Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études
Les bilans de médication
Les bilans de médication, activité de pharmacie clinique encore peu développée de nos jours, s’intègrent parfaitement dans une prise en charge optimisée et centrée sur le patient.
Nous définirons dans un premier temps le BDM avec les notions de CTM, Expertise Pharmaceutique Clinique (EPC) et Plan Pharmaceutique Personnalisé (PPP) puis nous décrirons les différentes étapes d’un BDM.
Définitions
Bilan partagé de médication
Le BDM est à distinguer du « bilan partagé de médication ». En effet, ce dernier est propre à la pratique officinale et est défini dans l’avenant 12 à la convention nationale des pharmaciens titulaires d’officine (51). Le terme « partagé » fait écho à la communication entre les professionnels de santé qui est primordiale dans cette activité. Les deux notions sont ainsi très proches mais le terme de « bilan partagé de médication » est pour l’heure réservé aux officinaux ; c’est pour cela que nous parlerons de BDM tout au long de cet écrit lorsqu’il fera référence à la pratique hospitalière.
Bilan de médication
Nouvelle mission du pharmacien, le BDM encore appelé revue clinique de médication, est au coeur du processus de pharmacie clinique comme le montre la figure 5. La Haute Autorité de Santé (HAS) définit le BDM comme « une analyse critique structurée des médicaments du patient par le pharmacien dans l’objectif d’établir un consensus avec le patient concernant son traitement » (52). Dans son lexique de pharmacie clinique, la SFPC le désigne comme le « résultat d’une conciliation des traitements médicamenteux associée à une expertise pharmaceutique clinique. Il permet d’identifier les patients ou situations à risque nécessitant un plan pharmaceutique personnalisé » (42). Pour mieux appréhender cette définition, certaines notions sont à définir notamment celle de CTM et celle d’EPC.
Conciliation des traitements médicamenteux
La CTM est un processus de pharmacie clinique visant à sécuriser la prise en charge médicamenteuse du patient et ainsi prévenir la iatrogénie médicamenteuse.
Elle permet d’assurer une continuité dans la prise en charge du patient entre la ville et l’hôpital. La HAS définit la CTM comme « un processus formalisé qui prend en compte, lors d’une nouvelle prescription, tous les médicaments pris et à prendre par le patient. Elle associe le patient et repose sur le partage d’informations comme sur une coordination pluri-professionnelle. Elle prévient ou corrige les erreurs médicamenteuses. Elle favorise la transmission d’informations complètes et exactes sur les médicaments du patient, entre professionnels de santé aux points de transition que sont l’admission, la sortie et les transferts. » (53). En ville, la CTM mériterait d’être davantage réalisée d’autant que le pharmacien d’officine centralise les différentes prescriptions médicamenteuses des patients et donc, est au coeur de leur prise en charge globale.
Concernant la CTM d’entrée, qui est actuellement la plus développée dans les établissements de santé, elle doit être réalisée, dans l’idéal, dès l’arrivée du patient à l’hôpital avant que la prescription médicamenteuse ne soit rédigée (CTM proactive) ou dans les 24 à 48 heures après son arrivée (CTM rétroactive).
Elle repose sur trois grandes étapes :
– une enquête basée notamment sur un entretien avec le patient qui est primordial pour connaître ses traitements médicamenteux, le nom des professionnels de santé impliqués dans sa prise en charge en ambulatoire, ses aidants, sa gestion des médicaments, ses allergies possibles, les médicaments pris en automédication, son observance du traitement, … Il s’agira, à l’issue de cet entretien, de contacter les différents professionnels de santé prenant en charge le patient afin de pouvoir discuter ensemble de son traitement médicamenteux et notamment avoir accès à ses dernières prescriptions médicamenteuses ;
– une synthèse de l’ensemble des informations recueillies sous la forme d’un Bilan Médicamenteux Optimisé (BMO). Ce dernier consiste à établir la liste la plus exhaustive possible des traitements médicamenteux pris par le patient à domicile en tenant compte des médicaments prescrits et non prescrits ;
– une comparaison de ce BMO avec l’Ordonnance Médicamenteuse à l’Admission du patient permet de déceler les divergences si la CTM est réalisée de manière rétroactive. Ces divergences peuvent être intentionnelles, c’est-à-dire souhaitées par le prescripteur, ou non intentionnelles, c’est-à-dire non volontaires ; dans ce cas elles constituent une erreur médicamenteuse.
