LES INDICATIONS GEOGRAPHIQUES : UN SUJET PRISE ET ETUDIE
Force est de constater qu’une grande quantité d’études sur l’efficacité des indications géographiques sur le développement local provient de la recherche européenne. En effet, une grande organisation de recherches, SINER-GI avait lieu en 2008 à l’objectif de normaliser les méthodes de recherche afin de mesurer les avantages économiques et territoriaux des appellations dans un contexte global (ALLAIRE 2009). Suite à cette étude, les travaux de Dominique BARJOLLE, Marguerite PAUS et Anna PERRET (2009) sont très importants dans la mise en valeur de la recherche sur le sujet des indications géographiques. Ces auteurs ont réalisé des études à la fois objectives et qualitatives. Dans un premier temps, elles comparent un produit sans indication géographique avec un produit provenant d’une appellation, puis examinent un produit avant et après qu’il bénéficie d’une appellation. Les études qualitatives mesurent quant à elles le niveau de reconnaissance des avantages territoriaux par les acteurs internes et externes des appellations, et qui entrainent des améliorations économiques, sociales, culturales et environnementales. Ces études montrent ainsi la façon dont la construction des appellations facilite l’échange d’informations entre les producteurs, réduit le chômage grâce à une plus forte intensité de main d’œuvre associée aux cultures traditionnelles. Cette construction entraine également des primes aux prix, le développement de l’agrotourisme qui participe au ralentissement de l’exode rural chez les jeunes, mais également le maintien des traditions et une meilleure utilisation de l’espace. Par ailleurs, la protection des plantations traditionnelles participe à la conservation de la biodiversité des graines, dans un climat économique où la conservation des semences devient de plus en plus difficile à cause des brevets des technologies génétiques (HASSANKHANI ET HASSANKHANI 2004). Autrement, les rapports de la Commission Européenne expliquent leur démarche pour soutenir la politique de protection des valeurs de qualité de l’agriculture européenne et évoquent leur implication à l’extension des appellations d’origine protégée ; ils visent à renforcer la protection des appellations européennes ainsi qu’aider les pays en voie de développement à mieux valoriser leurs productions (LAMY 2003). Certains rapports soulignent ainsi les limitations du système européen, le processus d’enregistrement trop long, le manque de tradition des indications géographiques aux certains pays ainsi que les producteurs et consommateurs qui ne reconnaissent pas le système d’étiquetage. 7 Cependant l’efficacité de ce système est étroitement lié à la valorisation supérieure de ses produits d’origine, la maitrise des coûts de production par les regroupements de producteurs et la cohésion de ses acteurs (BARJOLLE 2000), des éléments qui dépendent sur la structure de soutien et protection gouvernementaux (ILBERT 2005). En même temps, une dizaine de chercheurs et d’organisations américaines se sont intéressés au développement des indications géographiques aux Etats-Unis. Leurs recherches comprennent la traduction de la notion de terroir (BARHAM 2003 ; TRUBEK 2008 ; PAXSON 2010), l’identification des produits américains qui remplissent les exigences de la définition des indications géographiques (MENDELSON et WOOD 2013 ; BARHAM 2010). D’autres encouragent l’enregistrement des produits américains sur les listes des appellations d’origine européenne, notamment l’Organisation pour un Réseau International des Indications Géographiques (oriGIn) et l’Association pour les Produits d’Origine Américaine(AOPA). D’autre part, le concept des indications géographiques a été présenté à l’audience américaine pour ses atouts économiques (BABCOCK et CLEMENS 2004 ; PATAEL, HOUSE et SPREEN 2009), et le cadre juridique a été analysé par Tara CAPSUTO (2012) pour trouver les conditions juridiques et commerciales qui doivent être mises en place en vue de permettre le bon fonctionnement du système des appellations américain. D’autre part, les études de cas précédents sur le front américain examinent les appellations potentielles qui profitent de ce système en tant que tel et qui pourraient bénéficier d’une meilleure protection juridique et d’un rôle plus actif grâce au gouvernement américain. La plupart de ces études porte sur le domaine viticole parce que le système américain des aires viticoles (AVA) 10 fournit une liste toute prête des indications géographiques américaines (MENDELSON et WOOD, op.cit). Les autres appartiennent aux marques de certification et d’autres marques bénéficient d’une origine (BARHAM, op. cit). Enfin, d’autres recherches se fondent sur les régions et cherchent à avoir une appellation d’origine protégée à la Commission Européenne cherchant à valoriser leur histoire et à mieux délimiter leur appellation, comme c’est le cas de la pomme de terre de l’Idaho ou encore du café de Kona Hawaii (BARNHAM, op.cit.). Du reste, toutes ces identifications et ces descriptions de produits contribuent à la reconnaissance des indications géographiques et permettent d’approfondir la définition de ces indications aux Etats-Unis (CLEMENS 2002). Toutes ces identifications et ces descriptions de produits contribuent à la reconnaissance des indications géographiques et permettent d’approfondir la définition des indications géographiques aux Etats-Unis.
