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Sécurisation des « données patients »
Les « données patients » ont été pseudonymisées : un numéro d’ordre de données renvoie à une table de correspondance sécurisée par le logiciel Ax Script à la seule disposition de l’investigateur. Cette étude a été validée par le délégué de protection des données de l’APHM respectant les termes de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). L’étude est enregistrée sous le numéro 2020-94.
Intervention
Les données ont été recueillies et pseudonymisées par l’investigateur via le dossier patient informatisé (logiciel AXIGATE, dossier clinique utilisé par l’Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille ou APHM), le logiciel de prescription médicamenteuse et de soins infirmiers de l’APHM appelé PHARMAWEB, et le compte rendu médical de sortie des patients.
Critère de jugement principal
Il s’agit de la diminution de 0.5 point de l’index ADL entre l’entrée et la sortie du patient lors de son séjour en SSR. L’index ADL est un outil validé en pratique clinique, permettant d’évaluer le statut fonctionnel du patient âgé de plus de 60 ans. Il est mesuré par l’échelle de Katz (2) comprenant 6 items : marche, toilette, habillage, transferts, repas, incontinence. Chaque item est scoré 0 (non réalisé), 0,5 (réalisé partiellement ou avec aide) ou 1 (réalisé complètement seul). La mesure de l’index ADL est établie par l’interne à l’arrivée et à la sortie du patient dans le service, révisée et validée par le médecin sénior gériatre.
Critères de jugement secondaires
Il s’agit de l’identification des principaux facteurs de risque pouvant être associés à la dépendance iatrogène. Pour se faire, nous avons mené une étude comparative des caractéristiques des patients dans le groupe de patients avec un ADL stable ou majoré versus le groupe de patients avec ADL diminué à la sortie.
Caractéristiques des patients
Nous avons d’abord étudié les caractéristiques tels que le sexe, âge, l’incontinence urinaire et fécale, l’index de comorbidité de Charlson (16), syndrome dépressif caractérisé, le statut cognitif du patient évalué par le MMSE.
On mettait en évidence l’existence d’un syndrome dépressif lorsqu’une évaluation thymique était demandée au psychiatre de liaison et/ou lorsque le médecin gériatre ou psychiatre introduisait un traitement antidépresseur. Le MMSE a été évalué, par des étudiants de médecine formés, au minimum 10 jours après l’entrée du patient dans le service. La validité du résultat est contrôlée par les internes du médecine du service de SSR et validée par les médecins séniors. Ensuite, le statut gériatrique à l’entrée dans le service est défini par la présence de :
– Chutes à répétition définies par au moins 2 chutes par an.
– La polymédication définie par plus de 3 traitements prescrits, (4,17).
– La dénutrition définie par la perte de 5% du poids corporel en 1 mois ou 10% en 6 mois, Indice de masse corporelle < 21, albuminémie < 35 g/L ou préalbuminémie < 0,12 g/L).
Facteurs liés à l’hospitalisation
Les facteurs liés à l’hospitalisation identifiés comme étant potentiellement iatrogènes étaient :
– La durée de séjour (en jours).
– La perte de poids, en kilogramme, durant le séjour.
– La survenue d’au moins une chute durant le séjour.
– Les complications chirurgicales telles que la reprise chirurgicale, un retard de consolidation orthopédique (qualifiée par l’orthopédiste lors des consultations de suivi post chirurgical).
– L’immobilisation du patient pour motif médical (fracture d’un membre avec absence d’appui total ou immobilisation par plâtre, attelle ou orthèse indiquée par les orthopédistes référents).
– La survenue d’un évènement infectieux (respiratoire, urinaire, ostéoarticulaire, cutané, bactériémie avec recours ou non à une antibiothérapie).
– Les précautions complémentaires d’isolement infectieux (contact, gouttelettes, air).
– La présence d’une sonde vésicale à l’admission ou mise en place durant le séjour.
– La contention physique passive (une ceinture ventrale au lit, rappel proprioceptif inguinal au fauteuil prescrit par les médecins du service).
