La participation des usagers à la gouvernance hospitalière

La participation des usagers à la gouvernance hospitalière

INTRODUCTION GENERALE

  Le Nouveau Management Public (NMP), dans l’objectif de moderniser les institutions et l’administration publique, essaye d’importer des mécanismes de gestion du privé vers le public.Pour ce qui de l’hôpital, l’une des dimensions les plus importante de la modernisation dans le cadre du NMP a consisté à mettre en œuvre une nouvelle forme de gouvernance hospitalière, qui vise notamment à responsabiliser le personnel soignant et non-soignant, d’élargir l’autonomie de l’établissement et d’instaurer des contrats entre les différents acteurs de la santé.L’hôpital public, qui se caractérise par le principe de l’intérêt général, est une administration permettant d’offrir des services de soins à la population tout en assurant la continuité de la prise en charge médico-sanitaire. Il est un lieu où plusieurs acteurs interagissent avec des niveaux différents de pouvoir. En Algérie, l’hôpital public est placé sous la tutelle du Ministère de la Santé ; il est géré par un directeur et un Conseil d’Administration (CA). Le directeur est nommé par le Ministère chargé de la santé et a pour rôle principal de diriger son établissement en tenant compte des stratégies et des politiques tracées par l’Etat. Le CA est une instance décisionnelle composée de représentants des différents acteurs en relation avec l’hôpital. Ces membres du CA sont reconnus par la tutelle comme représentants légitimes des multiples parties prenantes de l’hôpital. Comme membre du CA en Algérie, on peut citer : le représentant des collectivités territoriales (communes), le représentant du personnel médical, odontologique et pharmaceutique, le représentant des usagers, le représentant de la Sécurité Sociale, etc. Rappelons que le CA a pour mission explicite de veiller au bon fonctionnement de l’établissement, d’ailleurs « on dit souvent que le conseil d’administration est le gouvernail […] De ce fait, il doit être à même de développer une intelligence collective. Il doit devenir une valeur ajoutée en accompagnant la direction et en la conseillant. Il doit en même temps,afin de diminuer les zones d’incertitude et d’augmenter l’efficacité du conseil, contrôler de façon appropriée toute politique écrite ». 1 Cette citation pose comme principe qu’une bonne gouvernance ne peut se manifester sans que le CA ne jouisse d’un niveau raisonnable d’autonomie, il est également vrai qu’une institution ne peut revendiquer une plus grande autonomie sans faire la démonstration d’une haute qualité de sa gouvernance ; en somme, pas de bonne gouvernance sans autonomie, mais pas d’autonomie sans bonne gouvernance.

Le secteur public et ses services

  La combinaison entre l’ensemble des éléments (humains, matériels et immatériels) qui constituent l’organisme administratif sert d’une finalité de produire un service public. En effet, dans tout organisme public cohabitent ainsi des fonctions de diverses natures, exercées par des acteurs placés à divers niveaux de responsabilité dont l’objectif principal est l’intérêt général.

 Définitions Le secteur public regroupe toutes les activités économiques et sociales prises en charge par les administrations, les entreprises publiques et les organismes publics de Sécurité sociale (les caisses nationales), ainsi que par les entreprises dont au moins 51% du capital social est détenu par l’Etat ou par des administrations nationales, régionales ou locales dans le but d’assurer la mission de gestion de la sphère publique. Selon A. Bartoli (2009)1, le secteur public rassemble la totalité des organisations qui sont gérées directement ou indirectement par les pouvoirs publics (qui sont sous le pouvoir de la tutelle, centrale ou locale). Afin de permettre une distinction des organisations publiques des autres organisations, deux critères peuvent être utilisés à savoir : – un pouvoir de décision dominant de l’Etat sur les objectifs de l’organisation ;et une possession dominante par l’Etat des moyens de cette organisation. De nombreuses définitions ont éclairé le service public en mettant l’accent sur l’intérêt général qui le précise, ainsi que le contrôle des pouvoirs publics. Nous avons choisi la définition de G. JESE (1996), qui selon lui : « …sont uniquement, exclusivement, service public, les besoins d’intérêt général que les gouvernements d’un pays donné, à un moment donné, ont décidés de satisfaire par le procédé du service public ». A travers cette définition, nous constatons qu’elle attribue un caractère d’appartenance du service public à l’Etat, et qu’uniquement l’Etat, en tant que force autoritaire, peut en transmettre une idée précise du service et de l’intérêt général par le biais de son pouvoir discrétionnaire. La conception d’intérêt général désigne la finalité des actions et des institutions gérées par une personne publique ou sous son contrôle étroit et qui intéressent l’ensemble de la population (le bien public), à tous les échelons des pouvoirs publics.

