La persévérance dans les études supérieures : une délimitation conceptuelle problématique

La persévérance dans les études supérieures : une délimitation conceptuelle problématique

L’étude de la persévérance scolaire sous-tend la question du sens de ce concept qui souffre actuellement d’un manque de consensus dans la littérature de recherche (Roland et al., 2015). La première partie de notre étude sur la persévérance s’attache donc à restituer les différentes compréhensions de la persévérance qui existent dans la recherche.

D’abord, nous avons observé que certains chercheurs adoptent le point de vue selon lequel la persévérance dépendrait avant tout de l’étudiant et qu’elle se traduit non pas comme un sentiment mais comme une intention (Roy, 2005) ou une décision de persévérer (Deremer, 2002 ; Seidman, 2005). La persévérance aux études supérieures se comprend alors comme le fait de poursuivre ses études et lorsque les étudiants le décident, les auteurs emploient un terme différent de persévérance : la persistance (persistence en anglais). La persévérance ou la persistance illustrent alors l’idée selon laquelle l’étudiant se pose comme acteur rationnel qui fait le choix ou non de persévérer. En ce sens, c’est ce qu’il retire personnellement de son vécu et de son expérience institutionnelle qui peut le mener à vouloir continuer ses études ou, au contraire, à les cesser (Tinto, 2005). Le choix de persévérer peut être repéré à l’aide d’indicateurs tout au long de l’année universitaire comme le fait d’être investi académiquement lors des cours (participation, présentéisme important) et hors des études (en terme de quantité de travail personnel). Dans ce cas, la persévérance a une signification qui s’inscrit dans des approches théoriques plutôt motivationnelles et elle inclut une dimension spécifique à l’engagement qui est prise en compte pour expliquer la poursuite des études (Roland et al., 2015) en dépit de difficultés pouvant être rencontrées tout au long de l’année d’études (Lessard & Fortin, 2013 ; De Clerc et al., 2014 ; Neuville et al., 2013).

Il existe cependant d’autres manières d’appréhender la persévérance : elle peut être le signalement de la situation de l’étudiant qui passe effectivement d’un niveau d’enseignement à un autre : il est question de la validation administrative de l’année qui permet de passer au niveau suivant du cursus d’études. Il est alors question d’un simple état de fait qui envisage plus la persévérance comme un résultat qu’un processus (Chenard & Doray, 2005 ; King, 2005 ; Legendre, 2005 ; Roland et al., 2015). Mais même dans ce cadre, la persévérance peut encore connaître quelques variations de sens que nous introduisons ci-dessous avec le concept de retention ou maintien des effectifs. Pour les chercheurs qui s’intéressent à la rétention, c’est-à dire au maintien des effectifs en tant qu’objectif d’une université donnée, la persévérance passe par une forme d’évaluation de l’efficacité interne de l’établissement. Plus précisément, Deremer (2002) considère que la rétention traduit la situation de l’étudiant qui termine et obtient son diplôme dans l’université où il s’est inscrit dès le début de ses études post-secondaires. Seidman (2005) poursuit ce raisonnement en responsabilisant davantage l’institution : si une université est capable de maintenir ses effectifs étudiants jusqu’à l’obtention de leur diplôme alors elle fait preuve de rétention. Dans cette approche de la persévérance, une importance est donc donnée au suivi de l’étudiant depuis sa première inscription jusqu’à l’obtention de son diplôme au sein du même cursus d’études (King, 2005 ; Ben-Yoseph, Ryan & Benjamin, 1999).

Cette approche de la persévérance que nous qualifions de rétention ou de maintien des effectifs peut néanmoins être critiquée sur certains de ses aspects : l’offre de formations n’est pas identique dans chaque université, il est donc possible que l’étudiant change de lieu d’étude en faisant donc le choix de persévérer dans d’autres études de l’enseignement supérieur. Des éléments extérieurs à l’institution peuvent également conduire l’étudiant à se réorienter ailleurs sans qu’il renonce pour autant à ses études. Mais cette approche peut être bénéfique pour les universités qui désirent évaluer leurs capacités à attirer, accueillir, former, garder et qualifier leurs étudiants. La façon d’appréhender la persévérance n’est jamais anodine et dépend des objectifs de recherche mais également des données disponibles pour le chercheur (Roland et al., 2015).

