La pensée politique hobbienne : une rupture avec la tradition

La question du politique a toujours été abordée en rapport avec celle du droit. D’ailleurs la philosophie du corps politique ne peut être rendue intelligible que si on la met en relation avec les différentes conceptions du droit qui ont jalonné l’histoire sur le plan théorique. C’est pourquoi il convient avant toute étude approfondie d’éclairer la notion de droit même pour éviter toute confusion liée sa dimension polysémique. Ce travail d’éclairage permettra en même temps de comprendre en quoi l’étude du droit naturel prélude à l’étude du politique et à la question de son fondement.

Le droit dont il s’agit, c’est le droit naturel articulé à l’idée de nature qui témoigne de son acception originelle, dont l’impact sera retentissant dans la manière d’aborder la question du politique et de son fondement. Si la nature « est l’ancêtre de tous les ancêtres la mère de toutes les mères » nous dit Léo Strauss, force est d’admettre que le droit naturel dans le cours de son développement millénaire reflète l’image ou l’ombre de cette nature qui joue ici le rôle d’archè. S’il en est ainsi, c’est parce qu’en elle se profile la nature des choses, à la fois point de départ et matrice universelle de ce qui advient et adviendra dans le monde .

L’organisation de la cité doit donc impérativement suivre l’ordre hiérarchique des choses dans la nature. Au lieu d’aller artificiellement contre celle-ci, elle doit au contraire se conformer à l’univers hiérarchiquement ordonné et aux articulations naturelles immanentes au grand tout cosmique. Ainsi, la cité idéale est celle là même qui est une duplication du cosmos. Et sa perfectibilité, pour des penseurs comme Aristote et Platon, doit se mesurer à partir de son degré d’harmonie et de cohésion avec l’ordre établi par ce cosmos. La condition de l’homme et ses actions doivent donc nécessairement reposer sur l’existence du droit naturel qui est une réalité primordiale.

Cette conception du droit naturel, articulée à l’idée de nature des choses et à l’univers cosmique, autorise à la distinguer de celle du droit positif. Car, si la première témoigne d’une justice naturelle fondée sur l’ordre des choses universellement voulues par la providence, la seconde est un ensemble de règles assorti d’obligations et de sanctions qui a pour but d’organiser les institutions et de régir les situations et les comportements des citoyens. Conformément à ce schéma, la pensée du droit naturel est solidaire de la métaphysique, car étant inscrite dans l’ordre du monde et la nature des choses. Il s’ensuit que la société civile ne peut être égalitaire, les hommes qui la composent ne sont pas tout également doués par la nature. Il serait même à la limite ridicule, à partir de l’éducation toujours tributaire du milieu social, de modeler les hommes de manière égale. Il serait d’ailleurs non juste et de surcroît, vain, de donner les mêmes atouts à des hommes différents par nature.

Il ne s’agit pas dans cette étude de faire l’historique du droit naturel quand bien même que ceci fera l’objet d’un développement plus large dans les pages à venir. Mais ce dont il est question exactement, c’est de comprendre comment les différentes acceptions du droit vont avoir toute leur portée sur la question du politique et de son fondement.

En effet, l’étude du politique et la problématique de l’origine du pouvoir ont été de tout temps tributaires du sens et de la forme que les hommes ont donnés au droit naturel. Si l’organisation de la cité doit reposer sur l’ordre hiérarchique du cosmos et dans la nature des choses, il n’est pas étonnant aussi de voir que le pouvoir trouve nécessairement son fondement et son origine dans l’ordre naturel des choses et que sa légitimité doit être pensée selon la référence verticale à la transcendance divine. C’est ce que Aristote exprime en ces termes : « Commander et obéir font partie des choses non seulement inévitables, mais encore utiles, certains êtres, immédiatement dès leur naissance, se trouvent destiner les uns à obéir, les autres à commander.» En vertu du droit naturel donc, qui incorpore le juste dans l’univers cosmique, certains sont naturellement en droit de gouverner et de manifester leur supériorité par rapport aux autres. C’est à l’intérieur de cette conception du droit, symbole du jus naturalisme classique, que va se donner pour la première fois l’essence du politique. Celle-ci n’est pas à chercher dans l’univers des hommes mais plutôt dans le ciel ou dans l’organisation cosmique. S’il en est ainsi, c’est parce que le souverain agit en vertu d’un pouvoir naturel. Il n’a de compte à rendre à personne si ce n’est Dieu ou lui-même. L’existence d’un droit naturel inébranlable et fondé sur une référence cosmologique servait à justifier le pouvoir en vigueur et à déterminer le fondement du politique. Dans cette optique, le souverain est considéré comme celui que Dieu a décrété de tout temps pour répondre aux besoins de l’humanité. Par conséquent son autorité serait à la fois sacrée et absolue, car il est l’image de la majesté divine. Son devoir consiste à maintenir la religion et à dispenser la justice. Et même si les sujets peuvent d’une certaine manière protester s’ils jugent sa politique peu sage, en aucun cas ils ne doivent se révolter.

