En décembre 2012, une jeune femme portait plainte contre un laboratoire et contre l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) pour dénoncer le manque d’information des patientes quant au risque vasculaire majoré des pilules de troisième et quatrième génération. Elle avait été victime d’un AVC avec séquelles importantes qu’elle attribuait à sa pilule de troisième de génération. Les médias s’étaient emparés de l’affaire. D’autres femmes avaient à leur tour porté plainte. Rapidement, les risques vasculaires des pilules de troisième et quatrième génération étaient pointés du doigt. Beaucoup de femmes se sont posé des questions quant à leur contraception. Elles ont pris conscience que la pilule n’était pas sans risque. La contraception oestroprogestative est le moyen de contraception le plus utilisé en France chez les femmes en âge de procréer (1). Les médecins généralistes sont souvent en première ligne pour répondre aux questions des patientes.
Généralités
La pilule en quelques dates
1956 • Invention de la pilule par Georges Pincus
1960 • Mise sur le marché de la pilule aux Etat-Unis (à visée contraceptive)
1967 • Loi Neuwirth: autorisation de la pilule en France
1973 • Mise sur le marché des pilules de 2ème génération
1974 • Remboursement de la pilule par la sécurtié sociale et suppression de l’autorisation parentale pour les mineures
1981 • Première campagne nationale sur la contraception intitulée « Pouvoir choisir »
1984 • Mise sur le marché des pilules dites de 3ème génération
1991 • Loi autorisant la publicité de la contraception
1999 • Mise en vente libre de la pilule du lendemain
2001 • Mise sur le marché des pilules de 4ème génération
2002 • Pilule du lendemain gratuite pour les mineures
2013 • Contraception gratuite pour les 15-18 ans
2013 • Déremboursement des pilules de 3ème génération
Le classement des pilules en générations
Les contraceptifs oraux sont dits « combinés » lorsqu’ils contiennent à la fois un œstrogène et un progestatif. L’œstrogène utilisé est l’éthynilestradiol. Il existe plusieurs progestatifs. La répartition des dosages de ces deux hormones dans le cycle définit les pilules monophasiques, biphasiques ou triphasiques :
• dosage fixe tout au long de la plaquette pour les pilules monophasiques
• dosage plus élevé en deuxième partie du cycle pour les biphasiques
• répartition du dosage hormonal sur 3 séquences pour les triphasiques (correspondante aux trois couleurs de la plaquette). Le but des pilules bi ou triphasiques est de diminuer les spottings et mastodynies prémenstruelles liées à l’insuffisance lutéale.
La notion de « génération » de pilule, largement utilisée dans les médias, est déterminée par le type de progestatif utilisé.
• Les pilules de 1ère génération sont apparues dans les années 1960. Elles étaient fortement dosées en œstrogènes et leurs effets secondaires étaient importants.
• Les pilules de 2ème génération contiennent comme progestatif du lévonorgestrel ou du norgestrel. Elles sont commercialisées depuis 1973.
• Les pilules de 3ème génération contiennent un dérivé synthétique de progestérone comme le désogestrel, le gestodène ou le norgestimate. Elles ont été mises sur le marché à partir de 1984.
• En 2001, un nouveau groupe de pilules est apparu : les progestatifs utilisés sont la drospirénone, la chlormadinone, le diénogest ou le nomégestrol. Elles sont parfois appelées pilules de 4ème génération.
La finalité de cette évolution a été de diminuer les effets secondaires : parmi les plus fréquents, l’acné, les mastodynies, les métrorragies, les nausées, les jambes lourdes, la prise de poids, les céphalées…
Risques vasculaires liés à la COP
La contraception oestroprogestative expose à un risque d’accident vasculaire veineux et artériel, lié à l’hypercoagulation. En effet, les pilules oestroprogestatives induisent une résistance acquise à la protéine C activée. On observe plusieurs modifications du système hémostatique :
• Augmentation des facteurs de la coagulation (facteurs VII et X, fibrinogène, plasminogène)
• Hyperfibrinolyse
• Diminution d’inhibiteurs physiologiques de la coagulation (antithrombine, protéine C et protéine S) .
