Définition des principaux concepts et appuis scientifiques
En philosophie, la pensée et le langage sont deux composantes essentielles. La pensée pour être transmise aux autres membres de la communauté de recherche nécessite l’utilisation du langage. À l’inverse, le langage est nécessaire pour accéder à la pensée, nous pouvons d’ailleurs dire que penser, c’est créer sa propre parole, il n’y a pas de pensée sans mots. C’est parfois même en énonçant notre point de vue, en posant des mots sur notre raisonnement que nous voyons notre erreur. Il n’y a pas de pensée si elle n’est pas externalisée.
Nous allons étudier par la suite les syllogismes, notion travaillée lors d’une séance en stage, pour voir que le langage a un rôle fondamental dans le processus de la pensée et que les mots ainsi que leur place dans la phrase ont toute leur importance.
Apprendre à réfléchir s’apprend, pour cela étudier le développement de la pensée réflexive chez l’enfant à travers l’enseignement de la philosophie peut être une démarche enrichissante. Au début, les enfants vont avoir tendance à se fier aux préjugés, à leurs impressions, à ne pas remettre en cause leurs perceptions, ni leurs jugements. Il faut leur apprendre à ne pas prendre pour véritables, les impressions premières et à dépasser leur propre jugement en le questionnant. Questionner son propre jugement et sa validité, c’est le faire avancer. Nous pouvons citer les trois étapes de la pensée énoncées par Kant qui justifient ce comportement des élèves. Pour Kant, la pensée est avant tout dogmatique, cette étape dépassée, on s’interroge. Puis vient enfin la pensée critique. Les individus qui ne remettent pas en cause leurs pensées sont au stade de la pensée dogmatique, ils ne se sont pas encore interrogés et n’ont donc pas atteint la pensée critique.
La pensée critique découle de la pensée réflexive. C’est parce que l’individu est capable de penser par lui-même et de remettre en cause sa pensée, qu’il peut avoir une pensée critique.
La pensée est réflexive avant d’être critique.
Faire un débat philosophique, c’est énoncer son point de vue sur un sujet philosophique, le confronter à celui des autres, ce qui oblige à le défendre, à trouver des arguments, tous les membres de la communauté ne partageant pas le même point de vue.
Autrement dit, l’individu qui s’exerce au débat philosophique échange avec les autres membres de la communauté, en cela il construit son point de vue en l’énonçant, le modifie parfois selon les apports des autres, essaie de modifier celui des autres en expliquant les raisons qui le poussent à penser ce qu’il avance. Selon Pascal pour prouver que l’autre a tort, il faut lui montrer qu’il n’a pas tout vu, qu’il n’a pas étudié tous les aspects de la question. Or pour défendre son point de vue, chacun a l’obligation d’argumenter, d’expliquer le raisonnement suivi pour le faire comprendre aux autres, il doit trouver des arguments recevables, des raisons qui expliquent le bien fondé de la pensée, de l’idée en question. Le but n’est pas d’arriver à une pensée commune après le débat mais de faire avancer la réflexion de chacun grâce à la réflexion collective. Il s’agit d’un véritable échange. D’ailleurs, pour qu’il y ait débat, il faut qu’il y ait confrontation des idées et pas une simple liste de propositions. Les propos doivent se construire en interactions. En ce sens nous pouvons parler de débat. Nous avons défini ce que nous entendons par débat, il est bien entendu que le débat devient débat philosophique dès lors que les questions abordées touchent à la philosophie, s’interrogent sur des concepts philosophiques.
Les sujets philosophiques ont l’avantage de ne pas se limiter à une seule réponse possible (ce qui, nous le verrons dans la deuxième partie, n’est pas toujours évident pourles élèves), en mathématiques par exemple, il y a peu de négociations possibles quant à la réponse attendue. Alors qu’en philosophie, tout point de vue est acceptable et compréhensible s’il est bien défendu donc il s’agit d’une discipline qui permet aux élèves de confronter leurs idées et qui donne la possibilité de travailler l’argumentation. Nous entendons par argumentation dans le domaine philosophique, le procédé qui permet à chacun de développer sa pensée. L’argumentation se construit grâce à des arguments, c’està-dire des raisons qui fondent la pensée et que l’on énonce pour en montrer le bien-fondé.
