la nouvelle économie de la migration du travail (NELM) 

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Les théories explicatives de la migration

Avant de nous pencher en détail sur les transferts de fonds des migrants, il nous semble nécessaire de comprendre quelles sont les raisons qui poussent des individus à quitter le pays dans lequel ils sont nés ou dont ils sont ressortissants pour aller vivre et travailler dans un autre pays. Nous nous intéresserons ici aux théories de la migration pour motif économique et mettrons de côté les autres facteurs d’émigration (guerres, catastrophes naturelles…).
Aujourd’hui, il n’existe pas de théorie unifiée de la migration internationale, mais un ensemble fragmenté de théories qui se sont développées de façon isolée les unes des autres.
Massey et al. (1993) proposent une excellente revue des théories de la migration internationale, sur laquelle s’appuie cette présentation. Tout comme les auteurs, nous distinguerons les théories qui s’intéressent à l’initiation de la migration internationale de celles qui expliquent sa perpétuation. On peut distinguer quatre courants théoriques qui cherchent à expliquer pourquoi certaines personnes décident de quitter leur pays d’origine pour un autre pays : l’économie néoclassique, la nouvelle économie de la migration du travail (the New Economics of Labour Migration ou NELM), la théorie du marché du travail dual et la théorie des systèmes mondiaux.
Nous nous intéresserons ici plus particulièrement aux théories à fondements microéconomiques, sans analyser en détail les autres théories explicatives de la migration (théories à fondements macro et/ou socio-économiques). Nous nous concentrerons sur les arguments théoriques de l’initiation et de la continuation de la migration, en mettant l’accent sur l’économie néoclassique et la nouvelle économie de la migration du travail. La plupart des études économiques empiriques sur la migration (et les transferts de fonds des migrants) qui s’intéressent aux déterminants de la migration s’appuient soit sur la théorie néoclassique, soit sur la NELM, et prennent en compte certains apports des autres théories, notamment ceux de la théorie des réseaux.

l’économie néoclassique

L’économie néoclassique concentre son analyse non seulement sur les différentiels de salaire et de conditions d’emploi entre les pays mais également sur les coûts migratoires ; cette théorie conçoit le mouvement des individus comme une décision individuelle dont le but est la maximisation du revenu. Au niveau macroéconomique, cette théorie fut initialement développée pour expliquer la migration de travail dans le cadre du développement économique (Todaro & Maruszko, 1987 ; Todaro, 1987). Elle stipule que la migration internationale des travailleurs est causée par les différences de salaires entre pays.
Cette théorie précise que les flux internationaux de capital humain (i.e. des travailleurs qualifiés) répondent aux différences entre rendements du capital humain qui ne sont pas nécessairement semblables aux déférences entre salaires moyens. Les flux de travailleurs qualifiés et non-qualifiés peuvent donc être distincts. Au niveau microéconomique, l’économie néoclassique propose un modèle de choix individuel rationnel (Sjaastad, 1962 ; Todaro, 1969 ; Harris & Todaro, 1970) : les individus rationnels décident d’émigrer suite à un calcul coût-bénéfice positif en faveur de l’émigration ; un migrant potentiel se rend là où ses rendements nets espérés sont les plus élevés. La migration internationale des travailleurs est alors causée par les différences internationales de salaires et de taux d’emploi, dont le produit détermine le revenu espéré. Les caractéristiques individuelles en termes de capital humain (éducation, expérience, formation, compétences linguistiques…) qui accroissent la rémunération espérée ou la probabilité de trouver un emploi dans le pays de destination par rapport au pays d’origine augmentent donc la probabilité d’émigrer toutes choses égales par ailleurs.

la nouvelle économie de la migration du travail (NELM) :

