La notion de représentation en didactique

Vers la fin des années 1990, Internet fait son entrée dans les établissements scolaires, amenant avec lui de nouveaux usages et de nouvelles pratiques. Depuis, le rapport au savoir est modifié, la place de l’École est remise en question et éduquer les jeunes générations à une culture informationnelle est reconnu comme primordial par de nombreux pays et organisations internationales. En effet, la « société de l’information » dans laquelle nous vivons actuellement soulève de nombreux enjeux d’ordre éducatif, économique ou encore citoyen et il en va du devoir de l’École de préparer les jeunes d’aujourd’hui à ces questions afin de les rendre autonomes et responsables dans leur vie future. Il est nécessaire de leur fournir des clés intellectuelles, clés qui les aideront à garder des repères dans une société où tout va toujours plus vite et dans laquelle un esprit critique bien affuté est la meilleure arme pour faire face au flot continu d’informations et aux dérives possibles d’instrumentalisation de l’Homme à travers les nouvelles technologies. La mission pédagogique du professeur documentaliste est, de ce fait, plus que jamais essentielle au vu de ses compétences professionnelles qui font de lui un des spécialistes de la culture informationnelle et des enjeux qui en découlent. En effet, issue des Sciences de l’information et de la communication (SIC), l’information-documentation s’intéresse de très près à l’univers numérique, à Internet et au Web, notamment à travers le prisme du document et de l’information. Son vaste champ d’étude et les différentes notions qui lui sont rattachées permettent au professeur documentaliste d’aborder avec les élèves des thèmes variés en travaillant autour de questions ayant trait à l’information, au document, à la source, à l’indexation, à l’espace informationnel, à la recherche d’information ou encore à l’exploitation de l’information.

La notion moteur de recherche reflète totalement ce que nous venons d’énoncer. Utilisé quotidiennement par les élèves à l’école comme à la maison, le moteur de recherche est souvent la seule et unique porte d’entrée au Web et donc aux informations qui s’y trouvent. Son utilisation naturelle et systématique favorise son impensé. Pourtant, un moteur de recherche n’est pas neutre et il est primordial de bien comprendre son fonctionnement, le modèle économique et l’idéologie qui le régissent afin d’acquérir un certain recul critique nécessaire et ne pas être enfermé dans la vision du monde qu’il propose. Les moteurs de recherche apparaissent donc comme des objets d’étude importants à enseigner, porteurs d’une réflexion dense pour les élèves dont le professeur documentaliste a la charge. D’autant plus que les notions liées à celle de moteur de recherche sont elles aussi nombreuses (accès à l’information, indexation des documents, référencement, pertinence, validation de l’information, mémorisation des données, présence et place des liens publicitaires…) et l’École, aujourd’hui entrée dans l’«ère du numérique » , ne peut faire l’économie de ces enseignements.

La notion de représentation en didactique

Avant de nous intéresser plus en détail à cette notion de représentation, nous voudrions rappeler ce que Christian Orange et Denise Orange Ravachol, respectivement professeur titulaire de la chaire de didactique comparée à l’Université Libre de Bruxelles et professeur à l’Université de Lille 3, écrivaient à ce propos dans le numéro 17 de la revue Recherche en Éducation d’octobre 2013 consacré aux représentations.

« En 1989, Jean-Pierre Astolfi et Michel Develay remarquent que « le concept utilisé en didactique des sciences dont le succès a été le plus spectaculaire au cours des dix dernières années est assurément celui de représentation ». Et, s’il faut attendre les années 2000 pour que le terme apparaisse dans les documents officiels de l’école primaire (programmes de 2002 notamment) et dans ceux du collège (programmes de 2005, par exemple), la prise en compte des représentations est bien, en France, la première trace explicite des recherches didactiques dans les programmes de sciences. Tout cela semble montrer que nous avons affaire à un concept didactique important. Pourtant les représentations des élèves ne font plus, à proprement parler et depuis plusieurs années, l’objet de recherches didactiques. Et la variété des termes employés pour désigner des idées proches – conceptions, connaissances naïves, raisonnements spontanés – laisse au contraire penser qu’il s’agit plus d’une notion mal assurée que d’un véritable concept didactique » .

On le voit, le concept de représentation est un concept important même s’il semble délaissé ces dernières années. Nous allons nous efforcer dans cette partie consacrée aux représentations d’en dresser un tableau aussi complet que possible afin de montrer le rôle et l’importance cruciale que jouent les représentations dans l’enseignement-apprentissage.

