LA PECHE, UNE ACTIVITE DE SUBSISTANCE
Généralement, on considère comme pêche traditionnelle celle qui est réalisée par des pêcheurs, individuellement ou associés par deux ou occasionnellement par un petit groupe de quatre à dix personnes, utilisant des modes de pêche traditionnelle quelque fois accompagné de pirogues motorisées moins de 25 chevaux, à pieds, ou à bord de pirogues non motorisées à rayon d’action limité.
Dans le village d’Antafianambitry, il n’y a pas de formation spéciale pour l’activité de pêche. Les gens du village ne subissent aucune formation précise ni sur l’utilisation des matériels de pêche, ni sur leur construction, ni sur l’exploitation des zones de pêche. Ainsi, ils pratiquent cette activité par habitude. Ils ignorent même l’existence des matériaux modernes pour cette activité. En plus, dans ce village, le niveau de formation et de scolarisation est très faible, la plupart des gens abandonnent leurs études vers la fin du cycle primaire. Et ceci rend difficile l’accès à la formation pour l’amélioration de cette activité pour les pêcheurs du village.
Actuellement, la pêche traditionnelle est confrontée à des sérieux problèmes, suite à la cherté ou au manque de ravitaillement en matériels de pêche indispensable pour la construction des engins, ce qui entrave considérablement le développement, et même le maintien du niveau actuel de production, malgré l’augmentation de la demande locale de protéines d’origine marine.
Une des caractéristiques est la grande dispersion de la population de pêcheurs traditionnels tout au long des 5000 km de la côte malgache et leur éloignement des circuits de commercialisation et des marchés (sauf pour les communautés de pêcheurs proches de grands centres de consommation et de vente). Cet isolement s’accentue à la saison des pluies (de Novembre à Avril), avec la paralysie ou l’endommagement des voies de communication terrestre.
L’embarcation
A Antafianambitry, les techniques et les engins de pêche utilisés sont bien connus. Cependant, nous avons seulement voulu vérifier leur quantité et voir dans quelle mesure on peut perfectionner les techniques et améliorer les engins disponibles dans ce village.
L’embarcation traditionnelle
La description d’une pirogue
Comme dans l’ensemble de la côte Ouest de Madagascar, y compris la région de Nosy-Be, au village d’Antafianambitry, on utilise, pour l’embarcation, une pirogue monoxyle à balancier mue à la pagaie ou propulsée à la voile carrée.
La pirogue monoxyle à balancier sert surtout à la pêche et à transporter les captures de pêche traditionnelle aux points de vente. Mais, quelquefois, elle se sert également de transporter des marchandises légères et des produits agricoles aux points de vente. Le système de propulsion utilisé est la pagaie ou « five » et la voile carrée ou « lay » qui permet de naviguer avec le vent en poupe ou légèrement de côté (avec une grande dérive). Ces pirogues ne disposent pas de gouvernail. Quand elles naviguent en voile, elles utilisent la pagaie pour se diriger.
Une pirogue à voile peut atteindre, par vent favorable, une vitesse importante, estimée à 6 -7 nœuds, c’est-à-dire 11 à 13 km/heure environ. Les pêcheurs d’Antafianambitry construisent des pirogues avec un tronc d’arbre taillée en totalité ou en partie. Ils comprennent deux types de pirogues : la pirogue simple (laka sirôro) et la pirogue surélevée (laka tôvogno). Pour la construire, la pirogue peut être taillée en totalité ou en partie d’un tronc d’arbre. Généralement, le fond et les parties antérieurs et postérieurs ces pirogues sont taillées dans le tronc d’arbre, mais les parois sont prolongées par des planches. Ce genre de pirogue est appelé « laka tovogno ». Et celle qui n’est pas surélevée est appelée « laka sirôro » .
Les types d’arbre les plus utilisés pour la fabrication de la pirogue sont : le kapokier (pamba), le manguier (manga), le sambalahy, la tsatsaka, l’aboringa, l’arofy, le ramy, le farafaka, le jacquier (finesy), le fagnamponga, l’antafa,… Le kapokier, l’aboringa, la farafaka, et le tsatsaka donnent des coques légères, mais fragiles dont la durée de vie ne dépasse rarement pas quatre ans, tandis que les autres donnent une coque dure et durable, mais lourd dont la durée de vie peut atteindre jusqu’à huit ans.
Les caractéristiques de la pirogue
Les dimensions des pirogues utilisées pour la pêche sont variables, suivant leur fonction et leur taille. Le poids d’une pirogue varie suivant le bois utilisé pour sa construction et sa longueur. Mais on peut estimer ce poids à partir du nombre des hommes nécessaires pour la mettre à l’eau. Une petite pirogue de 3m à 4 m, qui peut embarquer 2 à 3 personnes sert surtout aux pêcheurs à pieds et aux ligneurs sur la côte. La pirogue moyenne de 4 m à 6 m, qui peut embarquer 3 à 4 personnes, est utilisée pour la pêche en nasse. Et la grande pirogue de taille de 7m à 8m et plus, qui peut embarquer 8 à10 personnes est utilisée dans la plupart du temps à la pêche au large « An-driva », elle sert également au transport des voyageurs avec leurs marchandises vers les villages voisins, comme ceux de Nosy Faly ou des côtes.