LE CHOIX DU PRODUIT ET DE LA REGION
Une fois mon objectif de recherche déjà établi, il était nécessaire d’aller plus loin dans mon analyse en prenant exemple sur un produit d’origine américaine posant la question de la définition du terroir. Je voulais exposer un nom d’origine qui porte certains éléments de terroir et analyser les comportements des acteurs de la région sous la réglementation américaine. Les acteurs sont-ils censés protéger les éléments de terroir à la recherche d’une meilleure qualité et d’une meilleure réputation ? Sous le nom collectif, les acteurs cherchentils à faire évoluer leur savoir collectif d’une manière générale à tous pour palier à l’absence de ce terroir et valoriser et redéfinir ce concept et réfléchir aux impacts les plus favorables sur les appellations d’origine ? Pour ce faire, il faut regarder des deux côtés : voir si la définition de ce produit ressemble à un produit de terroir et si l’évolution des acteurs peut avoir des conséquences associées aux appellations européennes. J’ai dû envisager plusieurs options, c’est-à-dire plusieurs produits ou cas. Je me suis finalement arrêté sur la région de Vidalia dans l’état de Géorgie où se trouve ce fameux oignon. J’ai fait ce choix de terrain après une longue considération des autres possibilités, notamment un vignoble, le sirop d’érable, le café de Kona, les pommes de terre de l’Idaho et les oranges de Floride. Le vin est un cas intéressant parce qu’il existe déjà des appellations bien délimitées qui tombent sous la protection de l’OMC. En revanche, l’arrêt des débats à l’OMC a été causé par l’élargissement des protections de l’OMC aux produits agricoles en dehors des spiritueux et des vins. En conséquence, j’ai voulu me concentrer sur ce secteur. J’ai consulté les recherches de MENDELSON, BARHAM et BABCOCK (op.cit) pour connaître les recherches préexistantes. Mes connaissances personnelles ainsi que les moyens mis à disposition m’ont amenée à choisir les oignons de Vidalia. Pourtant, avant d’en faire un choix définitif, j’ai considéré quatre autres produits alimentaires. Le sirop d’érable fut considéré, il me semblait bien aller dans le sens de ma problématique. Toutefois, suite à mes échanges avec Mme BARHAM, j’ai constaté que le comité dirigeant des producteurs aurait pu permettre une étude des problèmes liés aux noms d’origine internationaux car ceux-ci traversent la frontière des Etats-Unis et du Canada. En plus, ils étaient intéressés par la possibilité de s’enregistrer en tant qu’appellation d’origine à la Commission Européenne. Finalement, l’organisation a décidé à ne pas poursuivre cette application et de remettre le projet jusqu’en 2014, au plus tôt. Alors que la promotion du sirop d’érable évoque des images de terroir que le consommateur américain l’associe aux endroits particuliers du Québec ou du Vermont, j’ai décidé de changer d’appellation face aux acteurs désintéressés par cette étude. L’aire de production étant trop dispersée, son étude avait peu d’intérêt pour un travail de recherche. Je me suis ensuite tourné vers le café à Kona dans l’état d’Hawaii, car il a le profil d’un possible candidat pour le label de certification européen. Le café est très facilement exportable et peut profiter d’un label reconnu en Europe. Néanmoins, après une réunion avec Mme FASSIÉ-BOULANGER, on a décidé de légèrement changer la problématique d’un cas cherchant le label européen à un cas qui me permettrait de mieux analyser les différences entre les systèmes aux Etats-Unis et en Europe. Je cherchais donc une appellation assez petite pour avoir la capacité de parler avec un maximum de producteurs afin d’avoir accès plus largement aux objectifs du groupe. D’autres discussions avec des collègues américains et européens sur les produits d’origine m’ont amené à penser que les oranges de Floride et les pommes de terre de l’Idaho pouvaient convenir à ma recherche. Les premières sont bien connues en dehors des EtatsUnis, alors que les secondes sont très connues aux Etats-Unis, mais surtout les deux prétendent à une appellation globale d’un état représentant un terrain trop grand et ne créent pas un sens de propriété communautaire ni ne montrent une uniformité de terrain. Finalement, à chaque fois que je discutais de ces produits avec des compatriotes, plusieurs d’entre eux ont évoqué l’oignon de Vidalia. Deux éléments se trouvaient réunis : la taille la région et la réputation du produit. Le