Ce mรฉmoire fait partie du programme de recherche ECLIPS, de lโUniversitรฉ Franรงois Rabelais de Tours, dirigรฉ par Sabrina BRESSON, Chercheure en sociologie. Ces derniรจres annรฉes ECLIPS sโest attachรฉ ร รฉtudier la participation des habitants (ses limites et ses perspectives) dans le domaine spรฉcifique de la production de logements. Cependant ECLIPS et dโautres chercheurs en sociologie ont pu mettre en รฉvidence, que la participation ne fonctionnait pas et de plus, malgrรฉ quโelle soit potentiellement accessible ร tous, certaines catรฉgories de population, telle que les jeunes, les classes populaires, les immigrรฉs et les femmes, ont du mal ร se faire entendre au sein des instances de participation. Ce mรฉmoire portera sur une catรฉgorie particuliรจre, celle des jeunes. Celle-ci nโa pas encore รฉtait abordรฉe dans les recherches dโECLIPS. Depuis les attentats du 7 janvier en France, et surtout depuis le discours de Manuel Valls qui en a suivit, les jeunes, notamment ceux ยซ des quartiers ยป, sont devenus la prioritรฉ du gouvernement. Par ailleurs quelques annรฉes auparavant des actions avaient รฉtรฉ mises en place pour faciliter lโinsertion de cette jeunesse dans la sociรฉtรฉ et dans le dรฉbat politique.
La participation
La participation citoyenne aux projets urbains a vue le jour dans les annรฉes 1960, pรฉriode ยซ de luttes urbaines et de contestations รฉtudiantes ยป (BLONDIAUX & FOURNIAU, 2011, p11) et de volontรฉ dโune ยซ dรฉmocratie participative ยป (BLONDIAUX & FOURNIAU, 2011, p11). La notion de participation dans la politique de la ville nโest pas des plus rรฉcentes, mais nโest pas la plus rรฉpandue non plus. En effet par le passรฉ il nโexiste que quelques exemples et ceux-ci ont รฉtรฉ initiรฉs par les habitants eux-mรชmes.
Les annรฉes 1960-1970 voient lโapparition des GAM, les Groupes dโAction Municipale. Apparue en 1963 ร Grenoble, ils basent leur politique sur la dรฉmocratie participative des citoyens. ร cette รฉpoque ils considรฉraient que les partis politiques ne fournissaient pas de rรฉponse adaptรฉe aux besoins sociaux du moment. Les GAM se positionnent notamment sur les questions dโurbanisme, de politiques culturelles et de participation citoyenne ร la dรฉmocratie. En 1971, on dรฉnombrait 150 Groupes dโAction Municipale dans toute la France. Mais lโexemple le plus marquant est celui de la rรฉnovation du quartier de lโAlma-Gare ร Roubaix, pรฉriode de luttes urbaines. Projet initiรฉ dans les annรฉes 1970, la municipalitรฉ avait dโabord prรฉvu dโรฉtablir le projet et de faire les travaux sans lโavis de la population. Mais les habitants du quartier se sont soulevรฉs contre cette initiative, en crรฉant en 1974 un atelier public dโurbanisme, animรฉ par les habitants et les architectes du projet. Cette initiative a permis aux habitants de reprendre la main sur le projet et dโรฉtablir de concert avec la ville des plans qui satisfaisaient lโensemble des parties concernรฉes .
En 2003, Jean-Louis BORLOO, alors ministre chargรฉ de la Ville et de la Rรฉnovation Urbaine, crรฉรฉ lโAgence Nationale pour la Rรฉnovation Urbaine (ANRU), chargรฉe de mettre en place le Plan National de Rรฉnovation Urbaine (PNRU). Le PNRU a pour objectif de financer la rรฉnovation de quartiers dits โfragilesโ, classรฉ en Zones Urbaines Sensibles (ZUS). Ainsi on peut voir quโentre les annรฉes 1970, apogรฉe de la participation citoyenne et son renouveau au dรฉbut des annรฉes 2000, il y a eu un changement de polaritรฉ. On est passรฉ dโune logique ascendante (bottom-up) des annรฉes 1970, ร une logique descendante (top-down), des annรฉes 2000, initiรฉe par les pouvoirs publics.
Lโinjonction ร la participation
Les dispositifs institutionnels :
La dรฉmocratie participative est ยซ lโensemble des procรฉdures, instruments et dispositifs ยป (RUI, 2013, p1) mis en place par les politiques ou par les habitants eux mรชmes, afin que les citoyens puissent prendre part aux dรฉbats publics. La participation de la population peut sโeffectuer au sein de diffรฉrentes institutions comme :
– les budgets participatifs : sont apparues ร Porto Alรจgre en 1989. Ils permettent ร des citoyens non รฉlus dโรชtre associรฉs ร la dรฉfinition des finances publiques. Outils pouvant รชtre extrรชmement puissant, ils doivent รชtre รฉtablis ร une certaine รฉchelle : arrondissement, ville, ou rรฉgion (La Gazette des Communes, 2012).
