La phonoprosodie du professeur lors d’un cours dialogué induit-elle un type d’interaction particulier ?

Questionnements, hypothèses initiales et enjeux pour la formation enseignante

                 Après avoir trouvé le fil directeur de notre recherche, fallait-il encore savoir quelles données récupérer, comment les observer, comment les relever et comment les interroger réellement dans une séance de cours. Notre questionnement penchant sur la pratique professionnelle de l’enseignant, nous avons choisi de ne pas prendre en compte l’analyse des élèves pour notre développement. Notre hypothèse de départ était la suivante : il y a forcément un lien entre la phonoprosodie du professeur et l’interaction qu’il entretient avec ses élèves. Mais comment prouver un tel lien ? Quels outils a-t-on à notre disposition pour nous accompagner dans cette optique ? Comment identifier la phonoprosodie ? N’y-a-t-il qu’une sorte d’interaction ? D’autres questions se sont posées à nous, dont celles liées à l’intérêt pour la formation de savoir si oui ou non nous pouvions trouver un lien entre ces deux facteurs d’interactivité. Il nous est apparu évident que comprendre comment fonctionne sa voix, autrement dit son outil de travail principal, est primordial pour pratiquer au mieux ce métier. Peut-on imaginer un informaticien ne pas savoir se servir d’un clavier d’ordinateur ? Sachant l’interaction omniprésente au sein d’une classe il semblait assez pertinent de savoir comment celle-ci se caractérisait, (travail déjà réalisé par Isabelle Vinatier), mais aussi si elle pouvait se contrôler. Commence alors ici toute l’importance de notre recherche. En effet, si nous pouvons mettre en évidence un lien entre la phonoprosodie du professeur et ses interactions, cela peut permettre aux enseignants de conscientiser qu’il y a une manière de contrôler l’interaction au sein de la classe. Par conséquent leur permettre de mettre en place une meilleure régulation du volume sonore global de la classe, des échanges plus pertinents et efficaces, sur la forme du moins, auprès des élèves ainsi qu’une meilleure gestion du groupe classe et de l’effet classe (Bressoux, 2016, p. 131-148) qui peut en découler. Bien que la majeure partie des enseignants experts régule leurs interactions et leurs phonoprosodies de manière inconsciente, il apparaît essentiel de pouvoir conscientiser son activité verbale. Cette mise en évidence peut aussi être un outil de formation pour tout enseignant débutant souhaitant travailler sur sa voix. Améliorer sa capacité à interagir avec les élèves peut également être un moyen de mieux comprendre les élèves réticents à la pratique orale en classe ou en difficulté d’insertion sociale. Il peut aussi être intéressant de souligner l’intérêt personnel que peut trouver toute personne souhaitant améliorer sa manière de parler, quel que soit son domaine d’expertise et son métier. Mais alors, comment aborder cette problématique d’un point de vue scientifique ?