– Le projet de rééducation avec le recours aux professionnels de rééducation (kinésithérapeute, ergothérapeute, psychomotricien, orthophoniste) établi durant le séjour. Tous les patients bénéficient au moins de la rééducation kinésithérapeutique. L’accès à l’ergothérapeute, psychomotricien et orthophoniste est jugé par le médecin gériatre en fonction des besoins du patient.
– L’existence d’un transfert du patient en unité de soins aigus avec retour en SSR était également pris en compte. – La mesure de la qualité de l’entourage et du tissu familial était évaluée par le nombre d’entretiens formalisés physiques et / ou téléphoniques entre le médecin et l’aidant. Le protocole du service convie l’entourage à 2 entretiens avec le médecin sénior en charge des patients. En deçà ou au-delà, nous avons considéré qu’il existait un dysfonctionnement dans l’aide et les ressources apportées par les proches.
Critères de jugement secondaires
Le résumé des caractéristiques des patients inclus figure dans le Tableau I. La majorité des patients étaient des femmes (77.3%) âgées de 85.5 ans en moyenne résidant au domicile à l’entrée (97.5%) avec un score moyen de comorbidités s’élevant à 7. Le sexe, l’âge, les comorbidités et l’ADL d’entrée n’étaient pas statistiquement différents dans les deux groupes. L’existence d’un syndrome dépressif était statistiquement différente (65% des patients du groupe ADL diminué, avec p = 0.003). La valeur médiane du MMSE était de 24 dans le groupe ADL conservé ou augmenté et de 18 dans le groupe ADL diminué, et statistiquement différente dans les 2 groupes (p= 0.010). Concernant le statut gériatrique, seule la dénutrition à l’entrée est statistiquement différente entre les deux groupes (53% dans le groupe ADL augmenté ou stable et 78% dans le groupe ADL diminué avec p = 0.040). Durant l’hospitalisation, la contention physique passive (p=0.005), la survenue d’une chute (p=0.020), d’un événement infectieux (p=0.002) amenant ou non à des précautions complémentaires d’hygiène (p=0.030), et un transfert en unité aiguë (p=0.016) étaient statistiquement différents entre les deux groupes. (Tableau II)
Après ajustement, l’analyse multivariée portant sur la valeur du MMSE objectivait un risque multiplié par 6 de voir le score ADL diminué par perte d’1 point de MMSE. L’Odds ratio de 0.88 (IC 95% = 0.8-0.9, p=0.013) indiquait sa qualité en terme de facteur protecteur s’il est élevé. De même, l’événement infectieux et le transfert en unité aiguë multipliaient, respectivement, le risque de 6.5 (IC 95% =1.36 – 31.4, p= 0.019) et de 4.7 (IC 95% =1.2-18.8, p= 0.026) de perdre 0.5 point d’ADL. (Tableau III).
Le statut cognitif et thymique
Les patients ayant perdu leur autonomie fonctionnelle présentaient significativement un score MMSE plus faible (p=0.010), et un syndrome dépressif (p=0.003). Ainsi pour un point de MMSE perdu, le risque de dépendance iatrogène est multiplié par 6. Un score MMSE haut est un facteur protecteur de maintien de l’autonomie (OR 0.88 IC= 0.80 – 0.90, p= 0.013). Une analyse multivariée en médecine aigue dirigée par Pedone et Al (20) objectivait un risque de déclin fonctionnel multiplié par 2.4 chez les patients présentant un trouble cognitif à l’entrée (IC 95% =1.7-3.5 ; p <0.001), indépendamment de l’âge, sexe, comorbidités, polymédication et perte d’autonomie à l’entrée. Le rôle des fonctions cognitives au sein de l’autonomie pour les activités quotidiennes et fonctions instrumentales est largement démontré.
Dénutrition, le rôle de l’IMC
La dénutrition à l’entrée est significativement différente entre les deux groupes (p=0.039). La perte de poids au cours du séjour n’est pas différente (p= 0.094). De nombreuses études en médecine aigue (5,20) soulignent le rôle d’un faible indice de masse corporelle (IMC < 18) comme facteur de risque indépendant de déclin fonctionnel du fait de la perte essentielle de masse maigre (21). Ce n’est donc pas la perte de poids en hospitalisation mais l’existence d’une dénutrition à l’entrée qui altère la récupération fonctionnelle des patients.
