La personne âgée
La notion de personne âgée est à priori subjective, puisqu’un élève du collège est «un vieux » pour un enfant de niveau primaire, alors qu’une personne de 60 ans est jeune pour celle de 80 ans. Beaucoup d’expressions sont employées pour définir une seule et même personne : âgé, vieux, ancien, senior, aîné, hors d’âge, retraité, ancêtre, vieillard. Le terme qui paraît le plus approprié pour cette revue de littérature est personne âgée, comme l’indique Guinchard-Kunstler et Renaud (2006), « finalement, l’expression la plus neutre, la plus couramment admise est personne âgée qui manque un peu de couleur et de chaleur mais a au moins l’avantage de sous-entendre que, même âgé, on reste une personne » (Guinchard-Kunstler & Renaud, 2006). Dans leur ouvrage, sous l’appellation plus scientifique d’« adulte d’âge avancé », Bee et Boyd (2011) admettent une division de cette catégorie de personnes en trois sous-groupes : le 3ème âge (de 65 à 75 ans), le 4ème âge (de 75 à 85 ans) et le 5ème âge (à partir de 85 ans).
En outre, cette période de la vie présente une grande diversité de situa-tions, certains adultes souffrant de pertes cognitives ou d’incapacités à partir de la cin-quantaine, alors que d’autres semblent conserver la totalité des capacités et une grande partie de leur vigueur physique jusqu’à l’âge de 70, 80 et même 90 ans (Bee & Boyd, 2011, p. 384). Selon Bee et Boyd (2011), l’espérance de vie (nombre moyen d’années qu’une per-sonne peut espérer vivre à partir d’un certain âge) a augmenté rapidement dans les pays développés au cours des dernières décennies. Ces auteurs précisent encore que « cer-tains médecins et physiologistes prévoient que l’amélioration des soins de santé et des habitudes de vie permettra à la grande majorité des adultes d’atteindre le plein potentiel de leur durée de vie maximale » (Bee & Boyd, 2011, pp. 384-386).
La polypathologie / polymorbidité
Dans le dictionnaire médical, la définition de la polypathologie est « la présence chez une même personne de plusieurs maladies sans relation directe entre elles » (Manuila, Manuila, Lewalle, Nicoulin, & Papo, 2015, p. 397). Le terme polymorbidité n’apparaît pas dans cet ouvrage. Ces deux dénominations se confondent dans la littérature ainsi que dans la pratique. La HAS6 admet que différentes appellations se mélangent : polymorbidi-té, polypathologie, multimorbidité, comorbidité ou encore patient complexe. Une diffé-rence est toutefois évoquée. La polymorbidité fait référence à un concept centré sur la maladie et la polypathologie s’axe plutôt sur le patient (Haute Autorité de Santé, 2015).
Selon Voyer (2013), une personne polypathologique, polymorbide ou multimorbide souffre de plusieurs maladies chroniques en même temps (Voyer, 2013, p. 10). Selon Riat et al. (2012), les guides de bonnes pratiques sont orientés principalement sur la prise en charge d’une seule maladie et ne prennent pas en compte la complexité d’une addition de pathologies. Ils ne sont donc pas d’une grande aide dans les soins aux personnes souffrant de polypathologies.
Le médecin doit composer avec les multiples re-commandations et faire des choix parfois difficiles dans les différentes possibilités théra-peutiques (Riat, Rochat, Büla, Renard, & Monod, 2012). Les auteurs du rapport national sur la santé 2015 de l’Observatoire Suisse de la Santé ajoutent que les pathologies interagissent entre elles et conduisent les personnes âgées à des pertes fonctionnelles et d’autonomie (Bachmann, Burla, & Kohler, 2015, p. 111). Les polymorbidités devraient se développer davantage, les personnes âgées vivant de plus en plus longtemps, ce que confirme l’Observatoire Suisse de la Santé : « Compte te-nu du vieillissement croissant de la population, il faut s’attendre à l’avenir à une forte augmentation de la multimorbidité » (Bachmann, Burla, & Kohler, 2015, p. 111). Selon Riat et al. (2012), « la polymorbidité expose les personnes âgées à une polymédication (avec risque accru d’effets indésirables) et a été associée à une moins bonne qualité de vie, un risque augmenté de dépendance fonctionnelle* et d’utilisation de système de soins » (Riat, Rochat, Büla, Renard, & Monod, 2012).