La nouvelle économie de la migration du travail (NELM), quant à elle, ne se restreint pas aux conditions existantes sur le marché du travail mais considère un ensemble de marchés. Cette théorie envisage la migration comme une décision prise par le ménage pour minimiser les risques qui pèsent sur le revenu familial ou pour surmonter les contraintes de liquidité qui pèsent sur les activités productives familiales.
Ainsi, les décisions migratoires ne sont pas prises par des individus isolés mais par les familles ou les ménages, dont les membres agissent de façon collective pour maximiser le revenu espéré, pour minimiser les risques ou pour desserrer les contraintes associées aux défaillances de marchés autres que celui du travail (Stark, 1978 ; Stark & Levhari, 1982 ; Stark & Bloom, 1985 ; Katz & Stark, 1986 ; Stark & Lucas, 1988 ; Stark, 1991).
En effet, contrairement aux individus, les ménages peuvent contrôler les risques qui pèsent sur eux en allouant différemment les ressources du ménage, ici le travail familial. Dans les pays en développement, les mécanismes institutionnels de gestion des risques (assurances privées, programmes gouvernementaux) sont imparfaits, absents ou inaccessibles aux familles pauvres, ce qui les incite à diversifier les risques via la migration.
De même, le crédit y est souvent inaccessible ou très coûteux, ce qui incite également les ménages à recourir à la migration. Pour les tenants de la NELM, l’existence d’un différentiel de salaire n’est pas une condition nécessaire de la migration internationale ; les ménages peuvent avoir de fortes incitations à diversifier les risques via la migration transnationale même en l’absence de différentiels de salaire.

les théories du marche du travail dual et des systèmes mondiaux

Enfin, les théories du marché du travail dual et des systèmes mondiaux ignorent généralement ce type de décisions microéconomiques et concentrent leur analyse sur les forces qui agissent à des niveaux agrégés bien plus élevés. La première de ces théories lie l’immigration aux exigences structurelles des économies industrielles modernes (Piore, 1979) : la migration internationale est causée par une demande permanente de travailleurs immigrés inhérente à la structure économique des pays développés.
La seconde théorie envisage la migration comme une conséquence naturelle de la mondialisation économique et de la pénétration des marchés à travers les frontières (Morawska, 1990) : la migration internationale est une conséquence naturelle de la formation des marchés capitalistes dans les pays en développement ; la pénétration de l’économie globale dans les régions périphériques est le catalyseur des mouvements internationaux.
Ces différentes théories ont été complétées par des théories qui s’intéressent non pas au déclenchement de la migration internationale mais à sa perpétuation : la théorie des réseaux, la théorie institutionnelle, la théorie de la causalité cumulative et la théorie des systèmes migratoires. Pour les tenants de la théorie des réseaux, les réseaux de migrants augmentent la probabilité de la migration car ils diminuent les coûts et les risques du mouvement et augmentent le gain net espéré de la migration (Massey, 1990a, 1990b).
Pour les tenants de la théorie institutionnelle, la migration internationale s’est accompagnée du développement d’organisations d’aide, de soutien et de promotion de la migration internationale, ce qui a entraîné une institutionnalisation des flux de migrants ; ces derniers deviennent de plus en plus indépendants des motivations originelles de la migration.
Quant à la théorie de la causalité cumulative, elle prend en compte l’impact de la migration dans le pays d’origine des migrants, et souligne que chaque acte de migration modifie le contexte social dans lequel les décisions de migration successives sont prises (Massey, 1988 ; Massey, 1990b ; Massey, Goldring & Durand, 1994) ; ainsi, la migration internationale peut affecter la distribution des revenus, des terres et du capital humain, l’organisation de l’agriculture, la culture et le sens social du travail (Massey et al., 1993).
Enfin, la théorie des systèmes migratoires généralise les dernières théories présentées et définit plusieurs systèmes migratoires, constitués d’une région centre d’accueil des migrants et d’un certain nombre de pays d’origine des migrants avec lesquels la région centre a construit une relation privilégiée.

flux mondial de transfert de fond, un phénomène difficilement quantifiable

Le lien présumé existant entre la migration internationale et les envois de fonds ne fait aucun doute. Il est admis que la migration internationale n‟a cessé d„augmenter dans le temps et parallèlement, les envois des fonds augmentaient à un rythme plus accéléré.
D‟après les Nations-Unies, le nombre de migrants internationaux est passé de 75 millions en 1960 à 191 millions en 2005. Soit une croissance équivalente à 2,1 pour cent par an. L‟évolution des envois de fonds quant à elle, a été beaucoup plus rapide. Selon les statistiques de la Banque mondiale, les envois de fonds dans le monde sont passés de 2 milliards USD en 1970 à 433 milliards USD en 2008, soit une croissance annuelle moyenne de 15 pour cent.