Les principes du service public Selon Auby4, les principes du service public sont au nombre de trois : le principe d’égalité, le principe de continuité et le principe de mutabilité ou d’adaptation constante.
 Le principe d’égalité : En droit administratif français, le principe s’énonce très simplement : les usagers du service public, se trouvant dans une même situation, doivent subir le même traitement. En d’autre termes, c’est l’application du principe général d’égalité de tous devant la loi, inscrit dans la déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 ; « le principe d’égalité devant le service public » ou « le principe
d’égalité qui régit le fonctionnement des services publics », avec l’égalité des usagers dans l’accès aux emplois publics, l’égalité devant les charges publiques et l’exigence de neutralité du service.
 Le principe de continuité : il exige un fonctionnement régulier des services, sans interruption autre que celles prévues par la réglementation en vigueur. Il ne va cependant pas jusqu’à la permanence, car il appartient à l’autorité responsable de la création et de la mise en œuvre de ce service, de le supprimer s’il est facultatif. Ce principe autorise l’institution, en cas de grève, à exiger un service minimum.
 Le principe de mutabilité (ou d’adaptabilité) : il impose l’adaptation du service public au développement de nouvelles technologies et aux modifications des besoins du service. Ce principe comporte notamment des pouvoirs de modification ou de résiliation unilatérale des contrats administratifs. En conséquence, le service public ne doit pas demeurer immobile face aux évolutions de la société ; il doit suivre les besoins des usagers, ainsi que les évolutions techniques.

L’administration publique
L’administration publique sert à gérer les services publics de telle manière à assurer l’intérêt général. Elle est constituée d’un ensemble d’autorités, d’agents, d’organismes qui sont chargés sous l’impulsion des pouvoirs publics, de garantir les multiples interventions de l’Etat et des collectivités territoriales. Selon F. MAKHLOUF (2006), l’administration représente tout ce qui est « paperasse ». Pour lui, « on la considère comme une bureaucratie qui étouffe la valeur des individus. En effet, cette bureaucratie codée et réglementée empêche totalement l’épanouissement des talents de ses collaborateurs, car elle les enferme dans des rôles prédéterminés ».

Les parties prenantes d’une organisation publique

  Les parties prenantes d’une organisation publique se constituent d’un ensemble d’individus et de groupes partageant tous des objectifs spécifiques plus au moins conflictuels avec des attentes souvent contradictoire et un pouvoir d’influence plus ou moins grand. Ces parties prenantes sont situées à l’intérieur ou à l’extérieur de l’organisation, qui en déterminent le fonctionnement et qui dépendent d’elle, en partie au moins, pour la réalisation de leurs objectifs propres. Selon sa configuration, sa taille, son statut juridique, sa finalité, l’organisation n’intégrera pas les buts et aspirations de ses parties prenantes avec le même niveau d’importance. D’où la nécessité d’identifier l’intérêt respectif de chaque partie prenante, ainsi que le pouvoir dont elle dispose et qui est susceptible d’infléchir les choix de l’organisation.

