La photonique sur silicium dans le moyen infrarouge

La fin du XX° siècle a été le début d’une course vers la miniaturisation et une présence toujours plus forte du numérique dans notre quotidien. Ce phénomène se traduit aujourd’hui par la multiplication de puces électroniques et de capteurs de diverses natures, dans les objets qui nous entourent. Ces puces et capteurs proviennent de l’industrie de la microélectronique qui est née à la fin des années 50. Au départ, limitée à la fabrication de circuits électroniques, celle-ci s’est diversifiée en produisant des capteurs mêlant électronique, mécaniques et optiques. On trouve désormais dans nos voitures, nos téléphones portables, montres, etc. des puces capables de mesurer la pression, la température, de prendre des photos, de reconnaître des empreintes digitales ou de mesurer des distances à l’aide d’un laser et ce, en occupant seulement quelques millimètres ou centimètres carrés. Une des innovations les plus récentes est la commercialisation de puce capable non plus de gérer un signal électrique mais également de véhiculer un signal optique. Celles-ci sont utilisées pour la transmission de données à très haut débit (≥ 100 Gb.s-1), pour la communication entre serveurs au sein de grands centres de données, que doivent gérer des entreprises comme Google ou Facebook. Ces puces dites « photoniques SOI » sont le fruit d’un travail de recherche qui a débuté au début des années 70 dans le domaine de l’optique intégrée. Ce domaine s’intéresse à l’utilisation des techniques de fabrication de microélectronique pour produire des puces contenant des structures capables de guider et manipuler la lumière, à l’image de la fibre optique. Cependant, la technologie commercialisée aujourd’hui exploite une part très restreinte du spectre électromagnétique de la lumière, située dans le proche infrarouge. L’exploitation d’autres bandes spectrales permettraient d’exploiter d’autres phénomènes et de mettre au point des puces optiques avec de nouvelles fonctionnalités. Le domaine électromagnétique du moyen infrarouge est particulièrement intéressant pour cela. En effet, de nombreuses molécules absorbent ou émettent des rayonnements infrarouges de façon spécifique dans ce domaine. Ainsi, des circuits optiques sur puce fonctionnant dans le moyen infrarouge ouvrirait la porte, par exemple, à la mise au point de capteurs de gaz miniatures ou de laboratoires sur puce, tout optiques, capables de faire des analyses sanguines instantanées.

La photonique sur silicium dans le moyen infrarouge 

L’optique guidée est le domaine de l’optique s’intéressant de façon générale au guidage de la lumière. Cette discipline est devenue connue du grand public avec la démocratisation d’Internet et le déploiement généralisé de la fibre optique. L’optique intégrée est un sous-domaine de cette discipline qui se consacre à l’utilisation d’outils de la microélectronique, et plus généralement de la microfabrication, pour fabriquer des circuits optiques sur puce permettant de guider et manipuler la lumière. Les technologies utilisées en optique intégrée sont extrêmement diverses ce qui permet de couvrir l’ensemble du spectre électromagnétique compris entre les rayonnements X [1] et les rayonnements micro-ondes [2]. Ce chapitre est consacré à l’introduction du domaine de recherche qu’est l’optique intégrée sur silicium dédiée au moyen infrarouge. Après une brève introduction au guidage optique, un état de l’art sera fait sur les techniques de fabrication actuelles en optique intégrée. Nous verrons quelles sont leurs limitations et quelles sont les applications qu’elles adressent. Dans un deuxième temps, nous nous attacherons à montrer en quoi il est justifié d’étendre l’optique intégrée au domaine infrarouge et en quoi la plateforme silicium s’y prête. Cela nous amènera à faire l’état de l’art des solutions techniques de guidage de la lumière infrarouge sur silicium et justifier le choix de celles développées dans cette thèse.

L’optique intégrée aujourd’hui 

Qu’est-ce que l’optique intégrée ? 

Découverte du guidage optique : de la fontaine lumineuse aux télécommunications modernes 

L’optique intégrée est basée sur le principe du guidage de la lumière qui est mis en pratique à travers ce que l’on appelle un guide d’onde. Un guide d’onde est une structure capable de forcer une onde électromagnétique à se propager le long d’un chemin prédéfini. Le fonctionnement du guide est basé sur le confinement de la lumière dans une ou plusieurs directions. Cela est rendu possible grâce à la structure du guide. Celui-ci est composé d’un cœur fait d’un matériau d’indice optique de réfraction n1 entouré d’une gaine fait d’un ou plusieurs matériaux d’indice inférieure (n2>n3>…). Le cœur au centre du guide, dans lequel est confinée la lumière, constitue ce que l’on appelle la zone guidante. Plus le contraste d’indice ∆n, c’est-à-dire la différence d’indice entre le cœur et la gaine du guide, est important, plus la lumière est fortement confinée.