– les conseils de quartiers et de dรฉveloppement : sont une ยซ instance participative permanente rassemblant les citoyens ร lโรฉchelle dโun quartier en vue dโexprimer leur point de vue sur toute question relative aux affaires du quartier. ยป (BIRCK, 2013). Apparue dans les annรฉes 1960 โ 1970, les conseils de quartiers รฉtaient ร cette รฉpoque une initiative des habitants. Abandonnรฉs dans les annรฉes 1980, les conseils de quartiers connaissent un nouvel essor au dรฉbut des annรฉes 2000, avec la loi ยซ dรฉmocratie de proximitรฉ ยป datant de 2002, qui ยซ institue une vรฉritable obligation de participation citoyenne ร lโรฉchelle du quartier ยป (BIRCK, 2013, p2) dans les villes de plus de 80 000 habitants, comme prรฉvoit lโarticle L2143-1 du Code gรฉnรฉral des collectivitรฉ territoriales, laissant ร la charge du conseil municipal, la dรฉlimitation des quartiers, ยซ la dรฉnomination, la composition et les modalitรฉs de fonctionnement ยป (BIRCK, 2013, p2), de plus lโallocation dโun budget et dโun local est aussi de la responsabilitรฉ de la commune.
Ces nouveaux conseils de quartiers remettent en cause les valeurs fondamentales exprimรฉes dans les annรฉes 1970. ร cette รฉpoque, les conseils de quartiers se formaient de maniรจre spontanรฉe et รฉtaient animรฉs par les habitants du quartier eux-mรชmes, leur but รฉtant dโinterpeller le pouvoir politique. Aujourdโhui, comme le dit Jean-Nicolas BIRCK, nous sommes plutรดt dans ยซ une participation octroyรฉe et encadrรฉ par les responsables politiques ยป. Encadrรฉs par la loi, les conseils de quartiers ont de nos jours ยซ quโun rรดle consultatif sur des enjeux micro-locaux ยป (BIRCK, 2013, p2). De plus on constate que les conseils de quartiers sont ยซ dรฉsertรฉs par les citoyens ยป (BIRCK, 2013, p2).
Cependant ces instances offrent la possibilitรฉ dโune rencontre entre รฉlus, experts et citoyens. Par ailleurs il est demandรฉ aux habitants souhaitant sโexprimer de le faire avec argumentation et que leur discours doit porter sur un sujet dโintรฉrรชt gรฉnรฉral et non sur un intรฉrรชt particulier, le but รฉtant de faire profiter lโensemble de la communautรฉ. Les conseils de quartiers permettent aussi une meilleure information du citoyen sur les projets municipaux car les รฉlus y sont contraints, ainsi sโopรจre une meilleure transparence envers les habitants.
Malgrรฉ la possibilitรฉ donnรฉe aux citoyens de prendre la parole, il est vrai quโil est nรฉcessaire dโรชtre en capacitรฉ de le faire tant quโau niveau de lโรฉlocution, quโau niveau du contenu politique, quโil est indispensable dโacquรฉrir au prรฉalable. Ainsi ยซles conseils de quartiers sont donc souvent composรฉs dโune majoritรฉ de militants associatifs ou politiques, de citoyens dรฉtenant une expertise professionnelle en lien avec les compรฉtences dรฉbattues (urbanisme, architecture, transportsโฆ) ainsi que des retraitรฉs ยป (BIRCK, 2013, p3). De plus, que ce soient les jeunes ou les classes populaires, ces types de populations ne sont pas reprรฉsentรฉs dans ces instances, ce qui pose la question du rรฉel intรฉrรชt gรฉnรฉral revendiquรฉ par les รฉlus, lors des dรฉlibรฉrations de conseils de quartiers.
Pourquoi faire de la participation ?ย
Les diffรฉrents รฉcris des chercheurs sociologues mettent en รฉvidence les effets que la participation peut avoir sur la vie de la citรฉ. Par certains, elle est vue comme ยซ un instrument de modernisation de la gestion publique [et] de gouvernance de lโaction publique ยป. Pour dโautres la participation sert ร la contestation des injustices sociales. Enfin certains considรจrent que la participation sert ร acheter la paix sociale en lรฉgitimant les dรฉcisions politiques (BLONDIAUX & FOURNIAU, 2011, p16). Mais alors, quelle influence a la participation des habitants sur les dรฉcisions des รฉlus lors de la mise en place dโun projet ? Pour BHERER, la participation ne sert quโร ยซlโapprentissage des acteurs dรฉjร en place et ร redรฉfinir leurs relations [plutรดt] quโร transformer les citoyens en ยซ acteurs ยป vรฉritables de la dรฉcision publique ยป (BLONDIAUX & FOURNIAU, 2011, p24). En effet, lโapport des diffรฉrents savoirs โ quโils soient dโusage ou professionnel โ par le citoyen, enrichissent les connaissances des รฉlus et des techniciens.
Dans son article ยซ La dรฉmocratie participative, sous conditions et malgrรฉ tout ยป, Loรฏc BLONDIAUX met en avant les raisons pour lesquels il est nรฉcessaire de mettre en place des processus de participation.
