La formation au génie de l’aménagement et de l’environnement, assurée par le département aménagement et environnement de l’Ecole Polytechnique de l’Université de Tours, associe dans le champ de l’urbanisme, de l’aménagement des espaces fortement à faiblement anthropisés, l’acquisition de connaissances fondamentales, l’acquisition de techniques et de savoir faire, la formation à la pratique professionnelle et la formation par la recherche. Cette dernière ne vise pas à former les seuls futurs élèves désireux de prolonger leur formation par les études doctorales, mais tout en ouvrant à cette voie, elle vise tout d’abord à favoriser la capacité des futurs ingénieurs à :
❆ Accroître leurs compétences en matière de pratique professionnelle par la mobilisation de connaissances et de techniques, dont les fondements et contenus ont été explorés le plus finement possible afin d’en assurer une bonne maîtrise intellectuelle et pratique,
❆ Accroître la capacité des ingénieurs en génie de l’aménagement et de l’environnement à innover tant en matière de méthodes que d’outils, mobilisables pour affronter et résoudre les problèmes complexes posés par l’organisation et la gestion des espaces.
La formation par la recherche inclut un exercice individuel de recherche, le projet de fin d’études (P.F.E.), situé en dernière année de formation des élèves ingénieurs. Cet exercice correspond à un stage d’une durée minimum de trois mois, en laboratoire de recherche, principalement au sein de l’équipe Dynamiques et Actions Territoriales et Environnementales de l’UMR 7324 CITERES à laquelle appartiennent les enseignants-chercheurs du département aménagement.
L’urbanisation, les déchets industriels et ménagers ainsi que l’agriculture intensive sont des causes de la dégradation des zones humides au cours de ces dernières années (Ramsar, 2015). Elles sont, aujourd’hui, mondialement menacées en qualité mais aussi en quantité. La préservation de ces milieux est devenue un enjeu important dès les années 1960. Des pays et organisations non gouvernementales à l’échelle mondiale se sont réunis afin de convenir de la Convention de Ramsar, un traité international pour la protection des zones humides. Cette préoccupation mondiale s’explique par les nombreux services écosystémiques que nous rendent ces milieux particuliers. Gros réservoirs de biodiversité mais aussi atténuation des crues, épuration de l’eau, régulation du climat et valeurs culturelles, les zones humides nous offrent des services bien précieux qu’il est nécessaire de protéger (Ramsar, 2015). Au vue des services écosystémiques des zones humides, leur préservation et leur restauration sont un enjeu majeur du XXIe siècle. La préservation signifie respecter des principes dont notamment, « préserver la diversité des habitats et des espèces, préserver l’intégrité d’entités écologiques et conserver le système naturel de la régulation quantitative et qualitative de la ressource en eau» (Berton and Bacchi, 1996). La réhabilitation est une réparation de fonctions par de méthodes plus lourdes telles que l’excavation du sol pollué, l’ajout de tourbe ou encore la ‘réparation de l’hydrologie’. Au contraire, la restauration a pour objectif de retrouver l’état initial d’un écosystème par retrait des activités humaines et un contrôle raisonné du territoire. (Berton and Bacchi, 1996). Malgré le nombre de recherches qui saisissent la restauration des milieux humides, les méthodologies de restauration des zones humides sont encore en questionnement. Quelles méthodes peuvent être adaptées à échelle locale ou régionale ? (Gallet et al., 2017). Cette synthèse va donner un aperçu sur le potentiel de la phytoremédiation pour restaurer une zone humide. Quelles sont les limites et les perspectives de cette méthode ? Ce retour bibliographique fera un tour des paramètres pris en compte dans la mise en place de cette méthode avant de se pencher sur l’application pratique de la phytoremédiation sur des zones humides à travers la décontamination de l’eau et du sol de métaux lourds, de nitrates et de phosphates ainsi que des pesticides et hydrocarbures.
