La parole des lecteurs élevée au rang d’information journalistique

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Des témoignages intimes présentés comme de l’information

● Le New York Times garant de la vérité:
Fidèle à son rôle de garant de la vérité56, le New York Times n’hésite pas à appliquer cette démarche à la rubrique Modern Love. Les récits sentimentaux des lecteurs-auteurs font désormais partie intégrante du journal, au milieu d’articles d’actualité. Cette stratégie semble vouloir faire passer le message aux lecteurs du New York Times que, même si elle n’a pas écrite par un journaliste, cette rubrique est digne du même type de couverture médiatique que tout autre événement qui fait l’actualité. Le terme information a beaucoup été débattu et a connu beaucoup de tentatives de définitions. Ici, nous situons le terme dans un contexte journalistique, et donc entendons par “information” la chose suivante : “un fait social qu’un ou plusieurs journalistes choisissent de mettre en évidence, en fonction de divers critères qui reflètent leur conception du journalisme57”. Si nous nous référons à la mission que se fixe le New York Times, alors le journalisme de qualité, selon eux58 “le pouvoir de rendre la vie de chacun plus riche et épanouissante59”. La vérité que ses journalistes cherchent à exposer (selon la mission plus large “We seek the truth”, annexe 1.F) n’est pas une fin en soi, elle doit permettre au lecteur d’améliorer sa vie. Dans ce sens, nous pouvons formuler l’hypothèse selon laquelle tout ce qui est publié dans le New York Times l’est dans ce but, y compris la rubrique Modern Love. Le podcast est présenté en page d’accueil du site, comme nous pouvons l’observer en annexe 1.J. Au-dessus d’un article rubrique est mise en avant sur la page d’accueil du site, qui équivaut à la une du journal papier, au même niveau que des articles d’actualité. Dans l’édition papier du 30 août 2020, l’essai Modern Love figure à la cinquième page de l’édition du dimanche, le Sunday Styles.Le Sunday Styles fait partie des suppléments au journal papier du dimanche, avec le Sunday Review.Ce supplément a vocation à traiter de sujets culturels et artistiques, et du quotidien. Il ne contient pas d’enquêtes ou d’analyses politiques ou économiques. Avant d’arriver à cette page, le lecteur pourra lire quatre portraits d’Américains. Après la page 5, plusieurs articles abordent la vie en temps de pandémie, du point de vue des étudiants notamment. La page, observable en annexe 1.I, est divisée ainsi : un tiers est occupé par une pub pour la marque Nordstorm, les deux-tiers restant forment un bloc dans lequel une image illustrant l’essai occupe toute la partie centrale, entourée par l’essai en question. En bas à droite, un encart a été réservé à une autre rubrique, Tiny Love Stories. Cette rubrique propose des “mini” essais, sur la même thème que Modern Love, également envoyé par des lecteurs.
En 2019, le New York Times s’est fait remarquer pour sa campagne “the truth is worth it61”. Soucieux de présenter la qualité de ses enquêtes comme un argument de vente, et permettant de justifier le prix d’un abonnement à une époque où la presse est en difficulté, le journal décline ce slogan à l’infini, l’associant à ce qui semble être une liste de valeurs : persévérance, absence de peur, résolution.
Un site entier62 est consacré à la présentation de l’entreprise qu’est le New York Times aujourd’hui. Sur ce site, l’histoire, les missions, les ambitions de l’organe de presse sont exposés et pointent tous dans la même direction : le New York Times est et restera une source infaillible de vérité sur le monde. La page d’accueil du site63, réduite aux essentiels, affiche ce message noir sur blanc : “We seek the truth and help people understand the world”64. Contrairement à la page d’accueil du site d’informations qui affiche le titre de journal en toutes lettres, seul le T emblématique du logo est présent, en haut à gauche. En haut à droite, toujours dans le header de cette page, on peut lire et cliquer sur quatre mots / rubriques : entreprise, journalistes, carrières, investisseurs65.
Le “Nous” (“We”) du message trouve alors ses sujets : qui cherche la vérité ? A priori les journalistes, mais aussi ceux qui les entourent et les font vivre, à savoir l’entreprise, les investisseurs, et les futurs collaborateurs qui rêvent de faire carrière au sein du journal.
Ces collaborateurs sont aussi tenus de répondre à cette promesse de véracité et de pédagogie.
● Le pacte d’authenticité de l’auteur Modern Love:
Cette injonction se retrouve dans les conditions de soumission d’un essai. Dans le paragraphe de description du type d’essai attendu66, on lit la consigne suivante : “Most important is that the writing be emotionally honest67”, puis plus bas, un point qui interdit l’utilisation de faux noms, et l’invention de personnages et de scènes. L’importance de cette contrainte est renforcée par la mention suivante : “There are no exceptions to this rule68.” Le sous-titre de la rubrique, présent dans le titre complet du livre d’anthologie souligne aussi cette promesse de véracité. Modern love : True stories of love, loss and redemption.Le lecteur a la garantie de lire des histoires vraies. Ainsi, si la rubrique a des airs de roman-feuilleton du XIXème siècle, elle ne peut en aucun cas être un travail de fiction. Cette contrainte garantit au New York Times une cohérence éditoriale dans la diversification de ses propositions. Sa crédibilité toute entière repose sur ce travail minutieux de vérification des sources et de volonté de dire vrai.