En cas d’arguments qui contrent la pensée énoncée, nous parlons de contre-arguments. Il faut sensibiliser les élèves à ce vocabulaire afin qu’ils puissent identifier leurs propos.
L’argumentation éclaircit les idées. Nous pouvons même aller jusqu’à dire : quand il n’y a pas de développement, d’argumentation, y-a-t-il vraiment une idée ? Quand nous parlonsde développement de l’argumentation à travers l’enseignement de la philosophie à l’école primaire, c’est de cela que nous parlons. Le travail sur l’argumentation et la pensée réflexive est long et difficile à mener puisqu’il s’agit de compétences qui se développent et s’acquièrent donc sur du long terme. Il faut pratiquer de manière prolongée et continue le débat philosophique pour arriver à un résultat visible et significatif. D’où l’importance de commencer assez vite.
La philosophie permet également d’aborder une compétence transversale qui est la qualité de l’expression. L’élève qui veille au contenu de ses propos et mène en quelque sorte une analyse métalinguistique, va améliorer son expression.
Je pense que nous pouvons résumer ce qui vient d’être énoncé en disant qu’une pensée bien fondée se traduit par une argumentation bien structurée.
La logique a également une place essentielle dans la pensée réflexive et dans l’argumentation. Pour mener à bien une réflexion, l’individu qui réfléchit doit maîtriser certaines bases de la logique. De plus, la logique teste la vérité ou la fausseté des choses.
Un argument non logique ne vaut rien.
La mise en œuvre d’une pensée métacognitive.
Nous allons voir plus en détail ce que supposent ces notions. Par pensée critique, comme nous l’avons déjà mentionné, nous supposons l’édification de critères qui peuvent être débattus. Par pensée créative, l’individu cherche des dépassements du cadre original de sa pensée, c’est-à-dire des limites à sa manière de penser. Enfin, la pensée métacognitive suppose que l’individu fait un retour sur les éléments cognitifs engagés dans le processus dynamique de sa pensée, c’est-à-dire qu’il est capable de remettre en cause ce qu’il sait, il sait comment il sait.
E. Auriac-Peyronnet distingue deux opérations dans le cadre de l’argumentation : la justification et la négociation. La négociation permet au dialogue de progresser, pas la justification car quand il y a négociation, nous acceptons de revoir notre positionnement, de prendre en compte la position d’autrui. Vers 8-9 ans, l’enfant accepte d’entrer dans la négociation mais ce n’est que vers 13-14 ans que cette opération est réellement totalementacquise.
J’ai également pris appui sur Pratiquer le « débat-philo » à l’école de Patrick Tharrault. On insiste comme dans la conception de Lipman sur l’importance de l’interrelation, de l’échange entre pairs pour le développement de la pensée réflexive. Karl Jaspers déclarait à ce sujet : « Un individu en lui-même, seul, ne peut pas être raisonnable » . Précisons que la pensée est avant tout un acte personnel, il est seulement, par la suite, un acte collectif. La phase d’échange permet d’enrichir la réflexion, l’individu revient ensuite vers lui-même pour éventuellement modifier sa pensée première.
Il faut faire prendre conscience à l’élève que ce que nous prenons pour une certitude est souvent une opinion. Une réflexion sur l’opinion en question est nécessaire, c’est le but de la philosophie. Attention, n’extrapolons pas, nous avons tous des opinions, des préjugés, cela est inévitable. La seule précaution à prendre, c’est de ne pas être convaincu de l’entière validité de ces opinions. Nietzsche affirme à ce sujet : « Le pire ennemi de la vérité n’est pas le mensonge mais la conviction » . Il est indispensable de procéder à des remises en question pour se rapprocher de la vérité. Pour lui, « La première opinion qui nous arrive quand on nous interroge à l’improviste sur une chose n’est d’ordinaire pas la nôtre, mais seulement l’opinion courante qui appartient à notre caste, notre situation, notre origine : les opinions propres émergent rarement à la surface » . Nous voyons là, le risque d’un non retour sur les opinions. L’enfant comme l’adulte n’accède pas de suite à une idée réfléchie.