La collaboration dans la pratique
L’infirmière se doit de connaître la personne, la famille, la communauté ou la popula-tion soignée pour assurer une prise en charge optimale et favoriser la continuité des soins prodigués. L’infirmière qui agit au plus près des personnes soignées a un rôle essentiel dans la coordination avec les autres professionnels et le maintien du patient au centre des réflexions et des décisions. Dans leur ouvrage, Pepin, Kérouac et Ducharme (2010) con-firment : Les infirmières cliniciennes* qui effectuent un suivi en connaissant bien les personnes et leurs milieux de vie facilitent les interactions avec les autres professionnels de la santé et des services sociaux, et favorisent les décisions prises avec les personnes visées. Le par- tage des réflexions améliore la compréhension de la situation de l’individu ou de la famille et stimule l’engagement des membres de l’équipe soignante. (p.93) Avec la complexification des soins et l’avancement des connaissances, chaque disci-pline professionnelle ne peut relever seule les défis qui s’offrent à elle.
Les différents professionnels de la santé, même dispersés dans des lieux différents, forment une équipe multidisciplinaire*, visant à être interdisciplinaire. Selon Pepin et al. (2010), « la combinai-son des apports de chaque membre de cette équipe permettra d’avoir un point de vue élargi de la situation » (Pepin, Kérouac, & Ducharme, 2010, p. 98). Les intérêts de chaque discipline diffèrent, malgré le souci de garder le patient et sa famille au centre de tout pro-cessus de soins. La complémentarité des disciplines permet toutefois une meilleure effi-cience dans la complexité des soins d’aujourd’hui. « Des perceptions et des compétences différentes sont sources d’enrichissement au sein d’une équipe animée par un esprit de partenariat » (Pepin, Kérouac, & Ducharme, 2010, p. 98). Hamric et al. (2014), de leur côté, rappellent que les efforts de transformation du sys-tème de soins de santé pour améliorer la précision du soin, la sécurité, la qualité, l’efficacité et la rentabilité échoueront si les cliniciens, équipes et administrateurs, n’assument pas l’important travail collaboratif nécessaire pour effectuer cette transforma-tion (Hamric & al., 2014, p. 332).
Dans l’équipe interdisciplinaire, chaque partenaire ainsi que la personne soignée se partagent l’autorité et les responsabilités selon les compétences requises pour un soin donné. Chacun intervient en fonction de ses aptitudes et de son savoir-faire. Le partage d’information et la prise de décision commune permettent de structurer une action com-mune (Pepin, Kérouac, & Ducharme, 2010, p. 99). Toujours selon Pepin et al. (2010), l’objectif commun ne pourra être atteint qu’en instaurant un climat de confiance et de res-pect entre les professionnels, où chacun connaît sa contribution et accepte que les rôles se chevauchent pour assurer les soins de santé. « La collaboration nécessite le dépas-sement du stade de l’affirmation de soi et de la compétition, et exige que l’on s’engage à travailler ensemble de façon authentique en se respectant les uns les autres pour le bien-être des principales personnes intéressées » (Pepin, Kérouac, & Ducharme, 2010, p. 99). Selon Hamric et al. (2014), la collaboration exige compétence clinique, but commun, compétence interpersonnelle et communication efficace. La confiance, le respect mutuel et la valorisation des connaissances et compétences de l’autre sont aussi importants mais ne se développent complètement qu’avec le temps (Hamric & al., 2014, p. 333).
En Suisse, l’ASSM8 a élaboré en 2014 une charte de collaboration entre les profes-sionnels de la santé, sur les recommandations du rapport 2007 « Les futurs profils profes-sionnels des médecins et des infirmiers dans la pratique ambulatoire et clinique » (Bauer, 2007, p. 22). Ce rapport clarifie les besoins de coopération entre les professionnels de la santé, considérant l’évolution des compétences de chacun. Il souligne cependant que le développement souhaité vers une meilleure collaboration « présente un potentiel conflic-tuel considérable », certains groupes défendant « farouchement les rôles et modèles tra-ditionnels, parce qu’ils craignent de faire partie des perdants face au changement » (Bauer, 2007, p. 19). La charte proposée par l’ASSM a pour principe prioritaire de garder le patient au centre du processus. Elle souhaite que « les professions de la santé clarifient et définissent leurs compétences et leurs responsabilités, pour les situations concrètes, dans un processus de concertation commun; en cas de chevauchement des compétences, les responsabili-tés doivent être explicitement définies ». Elle précise que les compétences profession-nelles doivent être au coeur de la répartition des tâches dans le processus de soins, dé-gageant ainsi les principes de hiérarchie ou de tradition (ASSM, 2014, p. 3).
La collaboration dans la formation
Les professionnels et futurs professionnels de la santé, quelle que soit leur discipline, devraient recevoir une formation pour une pratique collaborative interprofessionnelle effi-ciente. Selon Junod Perron et al. (2008), une telle formation permet une meilleure collabo-ration entre les différents soignants, dans un contexte de population vieillissante et d’augmentation des maladies chroniques. Ces auteurs indiquent que la formation interpro-fessionnelle « favorise une meilleure connaissance des compétences et limites des uns et des autres et promeut un respect mutuel des contributions de chacun » (Junod Perron, Perone, Kruseman, & Bischoff, 2008, p. 2030). Selon Pepin et al. (2010), l’aptitude à communiquer et à intégrer les personnes soi-gnées et les autres professionnels dans le processus de décision permet l’apprentissage de la collaboration. Ces auteurs parviennent à la conclusion que tous les professionnels de la santé devraient être formés en tant que membre d’une équipe interdisciplinaire.
