Le Lean appliqué au réseau de la santé et des services sociaux
La philosophie Lean a été originellement utilisée dans le domaine manufacturier, mais elle s’est diffusée dans d’autres secteurs depuis les quarante dernières années (Foropon et al., 2013). Le déploiement du Lean a donné de bons résultats dans le réseau de la santé dans plusieurs pays (Womack, Byrne, Fiume, Kaplan, & Toussaint, 2005). En fait, le Lean est en ce moment en plein essor dans le réseau de la santé et des services sociaux (Foropon et aL, 2013). Le Lean dans le réseau de la santé est principalement centré sur l’amélioration des processus et de la qualité des soins (Graban, 2011). La première étape de la démarche Lean est de définir qui est le client et quelles sont ses attentes. De ce fait, il faut se baser sur les besoins des usagers, l’amélioration de la qualité, la réduction des délais et des coûts, l’engagement des parties prenantes et l’amélioration continue (Jobin & Lagacé, 2014). Lorsque le Lean est appliqué adéquatement, il s’avère être une composante cruciale de la culture organisationnelle (Houle, Bareil, Gosselin, & Jobin, 2015).
Il est possible que les acteurs ne se concentrent que sur les outils Lean, ce qui n’est pas suffisant pour relever les défis de gestion. Au Canada, les premières applications du Lean en santé ont été réalisées dans les années 2000 à la Five Hills Health Region, en Saskatchewan, au St Joseph’s Health Centre, en Ontario et à l’hôpital St-Boniface, au Manitoba (Jobin & Lagacé, 2014). Le contexte de réduction budgétaire et d’amélioration de la qualité des soins et services accordés aux usagers, a poussé les établissements de santé à adopter le Lean (Jobin & Lagacé, 2014). Par ailleurs, il y a plusieurs principes du Lean qui touchent les valeurs propres au système de la santé, comme le respect de l’usager et des employés et l’amélioration de la qualité des soins et services offerts (Jobin & Lagacé, 2014). Pour sa part, le réseau de la santé québécois a amorcé le déploiement de la démarche globale du Lean Santé en 2011 , avec la volonté du ministère de la Santé et des Services sociaux de l’instaurer dans tous les établissements de santé (Houle et al. , 2015).
La maturité Lean
Afin de guider les organisations dans le développement de leur SIGP, il faut tout d’abord connaître leur maturité Lean qui compte plusieurs facteurs importants qui s’étendent sur trois grands axes: 1) le développement des capabilités et la maîtrise des techniques, 2) l’alignement stratégique et la cohérence, 3) l’engagement des parties prenantes et l’autodétermination des individus (Jobin & Lagacé, 2014). Le premier axe se concentre sur le développement des techniques Lean dans l’organisation. De ce fait, ceux-ci vont créer un environnement favorable au soutien de la culture Lean (J0rgensen et aL, 2007). Cela signifie que tous les outils et techniques Lean sont disponibles, afin de favoriser la pérennisation d’un projet Lean (Mann, 2009). Le management visuel, le suivi des indicateurs et la standardisation font partie des outils incontournables (Mann, 2009). Le deuxième axe est celui de l’alignement stratégique et de la cohérence. Il est important d’arrimer la planification stratégique de l’organisation avec les actions d’amélioration effectuées au quotidien (Jobin & Lagacé, 2014). Par ailleurs, le succès du Lean repose sur l’alignement stratégique des différentes composantes de l’organisation (Bhasin, 2012).
En fait, il faut s’assurer que cet alignement stratégique soit autant vertical qu’horizontal, ce qui permet de diffuser le concept dans toutes les unités de l’organisation (J0rgensen et al. , 2007). Cela peut être fait à l’aide de la démarche Hoshin Kanri (Jobin & Lagacé, 2014). Les orientations stratégiques quotidiennes doivent être soutenues et pérennisées à l’aide de procédures et de standards organisationnels (Jobin & Lagacé, 2014). Le troisième axe consiste en l’engagement des parties prenantes ainsi qu’à l’autodétermination des individus. Ce dernier facteur est tributaire au succès du déploiement de systèmes de performance Lean (Tsasis & Bruce-Barrett, 2008). Il ne faut pas oublier l’importance de la formation et du développement des compétences qui sont primordiaux dans le processus d’acceptation du Lean (Jobin & Lagacé, 2014). L’évaluation de la maturité organisationnelle est un point central du système de gestion Lean. Pour ce faire, une grille de maturité Lean, proposée par Jobin et Lagacé (2014) a été produite en se basant sur le cadre d’appréciation de la maturité Lean. La figure 1.1 présente le cadre d’appréciation de la maturité Lean.
