L’autorité de la démocratie comme régime politique semble irrésistible, pour Madagascar comme pour de nombreux pays en développement. Son adoption en tant que système politique se trouve être la source de reconnaissance internationale voire comme un des critères obligatoires pour acquérir les aides provenant des organismes internationaux. Si cet impératif démocratique est considéré comme une panacée, il remet en question la possibilité d’application et d’adaptation de la démocratie aux structures et aux cultures des pays en développement et particulièrement ceux de l’Afrique subsaharienne.
LA PARTICIPATION POLITIQUE : PERSPECTIVES HISTORIQUES ET CONCEPTUELLES
Démocratie et participation des citoyens s’avèrent être deux concepts inséparables. Il est inconcevable de parler de participation politique sans aborder les principes fondamentaux de la démocratie centrés sur la participation et l’implication des citoyens dans les affaires publiques.
La dynamique de la démocratie et de la participation
L’idéal démocratique
Il n’est pas de meilleure introduction au problème de la participation politique que l’analyse de la signification du terme « démocratie ». En premier lieu, nous devons, dégager les différentes nuances de sens qui s’enchevêtrent dans ce terme, surtout que cette notion de démocratie se traduit diversement à Madagascar. En se référant préalablement aux opinions des enquêtés, le terme « démocratie » n’invoque, en grande partie chez les enquêtés que la notion de « liberté », la liberté d’expression, et largement d’émettre librement les idées politiques ou simplement des idées. Dans ce cas, cette démocratie tant encensée à laquelle aspire largement le « peuple » pourrait inciter une large participation à la vie politique. Mais revenons d’abord au terme « démocratie » dans son sens formel, sa définition dans le dictionnaire Larousse est celle de « régime politique où la souveraineté est exercée par le peuple. » .
L’idéal de toutes les démocraties modernes repose sur la conception selon laquelle le pouvoir politique découle du peuple souverain, mais les interrogations et les polémiques sur le véritable sens de la démocratie ont toujours existé et continuent de persister et l’abstraction de la notion de « peuple » les rend encore plus complexes. Mais cet idéal démocratique, généralement considéré comme une démocratie directe est peu pratique et la notion n’a cessé d’évoluer au cours de l’histoire. Selon TOCQUEVILLE , la démocratie désigne :
– En premier lieu un état politique, caractérisé par l’égalité des droits : toute personne dans un régime démocratique a droit à un traitement identique. Ce droit est garanti par des règles formelles et trouve sa traduction politique dans l’affirmation de la souveraineté du peuple.
– Mais également et principalement un état social, défini par « l’uniformisation des modes de vie, la disparition des classes sociales et l’augmentation de la mobilité sociale ».
– C’est enfin un état d’esprit : « les individus sont égaux et les individus se sentent égaux ». « L’individu démocratique » se reconnaît à son goût, qualifié d’excessif par Tocqueville, pour l’égalité. Ainsi, l’esprit d’égalité se définit comme la tendance des individus des sociétés démocratiques à se considérer comme égaux indépendamment des inégalités réelles de situation.
La démocratie représentative
Pour reprendre la formule de ROUSSEAU , « la démocratie ne convient qu’aux anges », de nombreuses raisons font que l’idéal démocratique est inapplicable dans la société moderne. Parmi ces raisons figurent entre autres, la démographie, la division du travail social, la spécialisation et la pluralisation de la société civile. Ainsi, le peuple lui-même ne peut pas directement gouverner. C’est pour cela que la démocratie représentative apparait dans la société comme une des alternatives pour l’application de l’idéal démocratique, et elle constitue à l’heure actuelle le régime politique le plus communément répandu dans les pays occidentaux. Selon WOOD , « l’expression a été utilisée pour la première fois par Alexandre Hamilton en 1777 dans une lettre au Gouverneur Morris ». La Révolution américaine, contrairement à la Révolution française, n’a pas fait l’expérience d’un conflit dramatique entre souveraineté populaire et représentation et a sans doute fourni le premier effort décisif pour dissocier la démocratie des Modernes de celle des Anciens, c’est-à-dire la démocratie « représentative » de la démocratie « pure ». La démocratie représentative consiste au fait que les représentants sont autorisés par l’élection à transformer la volonté populaire en acte de gouvernement.
Les grands théoriciens de la représentation sont HOBBES et LOCKE . Chez l’un comme chez l’autre, en effet, le peuple délègue contractuellement sa souveraineté aux gouvernants. Chez Hobbes, cette délégation est totale. Or, elle n’aboutit nullement à une démocratie : son résultat est au contraire d’investir un monarque d’un pouvoir absolu (le « Léviathan »). Pour Hobbes, la représentation serait un moyen de légitimer le souverain absolu tout en retirant du pouvoir au peuple, qui n’est que sujet. Chez Locke, la délégation est conditionnelle : le peuple n’accepte de se défaire de sa souveraineté qu’en échange de garanties concernant les droits fondamentaux et les libertés individuelles.
Dans les Bases de l’ordre social, SIEYES affirme que dans la démocratie représentative, les citoyens nomment les représentants et renoncent à faire eux-mêmes la loi, ainsi, le peuple ne peut agir que par ses représentants. Ce système est à l’origine des critiques qui rebondissent dans les débats sur la « crise de la représentation ». Sur les fondements de la démocratie représentative naît le doute au niveau du peuple en ce qui concerne sa souveraineté dans une démocratie, un doute qui, en tant que citoyens ordinaires s’expliquerait par deux raisons :
– D’un coté le peuple ne croit plus à ses représentants car ils ne font pas ce qu’ils ont promis.