Risque veineux
Les contraceptifs oraux combinés augmentent le risque thromboembolique veineux, proportionnel à la quantité d’éthinylestradiol et variable selon le progestatif. De nombreuses études ont cherché à évaluer ces risques. Citons l’étude danoise, l’une des plus importantes, qui présente les données du suivi d’une cohorte de femmes durant 10 ans à partir de janvier 1995 (3). L’étude totalise plus de 10 millions d’années-femmes, dont 3,3 millions pour les femmes sous contraception orale. Au total, 4 213 accidents thromboemboliques ont été observés dont 2 045 chez les femmes sous contraceptif. Le risque absolu de thrombose veineuse était de 3,01 pour 10 000 chez les femmes sans contraception contre 6,29 pour 10 000 femmes chez les utilisatrices. Le risque augmente d’un facteur 2 par rapport à une femme qui ne prend pas de pilule oestroprogestive. Ce risque est maximal la première année et diminue ensuite . (3) Ces 2 graphiques représentent le risque thromboembolique veineux selon le progestatif utilisé pour des doses d’œstrogène comprises entre 30 et 40 microgrammes. Le risque est majoré pour les pilules de troisième et quatrième génération par rapport à celles de deuxième génération.
Dans l’étude danoise, le risque relatif de thrombose veineuse était de 4.17 (3.73- 4.66) avant un an, puis de 2.98 (2.73-3.26) entre 1 et 4 ans et enfin de 2.76 (2.53- 3.02) après 4 ans d’utilisation d’une contraception orale.
Une méta-analyse parue dans la revue BMJ en 2013 évaluait le risque relatif de thrombose veineuse à 3,2 (2,0-5,1) pour les pilules de première génération, à 2,8 (2,0-4,1) pour les pilules de deuxième génération et à 3,8 (2,7-5,4) pour les pilules de troisième génération (4).
Les facteurs de risque thromboembolique veineux reconnus par la HAS sont:
• l’âge
• l’obésité
• l’intervention chirurgicale, l’immobilisation prolongée, le post-partum et l’avortement au 2ème trimestre
• les thrombophilies acquises ou héréditaires .
Risque artériel
Lors de la prise d’une contraception oestroprogestative, il existe aussi un risque d’accidents artériels (IDM ou AVC), toutefois beaucoup plus rare. Une étude parue en 2012 dans « The New England Journal of Medicine » a estimé le risque relatif d’AVC à 1,65 (1,39-1,95) et d’IDM à 2,02 (1,63-2,50) pour une pilule comprenant du Levonorgestrel et un dosage en œstrogène compris entre 30 et 40 microgrammes. (5) En revanche, les informations disponibles ne suffisent pas à déterminer si ce risque varie selon le progestatif.
Le risque d’infarctus du myocarde augmente avec la dose d’éthinylestradiol. En revanche les résultats concernant le risque d’AVC n’étaient pas significatifs.
Risques vasculaires liés au terrain
Certains facteurs de risques vasculaires liés à notre mode de vie sont en constante augmentation. Associés à une contraception oestroprogestative, ils en potentialisent les risques vasculaires.
Age
Le risque veineux de la contraception oestroprogestative augmente avec l’âge de la patiente. Une étude néerlandaise parue en 2009 a montré que le risque relatif d’évènement thromboembolique chez les utilisatrices de contraception orale combinée était de 3,1 (2,2-4,6) chez les femmes de moins de 30 ans, de 5,0 (3,8 6,5) pour les femmes entre 30 et 40 ans et de 5,8 (4,6-7,3) pour les femmes entre 40 et 50 ans. (8) A partir de 35 ans, la HAS recommande l’arrêt de la COP s’il y a d’autres facteurs de risques (tabac, surpoids…).
Tabac
Le tabac est un facteur de risque vasculaire fréquent (d’après l’INPES, 34 % de fumeurs en France en 2014) et modifiable. En 2014, l’INPES estime la prévalence du tabagisme régulier chez les femmes de 15 à 75 ans à 24.3%. (9) Le tableau ci-dessous détaille la prévalence du tabagisme régulier chez les femmes par tranche d’âge.
