La pénurie d’infirmières en santé mentale
L’organisation du travail en centre de réadaptation en dépendance
L’organisation du travail en CRD est un sujet peu exploité par les chercheurs. Certains s’entendent pour dire que des changements sont nécessaires sans toutefois s’avancer davantage sur ce terrain (Corredoira & Kimberly, 2006). Pourtant, de plus en plus de recherches portent sur les aspects organisationnels dans d’autres domaines de la santé (Dickson, Anguelov, Vetterick, Elier, & Singh, 2009; Dickson, Singh, Cheung, Wyatt, & Nugent, 2009; Fishmann, 2010; Holden, 2011; Wojtys, Schley, Overgaard, & Agbadian, 2009; Van Lent, Goedbloed, & Van Harten, 2008). À titre d’exemple, le MSSSQ a mis de l’avant une stratégie nationale en soins infirmiers visant à faire face aux défis liés à la main-d’oeuvre (Blanchet, 2012). Cette stratégie visait l’atteinte de différents objectifs dont le maintien et l’amélioration de l’accessibilité, la continuité, la qualité et la sécurité des soins et des services offerts à la clientèle.
La révision de l’organisation du travail était donc nécessaire afin d’atteindre les buts fixés par le MSSSQ. Ce faisant, une valorisation de la contribution des professionnels de la santé devait aussi être effectuée. C’est donc dans cette optique qu’entre 2008 et 2010, 27 projets d’organisation du travail ont été subventionnés par le MSSSQ pour un total de 81 millions de dollars (Dubois, & D’Amour, 2011). De ces 27 projets, aucun ne fut mené en CRD privilégiant plutôt les soins en hébergement, à domicile et auprès des patients en phase critique. Sachant cela, il est possible de dire que le MSSSQ est bien au courant de la nécessité de revoir l’organisation du travail dans le domaine de la santé. Toutefois, aucune initiative n’a encore été prise au niveau des CRD.
Comme il a été mentionné, l’organisation du travail est une préoccupation pour le MSSSQ. Les différentes commissions d’enquête menées au cours des dernières années le prouvent dont, notamment, la commission Castonguay-Nepveu en 1966, la commission Rochon en 1985, la commission Clair en 2000 et la commission Castonguay en 2011 (Gouvernement du Québec, 2009). Ces commissions ont, à leur façon, modifié grandement le visage du domaine de la santé ainsi que le travail des différents professionnels (Gouvernement du Québec, 2009). C’est donc dire que l’organisation du travail en santé a toujours été un sujet d’actualité. Depuis quelques années, la philosophie Lean aussi nommée méthode Toyota, qui provient du système de production Toyota (TPS), gagne un bon nombre d’adeptes chez les dirigeants en santé. Un nombre important d’hôpitaux, et de groupes médicaux adoptent le Lean comme principale approche afin d’améliorer la qualité et l’efficience de leurs services (Bertholey, Bourniquel, Rivery, Coudurier, & Follea, 2009; Blais, Lagacé, & St-Pierre, 2009; Gascon, Bélanger, Hébert, Lagacé, & St-Pierre, 2009; Kim,
Spahlinger, Kin, & Billi, 2006; King, Ben-Tovim & Bassham, 2006; Lagacé, Faucher, St-Pierre, & Bélanger, 2010; Snyder, & McDermott, 2009). Cette méthode est de plus en plus utilisée pour initier des changements dans le domaine de la santé, notamment auprès des infirmières (Kim, et al., 2006; Simon, & Canacari, 2012). Trop souvent, ces dernières doivent compléter des tâches qui n’exploitent pas leur savoir et leur expertise professionnelle. Ces actions, nommées «gaspillage» dans le vocabulaire de la méthode Toyota (Liker, 2009), alourdissent grandement le travail quotidien et peuvent aussi engendrer des insatisfactions au travail ayant des conséquences importantes telles que des difficultés de recrutement et de rétention du personnel infirmier (Bertholey, et al., 2009; Dickson, et al., 2009; Ng, Vail, Thomas, & Schmidt, 2010).
Le modèle Toyota
Le cadre conceptuel utilisé dans cette recherche est celui de la méthode Toyota. Les premiers pas de cette méthode proviennent de la famille japonaise Toyoda. L’histoire débute avec Sakichi Toyoda, un inventeur et un bricoleur, qui grandit à la [m de 1ge siècle. À cette époque, la majorité des femmes arrivaient à gagner un peu d’argent en tissant à l’aide de métier manuel. Toyoda apprit la menuiserie et devint un fabriquant de métier à filer. Voyant les femmes de sa famille peiner à tisser et filer sur ces métiers, il tenta de les moderniser et, ainsi, de faciliter le travail des femmes (Liker, 2009). C’est donc en mettant la main à la pâte et en travaillant dur de façon constante que Toyoda mit de l’avant un métier à filer fonctionnant à l’aide de moteur à vapeur (Liker, 2009). En 1926, le Toyoda Automatie Looms devient l’ancêtre du groupe Toyota tel que connu aujourd’hui. Selon Liker (2009), la plus grande contribution de ce visionnaire au sein du développement de Toyota est sa philosophie et son approche du travail fondés sur une obsession de l’amélioration continue. En 1929, voyant que les métiers à filer à moteur étaient en voie de devenir une technologie dépassée, Sakichi Toyoda confia à son fils Kiichiro, un ingénieur mécanique, le soin de moderniser l’entreprise familiale. Ce dernier bâtit Toyota Automobile Company selon la philosophie et l’approche de management de son père, mais en ajoutant ses propres innovations (Liker, 2009). Par la suite, l’histoire se poursuivit et \es dirigeants de l’entreprise se succédèrent mais tous conservèrent cette philosophie de gestion qui peut se résumer au travers de ces deux piliers soit: l’amélioration continue et le respect des hommes (Liker, 2009).