travail de recherche à proprement parlé pouvait alors commencer. Les recherches préliminaires ont permis de constater que le mélange de règlementation et le rassemblement des acteurs ont entraîné une limitation de l’emploi du nom et la création d’un système de certification par une partie tierce. Il était important de prendre appui sur un produit exemplaire des produits américains, un produit détenant déjà une réputation pour sa qualité fortement liée à son nom d’origine et sensiblement bien installé sur son territoire. Pour autant, celui-ci ne peut prétendre à être la norme parmi les produits d’origine américaine, mais plutôt un bon modèle de terroir américain cultivé sur la réglementation existante
L’enregistrement des AOP et des IGP
Partout en Europe, le contrôle de ces appellations est possible grâce à un cahier des charges précis, le regroupement des producteurs qui l’a défini et la surveillance de son pays d’origine et la Commission. Le premier pas de l’enregistrement d’une appellation est la reconnaissance d’un groupe des opérateurs qui établira le cahier des charges. Selon la Commission, ce dernier doit représenter les équilibres des différentes catégories des opérateurs. En France, pays de terroir, ces groupes s’appellent les Organismes de Défense et de Gestion (ODG). Ils sont les interlocuteurs entre l’INAO et les producteurs. Ses missions sont de défendre le nom, le produit et son terroir, de valoriser le produit ainsi que de développer une connaissance statistique du secteur. Il doit également élaborer le cahier des charges et s’occuper de la mise en œuvre des plans de contrôle et de l’inspection. Il tient une liste des opérateurs actuels et fournit un accès à ce groupe à tous les producteurs de la région. On constate une organisation normalisée qui demande que la notion de terroir soit présente au produit et sa défense intégrale aux acteurs qui emploient le nom d’origine. Dans ce cahier des charges élaboré, y sont décrites la production et l’histoire de produit. Sa qualité doit se différencier d’un produit de base, au niveau des informations sur sa composition et ses caractéristiques organoleptiques. Les demandeurs doivent justifier le nom d’IG qui peut correspondre à un lieu, une tradition ou le nom d’une variété ou élevage et ce dernier doit porter une réputation. Ensuite, toute la démarche de la production doit être décrite. Les produits entrants dans la fabrication du produit ainsi que les contraintes du processus de fabrication. En ce que concerne le lien au territoire, les IGP sont censés décrire les caractéristiques du produit en lien avec son terroir, sa réputation ou autre alors que pour les AOP, toutes ces caractéristiques doivent également être adressées. C’est ici que les acteurs exigent le savoir-faire pour aller plus loin qu’une production normale. Le regroupement des producteurs autour de ces lieux géographiques demande « un long processus collectif, fruit de la concertation entre les divers producteurs de la région » afin de les délimité officiellement (LE GOFFIC, op.cit). Le résultat de ce processus est un sens de propriétés collectives vers l’espace, une reconnaissance des atouts de la région qui aide à la promotion de la région et ses produits. Une fois que ce cahier des charges est vérifié par son pays d’origine, les producteurs doivent déposer « un document unique » à la Commission Européenne dont le produit. Le dossier entre dans le domaine de l’Europe, il est ajouté à la base de données DOOR. Puis, il y a une période d’attente lorsque les inspecteurs examinent la légitimé du produit. La Commission passe en moyenne quatre ans à examiner le cahier des charges, temps pendant lequel d’autres pays peuvent se manifester contre l’appellation s’ils le souhaitent. L’appellation est ensuite publiée au Journal Officiel et en cas d’opposition, d’autres parties peuvent contester l’appellation pendant une période de six mois. Cette période d’attente et de surveillance de la Commission, hors de la délimitation du territoire et la description du produit prend un minimum de neuf mois et en moyenne quatre ans, ce qui représente une période assez longue et intense pour les acteurs l’appellation. Cette étape constitue une normalisation des systèmes pour chaque pays membres. Le processus d’enregistrement est montré dans la figure 1, il est pris du site de l’Union Européenne et décrit la façon dont les différents niveaux du gouvernement sont liés.