La phytoremédiation, ce que nous savons aujourd’hui
La phytoremédiation est une technique de dépollution basée sur les propriétés des plantes. Par différents mécanismes biogéochimiques, ces dernières peuvent immobiliser, dégrader ou extraire des polluants présents dans le sol, l’eau ou l’atmosphère (Origo et al., 2012). Les stratégies végétales sont actuellement comptabilisées au nombre de cinq (Yang and Liu, 2011) :
– La phytostabilisation est la séquestration de contaminants dans un sol ce qui empêche la biodisponibilité ou le lessivage des polluants ;
– La rhizodégradation, quant à elle, permet la dégradation des polluants par des « agents de liaison » tels que les microorganimes rhizosphérique et les sécrétions des racines ;
– La phytoextraction est l’extraction des polluants puis le stockage de ceux-ci dans les racines ou les parties aériennes de la plante ;
– La phytodégradation transforme ou/et dégrade les polluants après extraction ;
– La phytovolatilisation est la transformation des polluants, absorbés du sol ou de l’eau, par les feuilles des plantes .
L’ensemble de ces processus est pris en compte dans la phytoremediation, potentiel
outil de dépollution des milieux. Cependant, cette « biotechnique » est encore peu utilisée lors de la gestion des sites pollués. Ce traitement biologique n’est étudié qu’à des fins opérationnelles et commerciales que depuis une petite vingtaine d’années (Origo et al., 2012). Les avantages de cette technique mériteraient une attention particulière à son potentiel de dépollution des zones humides. Ces avantages sont autant d’ordres environnementaux que sociaux et économiques. La phytoremédiation présente une faible perturbation des sites ainsi qu’un maintien et une préservation de la biodiversité. La valorisation foncière et l’absence de lourds procédés de dépollution permettent d’être économiquement rentable tout en proposant un aménagement paysager. Les principaux polluants rejetés par l’activité humaine se retrouvent dans la gamme de polluants pouvant être traités par la phytoremédiation : hydrocarbures, HAP, BTEX, métaux lourds, nitrates et phosphore (Blueset et microhumus, Pollutec 2016). Dans un contexte mondial où les écosystèmes sont menacés par les activités humaines, les innovations réduisant la pression sur l’environnement sont une nécessité. La phytoremédiation semble être une méthode à approfondir et à perfectionner pour une mise en application. Effectivement, si elle présente des avantages, de nombreux inconvénients se sont dévoilés. Le premier désavantage est que la phytoremédiation est une méthode qui montre son efficacité à long terme. Il faut attendre jusqu’à cinq à dix ans pour atteindre les objectifs de dépollution. Les autres inconvénients sont liés au métabolisme et aux mécanismes des plantes. La bioconcentration dépend de la concentration optimale du polluant qui varie en fonction de l’espèce végétale. De plus, une limite de toxicité est observée, une trop haute concentration perturbe la croissance des végétaux. Des mécanismes chimiques impliqués dans la phytodégradation ou la phytovolatilisation peuvent ne pas jouer le rôle désiré de dépolluants. Les polluants peuvent, sous l’action du métabolisme de la plante, se dégrader en composé intermédiaire qui sera considéré comme tout aussi polluant ou plus polluant (Yang and Liu, 2011).
La mise en lumière de ces inconvénients exprime le besoin d’études sérieuses dans le domaine de la phytoremédiation. Quelles plantes utiliser pour dépolluer un site ? Quelles conditions installer pour une phytoremédiation optimale ? Des chercheurs se sont attelés à déterminer les espèces capables de bioaccumuler les polluants ciblés? Quels sont les mécanismes impliqués dans la phytoremédiation ? Un dernier point est à noter dans l’appréciation de cette « biotechnique végétale ». Lors d’une phytostabilisation de polluants par les plantes, le devenir de cette biomasse doit être intégré dans la gestion. Puisqu’il n’y a pas élimination de la pollution du milieu mais seulement un déplacement, la gestion du milieu en dépollution est souvent de récolter les plants. La valorisation de la biomasse est pensée par la chimie verte, la production d’énergie (combustible), les éco-matériaux ou la bioraffinerie (Blueset et Microhumus, Pollutech 2016). Cependant, ces processus sont à réfléchir en fonction des polluants.