A cette conception du droit va s’opposer une nouvelle qui pose les jalons d’une modernité dont les effets se traduisent par une nouvelle manière d’aborder la question du politique. En effet, au XVIIe siècle, des révolutions scientifiques vont permettre de dire que le cosmos loin d’être une entité finie, hiérarchisée et finalisée, est plutôt un univers infini. Ce qui fait que les hommes, au lieu de s’occuper de la nature en général, s’occupent de la nature humaine en particulier. Ce passage d’un monde clos à un univers infini va faire passer du jusnaturalisme classique au jus naturalisme moderne entraînant du coup une nouvelle conception du juste et du droit. Cette découverte scientifique de l’homme, que Descartes témoigne à partir de son cogito, sera à l’origine de la nouvelle conception du droit qui se trouve dès lors désacralisée, il est pensé selon les exigences d’ordonnancement de la vie sociale et son origine n’est plus à chercher dans le ciel, car l’homme en est la véritable source. Dès lors on passe d’une référence cosmologique à une référence anthropologique. La nature humaine devient la chose la plus importante à connaître et surtout quand il s’agit de réfléchir sur la chose politique.

C’est dans cette logique de modernité que va s’inscrire Hobbes qui, à la suite de ce changement de référence, entend fonder le pouvoir politique tout en ayant l’ambition de l’élever à son plus haut degré de scientificité. C’est ce projet de Hobbes en rapport avec cette modernité qui justifie le choix porté sur l’auteur. En effet, par une double requête anthropologique et individualiste, Hobbes donne une nouvelle définition du droit qui va entrer en rupture avec la tradition scolastique. Il le définit comme « la liberté qu’a chacun d’user de ses facultés naturelles, afin de conserver, autant qu’il se peut, ses membres et sa vie ». C’est cette subjectivité et ce fondement anthropologique du droit que fait noter Simone Goyard Fabre quand elle écrit qu’« il est propre à l’individu et s’enracine à sa volonté, il résulte d’un faisceau de force et se présente comme un pouvoir (power) ou liberté (liberty), il est ordonné à la conservation de la vie, il s’accorde avec la raison pour adopter à cette fin un ensemble de moyens ». Ce qui est remis en question c’est toute une tradition dont la référence était le cosmos. A cette référence cosmologique, la problématique du droit naturel va substituer une référence anthropologique. « Le droit naturel n’est rien d’autre qu’un pouvoir naturel de l’homme, un pouvoir inhérent à la nature humaine […] Le droit est donc d’abord une expression de la nature en l’homme, il l’incline à des mouvements et à des actions mécaniques et l’expose vis-à-vis des autres hommes, à des rapports de force d’où dépendent, selon la potentia agent, des états de déséquilibre et d’équilibre .» .

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Table des matières

INTRODUCTION
PERMIERE PARTIE : La pensée politique hobbienne : une rupture avec la tradition
Chapitre I : Droit naturel et pouvoir politique à la période classique
A- Droit naturel
B- Pouvoir politique
Chapitre II : Construction rationnelle de la philosophie politique hobbienne
A- Le projet de fonder la politique en science
B- L’influence de la science mécaniste
DEUXIEME PARTIE : Anthropologie et politique chez Hobbes
Chapitre III : Du fondement anthropologique du droit à l’élucidation de la société civile
A- L’homme : une créature de passion
B- Droit de nature et état de nature chez Hobbes
Chapitre IV : L’essence du politique dans les limites terrestres
A- L’artifice hobbien du pouvoir politique
B- Subordination du spirituel au temporel ou l’effet d’un pouvoir centré sur l’unité
CONCLUSION

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