La peau, limite entre intérieur et extérieur

 La peau, limite entre intérieur et extérieur 

L’enveloppe selon D. Houzel est « ce qui entoure complètement un espace et qui, de ce fait, contient tout ce qui se trouve dans cet espace, qui est ainsi fermé » (2010, p.9). Il décrit ensuite l’enveloppe cutanée qui, « peut s’ajuster exactement à l’objet qu’elle entoure, elle peut même être une couche différenciée de cet objet » (Houzel, 2010, p.9). Il explique ensuite que toutes les enveloppes ont en commun « la notion d’une limite entre un dedans et un dehors, entre ce qui est contenu à l’intérieur et ce qui est à l’extérieur d’un espace donné » (Houzel, 2010, p.9). Donc, la peau, enveloppant tout le corps, serait à l’origine d’une enveloppe corporelle délimitant un intérieur et un extérieur, une enveloppe physique.

Construction du Moi à partir de l’enveloppe psychique

Pour D. Anzieu, dans Le Moi-Peau, l’enveloppe ne se limite pas à la configuration d’un contour. Il explique que « l’entourage maternant est appelé ainsi parce qu’il « entoure » le bébé d’une enveloppe externe faite de messages et qu’il s’ajuste avec une certaine souplesse, en laissant un écart disponible, à l’enveloppe interne, à la surface du corps du bébé, lieu et instrument d’émission de messages : être un Moi, c’est se sentir la capacité d’émettre des signaux entendus par d’autres » (Anzieu, 2006, p.84). Le bébé construit son enveloppe psychique dans la relation à l’autre. Les parents laissent suffisamment de place à l’enfant pour qu’il puisse développer sa propre individualité dans un environnement sécure où ils vont venir répondre à ses demandes. D. Anzieu explique que « cette enveloppe sur mesure achève d’individualiser le bébé par la reconnaissance qui lui apporte la confirmation de son individualité : il a son style, son tempérament propre, différent des autres sur un fond de ressemblance. Etre un Moi, c’est se sentir unique » (2006, p.84). L’enveloppe psychique et le Moi se construisent sur les expériences corporelles de l’enfant. D. Anzieu reprend la pensée de S. Freud, « il précise de quelle expérience corporelle provient spécifiquement le Moi : l’enveloppe psychique dérive par étayage de l’enveloppe corporelle » (2006, p.106). L’enfant se reconnaît comme différent de l’autre, goûte à des expériences diverses et ainsi, élabore son unité psychocorporelle.

La fonction de contenance de l’enveloppe 

A. Ciccone, nous parle de la fonction de l’enveloppe. Pour lui, « l’enveloppe n’est pas un objet psychique en soi, ni même une instance. L’enveloppe psychique est avant tout une fonction, assurée par un certain nombre de processus. » (2001, p.81). La fonction de l’enveloppe, d’après A. Ciccone, serait une fonction de contenance. L’enveloppe permettrait à la fois de contenir et de transformer simultanément. Il précise que « l’enveloppe résulte de l’intériorisation de l’objet contenant ou de la fonction contenante de l’objet. » (2001, p.92). Le bébé intériorise en lui certains objets dits contenants ou leurs fonctions. Cela demande que l’objet contenant soit de bonne qualité comme lors d’un bon portage ou d’un bon soutien. L’objet doit répondre aux besoins de l’enfant et les faire évoluer. Pareillement, il le protège. Il permet à l’enfant de faire de nouvelles expériences, notamment en le sollicitant, en le stimulant vers l’extérieur.

Le rythme

Le rythme participe à la construction du sentiment d’enveloppe par sa fonction de contenance. Il donne une impression de continuité. Le rythme relationnel entre le parent et l’enfant est nécessaire à l’accordage. Il se traduit par le rythme de veille-sommeil, le rythme des repas mais aussi le rythme du bercement. Le parent va faire preuve de beaucoup d’attention afin de s’accorder à son propre rythme et à celui de son enfant. Ainsi, l’objet contenant (le parent) donne une rythmicité aux expériences de l’enfant. Progressivement, il intègre les rythmes et peut anticiper les expériences sans se désorganiser.

L’enveloppe psychocorporelle

Le terme d’enveloppe psychocorporelle me semble approprié pour témoigner au mieux de l’étayage corporel de la psyché dans le développement du sujet. Je trouve que ce terme est le plus proche de notre pratique psychomotrice. Il pourrait être pensé comme un item psychomoteur à part entière. L’enveloppe psychocorporelle de l’enfant se construit progressivement dans la relation à l’objet contenant, c’est-à-dire à la figure d’attachement, très souvent la mère. Les personnes prenant soin de l’enfant vont répondre à ses besoins de base, mais également à ses besoins affectifs avec une certaine rythmicité. Le portage, par sa fonction contenante et son rythme, est au cœur de l’intégration de l’objet contenant. Ce vécu corporel contribue au remaniement de l’appareil psychique du bébé lui permettant progressivement une construction harmonieuse de ses enveloppes.

