Approche scientifique et professionnelle
L’URL : définition et cadre
Le sigle URL signifie en anglais Uniform Ressource Locator ou Universal Ressource Locator, qui a été traduit en français par « adresse universelle » ou « adresse réticulaire », cependant l’appellation « adresse URL » est la plus courante. Le journal officiel du 16 mars 1999 la définit comme étant la ,
« dénomination unique à caractère universel qui permet de localiser une ressource ou un document sur l’internet et qui indique la méthode pour y accéder [autrement appelé protocole], le nom du serveur et le chemin à l’intérieur du serveur. » .
L’URL est un élément technique clé du Web, né avec lui à la fin des années 80. En effet, le Web repose sur trois fondamentaux : les protocoles de communication, les langages spécifiques dits de balisage et les adresses uniques de localisation des ressources. Ainsi, la navigation, qui consiste à accéder à des fichiers stockés sur différents serveurs reliés en réseaux, est rendue possible grâce aux routeurs qui permettent à chaque clic de l’utilisateur d’accéder au fichier pointé, demandé et repérable par son adresse unique . Le passage d’une page Web à une autre peut impliquer l’accès à des serveurs physiquement installés aux quatre coins du monde. Brigitte Simmonot explique que l’utilisation des adresses URL est également capitale pour le repérage et la collecte des pages Web par les robots des moteurs de recherche. Ces derniers à partir d’une liste d’adresses vont scanner les pages correspondantes à la recherche de liens hypertextes renvoyant à d’autres adresses. Ils vont ainsi de proche en proche pour détecter et indexer de nouvelles ressources .
Les adresses URL sont gérées au niveau international par l’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) qui a été créée en 1998.
L’URL et les enjeux potentiellement impliqués
Connaître les définitions technique et informatique de l’URL, les utilisations et les modes de gestion utilisés, amène à interroger des enjeux économiques, éthiques, politiques et éducatifs importants.
Enjeux économiques et commerciaux
Les enjeux économiques et commerciaux que représente l’ouverture de nouveaux noms de domaines de premier niveau génériques est actuellement sans précédent. Afin de devenir propriétaire d’un de ces nouveaux noms de domaines, puis d’être en mesure d’exercer un contrôle et de vendre les noms de domaines de second niveau, c’est-à-dire ceux qui précèderaient l’extension achetée, les candidats à l’achat doivent faire un dossier et investir 185 000 dollars, puis cotiser chaque année à hauteur de 25 000 dollars auprès de l’ICANN. Citons le cas de l’ouverture en 2011 des extensions .vin et .wine . Face à l’incertitude, l’incapacité ou parfois l’impossibilité d’obtenir le nom de domaine désiré, l’AFNIC, appuyée par Neelie Kroes, commissaire chargée du numérique à la Commission Européenne, ainsi que par les responsables français et européens des marchés commerciaux du secteur du vin et des spiritueux a fait une demande de recours auprès de l’ICANN. L’objectif est d’empêcher la vente à une société, une collectivité ou une institution qui obtiendrait ainsi l’entière gestion des domaines de second niveau tels que « côteauxdulayon.vin » ou « anjourouge.wine », avec des conditions de vente qui pourraient ignorer volontairement les origines géographiques des alcools ôtant ainsi toute adéquation entre l’indication de l’adresse URL et les produits proposés. La crédibilité, la valeur des AOC (Appellation d’Origine Contrôlée) et la reconnaissance des marques seraient alors mises à mal . Nous entrevoyons ici l’importance et les opportunités qu’offre le fait d’être propriétaire d’un territoire numérique, comme ça l’est d’être propriétaire terrien d’une zone d’activités ou d’une zone industrielle. L’assise d’un pouvoir certain se dessine. Cette situation souligne bien l’importance des enjeux financiers, commerciaux et de gouvernance de l’internet à l’œuvre aujourd’hui.
Enjeux éthiques
La compagnie Google a annoncé, par la voix de Gary Illyes, Webmaster Trends Analyst et Search Quality Engineer chez Google Suisse, que depuis août 2014 l’algorithme de pertinence du moteur de recherche donne une meilleure visibilité aux pages sécurisées, c’est-à-dire celles utilisant le protocole « https ». Or, Gary Illyes précise lui-même que seulement 10% des adresses URL utilisées sur le web sont des adresses sécurisées . Bien que la mise en valeur soit encore volontairement relative, du fait que peu de sites offrent une adresse URL en «https», mais sous couvert d’inciter les webmasters à choisir de sécuriser leur site et donc de rendre le web plus fiable, Google se positionne en maître et régisseur du Web. De plus, les moteurs de recherches utilisent les adresses URL, pour collecter et indexer des ressources mais également collecter des informations lors de la navigation de l’utilisateur. Cela pose la question du pistage des internautes, de l’imposition de la publicité ciblée, et de l’intrusion dans la spontanéité des agissements de l’individu.