– D’un autre coté, le peuple constate que la démocratie représentative ne traduit pas l’essence même de la démocratie et ne serait au fond qu’une aristocratie.
Selon ces théories précédemment évoquées, la démocratie représentative serait donc élitiste dans les faits, c’est contrairement sinon différemment à cette approche que les participationnistes avancent un nouvel espoir pour la démocratie : « la démocratie participative ».
La démocratie participative
La crise de la représentation va entrainer une dérive populiste de la démocratie et l’essor de la participation. On se rapproche de plus en plus de notre sujet, en d’autres termes, la thématique de la participation politique est au cœur des débats autour de ce qui est convenu d’appeler « la démocratie participative ». « C’est aux Etats-Unis, pour la première fois, que la « démocratie participative » au niveau local a été conçue comme un outil d’affranchissement de groupes sociaux dominés, et qu’un lien a été établi entre démocratie participative locale et rapports de force entre groupes sociaux. » Mais cette expression émerge surtout, pour la première fois en France quand Ségolène ROYALE s’est portée candidate à l’élection présidentielle française en 2007. La mise en œuvre de la démocratie participative pourrait corriger dans une large mesure les maux de la démocratie représentative. Contrairement aux thèses élitistes qui présument que le peuple n’est pas assez intelligent ni compétent pour prendre des décisions, les participationnistes supposent que tous sont aptes à décider, ainsi, la démocratie participative est celle qui tend réellement vers l’idéal démocratique.
Même si l’expression démocratie participative renvoie à un chaos conceptuel puisqu’elle nous renvoie à d’autres expressions relatives au principe de la participation au niveau local -démocratie locale, démocratie de proximité, démocratie délibérative- on pourrait avancer une définition plus ou moins intégrante. En fait, SINTOMER indique une définition à minima : ―Dans son sens large, la démocratie participative réside dans l’institutionnalisation de la participation citoyenne dans la mise en place des politiques publiques‖ Selon BLONDIAUX , « la participation est un moyen de produire un espace de délibération entre citoyens, d’où peuvent sortir des questions, enjeux, qui accèdent à une visibilité politique ». D’après POLERE , il existe trois approches divergentes de la démocratie participative. En premier lieu, il s’agit de ―la participation démocratisation généralisée‖ : le pouvoir des individus. Au sens le plus large, mais le moins répandu, la participation de l’individu désigne le fait qu’il contribue aux transformations des différents contextes dans lequel il évolue. La participation est un vecteur de transformation sociale et de démocratisation généralisée. Selon BEAUVOIS « la démocratie participative aurait alors pour fonction de faire en sorte que les gens participent à l’exercice du pouvoir qui règle leur existence sociale dans la quotidienneté des rapports sociaux et des relations qu’ils ont avec les appareils du pouvoir ». En deuxième lieu, il y a ―la participation-décision‖ : une approche qui vise à refonder le modèle démocratique. Dans un sens cette fois moins large mais très répandu chez les militants de la démocratie participative, ―la participation peut se définir comme l’ensemble des actes par lesquels les citoyens interviennent dans le processus de décision publique et influencent les décisions des gouvernants » . Dans la mesure où cette conception de la participation est référée de manière explicite au mécanisme de la prise de décision politique, on l’appellera ―participation-décision‖ : la participation de citoyens à des espaces divers, mais presque toujours d’échange et de délibération, est un moyen d’étendre leur accès à la décision. Enfin, Polère énumère ―la participation consultation‖ : une approche qui ne modifie que marginalement le fonctionnement des institutions.
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Table des matières
Introduction générale
1-Contexte
2- Choix du thème
3- Choix des terrains
4- Problématique
5- Objectif général
6- Objectifs spécifiques
8- Concepts et instruments d’analyse
9- Méthodologie
10- Problèmes rencontrés et limites de l’étude
11- Structuration du document
PREMIERE PARTIE : APPROCHE THEORIQUE DE LA PARTICIPATION POLITIQUE
CHAPITRE I : LA PARTICIPATION POLITIQUE : PERSPECTIVES HISTORIQUES ET CONCEPTUELLES
I-1 : La dynamique de la démocratie et de la participation
I-2 : La participation politique en question
I-3- Les théories de la démocratie et de la participation politique dans le cas de Madagascar
CHAPITRE II : REPERES CONTEXTUELS ET PRESENTATION DES TERRAINS
II-1 : Regard synoptique sur le contexte politique malgache
II-2: Présentation des terrains
II-3 : Le contraste urbain/rural à Madagascar
DEUXIEME PARTIE : REALITES DE LA PARTICIPATION POLITIQUE
CHAPITRE III : LA REPRESENTATION SOCIALE DE LA POLITIQUE
III-1 : Mobilité d’accès à l’information
III-2 : La politisation des citoyens
CHAPITRE IV: LES DIFFERENTES FORMES DE LA PARTICIPATION POLITIQUE
IV-1 : Participation à l’action citoyenne
IV-2 : Les participations conventionnelles
IV-3 : Les participations non-conventionnelles
TROISIEME PARTIE: ANALYSES ET APPROCHE PROSPECTIVE
CHAPITRE V : CONSTATS ET ANALYSES DE LA PARTICIPATION POLITIQUE
V-1 : Le contraste urbain/rural en termes de participation politique
V-2 : Les déterminants communs de la participation politique
CHAPITRE VI: APPROCHE PROSPECTIVE ET PISTES DE REFLEXIONS
VI-1 : Vérification des hypothèses émises préalablement et perspectives
VI-2: Crises politiques et crise de la politique
VI-3 : Attentes des enquêtés et possibilités d’une réelle participation politique
Conclusion générale
Bibliographie