Cet acharnement prend place dans un contexte particulièrement sensible concernant la valeur de l’information. En 2016, le mot de l’année était “post-vérité”, choisi par le dictionnaires d’Oxford. Ce terme désigne le “concept selon lequel nous serions entrés dans une période (appelée ère de la post-vérité ou ère post-factuelle) où l’opinion personnelle, l’idéologie, l’émotion, la croyance l’emportent sur la réalité des faits.”69 La vérité est au coeur du débat. Une zone grise émerge, le mythe de l’objectivité est attaqué, et les journalistes sont désignés comme les premiers coupables. Ils sont aussi les premières victimes de cette crise de confiance, avec des chiffres en baisse depuis plusieurs années. Ainsi, en 2019, selon une étude menée par Reuters sur six continents, une personne sur deux ne fait pas confiance au média qu’elle utilise comme source d’informations70. 58% des personnes interrogées ne font pas confiance aux médias en général. Dans ce contexte, le New York Times n’a eu d’autre choix que de prendre le parti de la vérité. Néanmoins, des rubriques comme Modern Love nous permettent de formuler une hypothèse stratégique : dans l’ère de la post-vérité, l’émotion a plus d’importance que la vérité. Les essais, contraints de réunir émotion et véracité (selon les conditions) montrent au lecteur que l’une n’exclut pas l’autre. L’on peut exiger la vérité sans que cela réduise l’émotion. Au contraire, c’est parce que ces récits sont vrais, et que les auteurs sont révélés, que l’émotion est aussi grande. L’information était autrefois synonyme d’objectivité et de faits purs et durs. Les techniques de dramatisation et les biais émotionnels étaient (a priori) à bannir, bien qu’en réalité elles aient été présentes. Face à cette crise de confiance et aux questions qui entourent la notion de vérité, le journal prend le parti de renforcer son contrat de lecture, pour reprendre la formule créée par Eliseo Veron.
Le New York Times promettait déjà d’apporter la vérité à son lectorat, qui lui était fidèle pour cette raison. Depuis 1986, le slogan du journal est resté le même : “All the news that’s fit to print”71. Ce slogan historique est aussi le signe de la pratique de sélection. Une actualité qui n’est pas jugée pertinente de la part de la rédaction ne trouvera pas sa place dans les pages de ce journal. Les essais font eux aussi l’objet d’une sélection. Pour figurer dans la rubrique Modern Love, l’histoire d’amour doit être “bonne à imprimer”. Si l’on ajoute à ce slogan les différentes clauses du contrat qui ont été présentées par le journal depuis, elle doit aussi être vraie, et aider les gens à comprendre le monde qui les entoure, dans sa globalité. La rubrique Modern Love offre aux lecteurs des clés de compréhension dans la sphère des relations humaines. Elle leur promet de les aider à comprendre, ce dont a tant besoin le sujet amoureux selon Barthes72 : “COMPRENDRE. Percevant tout d’un coup l’épisode amoureux comme un noeud de raisons inexplicables et de solutions bloquées, le sujet s’écrie : “Je veux comprendre (ce qui m’arrive) !”” L’essai, qui est une réflexion personnelle, devient alors de l’information, selon cette définition choisie73 : “Fait, événement d’intérêt général traité et rendu public par la presse, la radio, la télévision.” En étant publiée dans les pages (papier ou virtuelles) du New York Times,l’histoire intime devient d’intérêt général. Les éditeurs montrent ainsi que l’information peut prendre plusieurs formes. La narration et l’émotion n’en font pas un récit fictif. Le témoignage de l’un peut servir l’expérience de l’autre. Entre cet énonciateur et ce récepteur, le journal est l’intermédiaire garant de la vérité et de la pertinence du message. Cet échange lui permet également d’apaiser la méfiance du lectorat. L’énonciateur n’est plus un journaliste, faisant partie de la grande entreprise médiatique, mais une personne qui lui est extérieure, au même titre que le lecteur. En réalité, l’énonciation est double, puisque la parole est filtrée par le New York Times,mais l’essai est signé du nom de l’auteur seul. Le message semble être le suivant : “Dans nos pages, vous ne trouverez pas uniquement la parole de la nébuleuse journalistique qui ne vous inspire plus aucune confiance, mais aussi celle de citoyens lambda comme vous.” A travers cette publication, le journal restaure son statut d’émanation collective. En plus d’être collective parce que fruit du travail d’une équipe de professionnels, elle inclut aussi des collaborateurs extérieurs à cette sphère. Un nouveau pont est créé entre le journal et son lectorat.