La méthode Toyota repose donc sur le développement des compétences des employés, l’élimination des gaspillages, l’augmentation du travail en valeur ajoutée et sur la standardisation des processus. Bien que le modèle Toyota existe depuis 1929, il faut attendre les années 1980 pour que son efficacité se démarque et attire l’attention d’autres domaines que celui de l’ingénierie automobile (Liker, 2009). En effet, c ‘est au cours de cette décennie que la méthode Toyota a été remarquée aux États-Unis par des gestionnaires travaillant dans le domaine de la santé. À cette époque, il était devenu évident que la qualité et l’efficacité japonaises avaient des particularités intéressantes. Non seulement Toyota se démarquait, et se démarque toujours aujourd’hui, grâce à ses processus de développements de produits rapides, fiables et concurrentiels, mais aussi grâce à sa capacité de résolution de problèmes efficace (Liker, 2009).
Le secret de la réussite de Toyota réside, d’une part, dans son excellence opérationnelle qui repose sur des outils et des méthodes d’amélioration de qualité et, d’autre part, sur l’application d’une philosophie ou d’une culture qui va au-delà de l’application de ces outils (Liker, 2009). Cette philosophie propre à Toyota trouve ses fondements dans sa compréhension des hommes et de leurs mécanismes de motivation et dans sa capacité à cultiver le leadership, à définir la stratégie à employer, à bâtir une vraie relation avec les partenaires d’affaires et à perpétuer les principes à suivre pour demeurer une entreprise apprenante (Liker, 2009).
Depuis quelques années, c’est cette philosophie inspirante que plusieurs chercheurs tentent d’appliquer à différents milieux dont le domaine de la santé (Bertholey, et al., 2009; King, et al., 2006; Ng, et al., 2010; Van Lent, et al., 2009). Pour ce faire, des projets s’intéressant à divers processus présents dans les milieux de soins (les protocoles entourant l’administration de transfusions sanguines, la trajectoire des usagers dans les unités d’urgence et l’efficacité des services offerts sur un département d’oncologie) tout comme la présente étude se basent sur le modèle issu de la philosophie Toyota. Ce modèle a pour but de parvenir à fabriquer des produits de qualité supérieure c’est-à-dire des soins de santé de qualité supérieure. Le modèle Toyota, illustré à la figure l, est construit à partir de quatre conditions c’est-à-dire: le défi, le kaizen (traduit par l’amélioration continue), le respect et le travail d’équipe ainsi que le genchi genbutsu (traduit par l’expérience ou la connaissance de la réalité du terrain. À ces conditions, il est possible d’associer quatre grandes catégories soit: la philosophie, les processus, les ressources humaines/partenaires et la résolution de problèmes où s’inscrivent les 14 principes fondamentaux de la méthode Toyota (Liker, 2009). Les conditions, les catégories ainsi que les principes qui composent le modèle Toyota sont expliqués dans les sections suivantes.