En cas de détection de divergences non intentionnelles, une discussion avec l’équipe médicale est engagée afin de corriger les éventuelles erreurs/oublis/modifications de prescription (54).
Dans le cadre du BDM, il s’agit de réaliser en premier lieu une CTM en vue d’établir un BMO à valider avec le patient lors d’un entretien pharmaceutique.
Expertise pharmaceutique clinique et Plan Pharmaceutique Personnalisé
L’EPC, qui s’apparente à une analyse pharmaceutique des données du dossier patient, va permettre d’optimiser son traitement médicamenteux au regard de ses besoins en prenant en compte ses paramètres cliniques et biologiques. Elle permet d’identifier les patients pour lesquels un suivi pharmaceutique est nécessaire. Elle peut amener, dans certains cas, à réaliser un PPP. Ce dernier est envisagé lorsqu’une situation à risque est découverte au décours du BDM. Il constitue le dernier maillon de la chaîne du processus de pharmacie clinique. Le PPP peut comporter des recommandations envers le patient ou les professionnels de santé afin d’éviter des situations à risque ainsi que des propositions d’amélioration de certains points particuliers évoqués avec le patient (44). Le PPP peut également être à l’origine de la création de documents utiles au patient comme un plan de prise de médicaments. Le pharmacien peut aussi lui proposer un entretien ciblé sur une thématique particulière ou encore lui suggérer d’intégrer un groupe d’éducation thérapeutique.
Le BDM s’articule ainsi avec différentes activités de pharmacie clinique déjà pratiquées par les pharmaciens.
Objectifs
Les différentes étapes du BDM concourent à la lutte contre la iatrogénie médicamenteuse. Ses objectifs principaux sont de :
– diminuer la prévalence des EIM en optimisant le traitement médicamenteux du patient ;
– améliorer la tolérance au traitement médicamenteux ;
– réduire le nombre de problèmes liés au traitement médicamenteux ;
– favoriser l’observance du traitement médicamenteux en perfectionnant les connaissances du patient vis-à-vis des médicaments ;
– répondre aux interrogations du patient ;
– diminuer les surcoûts inutiles en diminuant notamment le gaspillage des médicaments et en évitant les hospitalisations ;
– renforcer le lien ville – hôpital par le partage d’informations sur le patient.
L’amélioration de la prise en charge globale du patient est donc prioritaire.
Étapes
Le BDM, à l’instar du bilan partagé de médication en officine, peut schématiquement se diviser en quatre grandes étapes représentées sur la figure 7 :
– recueil des informations et réalisation du BMO : cette étape consiste à réaliser un entretien avec le patient afin d’obtenir des informations concernant son traitement médicamenteux, son mode de vie, ses antécédents, ses résultats de laboratoire, les professionnels de santé le prenant en charge, … Pendant cet entretien, le pharmacien explique au patient les objectifs du BDM et son intérêt dans le cadre de la continuité de sa prise en charge médicamenteuse.
Le pharmacien peut évaluer les connaissances du patient sur ses traitements médicamenteux, faire un point sur les éventuelles intolérances qu’il peut ressentir, estimer son observance du traitement médicamenteux ou encore voir comment il gère son traitement à domicile. A l’issue de ce premier entretien, le pharmacien établit le BMO du patient après avoir pris contact avec les différents professionnels de santé le prenant en charge. Cette première étape s’apparente donc à une CTM ;
– analyse des traitements : le pharmacien réalise une analyse pharmaceutique du BMO du patient afin de détecter d’éventuelles contre-indications, interactions, non-indications et/ou prescriptions médicamenteuses potentiellement inappropriées. A l’issue de cette analyse, des IP peuvent être émises par le pharmacien et transmises aux prescripteurs afin de réajuster le traitement médicamenteux. Si le patient possède un Dossier Médical Partagé (DMP), les conclusions des IP émises ainsi que les conseils délivrés au patient peuvent y être incrémentés (à noter que plus aucun nouveau DMP ne peut être ouvert depuis le 1er juillet 2021 et qu’il sera remplacé par le nouveau service « Mon espace santé » en 2022) ;
– entretien conseils : il s’agit d’un entretien structuré entre le patient et le pharmacien. Le but est de réaliser un bilan avec le patient des IP émises par le pharmacien et acceptées par les médecins prescripteurs. Il faut alors expliquer au patient les éventuelles modifications de traitement effectuées.