Remise en cause et réévaluation : le cours dialogué comme cadre d’observation

                   Cependant, plusieurs problèmes sont survenus lors des analyses et notamment sur la pertinence de l’utilisation de certains verbatim. Parmi les enregistrements audio que nous avons récoltés, nous n’avions pas délimité des moments spécifiques de cours à analyser. Nos premières analyses ont donc concerné des cours magistraux, mais aussi des cours dialogués ou encore des phases de cours où les élèves étaient en activité. Toutefois, dans l’objectif de vouloir comparer nos données il nous était primordial de définir un seul type de cours à analyser pour pouvoir rester cohérent dans notre démarche. En effet, les interactions durant un cours magistral ne sont pas de même nature que lors d’un cours dialogué. De la même manière, celle d’un cours dialogué ne sont également pas celles qui interviennent lorsque les élèves travaillent en activité. Il nous semblait alors plus pertinent de choisir le type de cours où le nombre et la forme d’interaction étaient les plus nombreux et intéressants, autrement dit lors de cours dialogués. En effet, le discours en didactique « permet d’apporter un point de vue potentiellement structurant sur les erreurs et les difficultés d’apprentissage des élèves » (Reuter, 2007, p.121). Ainsi, l’ensemble des verbatim analysés et placés en annexe de ce mémoire sont des extraits issus de cours dialogués. Il faut évidemment souligner le particularisme du dialogue scolaire. Outre son vocabulaire spécifique à chaque discipline, le cours dialogué regroupe en réalité deux grandes formes de dialogue entre l’enseignant et ses élèves auxquelles on pourrait ajouter une troisième plus ancienne. On distingue ainsi le dialogue dit « rituel » où l’échange est en réalité « fictif » ; les interventions codifiées des élèves ne visent qu’à la satisfaction des attentes de l’adulte, et le dialogue dit « réel » qui repose sur la philosophie éducative de Freinet. Autrement dit, « discuter avec eux [les élèves] en organisant des débats sur de vrais problèmes de la vie collective et essayer de répondre à leurs attentes tandis qu’ils doivent pouvoir dire ce qu’ils pensent » (Longhi, 2009, p.141). Généralement le cours dialogué que l’on croise le plus fréquemment dans les salles de classe françaises est un mélange entre ces deux formes de dialogue, tantôt fictif, tantôt réel. Dans tous les cas, le cours dialogué tire son origine dans la maïeutique de Socrate, « un échange de questions et de réponses enchaînées par le maître qui conduit l’élève à la découverte progressive d’une matière » (Longhi, 2009, p. 141). Le dialogue dans une classe peut donc être, à certain moment, le cœur de la réflexion des élèves d’où notre intérêt sur ce type de cours et sur l’analyse phonoprosodique des interactions qui le constitue. C’est aussi le type de cours où l’on croise le plus d’interactions entre un enseignant et ses élèves ce qui nous permet d’étoffer nos données. La sélection des verbatim qui ont été analysé s’est faite de manière arbitraire et subjective, nous n’avons retranscrit que les extraits de cours dialogués qui nous semblaient les plus intéressants pour notre recherche. Ayant ainsi présentés les cadres d’analyses qui nous seront utiles et la forme de cours qui nous intéresse nous avons pu développer un cadre d’analyse croisant le modèle EPR d’Isabelle Vinatier et l’analyse des verbatim selon Cadet et Tellier. La délimitation de notre recherche aux cours dialogués nous a permis de rendre définitive notre problématique qui est alors : la phonoprosodie du professeur lors d’un cours dialogué induit-elle un type d’interaction particulier ?

Développement et nouvelle hypothèse : le genre et le type

              Lors des interactions relationnelles on constate que chez les femmes, les types de phonoprosodie engagés sont plus équilibrés que chez les hommes (exceptée l’accentuation rythmique, les autres types de phonoprosodie sont engagés en moyenne entre 8% et 12%). En effet, chez ces derniers, on remarque une proportion beaucoup plus grande de montée intonative (24% contre 10% chez les femmes). Le fait que les proportions moyennes des types de phonoprosodie engagés lors d’interactions relationnelles ne soient pas les mêmes chez les femmes et chez les hommes montre qu’il n’y a pas de type de phonoprosodie particulier pour une interaction relationnelle. En ce qui concerne les interactions pragmatiques, on constate là encore que les proportions d’engagement des différents types de phonoprosodie sont plus équilibrées chez les femmes, alors que chez les hommes on voit que la montée intonative et la parenthétisation prosodique sont les plus engagées.Pour ce qui est des interactions épistémiques, les hommes comme les femmes engagent en moyenne 43% de phonoprosodies. Chez les hommes on constate une grande part de parenthétisation prosodique (20%). De plus, il apparait aussi que dans les interactions épistémiques, les proportions des types de phonoprosodie sont toujours plus équilibrées chez les femmes, du moins pour l’accentuation expressive, la parenthétisation prosodique et la décélération accentuative (entre 8% et 12%). À la suite de ces analyses, on pourrait donc conclure que lors de leurs différentes interactions les femmes engagent de manières plus variées tous les types de phonoprosodie tandis que les enseignants hommes ont tendance à n’engager qu’essentiellement deux types de phonoprosodie (parenthétisation prosodique et montée intonative). D’après ces résultats, les enseignantes ont donc un profil prosodique plus varié que celui des enseignants. Toutefois, on peut remarquer que, dans leurs différentes interactions, les enseignants hommes engagent les types de phonoprosodie dans des proportions plus grandes que chez les enseignants femmes.