Contraintes juridiques

Selon Ratha D. (2005), plusieurs barrières entravent les flux des transferts de fonds vers le destinataire ; elles sont principalement liées à la faible concurrence sur ce marché, à la faiblesse des infrastructures technologiques et surtout aux barrières règlementaires excessives.
Les contraintes juridiques et règlementaires concernent généralement trois aspects : l‟obligation de disposer d‟un agrément .
la réglementation relative au contrôle des changes ; la lutte anti-blanchiment d‟argent.

Les contraintes organisationnelles

Avec l‟avènement des nouvelles technologies informatiques et de communication et en faisant abstraction des contraintes réglementaires, la mise en place d‟un système de transfert rapide d‟argent entre deux points ne semble pas être très complexe. Cependant, pour permettre une interconnexion de différents agents, l‟appartenance à un réseau structuré est indispensable.
En effet, c‟est grâce à la force d‟un réseau que le système pourra se développer et offrir de nouvelles prestations. A titre d‟illustration, les fonds expédiés par l‟intermédiaire de Western Union en Belgique sont adressés à des destinataires répartis dans 136 pays différents. Plus le réseau sera ouvert (nombre important d‟agents présents sur tous les continents), plus le système sera pertinent et répondra aux attentes de la clientèle.

Les Impacts des transferts de fonds sur le développement économique et social des pays bénéficiaires.

Idéalement, pour juger correctement de l‟impact des transferts de fonds, il conviendrait de comparer la situation observée en présence de ceux-ci avec celle qui résulterait d‟une absence de transferts.
Cependant, aucun modèle n‟a à ce jour tenté cette comparaison, et la littérature se limite généralement à décrire et interpréter des impacts observés empiriquement dans les pays concernés par l‟émigration, sans forcément tenir compte du coût induit (émigration des personnes qualifiées, déséquilibre sur le marché du travail, etc.).
Selon les expériences recensées, les transferts de fonds sont supposés agir positivement sur le développement économique et social des pays bénéficiaires. Il est communément admis que l‟impact des transferts sur le développement dépend de l‟utilisation qui en est faite, l‟hypothèse étant qu‟ils sont les plus utiles lorsqu‟ils sont employés comme investissements pour des activités économiques.
Or, une étude récente de la Banque mondiale, menée dans six pays de l‟ex-URSS, a montré par exemple que les investissements dans le capital humain (formation) et l‟épargne représentent 10 % à 15 % des montants perçus, alors que les investissements dans l‟économie sont marginaux (5 % environ). Le solde (80 %) est destiné à la consommation, avec une priorité pour des biens de première nécessité. Des proportions similaires sont observées parmi les ménages latino-américains bénéficiant de transferts des Etats-Unis.
La part des montants consacrés aux biens de consommation est particulièrement élevée lorsque les ménages bénéficiaires présentent un faible niveau de vie ; dans un tel contexte, le premier impact des transferts est la réduction de la pauvreté des ménages. Cette fonction d‟assurance garantie par les migrants envoyant des fonds est, comme nous l‟avons mentionné plus haut, favorisée par un caractère contracyclique, qui conduit à une augmentation des montants envoyés lorsque des crises économiques ou politiques touchent les membres de la famille restée au pays. Plusieurs risques associés à ces transferts sont avérés et doivent être pris en compte au moment d‟une discussion générale de leur impact. En particulier, les ménages ne bénéficient pas tous de transferts monétaires depuis l‟étranger et un risque d‟accroissement des inégalités est parfois suspecté entre ceux qui reçoivent de l‟argent de l‟étranger et les autres.
C‟est le cas par exemple au Pakistan, où seuls les ménages les mieux positionnés dans l‟échelle sociale sont à même de financer la migration de l‟un de leurs membres et de retirer les éventuels bénéfices de cette migration.
Dans le cas de l‟Albanie, les transferts ont accru les écarts entre les régions pauvres et les régions riches, ces dernières drainant les migrants internes et accueillant les familles des migrants internationaux.
En revanche, les Mexicains vivant dans les régions les plus pauvres présentent les probabilités les plus élevées de migrer à l‟étranger. A l‟échelle des pays, un accroissement des inégalités lié à la répartition des transferts de fonds s‟observe aussi puisque ce sont surtout les pays en transition (Inde, Chine, etc.) qui profitent des transferts alors que les pays les plus pauvres n‟en bénéficient que de manière marginale.
Outre le risque d‟accroissement des inégalités, la dépendance économique qu‟entraînent les fonds transférés peut également être un point négatif. Il y a quelques années, les transferts étaient fréquemment accusés de « créer l‟envie et d‟éroder les habitudes professionnelles », pour reprendre les termes de C.B. Keely et Bao Nga Tran citant S.S. Russell. Plus récemment, I. Gedeshi a suggéré, à propos de l‟Albanie, que la migration peut être considérée comme une condition nécessaire pour atteindre un standard de vie défini comme acceptable.