Signalons également, que l’enfant, certainement plus que l’adulte à des jugements basés sur l’émotion. Il est difficile pour lui de prendre du recul. C’est d’ailleurs pour cela qu’il est préférable d’avoir un temps de latence entre l’énoncé de la question et l’entrée dans ledébat.
Cette dernière réflexion nous amène à distinguer croire et savoir. Une connaissance n’est pas une croyance. Les deux termes ne sont pas synonymes. Une croyance ne repose pas sur des connaissances. Elle ne peut se vérifier de manière exacte. Quand nous croyons quelque chose, il nous est difficile de le justifier. Croire s’oppose donc d’une certaine manière à penser dans le sens où penser, comme nous l’avons dit plus haut, fait appel à la raison. Il ne faut pas pour autant généraliser de manière excessive cette distinction, il existe bien entendu des croyances rationnelles.
Ces distinctions au niveau du vocabulaire me semblent significatives. Nous pouvons voir qu’un mot ne vaut pas un autre. Il y a des degrés de significations différents.
Nous avons, une fois de plus, la preuve que le langage a un rôle non négligeable dans la transmission de la pensée. Pour être compris de l’autre, il faut veiller au vocabulaire employé pour que les mots soient au plus proche de la pensée.
J’ai également lu quelques pages de La logique et son histoire d’Aristote à Russell de Robert Blanché. Cette lecture a été une aide pour faire le point sur quelques notions de logique comme les syllogismes par exemple. Cet ouvrage est très complet sur le sujet mais donc aussi très complexe. Le point théorique sur la logique a déjà été fait, il n’est donc pas pertinent de le développer à nouveau.
Pour poursuivre mes lectures, j’ai opté pour L’école et la philosophie qui présente des études réunies et présentées par Jean Lombard. L’idée qui ressort de cette lecture est que le débat philosophique amène les enfants à utiliser des connecteurs logiques, tels que « parce que », « en conséquence » par exemple, le débat initie donc les enfants à l’argumentation. Il apprend également à confronter son opinion à celle des autres, à s’exposer, à se défendre.
On insiste dans cet ouvrage sur le rôle de l’école qui ne doit pas faire croire mais faire voir, qui doit « éclairer le jugement » et non « orienter la croyance ». Autrement dit, l’école ne doit pas faire croire mais apprendre à penser. Le but étant toujours de former un citoyen autonome et capable de penser par lui-même, on précise dans cet ouvrage que « l’esprit éclairé ne laisse à personne le soin de décider pour lui ce qu’il faut penser ; l’homme instruit ne s’empare pas sans en juger de tout ce qui se dit, des opinions même les plus générales, ni des modes même les plus répandues » . Ce qui est visé à travers l’enseignement de la philosophie, c’est la formation d’un élève qui apprenne à douter, à se poser des questions, à revoir ses positions, à dépasser les opinions, à confronter son point de vue à celui des autres, exposer ses arguments…et de manière plus générale la formation d’un citoyen capable d’agir raisonnablement dans la société qui l’entoure.
La pratique
Les séances menées lors des stages
N’étant pas admissible au concours et ne disposant pas de stage en responsabilité, j’ai choisi d’effectuer le stage de cette année en école privée, structure de l’Éducation
Nationale afin de profiter au mieux des deux périodes de stage. Il me semblait en effet, plus judicieux d’effectuer les stages dans une école, structure de l’Éducation Nationale, plutôt que dans un autre type de structure. Le but étant de se former au mieux et de profiter au maximum des quatre semaines sur le terrain. D’autant plus, qu’en école privée ou en école publique, je pense que si nous souhaitons faire ce métier, c’est avant tout pour les enfants, pour leur apprendre des choses, les voir évoluer, progresser, grandir, s’épanouir. Au fond, la cause est toujours la même. J’ai donc pendant quatre semaines suivi une classe de cycle 3 et plus précisément de CM2. J’ai eu l’opportunité de mener en plus des séances plus « traditionnelles », des séances de philosophie. J’ai proposé trois séances dans cette discipline. Les trois séances sont profondément différentes mais je voulais profiter au mieux et profiter de cette expérience pour tester différentes approches.