Sources historiques et définition

Le concept de représentation apparaît pour la première fois en 1898 chez Émile Durkheim, fondateur de la sociologie moderne, dans son travail sur les formes collectives de pensée au sein des sociétés et dans lequel il différencie les représentations individuelles des représentations collectives. Jean Piaget, psychologue connu notamment pour ses travaux en psychologie du développement, s’y intéresse en 1926 dans son ouvrage sur La représentation du monde chez l’enfant. Serge Moscovici, chercheur en psychologie sociale, élabore en 1961 le concept de représentations sociales qui permet de mieux comprendre les individus et les groupes en analysant la façon dont ils se représentent eux mêmes, les autres et le monde. Il faut attendre 1970 et l’article de Jean Migne intitulé « Pédagogie et représentations » pour que le concept de représentation fasse son entrée dans les sciences de l’éducation. Mais ce n’est que dans les années 1980 que les didactiques se sont véritablement emparées du sujet à travers des ouvrages de Jean Pierre Astolfi, André Giordan, Gérard De Vecchi ou encore Michel Develay.

Les représentations peuvent être définies comme « des systèmes de connaissances qu’un sujet mobilise face à une question ou à une thématique, que celle-ci ait fait l’objet d’un enseignement ou pas » . Selon Gérard De Vecchi et André Giordan, les représentations désignent « un ensemble d’images mentales, de modèles, avant même qu’une activité quelconque ne débute » . Jean Berbaum, professeur en sciences de l’éducation, explique que les représentations sont des constructions provisoires, passant par des reconstructions de plus en plus élaborées, au fur et à mesure que l’on travaille sur le concept. Dans sa thèse de doctorat sur l’imaginaire et les représentations de la recherche d’information sur Internet, Anne Cordier privilégie l’expression de « système de représentations », empruntée à JeanClaude Sallaberry, car elle rend bien compte des deux aspects qui cohabitent au sein d’une représentation : un processus et un produit. Elle explique en effet que la représentation « permet au sujet de s’approprier le réel en lui appliquant son filtre interprétatif propre » et qu’elle est « le reflet d’une relation entre le sujet et l’objet ».  Autrement dit, tout individu cherche à expliquer le monde à l’aide de raisonnements ou de théories qu’il aura construits à partir de ce qu’il connaît ou croit connaître.

Présent dans de nombreuses disciplines de recherche comme l’histoire, la géographie, la philosophie ou la psychologie, le terme de représentations s’avère être polysémique. De plus, selon les auteurs, le concept de représentations revêt différentes terminologies : préconcepts, déjà-là conceptuels, modèles spontanés ou encore certitudes prématurées. André Giordan et Gérard De Vecchi proposent de remplacer le terme de représentation (terme « ambigu » et concept « mou à définition floue ») par le terme de conception qui rend mieux compte du processus de l’activité de construction mentale du réel . De plus, le fait que ce terme renferme la notion de concept traduit la véritable nature de son but, celui de rejoindre le concept visé. Nous nous rangeons à cette proposition et nous utiliserons désormais le terme de conception, d’autant plus qu’il fait consensus dans le champ de la didactique.

Filiation pédagogique : le constructivisme 

La prise en compte des conceptions des élèves s’inscrit dans un modèle pédagogique bien particulier : celui du constructivisme. Fondé par Jean Piaget, le modèle constructiviste met l’élève au centre de son apprentissage, postulant que c’est le sujet qui construit ses connaissances. Il se démarque en cela des deux autres grands modèles traditionnels que sont le modèle transmissif et le modèle comportementaliste. Une brève présentation de ces différents modèles permettra de mieux saisir les spécificités de chacun d’entre eux dans le but de bien mettre en évidence le lien entre conceptions des élèves et constructivisme. Le modèle transmissif, également appelé modèle du remplissage, est un modèle empirique qui considère que pour transmettre un savoir, il suffit de le communiquer. Dans ce modèle l’accent est mis sur le maître et les savoirs tandis que l’élève, tête vide complètement passive que l’on remplit, est vu comme un contenant qui est supposé « retenir ». S’il a été suffisamment attentif, l’élève doit être capable de restituer la leçon sans déformation. Le cours magistral est sans doute la meilleure illustration de ce modèle de pédagogie. Dans le second modèle, appelé comportementaliste ou encore behavioriste, une pensée plus pragmatique est à l’œuvre. La pédagogie s’appuie ici sur l’observation et la conduite des élèves. L’activité de l’élève est guidée pas à pas à l’aide de consignes et d’exercices qui décomposent la tâche principale en tâches simples. Ce modèle se réclame d’une pédagogie de la réussite, déclarant qu’il n’y a aucune tâche que l’élève ne puisse réaliser quand elle est mise à sa portée. Le rôle de l’enseignant est de construire une méthode efficace, découpée en étapes et jalonnée d’exercices, que l’élève doit suivre scrupuleusement de façon linéaire (méthode de Skinner) ou bien de façon ramifiée selon ses pré-acquis (méthode de Crowder) afin d’accéder à un nouvel état de connaissances. L’accent est donc mis ici sur une méthode et l’apprentissage n’est envisagé que sous un angle procédural. Le savoir est observé en termes de compétences (l’élève est capable de…), non en termes de notions, et l’efficacité de la méthode se mesure à l’obtention chez l’élève d’un comportement attendu. Ce modèle pédagogique ne s’intéresse qu’à ce qui peut être observable ou mesurable, ce qui l’amène à faire l’impasse sur le processus cognitif, dont le fonctionnement ne peut être observé, et sur la psychologie cognitive de l’élève.