Le rôle de la contention physique passive et le risque de chute
Le recours à la contention physique passive était représenté par 33.3% des patients du groupe en perte d’autonomie versus 8.7% dans l’autre groupe (p= 0.005). Le motif principal retrouvé était le risque de chute important en service. Le risque de chute pourrait être corrélé au risque d’être contenu. Les patients ayant présenté au moins une chute en service étaient statistiquement plus nombreux (n= 7, 41.2%, p = 0.020) dans le groupe de patients en perte d’autonomie. Tan et Al (22) soulignaient un risque de chute global et de chutes sévères (compliquées de fracture, hématome sous dural, arrêt cardiaque et décès) en milieu hospitalier significativement plus important chez les patients contenus (55% des chutes contenues versus 29% des chutes non contenues, p < 0.001). Mion et Al (23) ont étudié l’impact de la contention physique en réhabilitation gériatrique avec un risque de chute de 57% chez les patients contenus contre 19% chez les patients non contenus (p= 0.001). De surcroît, la contention physique passive était associée à une augmentation significative du risque d’infection nosocomiale (59% vs 33%, p= 0.003). En rapport à la médecine aigue, la prévalence de la contention est plus faible. Parmi les patients ayant présenté une dépendance iatrogène hospitalière, l’étude de Sourdet et Al (3) avait identifié 18% de patients pour lesquels la contention physique avait été utilisée. Toutefois, la population étudiée était hétérogène et moins vulnérable. Le recrutement de patients âgés hospitalisés pour un motif aigu (dans toutes les unités de médecine somatique ou chirurgie confondues) était large contrairement aux des unités gériatriques qui sélectionnaient une population plus fragile.
L’impact des évènement médicaux aigus
Le transfert non programmé pour motif médical aigu était significativement différent entre les deux groupes (p= 0.016). De la sorte, la survenue d’une décompensation en réhabilitation gériatrique précipitait vers la transition « perte d’autonomie » (OR 4.7, IC 95% = 1.2 – 18.8, p= 0.026), indépendamment des autres facteurs significatifs de dépendance iatrogène identifiés (dénutrition, syndrome dépressif, troubles cognitifs, chute durant le séjour, infection 12 nosocomiale, contention physique). C’est donc un facteur précipitant s’intégrant dans un contexte de fragilité en réhabilitation. De même, l’évènement infectieux (p=0.002) et l’isolement thérapeutique (p= 0.03) étaient significativement plus fréquents dans le groupe de patients ayant perdu au moins 0.5 point d’autonomie. Ces évènements, notamment l’infection pulmonaire, sont reconnus partiellement évitables (3) par les mesures de protection et respect des règles d’hygiène hospitalière.
L’intervention des acteurs de rééducation
Le choix des intervenants en plateau de rééducation n’est statistiquement pas différent entre les deux groupes (p= 0.335). Tous les patients inclus dans cette étude ont reçu, au minimum, une réadaptation kinésithérapeutique adaptée à l’évaluation du gériatre prescripteur même en cas d’immobilisation contrainte ou complication chirurgicale (fractures instables, retard de consolidation) via le renforcement des membres controlatéraux. Ainsi, nous n’observons pas de différence entre les deux groupes concernant la démultiplication des intervenants (ergothérapeutes, psychomotriciens, orthophonistes). Les patients les plus à risque de déclins fonctionnel (maladies neurodégénératives, AVC récents) bénéficiaient d’une prise en charge multidisciplinaire. Il n’y a pas de différence significative entre les deux groupes concernant l’immobilisation contrainte des patients. En médecine aigue, Brown et Al (24) soulignaient que même les patients au statut fonctionnel préservé avant l’admission hospitalière étaient à risque de développer un déconditionnement et un allongement de la durée de séjour. L’immobilisation et le temps passé au lit étant des paramètres identifiés comme facteurs iatrogéniques évitables avec 55% des patients hospitalisés en médecine aiguë concernés (3). Le degré de mobilité des patients s’associe donc au déclin fonctionnel. Zisberg et Al (25) objectivaient, chez les patients présentant une mobilité limitée à la chambre, un risque de déclin fonctionnel multiplié par 4 (IC 95% =2.27- 7.37) par rapport aux patients se mobilisant au moins 1 fois par jour à l’extérieur de la chambre. Ainsi, les soins de réhabilitation gériatrique permettent le contrôle de ces facteurs grâce à la stimulation physique quotidienne par les acteurs de rééducation.
