La Philosophie pour les enfants
La philosophie pour enfants est un sujet qui passionne une multitude de chercheurs. Pour pouvoir en parler il faut remonter à son inventeur qui n’est autre que Matthew Lipman (1995). Calistri, Martel et Bomel-Rainelli (2007) nous le rappellent dans un des chapitres de l’ouvrage « Apprendre à parler, apprendre à penser, les atelier de philosophie ». Matthew Lipman était professeur de philosophie à l’Université de Columbia à la fin des années 60, quand il s’est rendu compte que ses étudiants manquaient de capacités à raisonner. C’est pour cela qu’il a décidé de créer une méthode visant à philosopher avec des enfants bien plus jeunes. Au début, il s’était penché sur les onze, douze ans, puis peu à peu, il s’est rendu compte qu’il était tout à fait possible de faire de la philosophie avec des enfants encore plus jeunes. Il décida donc en 1970 de concevoir, avec l’aide d’un de ses collègues, un guide pédagogique destiné aux enseignants. Dans ce guide, on peut trouver des fiches pédagogiques pour aider les enseignants, mais aussi des exercices dédiés aux élèves. Ils deviennent alors des citoyens dans une démocratie, de par leurs libres pensées.
Matthew Lipman s’est beaucoup inspiré de John Dewey (1859-1952) ainsi que de Lev Vygotski (1896-1934). Il retient de Vygotski qu’il est important d’appendre à penser. La métacognition, penser sa propre pensée, fait partie de ce processus. La méthode de Lipman consiste à amener les élèves à réfléchir sur de grandes questions philosophiques à la suite de la lecture de romans. La méthode s’étend à tous les âges de la scolarité. Il est possible que les élèves s’identifient aux héros de l’histoire sur le fait de la similitude d’âge par exemple. « La philosophie pour les enfants devient la philosophie avec les enfants. » (p.24) Cela veut dire que les enfants ont un nouveau rapport à l’autre. Ce rapport peut se trouver entre pairs mais aussi à l’égard des adultes. Ceci est une évolution car ils sont amenés à communiquer, à partager, à dialoguer entre eux, voir à s’entraider.
Le langage comme outils de la pensée
Dans le but de comprendre d’où viennent les théories sur le langage comme outils de pensée, il est important de remonter au psychologue Lev Vygotsky (1934/1997). Le langage ne peut pas être défini comme le pur reflet de la pensée, car au moment de la mise en mot, la pensée se restructure, se reforme. Pour maîtriser le langage, les jeunes enfants partent des mots pour arriver à la phrase qui forme un tout et qui va permettre de se faire comprendre. Pourtant, au début de cet apprentissage, pour un enfant, un mot constitue une phrase entière. Nous constatons deux directions ; tout d’abord, l’aspect phonétique du langage part de la partie, représentée ici par le mot, pour arriver a un tout. Ensuite, l’aspect du sens du langage part du tout pour arriver à une maîtrise des parties. C’est dans cette opposition que se trouve le lien. En effet, l’enfant va pouvoir au début de son développement utiliser un mot pour donner du sens à sa pensée et au fur à mesure il sera capable de structurer des parties isolées pour arriver à un tout.
Il passera ainsi de l’aspect phonétique à celui du sens et inversement. Pour Vygostky, le langage a deux fonctions principales. Tout d’abord il sert à communiquer, mais il est aussi un outil culturel. Nous l’utilisons pour partager ou encore pour développer nos connaissances. Cela nous permet d’organiser notre vie sociale. C’est pour cela que pour lui, l’utilisation du langage doit être développée, dès le plus jeune âge, comme un outils psychologique. Cela permet d’organiser sa pensée individuelle, son raisonnement, de planifier et d’examiner ses propres actions. Il pense que la fusion entre le langage et la pensée façonne chez le jeune enfant son développement mental. Il va utiliser le langage pour prendre part à la vie en communauté dans laquelle il est né. Mercer (2000) ajoute, en s’appuyant sur les propos de Jérome Bruner (1990), que le jeune enfant forme son développement individuel grâce aux dialogues qu’il entretient avec son entourage.
Dans la continuité de la pensée vygotskienne, Mercer (2000) décrit la pensée comme étant un processus qui prend place entre les individus. Il précise que même si l’activité de penser se fait seule, il est important de se rendre compte que nous avons besoin des autres afin de nous coordonner. La pensée passe donc par le langage. Nous ne pouvons pas savoir exactement ce que quelqu’un pense, mais nous pouvons utiliser le langage pour essayer de le comprendre. Ce même langage servira aussi à résoudre des problèmes, à soutenir différents points de vue ou encore à partager diverses connaissances. Pour y parvenir nous usons de certaines stratégies. Ces stratégies nous semblent inconscientes, mais nous les avons acquises à un moment donné. Le contexte joue un rôle primordial pour comprendre comment nous utilisons le langage pour penser ensemble. Avec un même contexte, deux personnes peuvent donner un sens complètement différent à la situation. Mercer (2000) explique que pour que la communication soit efficace, la création de contextes doit être un effort coopératif.