La performance dans le réseau de la santé
La performance peut être définie de plusieurs façons dans le réseau de la santé et celles-ci sont présentées ci-dessous. Selon l’OCDE (2004), les systèmes de la santé possèdent des structures et des méthodes différentes. Par contre, les pays de l’OCDE ont un objectif en commun, soit celui de rendre les systèmes de santé plus performants. Le rôle de l’OCDE est d’aider les dirigeants à saisir les opportunités d’améliorer la performance des systèmes de la santé. La performance peut se traduire en cinq grands objectifs qui sont communs à tous les pays, soit 1) la qualité des soins et la prévention, 2) l’accessibilité des soins de santé, 3) la capacité de réponse aux attentes des usagers, 4) les coûts raisonnables et le financement durable, et 5) l’efficience des systèmes de santé (OCDE, 2004). En France, la recherche de la performance dans les établissements de soins et de services sociaux est également un élément important. Une étude a été effectuée sur les différents types de gestion afin de déterminer la performance dans le réseau de la santé et des services sociaux. La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) a décliné les objectifs stratégiques en indicateurs et en actions opérationnelles selon trois aspects de la performance, soit l’efficacité, la qualité et l’efficience (Sebai, 2015).
En suivant cette logique, l’évaluation de la performance consiste à vérifier l’adéquation des aspects du système de la santé avec les objectifs qui sont assignés aux structures et aux acteurs par les autorités publiques (Sebai, 2015). De son côté, le Conseil canadien de la santé a précisé le concept de la performance dans les services de soins et de santé au Canada. Il définit la performance comme étant le degré selon lequel la prestation de services de soins de santé ou l’activité du système de santé atteint des niveaux, des repères ou des objectifs (Conseil canadien de la santé, 2012). Selon le document explicatif sur la méthode de balisage pour l’analyse globale et intégrée de la performance publié par le Commissaire à la santé et au bien-être (2011), « un système de santé et de services sociaux performant est un système qui atteint ses buts et ses objectifs. De plus, il réalise les mandats qui lui sont confiés, en conformité avec les valeurs qui l’animent et qui optimisent sa production, compte tenu des ressources dont il dispose ». Au Québec, le MSSS est le responsable de la gestion du système de santé et de services sociaux. La performance du système public de soins et de services sociaux est présentée sous plusieurs dimensions dans le cadre de référence (MSSS, 2012). Ces dimensions établies par le Gouvernement du Québec (2015) sont les suivantes: l’accessibilité des services, la qualité des services et l’optimisation des ressources. En fait, la performance dans le réseau de la santé peut se résumer en quatre objectifs distincts soit l’augmentation de la qualité, l’accessibilité, l’efficacité et l’efficience.
Les systèmes intégrés de gestion de la performance dans la littérature
Selon Charron et al. (2014), un système de gestion intégré de la performance inclut toutes les activités d’une organisation ainsi que les trois systèmes critiques suivant: (1) le système technique, (2) le système social et (3) le système d’enseignement. Le résultat de l’intégration de ces trois systèmes implique un environnement qui valorise la créativité, l’innovation et l’amélioration continue. Selon Mann (2014), un SIGP de la performance compte neuf dimensions. La première est le travail standard des leaders. La deuxième et la troisième sont la gestion visuelle de la production et du soutien. La quatrième est la responsabilité quotidienne du processus. La cinquième dimension consiste en la cartographie de la chaîne de valeur. La sixième est la définition du processus. La septième est un processus rigoureux. La huitième est l’amélioration continue et pour terminer, la neuvième et dernière