● La force du sujet, l’histoire d’amour:
Le sujet de la rubrique (l’amour) permet également ce pont. Lors d’un entretien donné à l’antenne de France Culture74, la sociologue des émotions Eva Illouz affirme que “‘l’amour accompagne la modernité” car il a été un facteur d’individualisation. Selon elle, c’est aussi le lieu dans lequel se jouent des enjeux modernes, comme la domination masculine et le capitalisme. Son livre La fin de l’amour. Enquête sur un désarroi contemporain publié chez Seuil en 2020 fait écho au titre de la rubrique et à sa promesse. Encore une fois, le titre du recueil est particulièrement évocateur : Modern Love : True Stories of Love, Loss, and Redemption75 . Eva Illouz formule la thèse selon laquelle l’amour transcendant tel qu’il existait au XIXème siècle n’existe plus et a laissé la place à une forme plus prosaïque. Cette évolution est le fruit de l’individualisation des personnes et de l’émancipation des femmes. La libération sexuelle a également joué un rôle en dissociant les relations sexuelles du mariage et des relations romantiques. Ce qu’elle décrit de manière académique semble être illustré par les essais de la rubrique.
Celle-ci s’appelle en effet Modern Love, et non pas uniquement Love. Les consignes laissent témoigner d’une préférence pour “un côté contemporain”76. L’essai écrit par Justin Race77, a bien cet effet contemporain, puisque la rencontre amoureuse se fait via une application de rencontres (OKCupid), et la suite de la relation se poursuit via une application de jeux en ligne (Words With Friends). Une autre histoire traite de la réaction des parents de l’auteur à son changement de sexe78. A leur propre manière, ces deux récits touchent à la modernité (américaine). Les sujets semblent variés et se veulent inclusifs. Ces récits se veulent informationnels et même instructifs. Eva Illouz établit un lien entre le capitalisme et les moments intimes. Une partie d’entre eux est collective et structurée. Elle analyse l’émergence de la psychologie positive dans les années 1990 aux Etats-Unis. La quête du bonheur devient politique et, face à la création de Chief Happiness Officer, d’index du bonheur, et de toute une littérature du développement personnel, être malheureux et déprimé devient illégitime. La souffrance sociale ne peut plus s’articuler dans ce nouveau langage. C’est la responsabilité de l’individu de se rendre heureux. Ainsi, on peut voir la rubrique Modern Love comme un outil de cette quête du bonheur. Partant du principe que le cycle est tel qu’il est énoncé dans le sous-titre, à savoir “amour, perte, et rédemption”, la rubrique intervient pour permettre à ses lecteurs d’accéder à la rédemption. Davantage qu’un roman-feuilleton, il s’agirait alors d’un livre de développement personnel-feuilleton. Cette littérature s’appelle en anglais “self-help” et rappelons que dans la promesse du New York Times,on retrouve le mot help79. Le journal dépasse son rôle de simple informateur et endosse celui d’aidant. Certes, le lecteur contemporain doit faire en sorte d’être heureux, mais le lecteur du New York Times n’est pas seul dans son parcours. Dans ce contexte, la partie commentaires de la rubrique en ligne revêt une autre signification, celle d’une communauté d’entre-aide, similaire au subreddit dating.Encore une fois, le journal enclenche un nouveau niveau de collectivité. D’abord de l’équipe de rédaction aux collaborateurs extérieurs, il est désormais aussi collectif en ce qu’il permet à ses lecteurs d’interagir et de faire vivre le journal.

Du témoignage intime au produit culturel

Toujours dans une tentative de définition des essais Modern Love, nous pouvons les analyser sous le prisme du témoignage. Celui-ci désigne le “une déclaration qui confirme la véracité de ce que l’on a vu, entendu, perçu, vécu.81” mais aussi une “manifestation des sentiments que l’on éprouve”. La description de la rubrique correspond à ces deux définitions, puisqu’elle exige des récits personnels qui soient véridiques et touchent à un dilemme personnel. L’auteur témoigne de son expérience vécue et des sentiments qu’elle a provoqués chez lui. La publication et la circulation des témoignages en font ensuite des produits culturels, voire des êtres culturels, définis par Yves Jeanneret comme les objets et idées qui ne peuvent se transmettre sans se métamorphoser82.
● L’auteur-témoin:
Le témoin est celui qui atteste d’une scène. Il peut dire “j’étais là” et il est ici aujourd’hui pour restituer ce qu’il a retenu. Il s’engage à dire vrai. Lors d’une enquête, les témoins ont un rôle important. Supposés moins biaisés que les personnes impliquées dans l’incident, ils offrent un point de vue extérieur que l’on estime sans doute plus proche de la réalité. En Histoire, les témoignages prennent plusieurs formes : articles de presse, photos de famille, bâtiments. Tout ce qui a été produit à une époque constitue un témoignage de cette même époque. Les auteurs des essais Modern Love témoignent de leur époque en même temps qu’ils témoignent de leur histoire personnelle. Pour Gaston Pineau et Jean-Louis Legrand, le témoignage est une forme d’histoire de vie. Ils estiment que cette “rage de traduire la vie en mots” est de plus en plus forte dans la mesure où l’espérance de vie s’allonge et les questions de bioéthique interrogent notre rapport à l’existence. Dans ce contexte, de nouvelles pratiques émergent aux frontières de l’existentiel et du professionnel, du privé et du public”, dont celle des “histoires de vie”. Modern Love en est une collection. Le témoin n’a pas la distance qu’on pourrait lui demander dans le cadre d’une enquête judiciaire, mais il doit néanmoins avoir le recul nécessaire pour analyser sa propre histoire. Selon Georges Gusdorf, “la littérature du moi se distingue de tout autre usage du langage humain parce qu’elle fait oeuvre à partir de la propre substance du scripteur”. L’essai est une œuvre produite à partir de la substance de son auteur. Les éditeurs veulent un récit “profondément personnel”, précisément pour cette raison. A la façon des poètes, qui doivent rendre compte d’un zeitgeist83, et trouver l’universalité dans leur “moi” le plus intime, “la personne est considérée comme miroir de son temps, de son environnement84”. C’est ainsi que Simone Clapier-Valladon définit l’ethnobiographie, qui a pour but de “dépasser l’aventure proprement individuelle du sujet par une recherche des modèles culturels du groupe85”. Ici, le groupe serait le lectorat du New York Times. Le journal est américain, même new-yorkais, mais ses abonnés sont répartis sur plus de 200 pays. Les huit auteurs des textes du corpus sont américains, et, nous l’avions énoncé plus tôt, appartiennent au monde de l’édition. Ils semblent alors être les témoins de leur groupe social. En se portant témoins de leur époque, les auteurs laissent eux aussi une trace de leur passage. La polyphonie du terme “histoire” n’est ici pas anodine, puisque le terme désigne à la fois un récit et la reconstruction du passé de l’humanité. “Vouloir faire une histoire de sa vie, c’est vouloir accéder à l’historicité” décrètent Pineau et Legrand lors de leur analyse du terme86. C’est donc la volonté d’appartenir complètement à l’histoire, d’attester de sa réalité.
