La palourde japonaise, Ruditapes philippinarum
Systématique et principales caractéristiques
Dans le règne animal, la palourde japonaise appartient à l’embranchement des mollusques étant donné qu’elle possède un corps mou, non segmenté à symétrie bilatérale et enveloppé par un manteau qui sécrète les éléments minéraux nécessaires à la formation de la coquille (Gosling, 2008).
La coquille de la palourde est formée par deux parties articulées, ou valves, ce qui la place dans la classe des bivalves ou encore lamellibranches au vu de ses branchies en forme de lamelles. D’un point de vue évolutif, la compression latérale du corps dans leur coquille a induit un déplacement de la bouche ne lui permettant plus d’assurer son rôle dans le captage initial de la nourriture (Gosling, 2008). Une autre caractéristique des bivalves est la taille importante des branchies qui assurent un rôle dans la nutrition en plus de la respiration. Les échanges d’éléments avec le milieu extérieur se font essentiellement par les siphons (inhalant et exhalant) qui sont des extensions du manteau et permettent à ces animaux de vivre à des profondeurs plus importantes sous le sédiment.
Enfin, la présence d’un pied est une caractéristique importante chez certains bivalves, comme la palourde, puisque celui-ci permet le déplacement dans le sédiment afin de s’enfouir et donc de se protéger de prédateurs (Gosling, 2008). La palourde japonaise fait partie de l’ordre des vénéroidés puisqu’elle présente une coquille épaisse, équivalve et non équilatérale, qu’elle possède des dents cardinales et que ses siphons sont plus ou moins fusionnés (Adams & Adams, 1856). Enfin, l’appartenance de R. philippinarum à la famille des vénéridés est due à la présence d’ornementations concentriques et rayonnantes sur sa coquille dont la forme ovale (Rafinesque, 1815).
Biologie de la palourde japonaise
Aire de répartition et écologie
Les populations de palourdes japonaises sauvages, sont présentes dans les Philippines, les mers de Chine, en mer du Japon, en mer d’Okhotsk ainsi qu’autour des îles Kouriles (Goulletquer, 1997). Etant donnée sa valeur commerciale, elle a été importée dans de nombreuses régions, étendant ainsi un peu plus son aire de répartition (Figure 2). En 1936, R. philippinarum a été accidentellement introduite sur la côte pacifique nord des EtatsUnis lors d’imports de naissains d’huîtres creuses, Crassostrea gigas (Chew, 1989). Depuis lors, la palourde japonaise, s’étant rapidement acclimatée, est présente du nord de la Californie aux Etats-Unis jusqu’à la Colombie Britannique au Canada (Magoon and Vining, 1981). La palourde japonaise présente alors un grand potentiel pour la vénériculture en Europe puisque sa croissance ainsi que son taux de remplissage sont meilleurs que ceux de la palourde croisée d’Europe, Ruditapes decussatus (Flassch and Leborgne, 1992). De plus, le développement de l’aquaculture par la présence d’écloseries commerciales et grâce aux importations d’animaux a permis de nombreux transferts au sein de l’Europe (Ponurovsky and Yakovlev, 1992). La société atlantique de mariculture (SATMAR) est à l’origine de l’introduction de la palourde japonaise en France dès 1972 (Flassch and Leborgne, 1992). Parallèlement, dans les années 1980, l’activité ostréicole traditionnelle connait un déclin en France et une diversification de l’activité des ostréiculteurs avec la vénériculture apparait être une bonne solution afin d’assurer leurs revenus (Goulletquer et al., 1988).