Lors de la première séance (annexe 1), j’ai annoncé à la classe que nous allions faire de la philosophie et j’ai demandé aux élèves ce qu’était pour eux cette discipline. Il s’agissait de leur présenter la philosophie de manière globale tout en les sollicitant et en éveillant chez eux des interrogations et une certaine curiosité.
Cette première séance portait sur l’initiation à la logique (notamment la découverte du principe de conversion et le syllogisme). Le support de la séance était La découverte d’Harry Stottlemeier de Matthew Lipman cité dans la première partie. À partir de l’extrait (annexe 2), j’ai demandé aux élèves pourquoi Harry s’était trompé. Le but étant d’arriver à la conclusion que si « Toutes les planètes tournent autour du soleil », « Tout ce qui tourne autour du soleil n’est pas une planète » pour arriver à un travail sur la conversion de propositions. Il y a conversion des propositions quand on permute le sujet et le prédicat, nous l’avons déjà expliqué. Plusieurs exemples ont donc été donnés et travaillés avec les élèves. Ils ont ensuite donné des exemples pour tenter de convertir différentes propositions.
A également été abordé lors de cette séance, le principe de fonctionnement des syllogismes. Un exemple de syllogisme était donné plus loin dans l’ouvrage de M. Lipman, je l’ai donc repris pour expliquer aux élèves ce qu’était un syllogisme. Une fois, cela fait, en proposant trois termes, sans distinguer terme mineur, terme majeur et moyen terme, je leur ai demandé de me construire un syllogisme de figure 1. Nous avons ensuite vu un sophisme proposé dans Harry Stottlemeier(avec les goujons et les requins). Je l’ai amené aux élèves sans le distinguer au départ d’un syllogisme, les élèves ont alors après avoir détecté la fausseté de la conclusion, recherché l’erreur dans le raisonnement.
À travers cette séance, il s’agit de sensibiliser les élèves au langage et d’apprendre grâce aux syllogismes à déduire une proposition vraie de deux prémisses correctes. Les élèves se sont interrogés sur leur raisonnement. Dans le cadre de la première séance, nous nous sommes contentés d’aborder principalement le principe de conversion et les syllogismes de figure 1. En effet, il s’agissait d’une séance d’initiation à la logique, il ne fallait donc pas dans un premier temps faire des choses trop difficiles. Le but n’étant pas de perdre la moitié des élèves mais de les sensibiliser à la logique, de s’amuser avec les mots, les propositions, la logique. Il faut conserver l’aspect ludique. Les élèves sont invités à vérifier des syllogismes, à jouer avec les prémisses correctes pour en déduire une proposition vraie. Ils ont également appris le vocabulaire technique (moyen terme, termemineur, terme majeur…) et l’inclusion.
Les élèves ont vu l’importance de la place des mots et ils ont effectué des opérations mentales visant à vérifier l’exactitude des propositions. Ils ont commencé à se familiariser avec la logique au sens d’Aristote.
La logique est formelle, elle ne s’intéresse pas au contenu. On s’intéresse à la forme, pas seulement au fond. Avec les élèves, il est intéressant de faire apparaître les abus de langage. Il convient d’insister pendant la séance sur le principe d’inclusion (lien moyen terme, terme majeur et terme mineur) et sur l’importance de la place des mots. L’exemple avec les goujons et les requins tiré de l’œuvre de Matthew Lipman montre aux élèves que la place des mots est essentielle, ils prennent conscience que tout ne veut pas dire la même chose. La logique teste la vérité ou la fausseté des choses. Un argument non logique ne vaut rien. Il s’agit de le faire comprendre aux élèves.
Pour travailler le lien entre la grammaire et la logique, il est possible de proposer aux élèves deux phrases:
– Les élèves, qui avaient fini, étaient sortis.
