Lโinfection par le virus de lโimmunodรฉficience humaine (VIH) est lโune des pandรฉmies les plus graves de ces derniรจres dรฉcennies. Elle constitue un problรจme majeur de santรฉ publique et reste un dรฉfi important pour le systรจme de santรฉ mondial. LโONUSIDA estime le nombre total de patients vivant avec le VIH (PvVIH) ร 35,3 millions, le nombre de nouvelles infections ร 2,3 millions par an et le nombre de dรฉcรจs ร 1,6millions par an. LโAfrique subsaharienne est de loin la plus touchรฉe avec plus de 2/3 des cas soit 25 millions [63]. Du point de vue de la prise en charge, lโaccรจs aux ARV est au centre des prรฉoccupations dans les pays en voie de dรฉveloppement et dans la communautรฉ internationale. Le Sรฉnรฉgal fait partie des premiers pays dโAfrique sub-saharienne ร mettre en place un programme public dโaccรจs gratuit aux mรฉdicaments ARV.LโInitiative Sรฉnรฉgalaise dโAccรจs aux ARV (ISAARV) a รฉtรฉ crรฉรฉe en 1998, Initialement axรฉe ร Dakar, elle a รฉtรฉ dรฉcentralisรฉe dans les rรฉgions en 2001 avec comme objectif la prise en charge de 7000 personnes en fin 2006 .
Au vu des rรฉsultats encourageants enregistrรฉs, la dรฉcentralisation au niveau des centres de santรฉs a dรฉmarrรฉ en 2005. Lโextension de lโISAARV a permis dโaugmenter le nombre de sites de prises en charge des PvVIH qui est passรฉ de 81 ร 101 de 2008 ร 2009 soit une augmentation de 17%. Cโest ainsi que le nombre moyen de PvVIH pris en charge est passรฉ de1855 en 2004 ร 12249 en 2010[17]. Cโest dans ce contexte de dรฉcentralisation que le district sanitaire de Touba a commencรฉ ร prendre en charge ses patients vivants avec le VIH en 2005. La rรฉussite de la stratรฉgie de dรฉcentralisation passe par le respect des normes et standards รฉlaborรฉs au niveau national pour des exigences de qualitรฉ de prise en charge et une bonne gestion logistique des ARV. La mise en ลuvre nรฉcessite aussi une formation continue des prestataires exerรงant ร ce niveau.
La ville de Touba, situรฉe dans la rรฉgion de Diourbel et plus prรฉcisรฉment dans le dรฉpartement de Mbackรฉ est un lieu saint caractรฉrisรฉ par le pรจlerinage annuel appelรฉ ยซ Magal ยป. Cet รฉvรฉnement favorise la convergence dโune forte population vers la ville sainte. Ce qui ne la laisse pas ร lโabri de survenue dโรฉpidรฉmie et de recrudescence de certaines maladies comme lโinfection ร VIH/Sida. Cโest ainsi que nous avons entrepris cette รฉtude rรฉtrospective, transversale de type descriptive de cohorte au niveau du district sanitaire de Touba dont les objectifs รฉtaient :
– De dรฉcrire les aspects รฉpidรฉmiologiques, cliniques et paracliniques des PvVIH suivis dans ce district
– De dรฉcrire les aspects thรฉrapeutiques et รฉvolutifs de ces patients ;
– De formuler des recommandations pour amรฉliorer la prise en charge des PvVIH suivis dans ce district .
GENERALITES SUR LโINFECTION A VIH / SIDA
DEFINITION ET HISTORIQUE
Lโinfection ร VIH est une maladie infectieuse, virale, chronique due au virus de lโimmunodรฉficience humaine (VIH1 et VIH2), รฉvoluant sur plusieurs annรฉes et caractรฉrisรฉe par lโaffaiblissement du systรจme immunitaire ร mรฉdiation cellulaire rendant lโorganisme vulnรฉrable aux affections opportunistes. Le SIDA correspond au stade ultime de lโinfection ร VIH/SIDA. Les premiers signes de lโรฉpidรฉmie remontent ร la fin des annรฉes 1980, lorsque des mรฉdecins de New York et de San Francisco sโaperรงoivent que beaucoup de leurs patients homosexuels souffrent dโasthรฉnie, de perte de poids et parfois mรชme de formes rares et atypiques de cancer (comme le sarcome de kaposi). Lโexistence dโun problรจme sanitaire est avรฉrรฉe en juillet 1981 lorsque le Centers for Disease Control and Prevention (CDC) dโAtlanta relรจve une frรฉquence anormalement รฉlevรฉe de pneumonies ร Pneumocistis jiroveci et de sarcomes de kaposi. Lโorigine virale ne fut pas dโemblรฉe รฉvoquรฉe et une des premiรจres causes suggรฉrรฉes de cette immunodรฉpression est lโutilisation de Poppers (vasodilatateur utilisรฉ chez les homosexuels comme stimulant sexuel, et contenant du nitrite dโamyle).