Pour devenir des partenaires efficaces dans une relation de collaboration, d’après Pepin et al. (2010), les infirmières doivent avoir une bonne connaissance de leur discipline afin de négocier les zones de chevauchement avec les autres professionnels et de contribuer au processus de prise de décisions. En effet, Pepin et al. (2010) précisent que « les étu-diantes en sciences infirmières qui développent une identité disciplinaire bien définie peu-vent partager les valeurs propres à leur discipline avec leurs collègues dans un désir de se soutenir mutuellement pour fournir des soins de qualité » (p.158). En Suisse, l’IUFRS9 tente de relever ce défi et souhaite « former des infirmiers et des infirmières qui puissent participer activement à la collaboration interprofessionnelle pour améliorer la qualité, la sécurité et la continuité de soins mais aussi l’efficacité et l’efficience des systèmes de santé » (Morin, 2015). En effet, selon l’élément-clé n°5 de la charte de l’ASSM, « dans l’optique d’une pratique interprofessionnelle, les principaux éléments interprofessionnels et coopératifs sont intégrés dans les formations pré- et post-graduées des professions de la santé » (ASSM, 2014, p. 4).
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Table des matières
1 Résumé
2 Remerciements
3 Déclaration
4 Introduction
4.1 Problématique
4.2 Question de recherche
4.3 But de la recherche
5 Cadre théorique
5.1 La personne âgée
5.1.1 Le vieillissement de la population en Suisse
5.1.2 La polypathologie / polymorbidité
5.2 Les soins infirmiers
5.2.1 Le rôle infirmier
5.2.2 Le rôle infirmier et la collaboration
5.2.3 Le rôle infirmier dans les soins de longue durée en Suisse
5.3 La collaboration
5.3.1 La collaboration dans la pratique
5.3.2 La collaboration dans la formation
6 Cadre de référence
6.1. La collaboration selon Hamric
6.1.1 Les compétences de base pour la collaboration
6.1.2 Les impacts de la collaboration
6.1.3 Les impératifs de la collaboration
6.1.4 Les obstacles à la collaboration
6.1.5 Les stratégies de collaboration
7 Méthode
7.1 Devis de recherche
7.2 Collecte des données
7.3 Sélection des données
7.4 Considérations éthiques
7.5 Analyse des données
8 Résultats
8.1 Description de l’Etude 1 (Tjia, et al., 2009)
8.1.1 Validité méthodologique
8.1.2 Pertinence clinique
8.1.3 Utilité pour la pratique professionnelle
8.2 Description de l’Etude 2 (Donald, et al., 2009
8.2.1 Validité méthodologique
8.2.2 Pertinence clinique
8.2.3 Utilité pour la pratique professionnelle
8.3 Description de l’Etude 3 (O’Brien, Martin, Heyworth, & Meyer, 2009)
8.3.1 Validité méthodologique
8.3.2 Pertinence clinique
8.3.3 Utilité pour la pratique professionnelle
8.4 Description de l’Etude 4 (Caricati, et al., 2014)
8.4.1 Validité méthodologique
8.4.2 Pertinence clinique
8.4.3 Utilité pour la pratique professionnelle
8.5 Description de l’Etude 5 (Matziou, et al., 2014)
8.5.1 Validité méthodologique
8.5.2 Pertinence clinique
8.5.3 Utilité pour la pratique professionnelle
8.6 Description de l’Etude 6 (Treadwell, Binder, Symes, & Krepper, 2015)
8.6.1 Validité méthodologique
8.6.2 Pertinence clinique
8.6.3 Utilité pour la pratique professionnelle
8.7 Synthèse des principaux résultats
9 Discussion
9.1 Discussion des résultats
9.2 Discussion de la qualité et de la crédibilité des évidences
9.3 Limites et critiques de la revue de la littérature
10 Conclusions
10.1 Propositions pour la pratique
10.2 Propositions pour la formation
10.3 Propositions pour la recherche
11 Références bibliographiques
12 Annexe I : Tableaux de recension
13 Annexe II : Pyramide des preuves
14 Annexe III: Tableau récapitulatif des considérations éthiques
15 Annexe IV : SAED / SBAR
16 Annexe V : Modèles proposés par Caricati et al. (2014)
17 Annexe VI : Glossaire*
18 Annexe VII : Glossaire méthodologique
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