La première démonstration du guidage de la lumière a été faite en 1842 par Jean-Daniel Colladon [3], scientifique Suisse, et Jacques Babinet [4], scientifique français. L’expérience consistait à éclairer une cuve d’eau percée à l’aide d’une lentille focalisant la lumière sur la sortie d’un jet d’eau . Originellement, Daniel Colladon utilisa la lumière du soleil puis fit fabriquer une lampe à arc électrique pour son expérience. On pouvait ainsi observer un jet d’eau « lumineux », preuve que la lumière pouvait être guidée sur une trajectoire courbe, chose alors impensable à l’époque.

Avec ce dispositif, ils exploitent ingénieusement le principe de réflexion totale interne  que l’on déduit des relations de Snell-Descartes [6]. Cependant, la structure de guidage présente des dimensions très supérieures à la longueur d’onde de la lumière qu’elle guide. Le jet d’eau a des dimensions centimétriques alors que la lumière visible a une longueur d’onde de l’ordre de la centaine de nanomètre. Dans le cadre de l’optique intégrée nous allons nous intéresser à des guides d’onde dont les dimensions sont de l’ordre de la longueur d’onde de la lumière qu’ils transportent, voire inférieures. Il faudra attendre vingt ans et les travaux de James Clerk Maxwell [7] pour pouvoir décrire complètement le comportement de la lumière dans des guides d’aussi faible dimension. Il faudra ensuite attendre le développement de la fibre optique pour pouvoir appliquer en pratique cette théorie avec les ondes lumineuses. Le domaine de l’optique guidée restera donc en suspens après les travaux théoriques de Maxwell pendant près d’un siècle. En effet, au XIX° siècle et au début du XX° siècle, les techniques de fabrication de la fibre optique se perfectionnent mais dans le but d’améliorer ses propriétés mécaniques et non pour ses propriétés optiques [8]. D’ailleurs à cette époque, le guidage de la lumière dans le verre ne parait pas une idée très judicieuse du fait des pertes optiques importantes dans ce matériau. En 1960, l’invention du laser par T. Maiman [9] va relancer le domaine en offrant des sources de lumière puissantes et cohérentes. C’est en effet à cette époque que naissent les télécommunications optiques modernes, avec la démonstration par Charles K. Kao de la première transmission d’information par fibre [10]. Il combina un laser hélium néon, mis au point seulement 5 ans plus tôt par Ali Javan [11], avec une fibre optique et étudia les différentes sources de pertes optiques. Pour ce travail C. K. Kao recevra le prix Nobel de physique en 2009. Suite à ces travaux, l’optimisation des fibres pour le transport de lumière continua passant de pertes supérieures à 20 dB.km-1 à moins de 0,25 dB.km-1 aujourd’hui. On ne peut, pour l’instant, toujours pas parler d’optique intégrée mais le guidage optique moderne était né.

Naissance de l’optique intégrée : fusion de la microélectronique et de l’optique guidée 

A la fin des années 50, le premier circuit intégré est fabriqué et au début des années 60, l’industrie de la microélectronique est en pleine expansion. Les techniques de fabrication se perfectionnent et l’on assiste à la naissance de la Silicon Valley et d’entreprises qui sont aujourd’hui des multinationales comme Intel, IBM, etc. La fabrication de circuit microélectronique consiste en la reproduction de motifs sur une plaque de silicium pure à 99,9999999 % appelée wafer. Pour ce faire, une résine photosensible est étalée sur l’ensemble de la plaque. Une fois exposée à la lumière, celle-ci va voir ses propriétés physico-chimiques se modifier et devenir soluble dans certains solvants. Les technologies actuelles utilisent une lumière UV profond (λ=193 nm) produite par un laser à excimère ArF. Le motif désiré est défini sur un cache, usuellement en chrome, à travers lequel la lumière passe et vient insoler la résine. En répétant cette opération sur l’ensemble de la plaque on obtient un grand nombre de fois le même motif . Chaque répétition correspondra à une puce électronique. Une fois l’insolation terminée, la résine qui a été exposée est retirée à l’aide d’un solvant. Cette technique, appelée photolithographie, permet ainsi de délimiter les zones qui seront exposés aux prochains procédés. Ceux-ci peuvent constituer en un dépôt de matériaux, en une gravure ou une implantation d’ions pour modifier les propriétés électriques des semi-conducteurs. Ils ont la particularité d’agir sur toute la plaque en même temps, d’où l’importance de pouvoir choisir les zones à exposer à l’aide de la photolithographie. Ensuite la résine est entièrement enlevée par un procédé dit de stripping et de nouvelles étapes (photolithographie, gravure, etc.) sont répétées jusqu’à obtention de la structure finale. L’ensemble de ces procédés (photolithographie, gravure, dépôt, stripping et d’autres que nous n’avons pas évoqué) sont des procédés dits planaires, c’est-àdire qu’ils sont réalisés sur une seule face plane, contrairement à une fabrication mécanique où la pièce à usiner est pivotée pour être percer sur différentes directions. Ils constituent depuis les années 60 les techniques de base de fabrication de la microélectronique. Ces procédés ont évolué en complexité depuis, mais le principe demeure aujourd’hui le même.