Restauration des écosystèmes : la phytoremédiation pour dépolluer les milieux
D’après la société internationale pour la restauration écologique, un projet de restauration vise à entamer ou accélérer la réparation d’un écosystème, incluant ses fonctions, son intégrité et sa durabilité. La restauration est due à la volonté humaine de rétablir les services écosystémiques d’un milieu (Cristofoli and Mahy, 2009). Une restauration s’établit autour d’objectifs concrets définis à l’aide d’un écosystème de référence. C’est après avoir pointé quelles fonctions vont être restaurés que des méthodes de gestion vont être proposées (Cristofoli and Mahy, 2009). Quel rôle peut
avoir la phytoremédiation dans un projet de restauration de zones humides ? Il est démontré que les zones humides jouent un rôle d’épuration de l’eau en particulier les marais et les tourbes (Crites et al., 2006). Ce service d’épuration est mis en valeur dans de nombreux cas à travers le monde. Par exemple, le marécage Nakivubo au sud-est de l’Ouganda protège la baie de Murchison et le lac Victoria des pollutions industrielles et domestiques rejetées par la ville de Kampala (de Groot et al., 2007). Les propriétés impliquées dans le rôle d’épuration des milieux humides ont été étudiées dans l’optique de mettre en application ces systèmes pour dépolluer les milieux. Le rôle des végétaux et de la flore bactérienne est constaté. Végétation et micro-organismes sont adéquats à la purification de l’eau de certains polluants. Naturellement, les zones humides présentent le substrat qui permet le développement des micro-organismes qui consomment la matière organique ou immobilisent les métaux lourds (Zhang et al., 2010). La compréhension et la construction artificielle de zones humides pour le traitement des eaux usées ont mobilisé des connaissances et une coopération interdisciplinaire (Benslimane, 2013). Chercheurs en biochimie végétale, biologie moléculaire, chimie du sol, agronomie et ingénierie végétale se sont penchés sur la question. Étudier le potentiel de la phytoremédiation au sein des zones humides demande une maîtrise des réactions biochimiques et géochimiques impliqués dans la biodisponibilité des plantes, le rôle du génie génétique des espèces hyperaccumulatrice et les conditions d’action de la flore microbienne (Zhang et al, 2010). Par le fait des quantités de pollution rejetées dans les milieux et les objectifs exigés de qualité de l’eau, les performances de remédiation des écosystèmes naturels ne suffisent pas. Ce qui explique l’utilisation de zones humides artificielles dans les projets de dépollution. Ingénieurs et chercheurs s’appliquent à instaurer le principe de phytoremédiation au sein de ces zones humides artificielles. Toutefois, la performance de ces installations est sensible aux saisons, aux produits toxiques tels que l’ammoniac et pesticides qui peuvent affecter certains composants biologiques mais aussi à la variation de la quantité de polluants dans l’eau. La gestion par l’Homme est alors inévitable tout le long du processus (Zhang et al., 2010). Le potentiel de la phytoremédiation en zone humide peut laisser penser à son utilisation dans une optique de restauration d’écosystème. Une pollution présente dans un milieu peut être un obstacle au rétablissement de certaines fonctions comme la capacité de soutien du sol tel que son rôle de soutien dans la production primaire ou les cycles biogéochimiques. Par son potentiel de dépollution, la phytoremédiation peut être utilisé pour atteindre des objectifs dans un projet de restauration.
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Table des matières
I)INTRODUCTION
II) GENERALITES
III) METHODOLOGIE
IV) RESULTATS
V) COMMENTAIRES ET DISCUSSION
VI) CONCLUSION
VII) REFERENCES
ANNEXES
RESUME
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