dimension est la résolution de problèmes. Ces neuf dimensions peuvent être regroupées en trois éléments distincts soit, la gestion visuelle, le travail standard des leaders et la responsabilité quotidienne. Selon Taher et al. (2016), un système intégré de gestion de la performance au quotidien entraine des rencontres effectuées debout, la gestion visuelle, le travail standard, le Gemba, le coaching, l’alignement de la performance et la résolution de problème. En fa it, le SIGP permet aux organisations qui ont adopté la méthodologie Lean de les soutenir lors de la transformation Lean (Taher et aL, 2016). L’analyse de ces systèmes intégrés de gestion de la performance a permis d’obtenir le portrait général d’un SIGP dans la littérature. Le chapitre suivant examine les modèles appliqués au réseau de la santé et des services sociaux.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 – LA REVUE DE LITTÉRATURE
1 .1 Le Lean
1.2 Le Lean appliqué au réseau de la santé et des services sociaux
1.4 La performance dans le réseau de la santé
1.5 Le système intégré de gestion de la performance (SIGP)
1.6 L’étude théorique de différents systèmes intégrés de gestion de la performance
1.6.1 Les systèmes intégrés de gestion de la performance dans la littérature
1.6.2 Les modèles issus des établissements de santé et des services sociaux
1.7 Les éléments d’un système intégré de gestion de la performance
1.7.1 La cohérence
1.7.2 Le leadership
1.7.3 La gestion visuelle
1.7.4 La résolution de problèmes
1.7.5 La standardisation
1.8 La matrice de la revue de littérature
CHAPITRE 2 – LE MODÈLE THÉORIQUE DE SALLE DE PILOTAGE TACTIQUE
2.1 La méthodologie
2.1.1 Les dimensions d’une salle de pilotage
2.2 Les salles de pilotage tactiques incluses dans un système intégré de gestion de la performance
2.2.1 La cohérence
2.2.2 Le leadership
2.2.3 La gestion visuelle
2.2.4 La résolution de problèmes
2.2.5 La standardisation
2.2.6 L’évaluation de l’intégration de la salle de pilotage inclus dans un système intégré de gestion de la performance
2.3 Conclusion sur le modèle théorique
CHAPITRE 3 – LA MÉTHODOLOGIE
3.1 Stratégies de recherche
3.1.1 Études de cas
3.1.2 Recherche-action
3.2 Méthode de collecte de données
3.2.1 Entretiens individuels
3.2.2 Présentation des études de cas
CHAPITRE 4 – LES ÉTUDES DE CAS
4.1 Cas 1 : CSSS de Québec Nord
4.1.1 La direction du programme de soutien à domicile
4.1.2 La cohérence
4.1.3 Le leadership
4.1.4 La gestion visuelle
4.1.5 La résolution de problèmes
4.1.6 La standardisation
4.1.7 L’évaluation du CSSS de Québec Nord
4.1.8 Conclusion
4.2 Cas 2 : CSSS Jardins-Roussillon
4.2.1 La direction première ligne et maintien de l’autonomie
4.2.2 La cohérence
4.2.3 Le leadership
4.2.4 La gestion visuelle
4.2.5 La résolution de problèmes
4.2.6 La standardisation
4.2.7 L’évaluation du CSSS Jardins-Roussillon
4.2.8 Conclusion
4.3 Cas 3 : CSSS de Beauce
4.3.1 La direction du soutien à l’autonomie des personnes âgées (SAPA)
4.3.2 La cohérence
4.3.3 Le leadership
4.3.4 La gestion visuelle
4.3.5 La standardisation
4.3.6 L’évaluation du CSSS de Beauce
4.3.7 Conclusion
4.4 Cas 4: Institut universitaire en santé mentale de Québec
4.4.1 La direction de communication
4.4.2 La cohérence
4.4.3 Le leadership
4.4.4 La gestion visuelle
4.4.5 La résolution de problèmes
4.4.6 La standardisation
4.4.7 L’évaluation de l’IUSMQ
4.4.8 Conclusion
4.5 Analyse des quatre cas
CHAPITRE 5 – LA RECHERCHE-ACTION
5.1 Le modèle proposé
5.1.1 Conclusion
5.2 CISSS de Laval
5.2.1 La direction des services multidisciplinaires
5.2 .2 La cohérence
5.2.3 Le leadership
5.2.4 La gestion visuelle
5.2.5 La résolution de problèmes
5.2.6 La standardisation
5.2.7 L’évaluation du CISSS de Laval
5.2.8 Conclusion
CHAPITRE 6 – LA CONCLUSION
6.1 Atteinte des objectifs de la recherche
6.2 Limites et contraintes de l’étude
6.3 Avenues futures de recherche
Liste de références
Annexe A
Annexe B
Annexe C
Annexe 0
Annexe E
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