Un circuit en optique intégrée aujourd’hui

Depuis la proposition de E. Miller, de nombreuses démonstrations technologiques ont été faites. Le domaine de l’optique intégrée est passé de la démonstration du simple guidage optique sur puce à la fabrication de véritables démonstrateurs capables de générer, manipuler, transmettre et détecter la lumière. Les technologies les plus avancées ont à leur disposition une bibliothèque de composants très importante exploitant des propriétés d’interférence, de résonance, de couplage optique et d’électro-absorption permettant de remplir de nombreuses fonctionnalités. Mis bout à bout, ces composants forment ce que l’on appelle un circuit photonique intégrée ou PIC (Photonic Integrated Circuit) . Très grossièrement, un PIC complet comprend l’ensemble de la chaine de détection optique : une source de photons, un ensemble de fonctions optiques permettant le traitement du signal optique, et un photodétecteur, capable de transformer le signal optique en signal électrique que l’on peut ensuite traiter par voie électronique. Le choix et l’agencement de ces composants permettent de réaliser des fonctions complexes, allant de la transmission de données haut-débit [14], à la spectrométrie [15] en passant par le traitement du signal tout optique [16]. Dans un PIC, on distingue usuellement deux grandes familles de composants : les composants passifs et les composants actifs.

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Table des matières

Introduction
Chapitre I- La photonique sur silicium dans le moyen infrarouge
1. L’optique intégrée aujourd’hui
1.1. Qu’est-ce que l’optique intégrée ?
1.2. Les plateformes actuelles d’intégration
1.3. Conclusion : more Moore ou more than Moore ?
2. Pourquoi aller vers le moyen infrarouge ?
2.1. Un fort potentiel applicatif
2.2. Des sources lasers disponibles
2.3. Des fibres optiques disponibles
2.4. Conclusion
3. Quelle plateforme photonique pour le moyen infrarouge ?
3.1. Critères de choix d’une nouvelle plateforme
3.2. Zoologie des solutions possibles sur silicium
3.3. La plateforme SiGe du CEA-Léti
4. Conclusion et motivations
Chapitre II- Conception de composants passifs pour l’évaluation de la plateforme SiGe à saut d’indice
1. Le guide optique : élément constitutif du circuit
1.1. Notions de mode optique
1.2. Description électromagnétique du guidage optique
1.3. Sources de pertes en propagation guidée
1.4. Dimensionnement des guides sur plateforme SiGe
2. La problématique du routage optique
2.1. Introduction
2.2. Virages
2.3. Croisements
2.4. Conclusion
3. Division et répartition de puissance
3.1. Introduction
3.2. Division de puissance par MMI 1×2
3.3. Répartition arbitraire de puissance par coupleur directionnel
4. Multiplexage en longueur d’onde pour de futurs sources larges bandes
4.1. Contexte
4.2. Fonctionnement et figures de mérite d’un AWG
4.3. Spécifications retenues pour l’AWG sur plateforme SiGe
5. Conclusion
Chapitre III- Circuits photoniques passifs en technologie SiGe à saut d’indice réalisés par procédé standard
1. Conception du circuit photonique
1.1. Présentation du masque
1.2. Contexte de la caractérisation par la tranche
1.3. Motifs pour l’évaluation des pertes par propagation
1.4. Motifs pour l’évaluation des pertes et équilibrage des fonctions optiques
1.5. Conclusion
2. Fabrication en salle blanche sur plaque 200 mm
2.1. Présentation de l’enchaînement des étapes technologiques
2.2. Résultats de fabrication
3. Caractérisation optique des circuits
3.1. Préparation des échantillons
3.2. Présentation du banc de mesure par la tranche
3.3. Protocoles de mesure
3.4. Résultats obtenus
4. Conclusion
Chapitre IV- Circuits photoniques passifs en technologie SiGe à saut d’indice réalisés par procédé damascène
1. Caractéristiques de la plateforme SiGe à saut d’indice par procédé damascène
1.1. Intérêts et caractéristiques du procédé damascène
1.2. Dimensionnement des guides
2. Conception du jeu de masque
2.1. Buts du circuit
2.2. Détails des motifs
3. Fabrication en salle blanche sur plaque 200 mm
3.1. Détails de l’enchaînement des procédés technologiques
3.2. Résultats de fabrication
3.3. Conclusion
4. Mesure de pertes par propagation sur les guides damascènes
4.1. Principe de la mesure de pertes par la méthode Fabry-Pérot
4.2. Préparation des échantillons
4.3. Protocole de mesure
4.4. Résultats obtenus
4.5. Conclusion
5. Conclusion
Conclusion

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