Les fonctions sphinctériennes
Nous observons plusieurs tendances à la limite de la différence statistique entre les deux groupes, telles que l’incontinence urinaire et fécale, et la présence de sonde vésicale. Des études antérieures avaient déjà constaté une association indépendante avec le déclin fonctionnels en hospitalisation aigue notamment dans l’étude de Sourdet et Al (3). La présence de sonde vésicale était reconnue comme étant un facteur évitable, présente chez 22.4% des patients. Notre étude a identifié 27.8% des patients en déclin fonctionnel chez qui une sonde était en place, c’est donc un témoin de dépendance associée aux soins.
Limites de l’étude
D’une part, la population gériatrique étudiée était sélectionnée par le gériatre responsable de l’unité, en faveur de patients présentant un projet rééducatif. Cette population était homogène, mais plus vulnérable par rapport au profil de patients étudiés en médecine aigue. A l’admission en réhabilitation gériatrique, les patients présentaient une autonomie faible (ADL d’entrée moyen à 2.68, σ = 1.6, non significative entre les deux groupes p= 0.590), un âge avancé (85 ans en moyenne, σ =6.5), avec de nombreuses comorbidités (Index Charlson moyen à 7, σ =2.3), et des troubles sphinctériens (p=0.075). Notre étude n’a identifié qu’un faible nombre de patients en déclin fonctionnel au sein d’une population fragile. Il était donc plus difficile de montrer des différences entre les deux groupes. D’autre part, le choix du comparateur via l’ADL d’entrée en SSR est discutable. L’étude de Mateev et Al (14) a démontré que la perte d’au moins 2 points d’autonomie fonctionnelle (durant le séjour en médecine aigue) était significativement associée à un transfert du patient en réhabilitation gériatrique. De fait, le score ADL d’entrée en SSR n’est pas représentatif de l’autonomie antérieure à l’hospitalisation aiguë. Plusieurs études mettent en évidence que la valeur de l’index d’ADL 2 semaines avant l’hospitalisation est un facteur prédictif de déclin fonctionnel entre 2 et 12 mois après la sortie de l’unité aiguë (2,5–7,14,19,28,29). Une analyse supplémentaire comparant l’autonomie du patient pré morbide et à la sortie du SSR serait donc nécessaire. Enfin, menée dans un seul centre, il n’existe pas, à l’heure actuelle d’autre étude comparative permettant l’extrapolation des résultats. Néanmoins, du fait de son originalité, ce travail met en évidence une proportion très faible de déclin fonctionnel la sortie de l’unité. Elle permet également de mettre en lumière ses facteurs précipitants, peu évitables, en réhabilitation gériatrique.
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Table des matières
I. INTRODUCTION
II. METHODE
1. Design
2. Population
3. Sécurisation des « données patients »
4. Intervention
5. Critère de jugement principal
6. Critères de jugement secondaires
a. Caractéristiques des patients
b. Facteurs liés à l’hospitalisation
7. Analyse statistique
III. RESULTATS
1. Critère de jugement principal
2. Critères de jugement secondaires
IV. DISCUSSION
1. La perte d’autonomie en réhabilitation gériatrique versus en médecine aigue
2. Le statut cognitif et thymique
3. Dénutrition, le rôle de l’IMC
4. Le rôle de la contention physique passive
5. L’impact des évènement médicaux aigus
6. L’intervention des acteurs de rééducation
7. Le rôle du support social humain
8. Les fonctions sphinctériennes
9. Les chutes à répétition
10. Limites de l’étude
V. CONCLUSION
VI. BIBLIOGRAPHIE
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