Le Regroupement provincial des maisons d’hébergement et de transition du Québec
Le Regroupement provincial compte environ 50 maisons au Québec: Cet organisme autonome à but non lucratif a vu le jour en février 1979 et vise la prise de conscience collective de la problématique des femmes victimes de violence conjugale. Le Regroupement provincial se définit comme un groupe de pression, d’échange et de services: information, prévention, formation, sensibilisation, éducation du milieu. Il sensibilise la population et les organismes publics au problème des femmes victimes de violence conjugale, il en dénonce les causes et favorise la recherche de solutions pour que cesse la violence faite aux femmes. Le Regroupement provincial a aussi comme mission de permettre une réflexion et une formation continue aux intervenantes des maisons d’hébergement.
Que sont les maisons d’hébergement?
Comme leur nom l’indique, le but principal de ces maisons est d’abord d’ assurer gîte et protection pour les femmes et les enfants vivant en situation de violence conjugale. Ces maisons offrent toute une gamme de services directs auprès des femmes: hébergement, écoute, relation d’ aide, accompagnement socio-juridique, etc. Elles ont également un volet d’intervention sociale visant la population en général: sensibilisation, éducation, revendication. Enfin, un travail de concertation est réalisé entre les différentes ressources sociales et judiciaires. Le rôle de soutien du Regroupement s’ avère très important d’ autant plus que cette problématique est nouvelle et ne jouit pas d’une très grande popularité. Nous l’ avons dit, bien des résistances sont encore tenaces.
Une préoccupation particulière est accordée aux enfants puisque, lorsque les femmes quittent un foyer violent, elles le font en très grande majorité avec leurs enfants. Bien que l’intervention soit axée d’abord sur les besoins des femmes, la plupart des maisons offre une intervention spécifique pour les enfants dans le but de contrer la transmission inter-générationnelle de la violence mais aussi d’aider les enfants témoins de violence à gérer cette situation.
La gestion féministe
Voici donc le défi: marier gestion et féminisme. Mais tout d’abord, qu’est-ce que la gestion?
La gestion est un processus par lequel on détermine, organise et coordonne l’ensemble des moyens à mettre en oeuvre pour l’atteinte des objectifs fixés, y compris les ressources humaines, matérielles et financières de l’organisme.
Il s’agit de faire aller selon une manière, un ordre, pour obtenir un résultat. Différents moyens, viennent structurer l’organisme afin qu’il puisse réaliser ses objectifs tout en suivant une manière de fonctionner.
Dans les ressources pour femmes et en concordance avec la philosophie féministe, la gestion se devait également de respecter certaines valeurs et façons de faire. Une recherche réalisée par Guberman et al ( 1997) a permis d’observer que, dans les groupes à l’étude (centres de femmes, maisons d’hébergement ou autres groupes de femmes), ceux-ci avaient adopté certains principes de base:
Un fonctionnement antibureaucratique qui permet un partage horizontal du pouvoir au sein des équipes de travail.
Une préoccupation quant à la place et au rôle des membres dans l’organisme.
Un rapport au travail qui se caractérise essentiellement par: le contrôle des travailleuses sur le processus de travail; une humanisation des relations de travail; la valeur de l’égalitarisme.
La maison d’hébergement L’Autre-Toit du KRTB
Les services et les activités offertes
Pour réaliser une partie de sa mission, L’ Autre-Toit a mis en place tous les services pour venir en aide aux femmes victimes de violence: accueil, référence et information, écoute téléphonique et face à face, relation d’aide individuelle et de groupe visant la dévictimisation, accompagnement socio-juridique sans oublier l ‘hébergement. Ces services sont offerts 24 h / 7 jours / 365 jours/ année. Le secteur jeunesse, quant à lui, comprend des services spécifiques pour les enfants: accueil, écoute, compréhension de la situation, etc.
Différentes activités sont organisées avec eux pour que leur séjour dans cette grande maison leur paraisse, malgré tout, agréable. L’adaptation est parfois difficile pour certains enfants alors que, dans d’autres occasions, ils ne veulent plus partir! Une intervention particulière est réalisée auprès des mères dans l’exercice de leur rôle parental. Tous les services sont sur une base volontaire, sont également offerts à l’externe et sont gratuits.
Enfin, puisque nous sommes situées dans une région rurale et que certaines demandes pour des raisons autres que la violence conjugale nous sont, à l’occasion, adressées, nous avons également instauré un « système d’hébergement/dépannage» de quelques jours pour répondre à ces besoins particuliers.
La prise de décision
La prise de décision consensuelle est fortement souhaitée mais lorsque cela s’avère impossible, la décision est prise, comme je l’ai déjà noté, à majorité. C’est, à mon avis, un des avantages du travail en cogestion comparativement à celui en collective où, lorsque le consensus est impossible, les membres de la collective doivent recommencer la discussion jusqu’ à ce que chacune se rallie. Par contre, dans le mode de cogestion tel que nous l’appliquons, lorsqu’une personne n’est pas en accord avec l’ensemble des autres administratrices ou travailleuses, elle est invitée à se rallier ou à inscrire sa dissidence au procès-verbal du conseil d’administration ou de la rencontre d’équipe. Cette étape ultime se fait après avoir donné assez de temps aux discussions. Ainsi, à L’ Autre-Toit, nous avons une préoccupation d’efficacité tout en tenant compte du nombre élevé des personnes au sein de l’organisation: plus il y a de monde, plus les discussions peuvent être longues.