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Table des matières

Introduction
PREMIÈRE PARTIE Approche épistémologique et didactique des objets d’étude
1.1. La notion de représentation en didactique
1.1.1. Sources historiques et définition
1.1.2. Filiation pédagogique : le constructivisme
1.1.3. Origines des conceptions
1.1.4. Fonctionnement et fonctions des conceptions
1.1.5. Caractéristiques des conceptions
1.1.6. Place des conceptions en didactique
1.1.7. Différents niveaux de prise en compte des conceptions
1.1.8. Que deviennent les conceptions fausses ?
1.1.9. Conceptions et niveaux de formulation
1.1.10. Les conceptions en information-documentation
1.2. La genèse du moteur de recherche
1.2.1. Histoire du moteur de recherche
1.2.2. Définition du moteur de recherche
1.2.3. Fonctionnement du moteur de recherche
1.2.4. Typologie des moteurs de recherche
1.2.5. L’exploration du Web par les moteurs de recherche
1.2.6. Les tendances d’évolution des moteurs de recherche
1.2.7. Enjeux liés aux moteurs de recherche
1.3. Le moteur de recherche Google
1.3.1. Historique de l’entreprise et du moteur de recherche Google
1.3.2. Google en chiffres
1.3.3. Fonctionnement du moteur de recherche Google
1.3.4. Les raisons d’un succès
1.3.5. Enjeux informationnels et sociopolitiques
1.4. Les adolescents et la recherche d’information sur Internet / sur le Web
1.4.1. L’utilisation d’Internet et des TIC chez les adolescents
1.4.2. Stratégies et pratiques informationnelles en ligne des collégiens
1.5. La notion moteur de recherche dans le secondaire
1.5.1. La place accordée à la notion moteur de recherche par l’institution
1.5.2. La notion moteur de recherche vue par les professeurs de technologie : exemples de traitement pédagogique
1.5.3. La notion moteur de recherche vue par les professeurs documentalistes : exemples de traitement pédagogique
1.5.4. Le travail de didactisation des notions moteur de recherche et outil de recherche par la FADBEN et un groupe de travail de l’académie de Nantes
1.6. Hypothèses de recherche
1.6.1. Synthèse de travaux de recherche en SIC
1.6.2. Formulation des hypothèses de recherche
DEUXIÈME PARTIE Étude spécifique auprès de 4 classes de collège
2.1. Cadre méthodologique
2.1.1. Cheminement intellectuel au cours du Master Documentation
2.1.2. Choix méthodologique de recueil de données
2.1.3. Élaboration du questionnaire
2.1.4. Présentation du questionnaire
2.1.5. Choix du type d’entretien
2.1.6. Présentation du guide d’entretien
2.2. Contextualisation de l’enquête
2.2.1. L’EPLE
2.2.2. Les classes laboratoires
2.3. Déroulement de l’enquête et des entretiens
2.3.1. Protocole de passation et déroulement de l’enquête
2.3.2. Présentation de la mise en place de la situation de communication et déroulement des entretiens
2.3.3. Analyse des différents biais de la recherche
2.4. Traitement et analyse des données
2.4.1. Méthodologie adoptée pour le questionnaire
2.4.2. Méthodologie adoptée pour les entretiens
2.5. Résultats bruts
TROISIÈME PARTIE De l’analyse à la prospection
3.1. Analyse et interprétation des données
3.1.1. Les données du questionnaire
3.1.2. Les entretiens
3.2. Synthèse de l’analyse
3.2.1. Confrontation des résultats avec les hypothèses de départ
3.2.2. Essai d’une typologie des conceptions du moteur de recherche
3.3. Discussion
3.3.1. Les faiblesses du questionnaire
3.3.2. Les faiblesses des entretiens
3.3.3. Incertitude de l’analyse, biais du traitement des données
3.4. Mise en perspectives
3.4.1. Proposition de didactisation de la notion moteur de recherche
3.4.2. Implications professionnelles
Conclusion

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