● Les fonctions de poète des auteurs:
Plus qu’un article de presse, le témoignage publié dans le journal devient poétique. Les fonctions de l’auteur Modern Love sont similaires aux fonctions du poète en littérature. Celui-ci doit sublimer une situation personnelle douloureuse. Or, les éditeurs de la rubrique Modern Love demandent le récit d’un dilemme central rencontré par l’auteur. Avec “Fonction d’un poète”, Victor Hugo s’attache à exposer le rôle et l’importance du poète. Celui-ci constitue un pont entre le passé et l’avenir, il “jette sa flamme/ Sur l’éternelle vérité !”87. Il perce la réalité. Il voit plus clairement que ses contemporains, déchiffre son époque avec le recul qu’il réussit à prendre là où d’autres échouent. Il donne au lecteur la possibilité d’approcher la réalité d’une manière différente. Dans le cas de Modern Love, 38% des lecteurs du New York Times sont des familles qui gagnent plus de 75 000$ par an; comme le pointe du doigt Michaël Foessel, les pauvres n’ont peut-être pas le droit de se demander si la cause de leur mal-être est psychologique88. Le témoignage Modern Love rend compte d’une époque, mais d’un point de vue situé. Il rend compte d’un modèle culturel qui est conditionné par un certain niveau de vie et d’éducation.
● La valeur des essais non publiés:
Pour l’auteur, une identité narrative telle que l’entend Ricoeur se déploie89. Chaque nouveau récit du “je” modifie ce “je”, qui se construit un peu plus selon chaque histoire. Nous pouvons en ce sens nous demander si les contraintes d’écriture imposées par le New York Times (annexe 1.C) restreignent l’expression ou au contraire si elles la permettent. La contrainte est présente. Elle prend la forme d’une liste de conditions à la publication de l’essai. L’essai doit être écrit en anglais, et comporter entre 1 500 et 1700 mots (ibid). L’essai doit être envoyé à une adresse e-mail. Ensuite, un mur géant se dresse, mur constitué des milliers d’essais que reçoivent les éditeurs chaque mois, qui doivent être triés et sont donc mis en compétition les uns avec les autres. Nous pouvons supposer que les contraintes de la rubrique ont informé l’écrit, qui devait être publié dans ce contexte, car le candidat qui souhaite que son essai soit publié essaie de respecter les contraintes énoncées. Cela a pour effet de modeler les histoires de vie que les candidats écrivent, peu importe si elles sont en effet retenues ou non.
Le pouvoir de la rubrique et du journal s’étend alors, si l’on considère l’océan d’histoires de vie qui n’ont pas été sélectionnés et publiés. Le contrat entre auteur et éditeur favorise la prolifération de ces essais. Si le contrat avait été celui d’une commande, un flux-tendu en quelque sorte, seul l’auteur agréé par le journal aurait eu le loisir d’écrire son histoire de vie selon ces contraintes. Plutôt, ce sont des centaines de personnes qui, quotidiennement, offrent un témoignage de leur époque et, si ces témoignages ne sont pas publiés, ils permettent à l’auteur d’effectuer l’analyse cathartique et constructive de l’identité. L’éditeur de la rubrique, Daniel Jones, affirme lire plus de 9 000 essais par an90. Là aussi, sous une forme différente, on retrouve l’idée développée par Eva Illouz selon laquelle l’individu est responsable de son propre bien-être. Cette exercice d’écriture prend alors la forme d’un self-care émotionnel (autosoin), soit d’une action prise dans le but d’améliorer ou de préserver son propre bien-être. Ainsi, la sociologue des émotions crée le concept de “marchandises émotionnelles91”, soit des marchandises “conçues dans l’intention de créer des émotions et des affects” et “consommées en tant que telles92”. Pour Marx, la marchandise était un produit fabriqué par l’ouvrier en usine, pour Baudrillard, il s’agissait d’un ensemble de signes; pour Illouz, “les marchandises facilitent l’expression des émotions et aident à en faire l’expérience ; et les émotions sont converties en marchandises.93 » La relation est double : le journal, marchandise vendue à un certain prix ou sujet à un abonnement, facilite l’expression des émotions, en créant une rubrique qui leur soit consacrée. Les émotions à leur tour, sont converties en marchandise, en ce qu’elles font partie du produit qu’est le journal.