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Table des matières
Table des matières
Liste des tableaux
Liste des figures
Liste des graphiques
Liste des acronymes
Remerciements
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 : PROBLÉMATIQUE
1.1 Le portrait de l’effectif infirmier
1.2 Le travail en santé mentale et en centre de réadaptation en dépendance
1.3 L’organisation du travail en centre de réadaptation en CRD
1.4 Le centre Domrémy Mauricie/Centre-du-Québec
CHAPITRE 2 : CADRE DE RÉFÉRENCE
2.1 Le modèle Toyota
2.2 Le modèle Toyota divisé en quatre catégories
2.3 Les principes du modèle Toyota employés dans l’étude
2.3.1 Le principe 1 : Fonder les décisions sur une philosophie à long terme, même au détriment des objectifs financiers à court terme
2.3.2 Le principe 4 : Lisser la tâche de travail (heijunka
2.3.3 Le principe 6 : Standardiser les tâches pour favoriser l’amélioration continue
2.3.4 Le principe 7 : Utilisez des contrôles visuels pour que les problèmes ne passent pas inaperçus
2.3.5 Le principe 9 : Former des responsables qui vivent la philosophie
2.3.6 Le principe 12 : Apprentissage organisationnel continu par le kaizen
2.3.7 Le principe 13 : Aller voir soi-même pour comprendre la situation (genchi genbutsu
CHAPITRE 3: RECENSION DES ÉCRITS
3.1 La pénurie d’infirmières en santé mentale
3.2 La toxicomanie
3.3 La toxicomanie et les actions ministérielles
3.4 Le recrutement et la rétention du personnel infirmier, l’organisation du travail en toxicomanie et la méthode Toyota dans la littérature
3.4.1 Le recrutement et la rétention du personnel infirmier
3.4.2 Le recrutement et la rétention du personnel infirmier en CRD
3.4.3 L’organisation du travail en toxicomanie
3.4.3 La méthode Toyota
CHAPITRE 4 : MÉTHODOLOGIE
4.1 Le cadre de référence et le devis
4.2 Le déroulement de l’étude
4.3 La population à l’étude
4.4 Les critères d’ inclusion
4.5 L’échantillonnage
4.6 Les définitions opérationnelles
4.6.1 Le recrutement et la rétention du personneL
4.6.2 Les activités à valeur ajoutée
4.6.3 Les activités sans valeur ajoutée
4.6.4 L’ amélioration continue
4.7 Les instruments de mesure
4.8 Les biais méthodologiques
4.9 Les considérations éthiques
4.10 Les avantages et les limites de l’étude
4.11 Le plan d’analyse
4.12 Les retombées attendues
CHAPITRE 5: PRÉSENTATION DES RÉSULTATS
La première collecte de données
5.1 Le portrait de Domrémy MCQ
5.2 Le volet hébergement
5.2.1 Le nombre d’usagers suivis
5.2.2 Le personnel infirmier.
5.2.3 La structure de postes et les détails des disponibilités
5.2.4 Les particularités du volet hébergement.
5.3 Le volet externe
5.3.1 Le nombre d’usagers suivis
5.3.2 Le personnel infirmier
5.3.3 La structure de postes et les détails des disponibilités
5.3.4 Les particularités du volet externe
5.4 Les indicateurs reliés au personnel infirmier
5.4. 1 Le personnel infirmier engagé.
5.4.2 Le personnel infirmier détenteur de poste
5.4.3 Le temps supplémentaire effectué par le personnel infirmier
5.4.4 Le taux de roulement du personnel infirmier
5.4.5 Le taux de rétention du personnel infirmier
5.4.6 Le taux d’embauche du personnel infirmier
5.4.7 Le niveau d’assurance-salaire versé au personnel infirmier
5.4.8 Le récapitulatif des indicateurs mesurés
5.5 Les processus cliniques infirmiers
5.5.1 L’analyse des données de la première étude de temps et mouvements
5.5.2 L’entrée dans les services.
5.5.3 L’admission en hébergement.
5.5.4 La gestion de la médication à l’hébergement..
5.5.5 Le suivi en externe
5.6 Les constats
5.7 Les pistes de solutions
5.7.1 Les pistes de solutions communes aux deux volets
5.7.2 Les pistes de solution du volet hébergement.
5.7.3 Les pistes de solution du volet externe
5.8 L’objectifde l’activité kaizen
5.9 La comparaison des résultats de l’étude de temps et mouvement.
5.9.1 Les infirmières du quart de soir, la semaine
5.9.2 Les infirmière du quart de nuit, la semaine
5.10 Le personnel infirmier
5.10.1 Le personnel infirmier engagé
5.10.2 Le personnel infirmier détenteur de poste
5.10.3 Le temps supplémentaire effectué par le personnel infirmier
5.1 0.4 Le taux de roulement du personnel infirmier
5.10.5 Le taux de rétention du personnel infirmier.
5.10.6 Le taux d’embauche du personnel infirmier.
5.10.7 Le niveau d’assurance-salaire versé au personnel infirmiers
5.10.8 La comparaison des indicateurs mesurés lors de la première collecte (2010-2011) et de la seconde collecte (2011-2012)
5.11 Les constats
5.11.1 Les constats communs aux deux volets
5.11.2 Les constats du volet hébergement.
5.11.3 Les constats du volet externe
CHAPITRE 6: DISCUSSION ET RECOMMANDATIONS
6.1 La révision du processus d’orientation et de probation du personnel infirmier.
6.2 L’analyse et l’intégration d’un poste volant…
6.3 La réorganisation du poste infirmier et du bureau du médecin du volet hébergement
6.4 La révision du processus de préparation de la médication
6.5 L’harmonisation des outils
6.6 La synthèse des résultats
CHAPITRE 7: CONCLUSION
RÉFÉRENCES
APPENDICE A Planification de l’activité kaizen : horaire des trois jours de l’atelier
APPENDICE B Grille d’observation utilisée pour la recherche avec les explications pour chacune des actions
APPENDICE C Formulaire de consentement des participants
APPENDICED Carte du territoire de Domrémy MCQ
APPENDICEE Photos illustrant le poste infirmier avant le projet d’optimisation
APPENDICEF Photos illustrant le bureau du médecin avant le projet d’optimisation
APPENDICE G Photos illustrant le poste infirmier après le projet d’optimisation
APPENDICEH Photos illustrant le bureau du médecin après le projet d’optimisation
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