HISTOIRE NATURELLE DE LโINFECTION A VIH
Cโest lโordre habituel stรฉrรฉotypรฉ et prรฉvisible dans lequel se dรฉroulent et se succรจdent les manifestations cliniques et biologiques de lโinfection ร VIH depuis la pรฉnรฉtration du virus dans lโorganisme jusquโau stade ultime de SIDA, en lโabsence dโintervention thรฉrapeutique. Les manifestations รฉvoluent en trois phases en fonction de la baisse du taux de lymphocytes T CD4+.
La phase de primo-infection par le VIH
Elle survient 3 ร 6 semaines aprรจs le contact infectant. Elle est symptomatique dans 30 ร 50 % des cas.
โย Signes cliniques
Ils sont peu spรฉcifiques et variables. Les signes les plus frรฉquents sont la fiรจvre, les adรฉnopathies, une odynophagie avec pharyngite รฉrythรฉmateuse, une รฉruption cutanรฉe maculo- papuleuse prรฉdominant au visage, au tronc et aux extrรฉmitรฉs, des myalgies, une asthรฉnie, des cรฉphalรฉes, plus rarement des nausรฉes ou des vomissements, une diarrhรฉe.
De faรงon plus exceptionnelle, on peut observer :
– des manifestations neurologiques telles que mรฉningite aiguรซ lymphocytaire, paralysie faciale, syndrome de Guillain et Barrรฉ, signes dโencรฉphalite,
– des ulcรฉrations gรฉnitales ou buccales,
– une pneumonie,
– une ลsophagite.
โย Signes biologiques
On observe classiquement un syndrome mononuclรฉosique avec hyperlymphocytose et apparition de grands lymphocytes bleutรฉs et une รฉlรฉvation des transaminases dans 50 % des cas. A ce stade, les anticorps spรฉcifiques sont encore absents, mais lโantigรจne p24 peut รชtre prรฉsent. Habituellement, les premiers anticorps apparaissent entre 2 ร 8 semaines aprรจs le dรฉbut des signes cliniques.
La phase de sรฉropositivitรฉ asymptomatique
Cโest une phase cliniquement silencieuse, mais biologiquement active. La rรฉplication virale est constante dans les organes lymphoรฏdes ; lโARN viral est prรฉsent dans le plasma et les lymphocytes circulants chez prรจs de 90% des patients. Le dรฉpistage prรฉcoce se fait par la recherche dโanticorps circulants.
La phase symptomatique dโimmunodรฉpression
Manifestations dโimmunodรฉpression mineure
Elles apparaissent aprรจs une durรฉe dโรฉvolution variable comprise habituellement entre 3 et 5 ans. Elles sont dโun intรฉrรชt clinique dโalerte et permettent dโรฉvoquer le diagnostic dโinfection ร VIH dรจs lโexamen clinique. Il peut sโagir de :
Symptรดmes constitutionnels
– Fiรจvre > 38ยฐ5 prolongรฉe pendant plus dโun mois
– Diarrhรฉe > 1mois sans cause dรฉcelable
– Amaigrissement inexpliquรฉ > 10% du poids habituel
– Asthรฉnie et/ou anorexie inhabituelle et sans autre cause retrouvรฉe.
Infections opportunistes mineures
– Candidose buccale, gรฉnitale ou cutanรฉe
– Leucoplasie chevelue de la langue
– Dermite sรฉborrhรฉique
– Zona
– Herpรจs gรฉnital ou pรฉrinรฉal.
A la biologie, des signes dโimmunodรฉpression sont dรฉjร prรฉsents avec :
– Leucopรฉnie (infรฉrieure ร 4000 รฉlรฉments /mm3)
– Lymphopรฉnie avec nombre absolue de lymphocytes TCD4+ < 400/mm3).
– Thrombopรฉnie
– Anergie des tests cutanรฉs .
Manifestations dโimmunodรฉpression majeure : SIDA
Cette phase survient en rรจgle plusieurs annรฉes aprรจs la contamination et correspond au stade ultime de lโinfection ร VIH ou stade de SIDA. Elle est caractรฉrisรฉe par des :
Manifestations digestives
– Candidose ลsophagienne
– Cryptosporidiose
– Microsporidiose digestive
– Isosporose
– Salmonelloses mineures
– Infection intestinale ร Mycobacterium avium intracellulaire
– Infection intestinale ร CMV .