Ces essais non publiés ne deviennent pas des produits, car ils ne sont pas l’objet d’un échange marchand entre l’éditeur et l’auteur. C’est réellement en passant par cet échange marchand qu’est la publication que le témoignage personnel devient un produit culturel. En tant que produit culturel, il évolue alors au sein des industries créatives et peut faire l’objet d’adaptations.

LeNew York Timesfranchise le témoignage intime

Modern Love est donc une rubrique, un livre, un podcast, et une série télévisée. Ces développements se sont faits au fil des années, la rubrique imprimée en étant la première forme, et la série la dernière. Tous ces objets portent le même nom, et le point de départ est toujours la rubrique. La remédiation suit un schéma d’entonnoir : un essai publié peut appartenir au livre, puis être adapté en podcast, puis en épisode de la série. A ce jour, 8 épisodes de la série ont été produits, plus de 200 podcasts ont été enregistrés, et près de 800 essais ont été publiés depuis 2004. Dans ce contexte, et en considérant que le témoignage intime est un produit culturel comme avancé dans la première partie, nous pouvons alors formuler l’hypothèse selon laquelle le New York Times fait de Modern Love une franchise. La distribution multisupport et la stratégie marketing qui accompagne cette franchisation fonctionnent main dans la main dans une logique économique.

Le choix du podcast, média de l’intime

Créé en 2016, le podcast Modern Love est co-produit par WBUR, la station radio de l’Université de Boston. Les podcasts sont disponibles sur plusieurs plateformes, de Spotify à Apple Podcasts, mais ne sont pas radiodiffusés. Cette mise en voix des essais constitue un choix stratégique dans lequel la forme rejoint le fond, le podcast étant considéré comme le média de l’intime. Le podcast correspond à une pratique centrée sur l’abonnement et le choix à la carte, plutôt que sur une logique de flux. Cette économie de l’abonnement a glissé du monde de la presse à d’autres sphères. Ici, il y a donc une certaine continuité entre un organe de presse qui fonctionnait déjà par abonnement et cette adaptation en podcast.
Le podcast est un média de l’intime, plus que la radio. Il est préenregistré puis mixé, donc lorsque l’animateur prend la parole, il n’a pas de public immédiat. Il a aussi droit à l’erreur ou au changement d’avis. Moins de personnes ont besoin d’être sur place que lors d’un enregistrement en direct.
Le podcast permet aussi d’aborder des sujets qui n’ont pas de place dans les médias traditionnels. Ces dernières années, les podcasts proposant des témoignages intimes se sont multipliés et semblent trouver leur public. C’est ainsi que Slate, magazine en ligne, développe sans cesse de nouveaux podcasts autour de l’intime. Parmi eux, “Transfert” est une mise en voix d’un récit intime, long de cinquante minutes, qui plonge l’auditeur dans l’intimité d’un étranger94. Le podcast Extimité propose de donner la parole aux personnes minorisées. Pendant le confinement, ils proposaient des épisodes “Journal extime”.
Ces exemples complémentaires visent à corroborer l’idée selon laquelle le podcast se prête particulièrement aux récits intimes, peut-être plus encore que l’écrit. En effet, 52% des Français affirment préférer écouter des podcasts seuls95. Loin du poste radio posé sur la table du petit-déjeuner et que la famille écoute d’une oreille, l’image du podcast serait celle d’écouteurs enfoncés dans les oreilles et du regard lointain, pensif. La privation de la vue favorise les confessions. Dans les Églises, le confessionnal isole le pénitent, qui se confie dans l’obscurité. L’image persistante du canapé du psychanalyste, qui oriente le regard du patient vers le plafond plutôt que vers le professionnel nous indique la même chose : il est plus facile de se confesser – et d’écouter des confessions ?, lorsqu’on ne voit pas son public. L’écoute du podcast peut être interrompue à tout moment. Le titre sur lequel l’auditeur décide de cliquer ne regarde que lui, même si l’on peut d’ores et déjà supposer que cela constitue des données que les plateformes utilisent pour définir des profils de consommateurs. Pour David Le Breton, la voix est une ouverture sur l’intériorité de l’individu puisqu’elle « accomplit le passage entre intériorité et extériorité, entre dedans et dehors, toujours à la fois séparation et tentative de rejoindre l’autre en colmatant l’espace par le son et le langage96 ». La mise en voix donne vie au récit qui avait été couché par le papier.