La protection de la coque consiste à une imprégnation d’huile de vidange ou de coaltar une fois montée et une application des peintures qu’on entretient au moins une fois par an. Il y a aussi des techniques locales permettant d’éviter l’attaque des insectes et de prolonger la durée de vie des pirogues en bois. Elle consiste à recouvrir la partie externe de la coque par une mince couche protectrice de latex ou de goudron, ou avec la cire.
Une pirogue est relié aux deux balanciers, dont le premier est aquatique appelé «fagnaribe », et le deuxième aérien appelé « fagnary bitiky ». Le balancier aquatique, « fagnaribe » se situe au tribord ; et le «« fagnary bitiky » se situe au bâbord. Ces deux balanciers sont attachés à la coque de la pirogue, «vatan-daka» par une corde spéciale « fibèka », avec des barrettes appelées « tatiky » qui traverse la coque de la pirogue. Le « fagnaribe » (balancier aquatique) sert à équilibrer la pirogue. Il est fabriqué en bois léger, comme en général, l’ylang ylang, le kapokier, l’amboringa, etc, tailler en rond et de même longueur que la pirogue.
Pour la pirogue à voile, elle s’accompagne d’un mât. Ce mât est fabriqué en bois rond de 8 à 10 cm de diamètre, suivant la dimension de voile utilisée. Et sa longueur varie entre 3 à 4 m. La voile est faite d’un tissu épais, comme « gôra » ou tapis de 10 à 20 m suivant la longueur de la pirogue. Elle a une forme triangulaire ou carrée. Les autres côtés ont à peu près la même longueur que la pirogue. Et la pirogue est aussi caractérisée par sa faiblesse d’autonomie, d’où l’étroitesse de son rayon d’action, l’inexistence d’aucun abri pour les pêcheurs, de matériels de navigation : les pirogues ne doivent pas s’éloigner trop repère à terre, de la possibilité de conservation des produits par les froids.
La construction de l’embarcation
La plupart du temps, dans le village d’Antafianambitry, ce sont les pêcheurs eux-mêmes qui construisent leur pirogue, mais quelque fois, ils achètent une pirogue prête à l’utilisation. Et les prix de cette dernière varient selon sa taille et son aspect. Les pêcheurs fabriquent leur pirogue à partir d’un tronc que l’on évide, et qu’ils appellent « roka ». Sur les pirogues monoxyles à balanciers, on ajoute des planches de bois que l’on appelle « tovogno », reliés par le «daraba » sur les deux côtés pour surélever les parois. Cette dernière est appelée « laka tovogno».
On constate que les pirogues à balanciers de la côte Ouest et du Nord-Ouest sont plus chères que les pirogues monoxyles, d’une construction rudimentaire. La voile de ces pirogues est confectionnée par les pêcheurs eux-mêmes.
– Durée de la pirogue :
Dans la plupart du cas, la longévité d’une pirogue dépend de trois facteurs :
• qualité des bois utilisés ;
• fréquence d’utilisation ;
• entretien.
En général, une pirogue peut être utilisée, en moyenne, dans 180 à 220 jours par an. Avec un entretien normal, elle peut durer 3 à 4 ans ou, quelque fois, jusqu’à 8 ans, selon le bois de construction et de sa dureté. Pour les bois légers et fragiles, comme le kapokier, le « pamba » (Ceiba pentandra), le « farafaka » (carapa obovata), le « tsatsaka »,etc, elle ne dure pas du tout long temps. Mais, pour les bois durs et lourds, comme le « magnary » (Dalbergia sp), le « bonara », « l’albizan » (lebbeck), etc, elle peut durer jusqu’à 8 ans.