L’établissement de populations de palourdes japonaises dans les zones où elle a été introduite témoigne de sa grande capacité d’acclimatation. En effet, la palourde est un bivalve benthique, fouisseur et suspensivore, vivant essentiellement dans les zones lagunaires et estuariennes, dans des sédiments de type vaseux à sableux caractérisés par des granulométries très diverses (Flye-Sainte-Marie et al., 2008). Ces environnements sont par ailleurs associés à des modifications de facteurs tels que l‘oxygénation, la température, la salinité, la turbidité, la pollution, la présence d’agents pathogènes ou encore la présence de ressources trophiques (Daou and Goulletquer, 1988; Goulletquer et al., 1988; Gosling, 2008). Ainsi, Ruditapes philippinarum peut vivre dans des eaux dont la température varie entre 0 et 30 °C avec un optimum thermique pour sa croissance se situant entre 20 et 24 °C (Mann, 1979; Goulletquer et al., 1988, 1989; Laing and Child, 1996; Solidoro et al., 2000). De plus, la palourde japonaise est retrouvée dans des milieux où la gamme de salinité peut s’étendre de 10 à 35 ‰ et survit à de fortes dessalures (Goulletquer et al., 1988; Elston et al., 2003). Cet animal fait preuve de résistance en conditions hypoxiques et peut survivre à de très basses concentrations en oxygène (inférieures à 1 % d’oxygène à 25 °C) pendant quelques jours (Uzaki et al., 2003).
Anatomie
La coquille
Sur la partie dorsale de la coquille, se situe la charnière avec ses trois dents cardinales permettant la fermeture des valves (Gosling, 2008; Trinkler, 2009). Au niveau postérieur par rapport à la charnière, se situe la zone ligamentaire permettant l’ouverture passive des deux valves lorsque les muscles adducteurs contrôlent la fermeture active de celles-ci (Trinkler, 2009). La coquille des palourdes est constituée de deux couches coquillères : la couche externe qui a une structure prismatique et la couche interne qui a une structure homogène (Paillard and Le Pennec, 1993; Gosling, 2008). La couche externe est composée de cristaux d’aragonite ou de calcite prismatiques se développant parallèlement de la charnière vers le bord de la coquille (Trinkler, 2009). A sa surface extérieure, de nombreuses stries sont dessinées et sont de deux types : les stries concentriques (parallèles au bord de la coquille) associées à la croissance de l’animal et les stries d’ornementation qui sont perpendiculaires aux stries concentriques (Trinkler, 2009). La couche interne homogène de la coquille est composée de calcaire et est également qualifiée de couche porcelanée nacrée. Sur sa surface intérieure l’impression palléale, l’impression des muscles adducteurs et l’impression des siphons (sinus palléal) correspondent respectivement à l’ancrage du manteau des muscles adducteurs (antérieur et postérieur) et des siphons sur la coquille (Trinkler, 2009).
Système respiratoire
Chez les bivalves lamellibranches, les branchies sont particulièrement développées et forment quatre feuillets suspendus par l’axe cténidial qui est fusionné avec le manteau de l’animal (Paillard and Le Pennec, 1993; Gosling, 2008). Chaque branchie est constituée de filaments en forme de « W », lui conférant ainsi une large surface très adaptée aux échanges gazeux. Des cils sont présents à la surface de ces filaments (Paillard and Le Pennec, 1993) et permettent la mise en mouvement de l’eau au sein de la cavité palléale mais également le passage et le tri des particules. Ainsi, les branchies ont une structure à la fois adaptée à la fonction respiratoire mais aussi à la fonction de nutrition chez le bivalve.
Système digestif
Une fois les particules filtrées par les branchies, elles sont acheminées jusqu’aux palpes labiaux qui trient la nourriture et l’amènent vers la bouche. Une fois dans l’œsophage, la nourriture est ensuite dirigée vers l’estomac qui est entouré d’une glande digestive de couleur brune à noire et qui est le siège majeur de la digestion intracellulaire (Gosling, 2008). Les déchets issus de la digestion ou fèces sont ensuite acheminés vers le rectum puis sont entrainés par les courants d’eau sortant du siphon exhalant. Outre sa fonction dans la digestion, la glande digestive peut également avoir un rôle d’organe de réserves pouvant être utilisées lors de la gamétogénèse mais également lors de stress physiologiques (Gosling, 2008). En tant qu’organe majeur dans la biotransformation, la glande digestive est aussi associée à une gamme très large d’activités enzymatiques.