● La performance au micro:
Pourtant, la production du podcast peut surprendre par ses choix. L’animatrice, Meghna Chakrabarti annonce le titre et l’auteur de l’essai, qui est ensuite lu par une célébrité, et non par l’auteur de l’essai en question. Au bout des quinze minutes de lecture de l’essai, qui est exactement le même que l’essai écrit, Chakrabarti reprend la parole et entame une discussion avec l’auteur de l’essai, qui dure un peu plus de cinq minutes. Durant la lecture de l’essai, la musique de fond reflète les rebondissements et émotions de l’essai. L’acteur est dans un rôle, celui de la personne qui a écrit cette histoire de vie, et surtout qui l’a vécue. Le podcast est d’ailleurs mis en avant de cette
manière, puisqu’il est présenté ainsi sur la plateforme Spotify : “Modern Love features top actors performing true stories of love, loss, and redemption97”. Dans le texte original, il est écrit que les acteurs “perform” (interprètent, jouent) ces véritables histoires d’amour. Il est intéressant de noter cet accent mis sur le jeu d’acteur d’un côté, et sur la véracité du script de l’autre. Dans le podcast “When the doorman is your main man”,la performance se remarque dans le traitement des didascalies. Ainsi, au lieu de lire à voix haute “Itook a deep breath”, l’actrice Cecily Strong prend cette respiration profonde au micro. Dans cet instant, la promesse est en effet respectée, puisque l’actrice joue sans trahir le témoignage.
La deuxième partie du podcast, qui est l’interview entre l’hôte et l’auteur, sert un effet de réel puisque la conversation tourne autour du récit qui vient d’être fait. Souvent, l’hôte demande ce qu’il s’est passé depuis, ou approfondit le sujet avec l’invité. La mise en scène de l’interview n’est pas sans rappeler une interview promotionnelle, et l’auteur de l’essai pourrait s’apparenter à un metteur en scène ou réalisateur, qui, après avoir été témoin de la performance d’un comédien à partir de son texte, répond aux questions d’un journaliste. L’interview ne ressemble cette fois pas à une confession, mais plutôt à une rencontre avec quelqu’un dont on connaît déjà la vie et l’oeuvre, et qui aurait quelque chose de plus à apporter.
C’est dans la lecture du texte par une personnalité extérieure que le podcast Modern Love surprend. Ce choix fait davantage penser à un livre audio qu’à un podcast natif. Un podcast natif est un programme spécifiquement créé pour une diffusion numérique, et qui n’a pas vocation à être radiodiffusée. Le livre audio est un enregistrement d’une lecture d’un roman qui préexiste, et propose ainsi une autre manière d’aborder la littérature. Si le podcast Modern Love est en effet natif, et comporte une partie conversationnelle, la partie lecture ressemble beaucoup à un livre audio.
Nous pouvons formuler l’hypothèse selon laquelle le choix de l’adaptation en podcast, s’il n’apporte pas de modification directe au contenu initial qu’est l’essai, relève d’une stratégie d’économie de l’attention. En considérant avec Yves Citton que l’attention est une ressource rare que les entreprises cherchent à capter, nous pouvons voir le podcast comme un moyen de capter l’attention des personnes n’ayant pas pour habitude de lire la rubrique. Le support présente deux grands avantages : il est gratuit, et ne nécessite pas d’attention exclusive. En effet, l’accès au podcast Modern Love est relativement libre – sous réserve d’avoir une connexion Internet et un appareil adéquat, via le site de la National Public Radio, la radio du service public américain. Ensuite, l’écoute n’empêche pas de faire autre chose en même temps, comme cuisiner ou travailler. Ainsi, l’adaptation de l’essai en podcast permet de toucher d’une part les mêmes lecteurs à un autre moment de la journée, et d’autre part des auditeurs qui ne seraient pas des lecteurs de la rubrique. La rubrique écrite est accessible via un abonnement au New York Times,ou l’achat de l’édition du dimanche dans laquelle elle est imprimée. Le podcast est gratuit et accessible en dehors des Etats-Unis. Le podcast commence par une annonce commerciale, que l’hôte lit, à la manière des podcasts – il ne s’agit pas d’une publicité enregistrée par l’annonceur. Le format podcast permet de passer cette annonce. Sa présence nous donne toutefois une indication sur le financement de ce podcast gratuit.
● Premières zones de flou autour de l’authenticité:
Le texte de présentation sur Spotify parle de “true d’annoncer uniquement des “histoires” et non plus des “histoires vraies” ? Une hypothèse serait en lien avec le livre audio. La promesse est davantage liée au récit qu’à la véracité. Si l’essai publié dans le journal devait être aussi véridique que les articles de fond, l’histoire lue au micro doit davantage ressembler à un roman (ou à une nouvelle, plus précisément) qu’à un témoignage.