L’étude du concept d’enveloppe psychocoporelle m’amène à penser ma clinique avec un regard nouveau. Tout au long de mon mémoire, nous verrons comment les outils du psychomotricien permettent un travail d’aide à la mise en place d’une enveloppe. Je vais maintenant vous parler de ma clinique en psychiatrie périnatale et plus particulièrement de Madame S. et d’Emma.

Partie clinique : Madame S. & Emma

Première rencontre

Je rencontre Madame S. un jeudi matin fin octobre. Nous ne recevons que deux dyades ce matin là, Madame B. avec Lounès et Madame S. avec Emma pour leur premier jour. Madame S. est assise à la table de la cuisine, dans une posture d’affaissement. Je me présente à elle. Elle me regarde, les yeux cernés et le regard implorant. Elle a le teint gris, de grands yeux marrons et de longs cheveux noirs attachés grossièrement dans son dos. Elle paraît épuisée et douloureuse. Elle boit une tisane que les soignantes lui ont proposé en arrivant. Je ne vois sa fille nulle part. Je me prépare un thé en l’écoutant échanger avec une puéricultrice. Installée face à elle, j’observe Madame S. qui se tortille sur sa chaise, les mains coincées entre les cuisses. Elle nous pose des questions sur l’unité avec un regard vide, un visage amimique et une voix plutôt grave et ferme qui dénote avec sa posture effondrée. Cette mère me touche, elle paraît en grande difficulté, perdue. Des gémissements se font entendre du local à poussettes. Madame S. se lève hâtivement, en prenant appui de toutes ses forces sur la table. Elle marche en boitant de sa jambe gauche et en se frottant la fesse. Elle nous dit « la petite a dû se réveiller ». Elle revient en portant sa fille sur son bras gauche. Le portage a l’air incertain, maladroit. Emma gesticule dans ses bras, grimace. Madame S. ne porte pas de regard sur sa fille et ne lui parle pas. Une des puéricultrices lui propose de garder Emma le temps qu’elle puisse aller faire son admission au secrétariat de l’hôpital. La petite se rendort très rapidement, bercée par la marche, contenue dans les bras de la puéricultrice. Emma est un petit bébé aux traits fins, âgée d’un mois seulement. A son retour, Madame S. s’installe au sol, contre un pouf et semble épuisée. Elle baille et ferme les yeux par moment. Je m’installe près d’elle, lui demande si elle se sent fatiguée, si elle veut que les professionnelles prennent le relais au réveil de sa fille. Elle me répond se sentir vidée et particulièrement douloureuse aujourd’hui. Je lui demande où se situe sa douleur. Elle m’indique de sa main droite son côté gauche : « tout mon côté gauche est en miettes, mon épaule, ma hanche et mon genou, il n’y a rien à faire ». Elle me raconte que ses douleurs découlent d’évènements différents de sa vie, l’handicapant toujours un peu plus. Elle me dit avoir l’impression que sa douleur n’est ni soulagée, ni entendue par les autres. Son mal est invisible mais je le devine dans son corps. Sa fille se réveillera quelques instants plus tard, se crispant, se tortillant dans tous les sens. Madame S. l’interprète comme de la faim. Elle se lève, non sans difficultés, pour lui préparer son biberon. Contre un pouf, nous l’aidons à s’installer, un coussin d’allaitement sur les genoux pour accueillir Emma. Madame S. peut reposer son bras tout en nourrissant sa fille. Elle introduit le biberon dans sa bouche puis regarde devant elle, les yeux dans le vide, pendant tout le temps de la tétée. Elle fait des pauses de temps en temps en disant à sa fille « Respire ! » tout en restant très amimique. Pour la faire roter, Madame S. prend l’enfant sous les aisselles, tend les bras devant elle, laissant la tête d’Emma tomber légèrement en arrière. Emma ne rote pas, elle regarde vers la lumière et la fenêtre. Madame S. replace sa fille contre elle. Elle paraît avoir des difficultés à la tenir, à la porter. Ses gestes sont brusques et maladroits, presque violents par moment.