Manifestations pulmonaires
– Tuberculose pulmonaire
– Mycobactรฉrioses atypiques
– Pneumocystose
– Pneumopathie bactรฉrienne rรฉcidivante
– Candidose broncho-pulmonaire
– Histoplasmose pulmonaire
– Coccidioรฏdomycose
– Aspergillose
– Maladie de Kaposi pulmonaire.
Manifestations neuromรฉningรฉes
– Toxoplasmose cรฉrรฉbrale
– Cryptococcose neuromรฉningรฉe
– Leucoencรฉphalite multifocale progressive
– Lymphome cรฉrรฉbral primitif
– Encรฉphalopathie ร VIH
– Encรฉphalite ร CMV
– Encรฉphalite herpรฉtique
– Mรฉningite tuberculeuse.
Manifestations dermatologiques
– Cryptococcose cutanรฉe
– Maladie de Kaposi
– Leishmaniose cutanรฉe
– Gale norvรฉgienne.
|
Table des matiรจres
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE:RAPPELS
I. GENERALITES SUR LโINFECTION A VIH / SIDA
I.1. DEFINITION ET HISTORIQUE
I.2. EPIDEMIOLOGIE
I.2.1. Dans le monde
I.2.2. En Afrique Subsaharienne
I.2.3. Au Sรฉnรฉgal
I.3. PHYSIOPATHOLOGIE DE LโINFECTION A VIH/SIDA
I.3.1. Agents pathogรจnes
I.3.2. Cycle de rรฉplication virale
I.3.3. Manifestations immunologiques
I.4. MODE DE TRANSMISSION
I.4.1. Transmission par voie sexuelle
I.4.2. Transmission par voie sanguine
I.4.3. Transmission verticale
I.5. HISTOIRE NATURELLE DE LโINFECTION A VIH
I.5.1. La phase de primo-infection par le VIH
I.5.2. La phase de sรฉropositivitรฉ asymptomatique
I.5.3. La phase symptomatique dโimmunodรฉpression
I.5.3.1. Manifestations dโimmunodรฉpression mineure
I.5.3.2. Manifestations dโimmunodรฉpression majeure : SIDA
I.6. LES DIFFERENTES CLASSIFICATIONS
I.6.1. Classification CDC Centers for Disease control 1993
I.6.2. Classification de lโOMS (Adultes et Adolescents) 2006
I.7. DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE DE LโINFECTION A VIH
I.7.1. Diagnostic indirect
I.7.2. Diagnostic direct
I.8. PRISE EN CHARGE DU PvVIH
I.8.1. Objectifs
I.8.2. Prise en charge psycho-sociale
I.8.3. Prise en charge mรฉdicale
I.8.3.1. Prise en charge clinique
I.8.3.2. Prise en charge paraclinique
I.8.4. Prise en charge thรฉrapeutique
I.8.4.1. Les infections opportunistes les plus frรฉquentes et leurs traitements curatifs
I .8.4.2.Chimioprophylaxie des infections opportunistes
I.8.4.2. Traitement antirรฉtroviral
I.8.4.3.1.Buts
I.8.4.3.2.Moyens
I.8.4.3. Indications
I.8.4.4.1.Conduite du traitement
I.8.4.4.2.Modalitรฉs thรฉrapeutiques
I.8.5. Prise en charge nutritionnelle
I.8.6. Prise en charge vaccinale
I.9. PREVENTION DE LโINFECTION A VIH
I.9.1. Mesures gรฉnรฉrales
I.9.2. Prรฉvention de la transmission mรจre- enfant
I.9.3. Prise en charge des accidents exposants au sang ou au sexe
I.9.3.1. Prise en charge des accidents exposants au sang et ses dรฉrivรฉs
I.9.3.2. Prise en charge des accidents par voie sexuelle
II. INITIATIVE SENEGALAISE DโACCEES AUX ARV (ISAARV)
II.1. HISTORIQUE
II.1.1. Du projet pilote au programme national
II.1.2. Phase dโextension
II.1.3. Phase de dรฉcentralisation
II.2. ORGANISATION INSTITUTIONNELLE
II.3. TRAITEMENT ARV CHEZ LโADULTE AU SENEGAL
II.3.1. Bilan prรฉ thรฉrapeutique
II.3.2. Circuit du patient mis sous traitement ARV
II.3.3. Monitoring du traitement
DEUXIEME PARTIE
I. CADRE DโETUDE
I.1. Donnรฉes gรฉographiques
I.2. Donnรฉes administratives
I.3. Donnรฉes dรฉmographiques
I.4. Donnรฉes socioculturelles
I.5. Donnรฉes socioรฉconomiques
I.5.1. Lโagriculture
I.5.2. Lโรฉlevage
I.5.3. Le commerce
I.6. Donnรฉes sanitaires
I.6.1. Infrastructures