D’autre part, nous ne pouvons pas faire l’impasse sur la relation supposée entre la réussite académique et la persévérance scolaire (Roland et al., 2015). On remarque que la diplômation et la validation d’une année sont importantes pour définir les conditions de la persévérance et qu’il existe ainsi un lien entre la persévérance et la réussite académique. Nous nous interrogeons donc sur la place de la réussite dans la persévérance.

Le décrochage dans l’enseignement supérieur : vers un constat réciproque 

Comme pour l’approche de la persévérance dans l’enseignement supérieur, le concept de décrochage des études supérieures peut être appréhendé de façon variable et pose également la question de la réussite et de l’échec académiques dans sa compréhension.

Dans le contexte spécifique de l’enseignement supérieur en France (Vasconcellos, 2006) , l’examen du décrochage des études supérieures s’insère le plus fréquemment dans la problématique d’abandon du premier cycle long et général à l’université car il y concentre les taux les plus importants d’étudiants sortant sans diplôme (RERS, 2014 ; Beaupère et al., 2007). Selon la SIES , le décrochage dans l’enseignement supérieur se définit par la non-réinscription des bacheliers inscrits en études supérieures dans le même cursus d’études supérieures, juste après l’obtention de leur baccalauréat. Le décrochage dans l’enseignement supérieur se distingue du décrochage scolaire dans les niveaux d’éducation précédents puisque le sortant sans diplôme de l’enseignement supérieur est détenteur d’un titre scolaire au moins équivalent au niveau de formation baccalauréat, CAP ou BEP. En d’autres termes, l’élève qui décroche du système scolaire sans un niveau de qualification professionnelle minimum requis par la loi, n’appartient pas à la même catégorie de décrocheur que les sortants sans diplôme post-secondaire .

La première définition du décrochage dans les études supérieures renvoie donc à une délimitation problématique du phénomène d’abandon des études car elle n’apporte aucun élément de précision sur le processus notamment sur la place de la réussite ou de l’échec académiques et celle de la réorientation. Sa définition peut donc être plurielle et dépend des structures qui le mesurent (Beaupère, Chalumeau, Gury & Hugrée, 2007). Prenons le cas de l’ « étudiant fantôme » (Legendre, 2002) qui n’informe pas sur le caractère volontaire de l’abandon : ce type d’étudiant en décrochage est invisible durant l’année universitaire mais pas administrativement. Un autre cas issu de la recherche française est celui du « sortant » (Stoeffler-Kern & Martinelli, 1998 dans CEREQ), il est question d’un étudiant qui a été inscrit dans une formation sans s’y réinscrire l’année suivante, ce qui rejoint la définition proposée par la SIES. Afin d’affiner le concept de décrochage dans l’enseignement supérieur, seul le suivi longitudinal de cohortes d’étudiants permet d’apporter des degrés de différenciation importants (RERS, 2014 ; Millet, 2012).

La persévérance et du décrochage dans l’enseignement supérieur : des enjeux pluriels

A l’étranger comme en France, le décrochage et l’échec dans l’enseignement supérieur sont préoccupants pour les établissements de l’enseignement supérieur, principalement les formations dispensées dans le premier cycle long universitaire. Aux États-Unis ainsi qu’au Canada, le taux d’abandon en première année universitaire s’élève entre 20 et 25% (Grayson, 2003), au RoyaumeUni, on estime qu’un étudiant sur six quitte l’université avant la fin de la première année (Bennet, 2003). Quant à l’Australie, une enquête récente (Krause, Hartley, James & McInnis, 2005,  & Zimitat, 2004) révèle que 25 % d’étudiants interrogés ne pensent pas poursuivre leur première année à l’université au terme du premier semestre. Une étude comparatiste hors Québec montre que le décrochage dans l’enseignement supérieur est focalisé sur la première année à l’université, voire les premiers mois (Tremblay, 2005). D’autres études américaines (Tinto, 1993) et australiennes (Horstmanshof & Zimitat, 2004) convergent vers la même observation. Ces études confirment que la transition entre l’enseignement secondaire et supérieur est problématique. Ce n’est pas un hasard si de nombreuses revues américaines se sont spécialisées exclusivement aux étudiants débutants.