Le support informe donc la matière première, qu’est le témoignage intime. Sans qu’il ne soit réellement modifié, puisque le texte est le même104, le produit touche différentes cibles et sert différents besoins selon son canal de communication. Ce ne sont pas les mêmes personnes qui lisent et écoutent Modern Love. Pourtant, la forme du podcast est particulièrement adaptée au lectorat du New York Times. Pour rappel, 38% des lecteurs du Times sont des familles qui gagnent plus de 75 000$ par an. Selon une enquête Nielsen réalisée en 2020, 45% des auditeurs mensuels de podcasts font partie d’un foyer qui gagne également plus de 75 000$ par mois (contre 35% de la population en général). 27% des auditeurs réguliers ont fait quatre ans d’études, contre 19% de la population. Selon le Pew Research Center, 56% des lecteurs du New York Times sont diplômés de l’université. Enfin, les auditeurs de podcasts sont relativement jeunes, puisque 48% d’entre eux ont entre 12 et 34 ans. Les derniers chiffres concernant le lectorat du New York Times, en 2012, suggèrent que 32% du lectorat du journal avait entre 18 et 29 ans, constituant ainsi la majeure partie du lectorat. C’était alors le troisième organe de presse américain préféré des jeunes. Ces chiffres indiquent que la cible du New York Times est similaire à la cible des podcasts en général. Malgré l’adéquation entre l’essai écrit et l’essai lu au micro de WBUR, ce changement de support le modifie et le dote d’autre chose. La mise en voix des témoignages restaure une intimité que l’écrit avait dérobée. L’essai en devient presque plus intime lorsqu’il nous est susurré à l’oreille. Cependant, la voix enregistrée n’est pas celle de l’auteur. Le pacte d’authenticité est rompu, car le sujet du “je” écrit ne correspond pas au sujet du “je” lu à l’oral. C’est là une autre piste qui pourrait expliquer pourquoi les histoires ne sont plus introduites comme “véritables”. Le “je” devient polyphonique, la voix modifie la réception. De la même manière qu’un acteur à l’écran prête son corps à un personnage qui n’existait que dans le texte et dans l’imagination du lecteur, l’acteur au micro du podcast appose sa voix de sorte qu’il n’en existe aucune autre qui aurait pu produire ce récit. Le récit est alors découvert par l’auditeur en même temps que la voix qui le porte, les deux devenant indissociables dans son souvenir. La voix peut-être féminine, masculine, avec un accent trahissant une origine géographique ou sociale, une chaleur ou au contraire une froideur de la personnalité. C’est aussi pour cette raison que l’interview avec l’auteur, dans la deuxième partie de l’émission, donne davantage l’impression d’une interview avec un metteur en scène qu’avec la personne qui a initialement vécu cette situation. Pour l’auditeur, la place du sujet est déjà prise. Il a découvert son histoire à travers un narrateur avec une certaine voix, et cette voix ne peut être remplacée dans les minutes qui suivent. Néanmoins, le choix de faire lire l’essai à une célébrité constitue également la plus-value du produit podcast. Dans ce cas, on peut imaginer qu’une personne qui ait déjà lu l’essai écoute quand même le podcast qui lui est consacré, afin de profiter de cette nouvelle expérience.
Cette première circulation du récit personnel nous permet d’appréhender Modern love d’une nouvelle manière. Ce témoignage devenu produit est sujet aux mêmes traitements économiques que toute marchandise. L’adaptation en podcast correspond à un produit dérivé.
● Un mode de consommation moderne:
Le podcast correspond également à un mode de consommation moderne. Lié au développement des podcasts, Camille Brachet distingue l’émergence d’un nouveau profil d’utilisateur, l’auditeur-internaute105, “au départ un auditeur traditionnel venu chercher sur Internet des informations en rapport avec le programme entendu sur les ondes, qui prend ensuite l’habitude de venir consulter les programmes proposés par le site”. Les chemins d’accès du podcast sont si nombreux que l’on peut imaginer un auditeur-internaute qui ait découvert le podcast Modern Love en étant sur le site de la NPR, sur celui du journal, ou encore simplement dans la catégorie podcasts de la plateforme Spotify. Cet auditeur s’est émancipé de la consommation de flux qui caractérise la radiodiffusion, et lui préfère une consommation à la carte. Via ces sites, il peut choisir d’écouter tous les épisodes Modern Love à la suite, et d’en réécouter certains. Il peut même passer l’annonce commerciale du début et la partie interview si ces parties ne l’intéressent pas, il devient partie prenante du programme.
● Analyse sémiotique de l’image du podcast:
L’image de couverture du podcast comporte peu d’éléments. Dans le sens de lecture, en haut à gauche du carré, on découvre en premier lieu le logo du New York Times, c’est-à-dire le T de “The” et de “Times” dans la police qui a été créée spécifiquement pour le titre. Inchangée depuis les années 1860, cette police était déjà présente sur la plaque signalétique du journal lors de ses premières années, soit depuis assez longtemps pour qu’un simple T suffise à évoquer l’entité immédiatement. Le coin en haut à gauche de l’image est le premier endroit sur lequel un regard occidental se pose, c’est donc l’information qui aura le plus de chances d’être lue et retenue. Par conséquent, le podcast apparaît clairement comme une production du New York Times. Ensuite, à droite du logo, se trouve le nom de la radio qui co-produit le podcast, WBUR. La Boston University Radio se présente comme la NPR locale des habitants de Boston. Créée dans les années 1950 par des étudiants et professeurs de l’Université de Boston, elle devient rapidement une radio publique et acquiert en professionnalisme et reconnaissance. Le logo, tout en minuscules, traduit une entreprise moderne, tout en signifiant son ancrage dans l’histoire avec les empattements discrets.
Pourquoi avoir choisi WBUR, la radio publique de Boston, plutôt que WNYC, la radio publique (elle aussi rattachée à la NPR) de New York City ? Si tant est que ce choix ait été délibéré, il est possible que le journal ait voulu sortir sa rubrique du carcan new-yorkais, et ainsi toucher le reste du pays.