I.6.2. Les ONG et Association intervenant dans le secteur de la santรฉ
I.7. Donnรฉes รฉquipements
I.7.1. Ressources humaines
I.7.2. Logistiques
I.7.3. Organisation de la prise en charge des PvVIH
II. MALADES ET METHODES
II.1. Type et pรฉriode dโรฉtude
II.2. Population dโรฉtude
II.2.1. Critรจres dโinclusion
II.2.2. Critรจres de non inclusion
II.3. Recueil de donnรฉes
II.4. Saisi et exploitation de donnรฉes
II.5. Contraintes
III. RESULTATS
III.1. Aspects รฉpidรฉmiologiques
III.1.1. Rรฉpartition des patients selon le sexe
III.1.2. Rรฉpartition des patients selon lโรขge
III.1.3. Rรฉpartition de lโรขge des patients selon le sexe
III.1.4. Rรฉpartition des patients selon la scolarisation
III.1.5. Rรฉpartition des patients selon lโexistence ou non de profession
III.1.6. Rรฉpartition des patients selon le statut matrimonial
III.1.7. Rรฉpartition des mariรฉs selon le rรฉgime matrimonial
III.1.8. Rรฉpartition des patients selon la zone gรฉographique
III.1.9. Rรฉpartition des patients en fonction des facteurs de risque de lโinfection ร VIH
III.1.10. Rรฉpartition des patients selon la porte dโentrรฉe aux soins
III.2. Aspects cliniques
III.2.1. Rรฉpartition des patients selon la prรฉsence ou non dโantรฉcรฉdents dโinfections opportunistes
III.2.2. Rรฉpartition des patients selon les antรฉcรฉdents dโinfections opportunistes
III.2.3. Rรฉpartition des patients selon leurs poids ร lโinclusion
III.2.4. Rรฉpartition des patients selon lโรฉtat gรฉnรฉral
III.2.5. Rรฉpartition des patients selon la prรฉsence de fiรจvre ร lโinclusion
III.2.6. Rรฉpartition des patients selon les signes respiratoires ร lโinclusion
III.2.7. Rรฉpartition des patients selon les signes digestifs ร lโinclusion
III.2.8. Rรฉpartition selon la symptomatologie dermatologique
III.2.9. Rรฉpartition des patients selon les infections opportunistes ร lโinclusion
III.2.10. Rรฉpartition des patients selon la classification CDC
III.2.11. Rรฉpartition des patients selon la classification OMS
III.3. Aspects paracliniques
III.3.1. Rรฉpartition des patients selon le profil sรฉrologique
III.3.2. Rรฉpartition des patients selon Les donnรฉes biologiques ร lโinclusion
III.4. Aspects thรฉrapeutiques
III.4.1. Rรฉpartition des patients selon le traitement ARV
III.4.2. Rรฉpartition des patients en fonction du schรฉma thรฉrapeutique
III.4.3. Rรฉpartition des patients selon rรฉgime de traitement
III.4.4. Rรฉpartition des patients selon le type dโINTI utilisรฉ
III.4.5. Rรฉpartition des patients selon le type dโINNTI utilisรฉ
III.4.6. Rรฉpartition des patients selon le type dโinhibiteur de la protรฉase (IP)
III.4.7. Rรฉpartition des patients selon la prise ou non de Chimio prophylaxie primaire au cotrimoxazole
III.4.8. Rรฉpartition des patients selon la durรฉe du traitement ARV
III.4.9. Rรฉpartition des patients selon les effets secondaires
III.4.10. Rรฉpartition des patients selon le type dโeffets secondaires
III.5. Aspects รฉvolutifs
III.5.1. Rรฉpartition selon la durรฉe de suivi des patients
III.5.2. Rรฉpartition des patients selon lโobservance du traitement
III.5.3. Evaluation de lโefficacitรฉ clinique
III.5.3.1. Rรฉpartition des patients selon lโรฉvolution du poids semestriel
III.5.3.2. Evaluation de lโefficacitรฉ immunologique : rรฉpartition des patients selon lโรฉvolution semestrielle du taux de CD4
III.5.4. Rรฉpartition des patients selon lโรฉvolution terminale
DISCUSSION
CONCLUSIONS