Cet entretien permet également de répondre aux questions du patient et d’établir avec lui une liste d’objectifs à atteindre. Un PPP peut alors être défini selon ses besoins ;
– suivi de l’observance : en général 6 à 12 mois après le premier entretien, un bilan est réalisé afin de faire le point sur l’observance, la tolérance au traitement médicamenteux et l’atteinte des objectifs énoncés précédemment.
Contexte règlementaire
La notion de bilan partagé de médication pour les officinaux apparaît pour la première fois en 2009, dans l’article 38 de la loi Hôpital Patient Santé Territoire. Le pharmacien d’officine peut être désigné comme professionnel de santé « référent » et assurer des BDM destinés à optimiser les effets des médicaments pris par le patient (56). De plus, depuis le décret du 28 mai 2021 relatif au pharmacien correspondant, le patient a la possibilité de désigner auprès de l’Assurance Maladie son pharmacien correspondant. Ce dernier est alors en lien avec le médecin traitant puisqu’il peut notamment renouveler certains traitements médicamenteux et ajuster les posologies si nécessaire à l’issue d’un BDM par exemple (57). Ce nouveau décret vient s’ajouter à celui du 5 avril 2011 qui définissait déjà les missions du pharmacien d’officine correspondant et le contenu du BDM (évaluation de l’observance thérapeutique, de la tolérance du traitement médicamenteux et analyse pharmaceutique des prescriptions) (58). L’arrêté du 28 novembre 2016 précise que le pharmacien d’officine peut proposer un BDM quand il le juge nécessaire dans l’intérêt du patient (59).
En 2018, les avenants 11 et 12 à la convention nationale des pharmaciens titulaires d’officines placent les bilans partagés de médication au coeur du métier du pharmacien d’officine et marquent ainsi une évolution dans leur activité (51). Les bilans partagés de médication s’intègrent dans la prévention de la iatrogénie médicamenteuse du sujet âgé. Ces entretiens sont rémunérés par l’Assurance
Maladie si les critères d’inclusion suivants sont respectés :
– patient de plus de 65 ans et présentant une Affection de Longue Durée (ALD) ou âgé de plus de 75 ans ;
– prise d’au moins cinq traitements médicamenteux pour une pathologie chronique à prescription médicale remboursable ou non ;
– durée minimale des traitements médicamenteux de 6 mois.
A l’hôpital, le décret du 21 mai 2019 relatif aux PUI prévoit la réalisation de BDM par les pharmaciens hospitaliers (60). Le BDM et la CTM s’inscrivent alors comme activités de pharmacie clinique distinctes mais complémentaires.
État des lieux en France
A l’officine
Le bilan partagé de médication a été expérimenté à partir de mars 2017 dans la région Pays de Loire sous l’impulsion de la SFPC et de l’Unité Régionale des Professionnels de Santé des Pharmaciens. Près de 40 pharmaciens d’officine ont été formés à la pratique du bilan partagé de médication. Les patients inclus dans ces bilans étaient les patients de plus de 60 ans prenant au moins cinq médicaments au long cours. D’autres régions ont ensuite mis en place les bilans partagés de médication notamment l’Occitanie avec le projet « BIMEDOC » (Bilan de Médication en Occitanie). Les patients inclus étaient les patients de plus de 65 ans qui présentaient au moins une ALD ou les patients âgés de plus de 75 ans. C’est en 2018 que les bilans partagés de médication sont véritablement étendus à l’ensemble du territoire. Cependant, à l’heure actuelle, ils sont encore peu pratiqués par les officinaux. En 2019, seulement 15% des officines en avaient réalisé (61). Plusieurs freins ont pu être identifiés : activité chronophage, patients non demandeurs, problème de locaux (absence d’espace de confidentialité), problème de communication entre les différents professionnels de santé, rémunération jugée trop faible, etc. (62)
|
Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE 1 : LA PHARMACIE CLINIQUE COMME BOUCLIER FACE A LA IATROGENIE MEDICAMENTEUSE ET LA PLACE DES BILANS DE MEDICATION
1. LA IATROGENIE MEDICAMENTEUSE
1.1. Définitions
1.1.1. Iatrogénie
1.1.2. Évènement iatrogène médicamenteux
1.1.3. Erreur médicamenteuse
1.1.4. Observance thérapeutique
1.2. Enjeux de la prévention de la iatrogénie médicamenteuse
1.3. Iatrogénie médicamenteuse en santé mentale
2. LA PHARMACIE CLINIQUE
2.1. Définition et contexte
2.2. Activités de pharmacie clinique
2.3. Entretiens pharmaceutiques
3. LES BILANS DE MEDICATION
3.1. Définitions
3.1.1. Bilan partagé de médication
3.1.2. Bilan de médication
3.1.3. Conciliation des traitements médicamenteux
3.1.4. Expertise pharmaceutique clinique et Plan Pharmaceutique Personnalisé
3.2. Objectifs
3.3. Étapes
3.4. Contexte règlementaire
3.5. État des lieux en France
3.5.1. A l’officine
3.5.2. A l’hôpital
3.6. État des lieux à l’étranger
PARTIE 2 : MISE EN PLACE DE BILANS DE MEDICATION AU SEIN DE DEUX HOPITAUX DE JOUR PSYCHIATRIQUES
1. PRESENTATION GENERALE DE L’EPSM CAEN
1.1. Pôles psychiatriques
1.2. Structures extrahospitalières
1.3. Focus sur les hôpitaux de jour rattachés à l’établissement
1.4. Circuit du médicament en hôpital de jour
2. LA PHARMACIE CLINIQUE A L’EPSM CAEN
2.1. Conciliation des traitements médicamenteux à l’entrée du patient
2.2. Conciliation des traitements médicamenteux à la sortie du patient
2.3. Analyse pharmaceutique
2.4. Aide à la décision thérapeutique
2.5. Éducation thérapeutique du patient
3. OBJECTIFS DE L’ETUDE
4. MATERIEL ET METHODES
4.1. Présentation des sites de l’étude
4.1.1. Hôpital de jour d’Évrecy
4.1.2. Hôpital de jour de Vire
4.2. Point de départ du projet
4.3. Étapes de la mise en oeuvre du projet
4.3.1. Communication du projet
4.3.2. Établissement de la liste des patients éligibles
4.3.2.1. Critères d’inclusion
4.3.2.2. Critères d’exclusion
4.3.3. Planification des premiers entretiens
4.4. Déroulement des bilans de médication
4.4.1. En amont du 1er entretien
4.4.2. Entretien 1 : recueil d’informations sur le patient
4.4.3. En aval du 1er entretien
4.4.3.1. Réalisation du bilan médicamenteux optimisé
4.4.3.2. Mise à jour des correspondants du patient dans le dossier patient informatisé
4.4.3.3. Analyse pharmaceutique des prescriptions médicamenteuses
4.4.4. Entretien 2 : conseils au patient
4.4.5. Synthèse des entretiens 1 et 2
4.4.6. Entretien 3 : suivi du patient
4.5. Rôle de l’IDE dans les entretiens
5. RESULTATS
5.1. Nombre de patients inclus et période d’inclusion
5.2. Données concernant les patients
5.2.1. Caractéristiques démographiques
5.2.2. Habitudes de vie
5.2.3. Pathologies
5.2.4. Professionnels de santé
5.3. Entretiens
5.3.1. Flow chart
5.3.2. Durée de chaque entretien
5.3.3. Durée entre deux entretiens
5.4. Traitements médicamenteux
5.4.1. Connaissances des patients
5.4.2. Conciliation des traitements médicamenteux
5.4.3. Médicaments prescrits
5.4.4. Automédication
5.4.5. Gestion des médicaments
5.4.6. Tolérance
5.4.7. Allergies
5.5. Observance thérapeutique
5.5.1. Évaluation lors de l’entretien 1
5.5.2. Évaluation lors de l’entretien 3
5.6. Informations transmises au patient
5.7. Synthèse
6. DISCUSSION
6.1. Population étudiée
6.2. Entretiens
6.3. Traitements médicamenteux
6.4. Observance thérapeutique
6.5. Interventions pharmaceutiques
7. LIMITES, AMELIORATIONS DE L’ORGANISATION ET PERENNISATION DES BILANS DE MEDICATION EN HOPITAUX DE JOUR
7.1. Organisation générale
7.2. Limites
7.3. Axes d’amélioration
7.3.1. Recueil des avis des patients/soignants/professionnels de santé
7.3.2. Inclusion des patients
7.3.3. Coordination des activités IDE – pharmacien
7.3.4. Traçabilité de l’activité
7.3.5. Lien ville – hôpital
7.3.5.1. Avec le pharmacien d’officine
7.3.5.2. Avec le médecin traitant
7.4. Pérennisation
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
Télécharger le rapport complet