Le thème de l’amitié
Après avoir choisi d’expérimenter l’impact de Talk Lessons lors d’une discussion à visée philosophique, il me fallait choisir un thème. J’étais désireuse d’avoir un thème dont mes élèves se sentiraient proches. C’est pour cela que dans un premier temps j’avais choisi de parler de la mort. Je pensais que ce sujet pouvait intéresser mes élèves étant donné que nous avions un hamster, qu’ils ont connu et qui malheureusement après deux ans est décédé. Ce sujet n’a finalement pas été retenu et approuvé par la direction, de peur que certains parents s’y opposent. Il me fallait donc trouver un autre thème parlant pour mes élèves mais aussi pour moi. Mon choix s’est donc porté sur l’amitié. En effet, les enfants, très jeunes, sont confrontés aux premiers signes de l’amitié. Je m’en rends compte régulièrement, car ils m’en parlent ouvertement. Il se passe souvent des histoires entre eux concernant leurs amitiés. Ils ont ce besoin de se sentir entourés et si par malchance une histoire éclate entre eux et que leur amitié est remise en question, ils se sentent très mal et ont besoin de réconfort pour être sûr que ledit ami reviendra. Parler de ce sujet avec eux pouvait donc les intéresser et pourquoi pas les pousser à régler certaines crises.
Dans leur ouvrage
Les copains : liens d’amitié entre enfants et entre adolescents. (2006), Raynaud, Guilbert et Cébula rappellent que dès le plus jeune âge les enfants créent des liens d’amitié très profonds. Ces relations très fusionnelles rendent les enfants plus forts mais aussi plus vulnérables. En effet, l’amitié représente des attaches, des risques, des joies ou encore des peines. Hartup (1996) décrit l’amitié comme étant « une relation dyadique » (p.1). Cette relation met en lien deux être égaux qui ressente une attache puissante entre eux. Cette relation est basée sur l’engagement, l’affection, mais aussi sur l’égalité. Dans cette continuité, Brun (2006) spécifie que l’amitié peut laisser des traces durables sur le long terme. Les différentes amitiés vécues par les enfants sont souvent encouragées par leur entourage proche, comme les parents ou encore les enseignants. Ces derniers voient dans ces moments de complicité des éléments de socialisation et d’assurance face à l’inconnu. Les enfants ont besoin d’une certaine stabilité dans leurs amitiés. En effet, lors d’un déménagement certains enfants peuvent se sentir très seuls et ne pas réussir tout de suite à renouer avec leur nouvel environnement. Ils pensent encore à leurs anciens copains d’école et ont besoin de temps pour en trouver des nouveaux. Selon Brun (2006), la stabilité familiale est importante, mais il ne faut pas laisser de côté les relations amicales qui doivent être stables pour assurer la régularité du quotidien. Cela permettra de maintenir l’environnement de l’enfant ainsi que sa vie intérieure.
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Table des matières
TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS
INTRODUCTION
CADRE THEORIQUE
1. LA PHILOSOPHIE POUR LES ENFANTS
2. LE LANGAGE COMME OUTILS DE LA PENSEE
3. CONTEXTE SUISSE: LE PLAN D’ETUDES ROMAND (PER)
4. LE THEME DE L’AMITIE
PROBLEMATIQUE
HYPOTHESES
DEMARCHE DE RECHERCHE
DEMANDE D’ACCORD DE LA DIRECTION
DEMANDES REQUISES AFIN DE FILMER
ROLE D’ENSEIGNANTE ET DE CHERCHEUSE: POSITION DOUBLE
METHODOLOGIE
CONTEXTE
PLANIFICATION DES LEÇONS D’ENSEIGNEMENT – APPRENTISSAGE SUR LES TALK LESSONS
Mise en place de mon dispositif
Première inspiration : une vidéo
Deuxième inspiration: un livre
Troisième inspiration : un mémoire
METHODE D’ANALYSE
Objectifs
Procédures
Procédures d’analyse de données
ANALYSE ET INTERPRETATION DES RESULTATS
DESCRIPTION ET ANALYSE DES TALK LESSONS
Talk Lesson numéro 1:
Talk Lesson numéro 2:
ANALYSE DES DISCUSSIONS PHILOSOPHIQUES SUR LE THEME DE L’AMITIE
Les thèmes
L’argumentation
La prises de parole
Le retour sur les Talk Lessons
Le rôle de l’enseignante
RETOUR SUR LES HYPOTHESES
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
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