Partager le pouvoir: comment cela s’applique-t-il?
D’après ce que nous venons de voir en lien avec la définition d’une cogestion, appliquer ce modèle de gestion ne devrait pas poser de problèmes, du moins théoriquement.
Mais, comme dans toutes pratiques, les théories peuvent être parfois difficilement applicables car la réalité terrain peut amener bien des surprises. Il y a souvent une différence entre « l’idéal et la vraie vie ». C’est ce qui m’a amenée à formuler mon problème de recherche ainsi: Dans la gestion des maisons d ‘hébergement pour femmes victimes de violence conjugale, la question du pouvoir peut être au centre d’un conflit de valeurs (valeurs véhiculées par ces organisations) ou encore peut relever de la personne qui l’applique concrètement.
D’après moi, Si une organisation applique les valeurs prônées par la philosophie féministe en se donnant des mécanismes, une structure adéquate et en s’assurant l’adhésion des travailleuses, la gestion ne devrait pas soulever de controverses. L’organisation devrait être en mesure de régler ses conflits au fur et à mesure qu’ils se présentent, tout en respectant ses valeurs de base. Alors, comment se fait-il que dans certaines organisations des difficultés de gestion ou encore des conflits majeurs apparaissent sans qu’il y ait possibilité de règlement? Peut-il s’ agir d’une «mauvaise» vision ou d’une «mauvaise » utilisation du pouvoir? Peut-il s’agir de la ou des personnes en poste de pouvoir? D’un manque de communication? Y a-t-il un manque dans le respect des valeurs? Ou ce manque se situe-t-il au niveau de la structure? Y a-t-il une mauvaise perception du pouvoir? Peut-il faire référence à un vécu antérieur négatif? D’où ces problèmes peuvent-ils bien provenir?
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 :LA PROBLÉMATIQUE DE LA VIOLENCE CONJUGALE AU QUÉBEC
1.1 . Les maisons d’hébergement
1.1.1. Le Regroupement provincial des maisons d’hébergement et de transition du Québec
1.1.2. Que sont les maisons d’hébergement?
1.1.3. La philosophie féministe des maisons d’hébergement
1.1.4. La gestion féministe
1.2. La maison d’hébergement, L’ Autre-Toit du KRTB
1.2.1. Son histoire
1.2.2. La mission et la philosophie
1.2.3. Les services et les activités offertes
1.2.4. La gestion organisationnelle
1.2.5. La structure de l’organisation
1.2.6. La prise de décision
1.3. Moi comme coordonnatrice
1.3.1. Partager le pouvoir, comment cela s’applique-t-il?
1.3.2. Qu’est-ce que le pouvoir?
1.3.3. Le partage du pouvoir
1.3.4. Le climat de travail
1.3.5. Théorie professée vs théorie pratiquée
CHAPITRE II :MÉTHODOLOGIE
2.1. La recherche heuristique
2.2. La recherche ontogénique
2.3. La praxéologie
2.4. Collecte des données
2.4.1. Auto-observation
2.4.2. Regard des autres
2.5. Processus d’analyse
CHAPITRE III :ANALYSE DES DONNÉES
3.1. La gestion « physique»
3.1.1. La gestion matérielle et budgétaire
3.1.2. Organisation/planification/structure
3.2. La gestion du personnel
3.2.1. L’embauche
3.2.2. La supervision du personnel
3.3. L’intervention directe auprès des femmes hébergées
3.4. Entre devoir et pouvoir
3.5. D’autres aspects du pouvoir
3.5.1. Le pouvoir : négatif ou positif?
3.5.2. S’approprier son pouvoir vs le donner aux autres
3.5.3. Pouvoir vs responsabilisation
3.5.4. Contrôle vs mesures de contrôle
3.6. Quelques prémisses au partage du pouvoir
3.6.1. Communication et partage de l’information
3.6.2. Consultation et délibération
3.6.3. Respect et écoute
3.6.4. Responsabilisation de chacune
3.6.5. Pouvoir d’influence: croire que ton avis pourra amener un changement
3.6.6. Ouverture au changement
3.6.7. pouvoir et abus de pouvoir
3.6.8. Egalité et équité
3.7. Quelques éléments facilitateurs à la cogestion
3.7.1. L’humour
3.7.2. La créativité
3.7.3. L’engagement et l’implication de chacune
3.8. En résumé
3.9 Constats et impacts sur ma pratique
3.9.1. Un lien entre le modèle II d’ Argyris et Schon et le modèle de cogestion reposant sur les valeurs féministes: respect, égalité, solidarité, humanisation, partage du pouvoir
3.9.2. Vaciller entre les modèles I et II, structures de pression et de coopération
3.9.3 . L’importance de certaines valeurs que je porte
3.9.4. Modèle hiérarchique vs modèle féministe de cogestion
3.9.5. Style de gestion hommes ou femmes
3.9.6. La fragilité d’une équipe de travail et le fait que rien ne soit totalement acquis
3.9.7. L’importance de travailler à la structuration de l’ensemble de l’organisation et de s’entendre sur les rôles et responsabilités de chacune
3.9.8. Appliquer les notions de plaisir, d’humour et de créativité
3.10. Plus personnellement
3.10.1. Ma vision du pouvoir: pouvoir sur les situations et non sur les personnes
3.10.2. Ma relation au devoir
3.10.3. Savoir prendre des risques
3.10.4. La prise de conscience de l’importance de la mise en place d’un processus
3.10.5. Augmentation de la conscience de soi
CONCLUSION
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