ยซ La participation commeโฆ
– โฆopรฉrateur de reconnaissance politique ยป. La participation permettant aux diffรฉrents types de populations de sโexprimer favorise lโacceptation et la reconnaissance dโun discours politique dans le sens de lโยซ ensemble des affaires publiques ยป (PETIT ROBERT).
– โฆjustice sociale ยป. Les dispositifs participatifs ont cette particularitรฉ de donner la possibilitรฉ aux citoyens de sโadresser directement aux รฉlus. Ils ont pour vertu ยซ de rapprocher les citoyens du pouvoir politique, dโinformer la population, dโinstaurer une pรฉdagogie efficace mais nullement de contribuer ร amรฉliorer le sort des populations les plus dรฉfavorisรฉes ยป (BLONDIAUX, 2007, p125).
– โฆune arme de contestation ยป. Mรชme si les procรฉdures de participations sont mises en place par les รฉlus et les techniciens, la remise en cause et la critique du dispositif sont possibles. Ainsi les collectifs dโhabitants ou les personnes ร titre individuel peuvent prendre la parole et contester les projets prรฉsentรฉs ou encore le mode de fonctionnement de lโassemblรฉe.
– โฆun moyen de contrรดle de lโaction publique ยป. La mise en place des dispositifs de participation permettent un contrรดle de la part des citoyens sur les projets politiques, surtout lors de lโรฉlaboration des budgets participatifs. Ils permettent lโรฉlaboration commune, entre habitants et รฉlus, des budgets dโune commune. En consรฉquence, le citoyen a un pouvoir de contrรดle sur la gestion de lโargent public.
– โฆun รฉlรฉment de transformation politique ยป. Mรชme si cela semble difficile ou parfois impossible, car les dรฉcisions semblent dรฉjร avoir รฉtรฉ prises, la mise en place des procรฉdures de participations peuvent parfois laisser lโopportunitรฉ ร lโinflexion du pouvoir dรฉcideur par les arguments des citoyens.
Les limites de la participation
La notion de savoir citoyen a รฉtรฉ introduite en opposition au savoir institutionnel rรฉservรฉ aux techniciens et aux รฉlus. Ce concept est utilisรฉ plus particuliรจrement lors de processus de dรฉmocratie participative lorsque lโon veut faire appel ร lโopinion ou au savoir de lโhabitant dโun territoire (NEZ, 2011). Le savoir citoyen est de plus en plus prรฉgnant dans la sociรฉtรฉ dโaujourdโhui car il vient dans le sillage de la perte de pouvoir des รฉlites oรน seules les personnes au fait de la problรฉmatique et รฉduquรฉes รฉtaient considรฉrรฉes comme ayant le savoir et รฉtant en position de rรฉpondre ร la question. Aujourdโhui et notamment grรขce ร lโรฉmergence et ร la dรฉmocratisation, depuis une vingtaine dโannรฉes, des nouvelles technologies telle quโInternet, permettent lโaccessibilitรฉ en instantanรฉ ร toute lโinformation et au savoir sur de multiples sujets. ยซ Internet a crรฉรฉ des pratiques nouvelles dโaccรจs au savoir, Wikipรฉdia en est un exempleโฆ ยป (MOATTI, 2008, p1). Souvent critiquรฉ pour son manque de contrรดle sur la vรฉracitรฉ du contenu qui est proposรฉ, le site Web accueille en France environ 8 millions dโutilisateurs par mois (MOATTI, 2008, p1), allant du simple utilisateur ยซ lambda ยป, au monde รฉducatif, en passant par les journalistes.
Dans son article Du savoir dโusage au mรฉtier de citoyen, 2008, SINTOMER met en รฉvidence trois grands types de savoirs citoyens qui peuvent รชtre mis en pratique par les habitants lors de processus de dรฉmocratie participative. Les trois types de savoirs dรฉfinis par SINTOMER rรฉvรจlent une gradation dans les connaissances et les savoir-faire ร utiliser par le citoyen. Chaque catรฉgorie va renfermer une part de la population, mais cette rรฉpartition nโest pas figรฉe, elle peut รฉvoluer avec le temps. Cette รฉvolution est ร mettre en corrรฉlation avec le dรฉsire dโapprendre et le degrรฉ dโinvestissement de chaque individu lors de processus dรฉmocratiques, mais aussi aux connaissances ร mettre en avant par le citoyen dรฉpendant de ce qui lui est demandรฉ au moment venu.
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
PARTIE 1 : รTAT DE LโART
Introduction
1. La participation
a. Lโinjonction ร la participation : dispositifs institutionnels et raisons de participer
b. Les limites de la participation
c. Citoyennetรฉ et ยซ participation ordinaire ยป
Conclusion
2. La jeunesse
a. Quโest-ce que la jeunesse ?
b. Les difficultรฉs de la jeunesse
c. Une jeunesse reflet dโune sociรฉtรฉ
d. Les jeunes et la participation
Partie 2 : Rรฉflexion et mรฉthodologie
1. Problรฉmatisation et hypothรจse
2. Cas dโรฉtudes et mรฉthode de travail
Partie 3 : Enquรชtes et analyses
CONCLUSION
Bibliographie
Annexes
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