En France, les statistiques de l’enseignement supérieur et de la recherche convergent vers les mêmes constats et montrent également que le décrochage ne se focalise pas seulement sur les formations longues universitaires (RERS, 2014, 2015).

Les questions de la persévérance et du décrochage dans l’enseignement supérieur représentent également un intérêt scientifique important puisque la recherche internationale sur le décrochage et la persévérance dans l’enseignement supérieur se traduit par plus de quarante années où l’abandon et la poursuite des études ont fait et font encore l’objet d’enquêtes, les États-Unis étant le pays le plus tôt investi dans ces thématiques de recherche (McNeely, 1937, Summerskill, 1962, Spady, 1970, Astin, 1977-85, Bean & Metzner, 1985, Tinto, 1975, 1993, 2005, Braxton, Millem & Sullivan, 2000, Cuseo, 2005), plus récemment le Royaume-Uni (Bennet, 2003, David & Elias, 2003), le Canada (Sauvé et al., 2006) et l’Australie (Krause, Hartley, James & McInnis, 2005, Horstmanshof & Zimitat, 2004). Les études empiriques et les théories confirment la complexité de ces deux processus dont les définitions varient d’un champ théorique et d’une discipline à un autre. La complexité s’exprime à travers les appréhensions différentes des phénomènes ainsi que dans les approches (voir chapitre suivant avec le classement des théories en 5 catégories, Tinto, 1992). Les autres pays francophones de l’OCDE en Europe (la France, la Belgique, la Suisse) et sur le continent américain (Canada, Québec) se sont intéressés aux deux phénomènes plus tardivement à partir de la fin des années 1980 surtout depuis que les gouvernements sont devenus de grands commanditaires de travaux de recherche d’abord pour le décrochage scolaire aux niveaux d’études de l’enseignement secondaire puis pour le supérieur, les transitions entre ces différents niveaux d’étude n’étant pas sans lien. En France, l’appel d’offres de recherche sur le processus de déscolarisation en décembre 1999 est particulièrement probant et montre comment les politiques se sont progressivement emparées de la thématique du décrochage qu’ils ont transformée comme véritable problématique institutionnelle dont la reconnaissance se manifeste entre autres par le nombre de dispositifs prévus afin de prévenir et de lutter contre des risques de décrochage (Bernard, 2014).

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE 1 : DEFINITION ET ETAT ACTUEL DE LA PERSEVERANCE ET DU DECROCHAGE DANS L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
1. La persévérance dans les études supérieures : une délimitation conceptuelle problématique
2. Le décrochage dans l’enseignement supérieur : vers un constat réciproque
3. La persévérance et du décrochage dans l’enseignement supérieur : des enjeux pluriels
4. Présentation et analyse des données statistiques nationales de la persévérance et de la réussite aux études supérieures
5. Conclusion du premier chapitre
Chapitre 2 : Approches théoriques de la persévérance et du décrochage dans l’enseignement supérieur
1. L’explication psychologique
2. L’explication sociale ou sociologique
3. L’explication économique
4. L’explication organisationnelle
5. L’explication interactionnelle
6. Conclusion du deuxième chapitre
Chapitre 3 : Approches empiriques de la persévérance et du décrochage dans l’enseignement supérieur
1. Les facteurs personnels
2. Les facteurs familiaux
3. Les facteurs d’apprentissage ou scolaires
4. Les facteurs interpersonnels ou interactionnels
5. Les facteurs institutionnels et organisationnels
6. Conclusion du troisième chapitre
Chapitre 4 : Délimitation du cadre théorique et présentation de la problématique de recherche
1. Définition de la persévérance retenue pour notre recherche
2. Délimitation théorique et opérationnelle des facteurs explicatifs de la persévérance institutionnelle
2.1. Modèle de l’intégration étudiante de Tinto (1997)
2.2. Le type d’études (Lahire, 1997)
3. Conclusion de ce chapitre présentant la problématique de recherche
CONCLUSION GENERALE

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