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Table des matières

PREMIERE PARTIE : METHODOLOGIE, LITTERATURE EXISTANTE SUR LA MIGRATION ET L’ENVOI DE FONDS
I.1 METHODOLOGIE
I.1.1 Justification du sujet
A. Choix et intérêt du sujet
B. Problématique
C. Hypothèses
D. Objectif de l‟étude
I.1.2 Méthodes
A. Méthode descriptive
B. Méthode analytique
C. Méthode historique
D. Méthode comparative
I.1.3 Techniques et difficultés rencontrées
A. Technique documentaire
B. Technique d‟enquête
C. Difficultés rencontrés
I.2 LITTERATURE EXISTANTE SUR LA MIGRATION ET L‟ENVOI DE FONDS DANS LE MONDE
I.2.1 Les théories explicatives de la migration
A. l’économie néoclassique
B. la nouvelle économie de la migration du travail (NELM)
C. les théories du marche du travail dual et des systèmes mondiaux
I.2.2. contexte actuel de la migration internationale
A. Les facteurs explicatifs de la migration internationale
A-1. Facteurs économiques
A-2. Facteurs démographiques
A-3. Facteurs sociaux et culturels
A-4. Facteurs environnementaux
A-5. Facteurs politiques
A-6. Stratégie familiale
I.2.3. Enjeux internationaux des transferts de fonds et le développement
A. flux mondial de transfert de fond, un phénomène difficilement quantifiable
B-2. La situation des finances publiques
II.2.5. Distribution géographique des transferts
III.2.1. Analyse SWOT de la migration comorienne et du transfert de fonds des migrants
III.2.2. Initiative mises en place pour améliorer les impacts des transferts de fonds des migrants aux Comores
A. Le Co-développement entre la France et l‟union des Comores :
III.2.3. Recommandations
A. Réduire la part de l‟informel
A-1. Implication des réseaux de micro finances dans le système de transfert de fonds
A-2. Réduire les couts de transferts par stimulation de la concurrence
A-2. Développer le rôle des nouvelles technologies dans les transferts d‟argent
A-3. Sensibiliser par diffusion des informations disponibles
A-4. Encourager la bancarisation des migrants
B-1. Épargner directement dans une IMF aux Comores
B-2. Encourager l‟épargne individuelle et accès au logement
C.1. Le Co-développement comme solution pour la valorisation de l’épargne collective
D-1. Faciliter l‟accès au crédit et améliorer l‟environnement des affaires
Conclusion générale
Références bibliographiques

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