Une ligne en-dessous, et réparti sur deux lignes, se trouve le titre du podcast. La police est grande, encore une fois moderne sans l’être complètement, avec les légers empattements. Les deux mots sont alignés à gauche, ce qui rappelle une suite de sms. Le titre chevauche le dessin en-dessous : un coeur rose, coupé en deux, et relié de part et d’autre par des ondes, et un casque audio, dessinés au crayon d’un trait incertain. Le coeur a une forme géométrique et semble avoir été réalisé avec un logiciel de graphisme, tandis que les ondes et le casque font davantage penser à un croquis fait à la main. Le coeur, et l’amour qu’il désigne par extension, est donc moderne. Cette interprétation est soutenue par le titre. Les deux parties du coeur sont reliées entre elles par les ondes, qui représentent le contenu du podcast. Ce coeur est divisé, mais pas cassé. La coupure est lisse. Ce dessin n’évoque pas une peine et une douleur incommensurables. Le coeur est placé entre les deux points d’écoute (il n’y a pas d’oreilles) à la place du cerveau. Le coeur et les sentiments qu’on lui attribue ont remplacé le cerveau et sa raison. Le casque évoque à la fois une écoute en solitaire (contrairement à une enceinte et à des écouteurs, qui peuvent accueillir d’autres participants) et old school (ressemblance à un casque de walkman). Le casque renvoie à cette préférence des auditeurs pour l’écoute de podcast seuls, et confirme cette idée de média de l’intime. Le trait de crayon porte le geste de la main en lui, et se rapproche ainsi de l’écriture manuscrite, associée à la lettre et au journal intime. En écoutant ce podcast, l’auditeur est invité à découvrir seul des histoires de coeur confessées par d’autres personnes, histoires qui vont combler son propre coeur. Enfin, le dessin forme un circuit fermé. Ces éléments se suffisent entre eux et suffisent à l’auditeur. Ils forment une bulle dans laquelle il peut écouter ce contenu pendant une durée indéterminée. Quand il aura épuisé les épisodes, les ondes disparaîtront peut-être, laissant les deux parties du coeur se réunir. Cette notion d’autosuffisance du podcast, comme si le podcast pouvait se substituer aux expériences de l’auditeur, est renforcée par le texte de présentation. Celui-ci se termine par “and fall in love at first listen”106. Bien que “tomber amoureux” ne soit pas une formule transitive, elle appelle fortement un objet. En effet, sans antécédent ni contexte, cela appelle la question : “[amoureux] de qui ?”. Ici, de qui l’auditeur va-t-il tomber amoureux ? D’une personne dans son entourage, à laquelle il pense en écoutant le podcast ? Des invités du podcast, de l’auteur ? Ou plus simplement du podcast en lui-même ? La promesse du podcast va aussi loin que de garantir à l’auditeur les sentiments amoureux auxquels il pense tant, peu importe l’objet de ceux-ci.
Le podcast Modern Love est donc un des produits dérivés des essais Modern Love, sans que le développement de ce nouveau produit n’ait été laissé au hasard. Le podcast s’inscrit dans une catégorie de produits, dont il respecte les codes de production et l’image générale.

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Table des matières

Introduction
1. La parole des lecteurs élevée au rang d’information journalistique 
1) Le journal comme écrin de cette “parole profane”
Le cas du courrier des lecteurs
Une forme d’histoire de vie
Le modèle économique de l’auteur ponctuel
Le récit de soi au fil des formats
Ce que le numérique apporte à l’expérience de lecture
2) Des témoignages intimes présentés comme de l’information 
Le New York Times garant de la vérité
Le pacte d’authenticité de l’auteur Modern Love
La force du sujet, l’histoire d’amour
Histoires de coeur, l’apanage des femmes ?
3) Du témoignage intime au produit culturel
L’auteur-témoin
Les fonctions de poète des auteurs
La valeur des essais non publiés
2. Le New York Times franchise le témoignage intime 
1) Le choix du podcast, média de l’intime
La performance au micro
Premières zones de flou autour de l’authenticité
Un mode de consommation moderne
Analyse sémiotique de l’image du podcast
2) Le témoignage intime devient un produit labellisé, (re)produit à la chaîne
Le rôle de la marque
Analyse du cycle de production
Externaliser pour mieux économiser
Les avantages de la franchise dans les industries culturelles
Le choix de travailler avec Amazon Prime Video
3) Le New York Times devient une marque-média
Les produits dérivés vendus sur l’e-shop du journal
L’attrait de la célébrité
3. Cette stratégiemulticanale participe de la création d’un nouvel univers « New York Times » 
1) De l’organe de presse à l’entreprise-média
Digitalisation du modèle
La définition d’une plateforme de marque
2) Création d’un univers global New York Times auquel Modern Love appartient et contribue
La communauté imaginée du lectorat
L’articulation des contenus “hard” et “soft”
L’attrait de l’infotainment
L’individu moderne en quête de divertissement
3) Les questions déontologiques que pose l’intime comme produit
Donner accès à l’intime
Que reste-t-il du pacte d’authenticité ?
Conclusion
Bibliographie 

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