Système reproducteur
La palourde japonaise est une espèce dioïque, capable de changer de sexe comme cela est observé chez l’huître : on parle alors d’hermaphrodisme asynchronique. Le système reproducteur est très simple, constitué gonades qui sont formées de nombreux tubules contenant les gamètes et se terminant par les gonoductes. La reproduction de la palourde étant externe, les gamètes sont ensuite expulsés via le siphon exhalant.
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Table des matières
Introduction
Contexte général
Problématique et objectifs de la thèse
Etat de l’art
1. La palourde japonaise, Ruditapes philippinarum
1.1. Systématique et principales caractéristiques
1.2. Biologie de la palourde japonaise
2. Mécanismes de la réponse des invertébrés marins exposés à des stresseurs environnementaux
2.1. Qu’est-ce que le stress ?
2.2. Retour sur les réponses générales à des stresseurs chez les vertébrés et les invertébrés
2.3. La réponse immunitaire chez les invertébrés marins
2.4. Modulation de la réponse immunitaire par l’environnement
2.5. Le métabolisme énergétique chez les invertébrés marins
3. Un modèle d’interaction hôte-pathogène-environnement : la maladie de l’anneau brun (MAB)
3.1. La MAB : signes cliniques
3.2. Caractérisation du pathogène associé à la MAB: Vibrio tapetis
3.3. Les différents modes d’infection de R. philippinarum par V. tapetis en milieu contrôlé
3.4. Réponses de R. philippinarum à l’infection par V. tapetis
3.5. Influence de l’environnement sur l’interaction R. philippinarum / V. tapetis
Matériel et méthodes
1. Matériel biologique et conditionnement
1.1. Expérimentation préliminaire : existe-t-il des variations endogènes des activités SOD, CAT et PO chez Ruditapes philippinarum ?
1.2. Expérimentation 1 : effet de la température sur l’interaction R. philippinarum – V. tapetis
1.3. Expérimentation 2 : effet du régime algal et de la maturité sexuelle sur l’interaction R. philippinarum – V. tapetis
2. Design expérimentaux et plans d’échantillonnage
2.1. Expérimentation préliminaire
2.2. Expérimentation 1
2.3. Expérimentation 2 : étude individuelle
2.4. Expérimentation 2 : sous-échantillonnage et étude par pool
3. Prélèvements
3.1. Prélèvement des fluides
3.2. Prélèvement des organes
4. Indices de condition
5. Cytométrie en flux
5.1. Concentration, viabilité, taille et complexité des hémocytes
5.2. Taux de phagocytose
5.3. Production d’ERO
6. Histologie : sexage et détermination des stades de maturité
6.1. Préparation des échantillons
6.2. Colorations et montage
6.3. Analyse qualitative au microscope optique
7. Diagnostic de la maladie de l’anneau brun
7.1. Qualitativement : via l’observation des signes cliniques et l’utilisation d’une clé de détermination
7.2. Quantitativement : via l’analyse d’images
7.3. Prévalence et intensité de la MAB
8. Dosages biochimiques
8.1. Protéines
8.2. Dosages enzymatiques
8.3. Lipides
8.4. Glucides
9. Quantification de V. tapetis dans les fluides extrapalléaux
10. Analyses statistiques
10.1. Analyse de coordonnées principales de matrices de voisinage et partition de la variance
10.2. Analyses de la variance : plan d’expérience en parcelles divisées
10.3. Analyse de variance multivariée par permutations
10.4. Modélisation Linéaire Mixte
10.5. Modélisation Linéaire Généralisée Mixte : régression logistique
10.6. Modélisation linéaire généralisée: régression logistique multinomiale
Conclusion