La paroi primaire végétale : composition et biosynthèse
Nous considérerons la classe des Angiospermes, appelée communément « plantes à fleurs » qui regroupent environ 300 000 espèces végétales allant de l’eucalyptus géant d’Australie jusqu’aux lentilles d’eau. Les Angiospermes sont divisées en Magnoliidées, Monocotylédones et Eudicotylédones, selon la dernière classification de l’Angiosperm Phylogeny Group III reposant sur l’analyse de séquences de gènes (APG III, 2009). L’étude qui suit concernera plus particulièrement le clade des Eudicotylédones et plus particulièrement la famille des Brassicacées dont Arabidopsis thaliana (Arabidopsis) fait partie.
Chez les cellules jeunes, seule la paroi primaire est formée. Elle se compose à 90% de polysaccharides et 10% de protéines auxquels s’ajoutent des composés phénoliques et des minéraux. Mais cette composition reste néanmoins variable et peut être modulée en réponse aux besoins physiologiques de la cellule (attaque par des pathogènes, stress abiotiques, élongation cellulaire…). Les polysaccharides pariétaux sont divisés en trois familles : la cellulose, les hémicelluloses et les pectines formant un réseau dense avec divers niveaux d’organisation.
Chez les cellules plus âgées qui ne subissent plus ni division ni expansion, une seconde paroi plus épaisse peut-être formée contre la paroi primaire. Sa composition riche en cellulose, hémicellulose et en lignine, un polymère de monolignols, la rend plus rigide que la paroi primaire et ne permet plus la croissance cellulaire (Zhong & Ye, 2015).
Les polysaccharides pariétaux
Les β-glucanes : structure et synthèse
La cellulose
Constituant 30 à 40% en masse de la paroi brute (McNeil et al., 1984), la cellulose est le polymère le plus abondant sur la planète. Il est constitué de monomères de glucose (Glc) liés en β-(1→4). Deux résidus inversés de glucose forment une molécule de cellobiose et ce dimère répété n fois forme la cellulose (n=250 à 7000). Plusieurs chaînes de cellulose sont associées entre elles grâce à des liaisons faibles (de type hydrogène ou de Van der Waals) inter- et intrachaînes et cristallisent en microfibrilles (Harris et al., 2010). La cellulose est synthétisée au niveau de la membrane plasmique par un complexe de cellulose synthases (CESA), codées par une famille multigénique comportant 10 gènes (CESA1 à CESA10) chez Arabidopsis ayant des profils d’expression différents (Richmond & Somerville, 2000).
Mueller et Brown Jr ont mis en évidence dans les années 1980 que les CESA s’associaient en hexamères impliquant 3 différentes CESAs. Etant donné qu’une microfibrille est formée par cristallisation de 36 chaînes de cellulose, il a été proposé que les complexes de 6 CESAs soient, eux-mêmes, regroupés par 6 (Cosgrove, 2005 ; Mutwil et al., 2008), l’ensemble formant une structure appelée rosette .
Les microfibrilles de cellulose, avec une tension de résistance comparable à celle de l’acier, confère à la paroi sa résistance mécanique (Festucci-Buselli et al., 2007), en particulier contre la pression de turgescence. L’orientation des microfibrilles de cellulose contrôlerait également le sens de l’élongation cellulaire (Green, 1962 ; Sugimoto et al., 2001) Cette organisation peut être mise en évidence par marquage à l’aide de sondes fluorescentes telles que le calcofluor blanc qui se lie non spécifiquement aux β-glucanes (Hughes & McCully, 1975) ou au Pontamine FastScarlet 4B (S4B) (Hoch et al., 2005 ; Anderson et al., 2010).
La callose
La callose est un polymère linéaire de glucoses liés majoritairement en β-(1→3) mais présentant également des liaisons en β-(1→6) (Chen & Kim, 2009). La callose est aussi synthétisée au niveau de la membrane plasmique par une famille d’enzymes, les callose synthases, codées par 12 gènes différents chez Arabidopsis (Richmond & Somerville, 2000 ; Verma & Hong, 2001). La callose est impliquée dans différents stades de croissance de la plante, en commençant par la mise en place de la plaque cellulaire au moment de la division. Elle formerait un manteau recouvrant la membrane plasmique et précèderait la déposition de cellulose pour la formation d’une nouvelle paroi (Samuels et al., 1995). Une autre fonction connue de la callose est celui de renforcement pariétal. En effet, des accumulations de callose sont observées dans la paroi lors de premiers stades d’infection de plantes, assurant une barrière physique plus robuste contre la pénétration du pathogène (Luna et al., 2011). Il est notamment admis depuis plusieurs années, que des dépôts de callose sont produits localement au niveau des plasmodesmes des éléments conducteurs de la sève élaborée suite à des stress biotiques ou abiotiques (Koh et al., 2012 ; Jacobs et al., 2003 ; Engleman & Esau, 1964). Ces dépôts peuvent être mis en évidence après traitement au bleu d’aniline (Jensen, 1962) ou par marquage au calcofluor blanc (Hughes & McCully, 1975). Le rôle majeur de la callose dans le développement du tube pollinique sera abordé plus loin dans le chapitre III de cette introduction.