Sachant par ailleurs qu’il est possible de réécrire les adresses URL grâce à des outils spécifiques afin d’optimiser ses chances d’être mieux référencé par les moteurs de recherche , une double manipulation, aussi minime soit-elle, semble se profiler. En effet, comme l’explique le spécialiste du référencement naturel Olivier Andrieu, un webmaster averti va pouvoir agir sur les robots des moteurs de recherche afin d’influencer la visibilité de son site, en utilisant des mots clés connus et populaires dans la rédaction des adresses URL. Ainsi, prenons l’exemple de cas extrêmes, une page ou un site traitant de sujets prohibés comme l’incitation au racisme, la pédophilie ou la vente de produits illicites, par un travail de réécriture de l’adresse URL, pourrait obtenir une meilleure place dans les pages de résultats d’un moteur de recherche et ainsi attirer des visiteurs . D’un point de vue éthique la dictature publicitaire et économique qui peut s’apparenter à de la manipulation pose de réels questions. Que reste-t-il du libre arbitre de l’internaute s’il ne peut naviguer que dans un environnement dicté par des algorithmes indéniablement porteurs de volontés politiques et publicitaires et des réponses méticuleusement ciblées et adaptées à ses habitudes et à ses goûts ?
La place de l’URL dans les enseignements
Place de l’URL dans les programmes et référentiels scolaires du secondaire
Les programmes scolaires du secondaire mentionnent le terme d’« adresse URL » en temps qu’objet d’un apprentissage une seule fois. Dans le programme de technologie en 6e , partie communication et gestion de l’information, il est précisé qu’à la connaissance « recherche d’information sur la « toile » » est liée la capacité de « retrouver une ou plusieurs informations à partir d’adresses URL données ». C’est ensuite dans le programme de l’enseignement de spécialité d’informatique et science du numérique, de la série scientifique, qu’apparaît en classe de terminale une partie consacrée aux réseaux dans laquelle est précisé connaître « les mécanismes d’adressage pour identifier les machines distantes », « Savoir décrire une situation d’adressage sur un réseau particulier et savoir analyser le trafic sur un réseau et mettre en évidence la notion de protocole ».
L’analyse des programmes des filières générales, technologiques et professionnelles ainsi que celle des référentiels de compétences, des référentiels des activités professionnelles et des référentiels des savoirs associés propres à chaque baccalauréat professionnel et chaque CAP (Certificat d’Aptitude Professionnelle) ont permis de constater que l’adresse URL y est totalement absente. Elle n’est citée ni comme objet d’étude ni comme outil technique, bien qu’il soit toujours question de savoir rechercher des informations et de les évaluer afin de les exploiter, et ce, quel que soit le domaine d’étude ou le domaine professionnel impliqué.
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Table des matières
Introduction
Première Partie
1 Approche scientifique et professionnelle
1.1 – L’URL : définition et cadre
1.2 – L’URL et les enjeux potentiellement impliqués
1.2.1 Enjeux économiques et commerciaux
1.2.2 Enjeux éthiques
1.2.3 Enjeux politiques
1.3 – La place de l’URL dans les enseignements
1.3.1 Place de l’URL dans les programmes et référentiels scolaires du secondaire
1.3.2 Délimitations disciplinaires selon les pratiques observées sur le terrain
1.4 – La notion d’objet d’étude
1.5 – L’évaluation de l’information
1.5.1 Définition et critères
1.5.2 L’évaluation de l’information sur l’internet
1.6 – Nos représentations à tester
Deuxième Partie
2 Méthodologie et enquête
2.1 – Réflexions préliminaires à l’élaboration d’une enquête
2.2 – La présentation du questionnaire
2.2.1 Présentation générale du questionnaire élève
2.2.2 Première partie : interroger le sujet sur l’URL
2.2.3 Deuxième partie : établir un profil du sujet
2.3 – Le cadre de déroulement de l’enquête
2.3.1 Le collège
2.3.2 Les échantillons d’élèves
2.4 – Le protocole pour mener l’enquête
2.4.1 Passation et déroulement de l’enquête
2.4.2 Les biais
2.5 – Méthodologie du traitement des résultats
2.5.1 Les réponses correctes attendues
2.5.2 Collecte et traitement des données
2.5.3 Autocritique du traitement et de l’analyse des données
Troisième Partie
3 Analyse et début de réponses
3.1 – Résultats bruts et analyse
3.1.1 Page à page
3.1.1.1 L’utilisation de l’URL dans l’évaluation a priori de l’information
3.1.1.2 L’identification d’éléments liés à l’URL sur une page de résultats
3.1.1.3 Les indices de repérages liés à l’URL lors de la navigation
3.1.1.4 Google et différentes déclinaisons de ses URL
3.1.1.5 Questions ouvertes
3.2 – Les corrélations entre commandes institutionnelles, pratiques professionnelles et appropriations des élèves
3.3 – Les confrontations
3.4 – Un pont vers la didactisation de l’adresse URL
3.4.1 Le cadre de notre réflexion
3.4.2 Proposition de définitions pour l’enseignant selon les « 3 R »
3.4.3 Proposition de niveaux de formulation élève en fin de collège
3.4.4 Perspective envisagée
Conclusion
Bibliographie