D’après les pêcheurs de ce village, l’arrêt de la pirogue pendant une longue durée au bord entraîne la destruction rapide de l’embarcation.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE: CONDITIONS NATURELLES ET SOCIETESVILLAGEOISES
CHAPITRE PREMIER : ETUDE DU MILIEU NATUREL
I-1 – Le relief
I-2 – Un climat favorable à la pêche
I-2-1 – Les précipitations
I-2-2 – Les températures
I-2-3 – Les vents
I-3 – Les végétations
I-4 – L’espace maritime
CHAPITRE DEUXIEME: LE VILLAGE D’ANTAFIANAMBITRY ET LES SOCIETES VILLAGEOISES
II-1 – L’origine du nom du village
II-2– Les habitants et leur choix du site
II-2-1 – Historique du village
II-2–2-L’organisation socio-politique et économique
II-2-2-1 – La démographie et la population
II-2-2-2 – L’éducation et la santé
II-2-2-2-1 – L’éducation
II-2-2-2-2 – La santé
II-2-3 – La religiosité, les « fady » et les pouvoirs locaux
II-2-3-1 – La religiosité
II-2-3-2 – Les « fady » ou les interdits
II-2-3-3 – Les structures du pouvoir local
II-2-3-3-1 – Le pouvoir politique
II-2-3-3-2 – Le pouvoir traditionnel
II-2-4 – Les activités économiques du village
II-2-4-1-Les activités de pêche
II-2-4-2-Les activités agricoles
II-2-4-3 – Les activités d’élevage
DEUXIEME PARTIE: LA PECHE TRADITIONNELLE ET TECHINIQUE UTILISEES
CHAPITRE TROISIEME: LA PECHE, UNE ACTIVITE DE SUBSISTANCE
III-1 – L’embarcation
III-1-1- L’embarcation traditionnelle
III-1-1-1 – La description d’une pirogue
III-1-1-2 – Les caractéristiques de la pirogue
III-1-1-3 – La construction de l’embarcation
III-1-1-4 – Le prix de l’embarcation
III-1-2 – L’embarcation moderne
III -2 – Les techniques et les engins de pêche
III-2-1 – La pêche en nasse
III-2-1-1 – La description d’une nasse ou casier (vôvo)
III-2-1-2 – La méthode d’utilisation de la nasse
III-2-1-3 – Les produits cibles
III-2-2 – La pêche au filet (Fagnaratovagna)
III-2-2-1 – La dimension des filets
III-2-2-2 – La technique d’utilisation d’un filet
III-2-2-3 – Les captures cibles pour la pêche au filet
III-2-2-4 – La durée de la pêche à filet
III-2-3 – La pêche à la palangrotte « vintagna » (nocturne et diurne)
III-2-3-1 – La palangrotte ou ligne à main
III-2-3-2 – Les lignes de traîne
• Les leurres naturels
• Les leurres artificiels
III-2-3-3-La durée et jour de la pêche en ligne
III-2-3-4 – Le rendement estimatif par sortie
III-2-4 – La pêche collecte à pied
III-2-4-1 – Les espèces capturées
III-2-4-2 – La technique de pêche collecte à pied
III-2-5 – La pêche à toiles ou moustiquaire (sihitry)
III-2-6 – L’organisation par ordre d’importance des techniques de pêche utilisées par les pêcheurs d’Antafianambitry, suivant les engins utilisés
III-2-7- Capture et efforts de pêche
III-2-7-1- Les captures
III-2-7-2 – L’estimation des captures par engins de pêche
III-2-7-3 – L’effort de pêche
CHAPITRE QUATRIEME: TRAITEMENT ET CONSERVATION DES PRODUITS
IV–1 – Le séchage
IV-1-1 – Quelques définitions et quelques considérations sur le séchage
IV-1-2 – Le traitement préliminaire du séchage
IV-1-3 – La technique de séchage
IV-1-4– Les conditions optimales pour les séchages naturels
IV-1-5– Les principes du stockage des poissons séchés
IV-2– Le salage
IV-3 – La friture (firiry)
TROISIEME PARTIE: AVANTAGE , PROBLEMES ET SOLUTIONS LIEES A L’ACTIVITE DE PECHE TRADITIONNELLE D’ANTAFIANAMBITRY ET DES RECOMMENDATION RELATIVES A CES PROBLEMES
CHAPITRE CINQUIEME: LES AVANTAGES
V-1 – Les avantages commerciaux
V-1-1 – L’acheminement des produits
V-1-1 -1– L’autoconsommation
V-1-1-2 – La commercialisation
V-1-1-2-1 Le commerce dans les villages environnants
V-1-1-2-2 – Le commerce en ville
a)- Les circuits de distribution
b)- Les modalités de vente
V-1-2 – Les prix et leurs variations
V-1-3 – Résultats financiers et revenus moyens mensuels
V-1-3-1 – La valeur de production de la pêche
V-1-3-2 – La détermination des coûts d’investissement pour la pêche traditionnelle
V-1-3-3 – Les revenus et les profits estimatifs de la pêche d’Antafianambitry
V-2- Autres avantages obtenus par les populations locales
V-2-1 – Les avantages sociaux
V-2-1-1 – La pêche comme un fondement de la bonne marche de relation entre les individus au sein de la société
V-2-1-2 – La pêche comme une activité qui conduit à la création d’emploi pour les populations du village
V-2-1-3 – La pêche, un moyen pour l’amélioration du niveau de vie de ménage94
V-2-2 – Les avantages économiques
V-2-2-1 – La pêche, un moyen pour l’amélioration de l’infrastructure du village
V-2-2-2 – La pêche, moyen pour l’amélioration des instruments nécessaires à l’activité de pêche
V-3- Les avantages pour les populations extérieures
V-3-1-L’avantage pour la population de la ville de Nosy-Be
V-3-2 – L’avantage dans le domaine de transport
CONCLUSION