Les hémicelluloses
Les hémicelluloses forment un groupe de polysaccharides ramifiés hétérogènes constitués d’un squelette de résidus liés en β-(1→4) pour ce qui concerne les XyGs, les xylanes, les mannanes et les glucomannanes, ou plus rarement en β-(1→3,1→4) (Scheller & Ulvskov, 2010). La composition des hémicelluloses, pour une espèce considérée, peut varier en fonction du tissu étudié. Néanmoins, le type d’hémicelluloses le plus rencontré dans la paroi primaire des Eudicotylédones (20 à 30%) est le XyG. Il comporte un squelette de β-(1→4)-glucose pouvant être ramifié en 6 par diverses courtes chaînes composées de xylose (Xyl), de galactose (Gal), de fucose (Fuc) ou encore d’arabinose (Ara) . Certains oses peuvent aussi être Oacétylés.
Le XyG jouerait un rôle structural essentiel dans la paroi primaire. Cependant l’étude du double mutant xxt1/xxt2 (xylosyltransferase1/xylosyltransferase2) (Cavalier et al., 2008) affecté dans la synthèse du XyG révèle un phénotype peu marqué (plante légèrement plus petite avec des poils absorbants anormaux) en comparaison à une plante sauvage. Park et Cosgrove (2012b) ont analysé plus en détail la paroi du double mutant, montrant une paroi beaucoup plus extensible et ont conclu à un rôle du XyG, d’une part, dans le renforcement pariétal et d’autre part, dans le relâchement et l’extension pariétal via les α-expansines.
Les pectines
Les pectines forment une famille de polysaccharides riches en acide galacturonique (GalA), constituant 35% de la paroi primaire des Eudicotylédones. On distingue principalement trois grandes classes de pectines : les homogalacturonanes (HG), le rhamnogalacturonane de type I (RG-I) et le RG-II. Chez certaines espèces végétales, on retrouve d’autres classes de pectines telles que le xylogalacturonane (XGA) . Très présentes au niveau de la lamelle moyenne, interface entre deux cellules adjacentes, les pectines jouent un rôle dans l’adhésion des cellules entre elles (Bouton et al., 2002 ; MacDougall et al., 1996). De nombreuses autres fonctions sont attribuées aux pectines notamment dans la morphogenèse, la croissance de la plante, la structure de la paroi, l’expansion cellulaire, la croissance du tube pollinique ou encoredans la signalisation cellulaire et la défense de l’organisme (Mohnen, 2008 ; Atmodjo et al., 2013). La présence des pectines peut être mise en évidence par marquage au rouge de ruthénium (Hou et al., 1999) mais aussi et c’est également le cas pour les hémicelluloses, par immunomarquage grâce aux nombreux anticorps monoclonaux actuellement disponibles.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. La paroi primaire végétale : composition et biosynthèse
1. Les polysaccharides pariétaux
a. Les β-glucanes : structure et synthèse
b. Les hémicelluloses
c. Les pectines
2. Les protéines pariétales
a. Les protéines structurales
b. Les enzymes de la paroi primaire
3. Biosynthèse golgienne des hémicelluloses et des pectines
a. Biosynthèse des précurseurs : les nucléotides-sucres
b. Le transport des nucléotides-sucres
c. Biosynthèse golgienne du xyloglucane et des pectines
4. Organisation et interactions des polymères dans la paroi
a. Le réseau cellulose/hémicellulose
b. La place des pectines…révisée au cours du temps
c. Les minéraux dans la paroi
II. Le rhamnogalacturonane de type II : structure et propriétés
1. Structure primaire
2. Structure 2D et 3D du RG-II in muro
3. Biosynthèse du RG-II
a. Les nucléotides-sucres rares ou spécifiques du RG-II
b. Les glycosyltransférases
4. Fonctions physiologiques du RG-II
a. Approche par génomique fonctionnelle : approche structure-fonction
b. Effets d’une déficience en bore
c. Approche pharmacologique
III. Nos modèles d’étude
1. Le tube pollinique : modèle d’étude de la paroi primaire
a. Les β-glucanes
b. Les hémicelluloses
c. Les pectines
d. Les glycoprotéines
e. Calcium et bore
2. La racine d’Arabidopsis thaliana : un modèle pour l’étude de la croissance cellulaire
a. Rôles et architecture de la racine
b. Un modèle pour l’étude de la croissance cellulaire
IV. Approches alternatives
1. Le marquage métabolique de glucides par « click chemistry » : vers une alternative à l’utilisation d’anticorps ?
a. Principe de la « click-chemistry »
b. La « click chemistry » appliquée à la biologie
c. Et chez les organismes végétaux ?
2. Les inhibiteurs de voies glucidiques
a. Les sucres désoxy
b. Les sucres fluorés
V. Objectifs de travail
RESULTATS
Article 1. Rôle du rhamnogalacturonane de type II dans l’élongation du tube pollinique : implication d’une sialyltransférase-like putative
Résultats complémentaires : complémentation pollen-spécifique par Floraldip
Article 2. Imagerie du rhamnogalacturonane de type II par « click chemistry »
Article 3. L’inhibition de la fucosylation des composés pariétaux par traitement au 2-fluoro 2-désoxy fucose provoque un défaut de l’élongation racinaire
Résultats complémentaires : effets du 2F-Fuc sur la croissance du tube pollinique d’Arabidopsis
MATERIEL ET METHODES
1. Matériel biologique et conditions de culture
2. Techniques de biologie moléculaire
3. Techniques d’histochimie
4. Techniques de biochimie
5. Analyses d’image et statistiques
CONCLUSION