– Les élèves qui avaient fini, étaient sortis.
Il faut montrer aux élèves le rôle de la ponctuation. Pour beaucoup, en CM2, les deux phrases sont identiques étant donné que seule une virgule les différencie.
Il faut alors en insistant à l’oral, montrer aux élèves la nuance entre les deux phrases. Dans la première, tous les élèves ont fini, ils sont tous sortis alors que dans la deuxième, seuls les élèves qui ont fini sont sortis.
Avec ou sans virgule, on ne dit pas la même chose. Le but étant toujours de faire constater aux élèves que le langage est un système complexe et que chaque nuance a du sens. Une connaissance de ces différents phénomènes et une attention particulière aux mots, tournures et phrases employés feront de l’élève, un individu capable de juger son discours, d’avoir sur lui un contrôle, d’utiliser à bon escient les mots pour refléter au mieux sa pensée. L’élève apprendra à être plus rigoureux et à veiller à ce qu’il dit et à la conformité de ce qu’il énonce avec ce qu’il pense. Nous savons combien il est parfois difficile pour les élèves d’exprimer de manière « juste » leur pensée, de percevoir les nuances entre deux discours. De plus, les choses apprises en ce qui concerne le langage permettent à l’élève d’améliorer ses propos mais aussi d’avoir une perception plus fine du propos d’autrui. Nous savons combien il est nécessaire d’analyser avec précision ce que nous dit notre interlocuteur, que ce soit en situation de débat ou lors d’une simple discussion, en philosophie ou dans une autre discipline ou situation.
Bilan de cette expérience et future pratique
Ces premières expériences en philosophie m’ont confortée dans l’idée de pratiquer l’enseignement de la philosophie à l’école primaire. Le travail sur la logique me plaît assez bien et le débat à visée philosophique est, à mon sens, un bon outil pour développer chez les élèves certaines compétences.
Cependant, les situations de débat, de libre échange entre les élèves soulèvent chez l’enseignant de nombreuses questions. Le choix de la question est déjà une première étape, en effet, il faut veiller à ce que la question ne soit pas en contradiction avec ce que l’on attend du maître. En classe, nous ne pouvons débattre de tout. Tout n’est pas matière à débat et on ne fait pas un débat pour dire de débattre.
De plus, l’enseignant doit être préparé à la prise de parole des élèves et conscient des dérives possibles du débat. Les élèves sont invités à donner leur point de vue, àexpliquer leur vision des choses, leurs conceptions ; par conséquent, la parole est libre.
Tout en respectant la liberté d’expression de chacun, l’enseignant doit veiller à ne pas laisser les élèves tout dire. Les propos dénigrant certaines personnes, idées, ou communautés par exemple ne sont pas à tolérer, que les attaques soient directes ou indirectes.
En tant que futur enseignant, la pratique de débat philosophique a fait naître dans mon esprit beaucoup de questions telles que : quand intervenir (c’est-à-dire comment juger sur le moment que les propos dépassent l’acceptable), comment éviter toutes dérives et récupérer au plus vite la situation, comment intervenir concrètement, que dire à l’élève qui s’exprime, comment ne pas le brusquer en l’interrompant, comment lui faire comprendre qu’il ne s’agit pas de censure et d’interdiction de parler (l’élève coupé dans son intervention peut ne pas comprendre que le maître agit de la sorte parce que ses propos ne sont pas acceptables à l’école).
En ce qui concerne la parole, l’enseignant veillera à la distribuer le plus équitablement possible. Il interroge en priorité les élèves qui n’ont pas encore participé audébat et demandent la parole. L’enseignant n’oblige pas un élève à s’exprimer ; on respectela liberté d’expression de chacun mais également son silence.
Lors de débats philosophiques, le cas d’opposition entre deux élèves est fréquent.
L’enseignant ne doit pas prendre position, pas trancher mais laisser la discussion avancer.