Comment mesurer la qualité ?
La norme des marques de certification suggère un certain niveau de qualité d’un produit. Cependant, il reste encore à examiner de ce facteur tellement important. Pour l’industrie agroalimentaire, l’USDA a créé une série de définitions qui correspond à tous les genres de produits. Selon sa catégorie, il y a des normes par rapport à la taille, la couleur, la texture. Ces caractéristiques sont inspectées à chaque saison par le Service d’agriculture au niveau de l’état. Pour les fruits et les légumes, il existe plus de 312 variétés de normes. Divisées en « grade », ces variétés sont maintenues et mises à jour sur demande des groupes agroalimentaires par le service de commercialisation et d’agriculture nationale. Ces changements doivent être avantageux pour les acteurs de la filière, la filière elle-même ou l’agence gouvernementale au niveau local, de l’état ou fédéral. Pour les fruits et légumes, un certain pourcentage d’une récolte doit répondre aux exigences de grade afin de considérer la production entière comme conforme. Ce système est normalisé à l’échelle nationale et reconnu par la majorité des consommateurs américains grâce à des lettres ou des nombres. Les grades « A » ou « 1 » indiquent des produits de qualité supérieure. Pour les marques de certification, ces normes jouent un rôle très important sur la définition de la qualité que l’on est censé assurer. Il est ainsi important de dire que ces normes cherchent des caractéristiques très carrés, censés protéger les qualités organoleptiques, mais rencontrent des difficultés face aux nouvelles variétés de semences introduites. Le cadre juridique et politique pour les produits avec une origine est complexe aux Etats-Unis. L’USDA et d’autres services s’occupent de l’aménagement du territoire. Cela veut dire que le rôle d’incorporation des éléments hors des facteurs purement économiques dans un système de labellisation n’appartient pas à une seule institution. En plus, si on fait l’hypothèse qu’un label d’origine existe aux Etats-Unis, on n’est pas encore familiarisés avec la tradition des produits de terroirs comme c’est le cas dans les pays européens. En effet, il faudrait un grand travail de promotion pour faire connaître ce label aux consommateurs et producteurs. Les intérêts sont multiples, à la fois pour les consommateurs, les producteurs et le développement rural. Tout ceci devrait pousser le gouvernement à investir dans l’établissement d’une liste des indications géographiques américaines. Toutefois, les produits d’origine existent aux Etats-Unis. Moins mis en valeur, ils trouvent leur support sur les marques qui forment une sorte d’appellation. À présent, il devient intéressant de changer d’échelle et de présenter l’oignon de Vidalia qui illustrera notre propos.
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Table des matières
REMERCIEMENTS
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
CHAPITRE 1 – CADRE CONCEPTUEL ET PROBLEMATIQUE
CHAPITRE 2 – CHOIX DU PRODUIT ET CONTEXTUALISATION
DEUXIEME PARTIE
CHAPITRE 3 – LE CADRE JURIDIQUE ET POLITIQUE
TROISIEME PARTIE
CHAPITRE 4 – LE PORTAIT DES OIGNONS DE VIDALIA
CHAPTIRE 5 – LA REGLEMENTATION AMERICAINE
CONCLUSION
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