La gouvernance hospitalière dans les pays maghrébins

Le cas du Maroc Au Maroc, les hôpitaux publics sont organisés selon une typologie qui repose sur trois critères : l’offre de soins, le mode de gestion et le niveau de recours.Depuis l’indépendance, le système de sante marocain a connu 3 grandes périodes de développement : – Une première période consacrée à la mise en place des infrastructures de base, la rationalisation des ressources et la lutte contre les épidémies ; – Une deuxième période relative au développement de l’offre et des programmes sanitaires ; – Une troisième période caractérisée par l’ouverture du débat sur la réforme du système de santé et la quête du changement. Le Maroc a opté pour un modèle de système de santé où l’Etat s’occupait de la production des soins et services, du financement des soins, du management des établissements et de la régulation du secteur. Mais au fil des années et afin que le système de santé puisse répondre aux problèmes traditionnels (disparité entre milieux sociaux et entre régions, complémentarité public/privé…) et aux problèmes émergents (transition démographique et épidémiologique, financement des soins, gestion peu efficace, développement technologique…), dans un contexte en pleine mutation (politique, économique et sociale), la réforme a trouvé, de plus en plus, sa pertinence et sa légitimité. Cette réforme du système de santé permettra de contrôler une demande de soins en plein transition, de maîtriser les coûts et les processus de gestion, d’améliorer la performance des établissements sanitaires, ainsi que l’accessibilité en assurant plus d’équité et par conséquent participer au développement humain. L’organisation du son système de soins de santé repose en grande partie sur deux secteurs, le secteur public représenté essentiellement par le Ministère de la santé et les Services de Santé des Forces Armées Royales, et le secteur privé (à but lucratif et à but non lucratif). Ce système est donc caractérisé par la multiplicité des intervenants, aussi bien dans la production de soins que dans l’origine et la gestion du financement.
 Le cas de la Tunisie
En Tunisie, l’établissement public de santé (EPS) est une entité autonome dotée d’une personnalité civile, régie par la législation commerciale, administrée par un conseil d’administration, dirigée par un directeur général et soumise à la tutelle de l’Etat. Les attributions du conseil d’administration et du directeur général sont fixées par décret. A travers la réforme de 1991 et la nomination d’un directeur général par décret pour diriger l’EPS, la tutelle vise la réhabilitation du statut de gestionnaire en le dotant d’une autorité morale et d’un pouvoir, nécessaires pour atteindre les objectifs de rationalisation et d’efficacité escomptés. Cependant, comme le note Gaha33 à regarder le texte de loi relatif et ses multiples dispositions, les intentions de la tutelle s’émoussent rapidement et les velléités de changement se dissipent. Concernant la composition du CA, les médecins occupent dix sièges, sans compter le représentant du ministère de tutelle, généralement un médecin. Ainsi, le CA est à deux tiers acquis aux médecins. Le paradoxe se situe aussi au niveau de la situation du directeur général qui est un membre non délibératif, assistant aux réunions du CA avec voix consultative. Ainsi, en reprenant les mots de Gaha34, le directeur général n’est-il pas, dans un tel espace organisationnel, qu’un « simple figurant », un « acteur sans réel pouvoir de décision » ?
Appréciation de la situation de l’Algérie par rapport aux pays voisins En Algérie, la gouvernance des organisations publiques de soins diffère de la gouvernance pratiquée dans les organisations de soins privées. En effet, la gouvernance de l’hôpital public cherche à satisfaire les objectifs du principal financeur, à savoir l’État. Ces objectifs politiques peuvent donc ne pas converger avec les objectifs de profit.Depuis l’indépendance, l’Etat algérien a incorporé la santé à ses fonctions, comme domaine qui mérite une protection et un contrôle spécifique. Jusqu’à nos jours, l’hôpital est toujours rattaché à l’Etat, les dirigeants des hôpitaux sont nommés par le ministère chargé de la santé, le financement demeure centralisé (budget globale), les décisions relatives à la gestion de l’hôpital sont dépendantes de différents ministères : ministère chargé de la santé, ministère chargé des affaires sociales et ministère des finances. La gouvernance hospitalière en Algérie s’articule autour de trois rangs : la tutelle (ministère de la santé), le CA et la direction. Une bonne gouvernance hospitalière sera atteinte si une meilleure répartition des rôles entre ces différents échelons est conçue. Cependant, en Algérie, la tutelle maintient un poids important et déterminant dans la gouvernance hospitalière. En effet, toutes les décisions prises au niveau de l’hôpital doivent tout d’abord être approuvées par celle-ci. Autrement dit, il y a toujours une dépendance de l’hôpital vis-à-vis de la tutelle du fait que cette dernière ne donne pas de marge de manœuvre aux directeurs d’hôpitaux pour leur permettre de devenir autonomes en agissant seuls et de prendre des décisions sans se référer à elle. Comme le CA est le meilleur représentant des différentes parties prenantes à la gouvernance hospitalière, nous avons présenté plus haut sa composition et ses attributions dans le cas algérien et nous avons constaté que la sécurité sociale et les usagers sont sous représentés au sein du conseil d’administration, alors que la première est le principal financeur des soins et les usagers sont les principaux consommateurs de services hospitaliers. Un seul représentant des organismes de sécurité sociale et un seul pour les associations des usagers, ne suffisent malheureusement pas pour permettre à ces deux parties prenantes fondamentales de défendre pleinement leurs intérêts. On peut donc dire qu’il y a une certaine marginalisation d’un certain nombre de parties prenantes, telle que les usagers ou les organismes de sécurité sociale.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I :
MANAGEMENT PUBLIC ET GOUVERNANCE DES ORGANISATIONS PUBLIQUES : CADRE CONCEPTUEL ET THEORIQUE
I. SOURCE ET CONTEXTE DU MANAGEMENT PUBLIC
II. GENERALITES SUR LA GOUVERNANCE
III. DU NOUVEAU MANAGEMENT A LA NOUVELLE GOUVERNANCE
PUBLIQUE
CHAPITRE II :
LA GOUVERNANCE HOSPITALIERE : QUELLE PLACE POUR LES USAGERS ?
I. LA GOUVERNANCE HOSPITALIERE
II. LA GOUVERNANCE HOSPITALIERE EN ALGERIE
III. LA GOUVERNANCE HOSPITALIERE : UNE APPROCHE COMPARATIVE
CHAPITRE III:
ETAT DES LIEUX DE LA REPRESENTATION DES USAGERS DANS LA GOUVERNANCE HOSPITALIERE : CAS DE L’EPH D’AMIZOUR
I. PRESENTATION DE L’ETABLISSEMENT D’ACCUEIL
II. LA METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
III. ANALYSE DES ENTRETIENS
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
LISTE DES TABLEAUX
ANNEXE
TABLE DES MATIERES

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