La contraception oestroprogestative et le tabac induisent tous les deux une hypercoagulabilité. L’association des deux entraîne un risque accru de thrombose. Une étude cas-témoins a estimé l’odds ratio de survenue d’un accident ischémique associé à la contraception orale à 2,09 (1,03 -4,5) chez les non-fumeuses contre 7,20 (3,23-16,1) chez les fumeuses (10). L’odds ratio de survenue d’un IDM associé à la contraception orale a été estimé à 13,6 (7,9-23,4) chez les fumeuses (11). Ce risque vasculaire est lié à l’importance du tabagisme. Une étude cas-témoins estimait l’odds ratio à 3,96 (1,52-10,4) chez les non fumeuses contre 87,0 (29,8 ; 254) chez les femmes qui fumaient plus de 10 cigarettes par jour .
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Table des matières
Introduction
Généralités
1) La pilule en quelques dates
2) Le classement des pilules en générations
3) Risques vasculaires liés à la COP
a. Risque veineux
b. Risque artériel
4) Risques vasculaires liés au terrain
a. Age
b. Tabac
c. Troubles de la coagulation
d. Hypertension artérielle
e. Migraine
f. Dyslipidémie
g. Diabète
h. Obésité
5) Recommandations de la HAS (validées en juillet 2013)
6) Documents d’aide à la prescription d’une contraception : exemples de la HAS, l’ANSM, Vidal Recos
7) La consultation de contraception en médecine générale
8) Intérêts de l’étude
a. L’activité des médecins généralistes
b. Justification de la fiche outil
c. Objectif principal : évaluation de la fiche outil auprès des médecins généralistes visant à aider la prescription d’une contraception
d. Objectif secondaire : définir les pratiques des médecins généralistes face à une prescription de contraception
Matériels et méthode
1) Type d’étude
2) Recrutement des médecins généralistes
3) Déroulement de l’étude
4) Elaboration de la fiche-outil
a. Recommandations HAS
b. Mise en page
c. Choix des facteurs de risques
d. Choix des risques relatifs et odds ratio
5) Le recueil de données
a. Patientes concernées
b. Données collectées pour chaque patiente
c. Comité de Protection des Personnes (CPP)
6) La fiche d’explications (annexe 2)
7) Le questionnaire final d’évaluation (annexe 3)
8) Résultats
Résultats
1) Taux de participation
2) Description de l’échantillon des médecins généralistes participants
a. Sexe
b. Age
c. Lieu d’exercice
d. Mode d’exercice
e. Zone d’exercice
f. Qualifications
3) Recueil des données
a. Age des patientes
b. Facteurs de risques présentés par les patientes
c. Risques relatifs évoqués au cours des consultations
d. Actions effectuées par les généralistes
e. Type de contraception
i. Contraceptions des 256 patientes avant la consultation
ii. Contraceptions prescrites par les généralistes
f. Prescripteur habituel
g. Suivi des patientes
h. Utilité de la fiche
4) Evaluation de la fiche
a. La fiche vous a-t-elle permis de mieux informer vos patientes ?
b. Le référencement des risques relatifs vous-a-t-il aidé à exposer les risques vasculaires de la contraception ?
c. Cette fiche a-t-elle aidé vos patientes à prendre une décision plus éclairée sur leur contraception?
d. Cette fiche vous a-t-elle aidé à justifier certaines de vos décisions? (arrêt de la pilule…)
e. Cette fiche vous a-t-elle aidé à améliorer la tenue du dossier de vos patientes ?
f. Avez-vous trouvé la présentation de cette fiche facilement lisible?
g. Cette fiche présente-t-elle pour vous un intérêt par rapport aux recommandations de la HAS de septembre 2013?
h. Pensez-vous utiliser cette fiche dans votre pratique quotidienne?
Discussion
1) Critique de la méthode
a. Choix du type d’étude
b. Taux de réponse
c. Biais de sélection
d. Biais de suivi
e. Choix des facteurs de risques vasculaires
f. Choix de l’utilisation du risque relatif et de l’odds ratio
2) Discussion des résultats
a. Evaluation du support de la fiche-outil en médecine
b. Type de contraception
c. Utilisation des risques relatifs
3) Perspectives
Conclusion
Annexes