophiques
La philosophie à l’école maternelle
Comment mener des débats philosophiques à l’école ?
1.7. Problématique
2. Méthodologie 
2.1. Participants
2.2. Supports et procédure
Présentation des albums de la littérature de jeunesse
Présentation des séances
3. Résultats
3.1. Phase pré-test : les conceptions initiales
3.2. Échanges entre pairs : quand et où sommes-nous soumis à l’attente ?
3.3. Débat philosophique : pourquoi est-il important d’être patient ?
3.4. Échanges entre pairs : comment pouvons-nous supporter l’attente ?
3.5. Phase post-test : les conceptions finales
3.6. Observations des élèves en phase pré et post-tests
4. Discussion
4.1. Re-contextualisation
4.2. Analyse des résultats et mise en lien avec les recherches antérieurs
4.3. Limites, perspectives et enrichissement professionnel
Limites et perspectives
Enrichissement pour ma pratique professionnelle
Conclusion 
Bibliographie

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