Conclusion

                   Pour rappel, notre problématique était la suivante : la phonoprosodie du professeur dans un cours dialogué induit-elle un type d’interaction particulier ? À partir des cadres d’analyse d’Isabelle Vinatier, Lucile Cadet, Marion Tellier et Pierre Delattre, nous en avons développé un nouveau nous permettant d’identifier les proportions de phonoprosodies engagées dans les interactions d’un individu. Dès lors, nous avons pu analyser nos enregistrements et tenter de distinguer des tendances en fonction des enjeux épistémiques, pragmatiques et relationnels des interactions. Nous avions plusieurs hypothèses au départ de notre recherche. Nous pensions, dans un premier temps, qu’un type de phonoprosodie devait certainement induire un type d’interaction spécifique. Nous supposions également que l’expérience était un facteur important dans la maîtrise de la phonoprosodie. Enfin, selon nous, le genre de l’enseignant pouvait avoir une influence sur cette phonoprosodie. À partir de nos résultats nous pouvons désormais tenter de répondre à notre problématique. La phonoprosodie ne semble pas induire un quelconque type d’interaction quelle que soit l’expérience ou le sexe de l’enseignant. L’expérience induirait plutôt un usage plus intensif de phonoprosodie, autrement dit le profil prosodique d’un enseignant expert est plus complet et riche que celui d’un enseignant débutant. Le sexe de l’enseignant induit, quant à lui, une complexification de ce profil prosodique chez les femmes, employant une phonoprosodie plus variée que celle des hommes (doivent-elles employer plus de stratégies prosodiques afin de mieux obtenir l’attention de leurs élèves par rapport aux hommes ?) Il faut cependant nuancer nos résultats. Nous n’avions finalement que peu de données, correspondant à seulement cinq enseignants d’histoire-géographie. De plus, chaque individu a un profil phonoprosodique différent à chaque moment de la journée. Il faudrait davantage de données pour réellement dégager une tendance et affirmer ou infirmer nos résultats. Malgré tout, ces résultats nous poussent vers d’autres hypothèses auxquelles il serait intéressant d’essayer de répondre : À quel moment de la journée la voix du professeur implique une phonoprosodie plus ou moins importante ? La phonoprosodie des professeurs est-elle la même dans toutes les disciplines ?

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Table des matières

Introduction
1. Cadrage théorique et méthodologie
1.1. Questionnements, hypothèses initiales et enjeux pour la formation enseignante
1.2. Méthodologie : cadres d’analyse, limites et complémentarités
1.2.1. Cadres d’analyse initiaux
1.2.2. Remise en cause et réévaluation : le cours dialogué comme cadre d’observation
1.3. Conception et mise en place d’un nouveau cadre d’analyse : atouts et limites
1.4. Méthodologie de lecture du nouveau cadre d’analyse
2. Analyse de la voix de professeurs du secondaire débutants et experts
2.1. Lectures, analyses et comparaisons : identification des particularismes oraux et croisements : le débutant et l’expert
2.1.1. Lectures et analyses
2.1.2. Comparaisons et analyses
2.2. Développement et nouvelle hypothèse : le genre et le type 
Conclusion
Bibliographie
ANNEXES
4ème de couverture

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