Au moment du repas, Madame S. pose beaucoup de questions à Madame B. sur son fils « Est-ce qu’il mange bien ? Qu’est-ce qu’il mange ? ». Elle interroge les soignantes sur différents thèmes autour du bébé : l’alimentation, le change, le bain… Ses questionnements nous renvoient à une méconnaissance totale du développement de l’enfant et de ses besoins primaires. Je remarque que Madame S. se déprécie beaucoup. Elle nous affirme ne pas comprendre sa fille ou encore ne pas savoir s’y prendre. Elle met les soignantes dans une place maternante, de savoir-faire. Elle a remarqué que sa fille s’était calmée dans les bras de la puéricultrice.

Après le repas, Madame S. me confie sa fille pour l’après-midi. Elle voudrait en profiter pour dormir un peu. Mes collègues l’installent sur un pouf, à moitié assise, avec deux bouillottes : sur sa hanche et sur son genou douloureux. Une des puéricultrices me guide dans l’emmaillotage d’Emma et me la confie. Je la berce doucement tout en marchant. Emma a des difficultés à s’apaiser. Elle ouvre les yeux, les referme. Malgré mon regard sur elle, j’ai la sensation qu’elle ne me voit pas. Notre rencontre n’a pas lieu. Je lui parle, chantonne une comptine. De temps à autre, tout son corps se tend, son visage se crispe et elle ramène ses genoux sur son ventre en se tortillant. Dans les moments de relâchement, elle peut esquisser un sourire figé dans son « sommeil ». Prise dans un dialogue tonique, j’essaie de me détendre pour qu’elle puisse en profiter. Une de mes collègues nous installe confortablement sur un pouf. Je me réajuste dans le pouf, mon bassin et mon dos en enroulement, relâchés, les jambes repliées et les pieds bien au sol. Je me donne un maximum d’appuis. Je prends conscience de ma respiration et je la calme par de longues expirations. J’ajuste Emma sur mon ventre. Doucement, elle s’endort, bercée par ma respiration abdominale, me laissant pleinement son poids. L’apaisement d’Emma me permet de calmer mon propre rythme. Sa maman s’est également endormie à quelques mètres de nous.

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Table des matières

INTRODUCTION
Terrain clinique : L’Unité de Psychiatrie Périnatale
I. Théorie des enveloppes
1. La peau, limite entre intérieur et extérieur
2. Construction du Moi à partir de l’enveloppe psychique
3. La fonction de contenance de l’enveloppe
4. Le rythme
5. L’enveloppe psychocorporelle
II. Partie clinique : Madame S. & Emma
1. Première rencontre
2. Anamnèse
a) Passé de Madame S
b) Antécédents médicaux
c) Grossesse et naissance d’Emma.
3. Compte rendu de bilan
III. Apports théoriques autour de la périnatalité
1. Grossesse et enveloppes sensorielles
2. Je te touche, tu me touches
a) La peau et le toucher
b) Le dialogue tonico-émotionnel
3. Les interactions précoces
a) La préoccupation maternelle primaire
b) Le Holding / Le Handling
c) L’object presenting
4. La théorie de l’attachement
5. Le Moi-Peau
IV. Les dispositifs thérapeutiques du psychomotricien
1. Les difficultés de Madame S. et d’Emma
a) Le lien mère-enfant
2. Le dispositif accueil de jour
a) Présentation de l’accueil
b) La contenance de l’accueil de jour
c) Les difficultés de l’accueil de jour
d) Place de Madame U. dans le dispositif d’accueil
e) Place de Madame S. dans le dispositif d’accueil
3. Le groupe massage
a) Présentation du groupe massage
b) Les objectifs thérapeutiques du groupe
c) Les membres et la dynamique de groupe
d) Notre rencontre par le toucher
4. Le portage
a) Portage physique / Portage psychique
b) Du portage physique à la symbolisation
c) Le portage psychique de la mère
d) Le portage en écharpe
e) L’emmaillotage
f) Portage du psychomotricien
V. Ma place dans l’enveloppe institutionnelle
1. Ma place de stagiaire
a) Prendre sa place
b) Auprès des mères
c) Mon regard psychomoteur
2. Inscription dans une enveloppe institutionnelle
a) L’enveloppe institutionnelle
b) Le cadre thérapeutique
c) Le cadre en psychomotricité selon C. Potel
d) L’équipe et les partenaires de soin
e) Inscription du bébé dans l’enveloppe institutionnelle
f) Fragilité de l’enveloppe institutionnelle
g) Les temps d’échange
h) Mon inscription dans cette enveloppe
VI. Place du psychomotricien dans la relation dyadique
1. La question du double point de vue
2. Intérêt de l’outil vidéo dans la pratique psychomotrice
CONCLUSION

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