Les élèves peuvent, par leurs interactions, échanger leur point de vue et échanger arguments et contre-arguments. L’enseignant aide les élèves à identifier arguments et contre arguments, à soulever les contradictions, les oppositions, à reformuler. Il n’intervient pas dans le débat en lui-même mais guide son déroulement. J’ai constaté que les élèves à cet âge ont régulièrement besoin d’être recentrés sur le sujet.
Après réflexion à ce sujet et retour sur la pratique, je pense que le maître est davantage présent pour recentrer le sujet, demander aux élèves de préciser leur pensée, de reformuler, pour souligner les oppositions, les contradictions, les points commun et bien entendu pour éviter les dérives et les propos non admissibles. En aucun cas, l’enseignant est amené à donner son point de vue, il doit rester neutre. Il n’est plus une référence, les élèves travaillent sans validation du maître. L’enseignant ne détient plus tout le savoir, sa posture est différente dans le cadre de débat philosophique. Même s’il reste le garant de l’autorité, la démarche n’est pas transmissive, les élèves ne se retrouvent pas devant un enseignant qui délivre le savoir à maîtriser, à connaître.
D’ailleurs, lors de la pratique du premier débat, j’avais expliqué qu’en philosophie, il n’y avait pas de réponse fausse et que si l’élève pensait différemment que son camarade, il ne fallait pas chercher qui avait tort mais essayer de comprendre l’autre, de comprendre sa pensée. Malgré cette mise en garde, je me suis heurtée à un problème, un élève a noté sur la feuille bilan que nous n’avions pas répondu à la question. Après une discussion avec lui, je me suis rendue compte qu’il attendait que je dise ce qu’il était bon ou préférable de penser.
Je pense que les élèves ne sont pas habitués aux disciplines comme la philosophie où une question ne se résout pas par une unique réponse.
Avec le recul, je m’aperçois que j’aurais pu être plus claire à ce sujet et à l’avenir lors de séances de philosophie, j’insisterai davantage sur ce point.
Dans la situation du stage, j’ai lu les feuilles bilan des élèves après le débat, j’ai donc au début de la séance suivante expliqué que les questions philosophiques contrairement aux questions mathématiques n’admettaient pas qu’une seule réponse, que plusieurs opinions étaient valables et acceptables, qu’il ne s’agissait pas à la fin du débat d’avoir une réponse et une seule à la question mais plutôt d’avoir mené une réflexion collective pour aller plus loin que l’opinion personnelle et essayer de dépasser certaines idées qui s’imposent à nous à l’énoncé d’une question.
Si je devais analyser de manière brève les deux débats menés, je dirais que les élèves savent, au cycle 3 et notamment ici dans la classe observée, se décentrer. Les élèves ne voient pas les choses sous leur unique point de vue, ils prennent en compte l’avis des autres et essaient de comprendre les motifs des divergences d’opinion. Les élèves ont d’une manière générale la capacité à remettre en question leurs jugements, leurs perceptions. Ils acceptent la discussion et comprennent le but de l’échange, ils acceptent généralement de prendre en compte le point de vue des autres.
Nous avions vu dans la première partie que pour Lipman, contrairement à l’adulte, l’enfant lorsqu’il rencontre un avis différent, le prend pour source d’informations supplémentaire ; après avoir mené ces deux débats, je doute de la validité de cette affirmation. Les élèves réagissent souvent comme les adultes.
Enfin, la généralisation du propos apparaît comme la difficulté majeure pour l’élève. Dans ma pratique future, je travaillerai avec beaucoup d’attention ce point en invitant les élèves à jouer avec arguments et contre-arguments sans passer par l’expérience personnelle et l’exemple mais en généralisant davantage le propos. Bien sûr, ce travail nécessiterait de nombreuses séances, mais il peut être envisagé.
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Table des matières
Introduction
I. Philosophie, pensée réflexive, argumentation et logique
1) Choix de la discipline et du sujet
2) La philosophie en général et son enseignement à l’école primaire.
3) Définition des principaux concepts et appuis scientifiques
II. La pratique
1) Les séances menées lors des stages
2) Bilan de cette expérience et future pratique
3) Confrontation de la pratique et de la théorie
Conclusion
Bibliographie
Annexes