LA NOTION DE LOI DANS LES SCIENCES DE LA NATURE ET DANS LES SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES

Lโ€™ESPRIT DES LOIS EN PHYSIQUE CLASSIQUE

ย  ย Avant lโ€™avรจnement de la physique galilรฉo-newtonnienne, lโ€™idรฉe dโ€™un univers soumis ร  un dรฉterminisme a รฉtรฉ unanimement partagรฉe par un certain nombre de philosophes. Pour ces derniers, cโ€™รฉtait la seule condition pour lโ€™esprit humain de produire de la connaissance et de dire ce quโ€™il en est du monde. Cependant, cette conception dโ€™un univers dรฉterministe nโ€™a jamais fait lโ€™assentiment des savants depuis la naissance de la pensรฉe occidentale dans les iles ioniennes. La position de ceux qui rรฉcusent cette idรฉe consiste ร  dire que la rรฉalitรฉ de lโ€™univers rรฉside dans le mouvement et lโ€™รฉvolution. Il semble que cโ€™est dans cet ordre dโ€™idรฉes que sโ€™inscrit Jacques Monod, dans Le Hasard et La Nรฉcessitรฉ, lorsquโ€™il dit : ยซ Depuis sa naissance, dans les iles ioniennes, il y a prรจs de trois mille ans, la pensรฉe occidentale a รฉtรฉ partagรฉe entre deux attitudes en apparences opposรฉes. Selon lโ€™une de ces philosophies la rรฉalitรฉ authentique et ultime de lโ€™univers ne peut rรฉsider quโ€™en des formes parfaitement immuables, invariantes par essence. Selon lโ€™autre, au contraire, cโ€™est dans le mouvement et lโ€™รฉvolution que rรฉside la seule rรฉalitรฉ de lโ€™univers. ยป Cโ€™est ainsi que Empรฉdocle et Dรฉmocrite avaient montrรฉ que tous les phรฉnomรจnes naturels รฉtaient soumis au changement. Mais, il y avait malgrรฉ tout quelque chose dโ€™essentiel qui ne changeait jamais : les ยซ quatre รฉlรฉments ยป pour Empรฉdocle ou les ยซ atomes ยป pour Dรฉmocrite. En effet selon Empรฉdocle, ce qui forme le monde cโ€™est lโ€™รฉquilibre changeant et cyclique des quatre รฉlรฉments (eau, air, terre, feu), gouvernรฉ par deux principes ร  savoir lโ€™amour et la haine : ยซ Les quatre รฉlรฉments, dโ€™abord mรชlรฉs en une substance mixte, se dissocient sous lโ€™action de la haine. Mais une fois sรฉparรฉs, ils tendent alors ร  se rรฉunir sous lโ€™effet de lโ€™amour ยป , nous dit Laurence Hansen-Love. Quant ร  Dรฉmocrite, sa pensรฉe peut รชtre vue comme une rรฉponse ร  Parmรฉnide pour qui, seul lโ€™รชtre est, le non-รชtre nโ€™est pas. Dรฉmocrite souligne alors la difficultรฉ essentielle dโ€™une telle position. Sa thรจse est celle dโ€™une composition de la matiรจre, faite dโ€™atomes et de vide. Dans ce sens, sa mรฉthode peut รชtre qualifiรฉe de ยซ prรฉscientifique ยป car elle prรฉfigure la pensรฉe scientifique. En admettant la composition atomique de la matiรจre, sa composition rend (thรฉoriquement) possible le mouvement mixte dโ€™รชtre et de non-รชtre. Pour Dรฉmocrite, nous dit Hansen-Love, ยซ le monde matรฉriel, alors dรฉterminรฉ par le seul principe de causalitรฉ, est dรฉsormais concevable par lui-mรชme, sans aucune rรฉfรฉrence ร  Dieu ou surnaturel. De ce point de vue, Dรฉmocrite annonce non seulement Epicure et Lucrรจce, mais รฉgalement Descartes ยป. On le voit donc, lโ€™idรฉe dโ€™un univers soumis ร  un dรฉterminisme rigoureux apparait dans la pensรฉe de ces auteurs. Platon รฉtait dโ€™accord pour considรฉrer le problรจme, mais en le posant autrement. En effet, contre le sophiste Protagoras qui professait que lโ€™homme est la mesure de toutes choses, et quโ€™il y a donc autant de vรฉritรฉs que dโ€™individus, Platon soutient le contraire. Il affirme lโ€™universalitรฉ et lโ€™intemporalitรฉ du savoir vรฉritable. Or, cette vรฉritรฉ ne change pas selon les circonstances, les individus ou les moments. Pour Platon, savoir cโ€™est dรฉpasser la diversitรฉ et la versatilitรฉ des opinions humaines. Ceci en ramenant la multiplicitรฉ des choses ร  lโ€™unitรฉ dโ€™une dรฉfinition universelle. A la limite, rรฉduire le savoir ร  lโ€™opinion, comme le fait Protagoras, implique la doctrine du mobilisme universel, dรฉfendue par le philosophe Hรฉraclite. Car pour ce dernier, il nโ€™existe aucune rรฉalitรฉ stable ni permanente. Cependant selon Platon, pour que le savoir authentique soit possible, il faut par consรฉquent un autre monde. Un tel monde est fait dโ€™รชtres non-changeants, sans cesse identiques ร  eux-mรชmes, รฉternels : il sโ€™agit des Idรฉes ou essences. Cโ€™est ce que montre Jostein Gaarder dans Le monde de Sophie en ces termes : ยซ [Selon Platon], tout ce qui est sensible dans la nature est susceptible de se transformer(โ€ฆ) Platon soutenait quโ€™il existait une autre rรฉalitรฉ derriรจre le monde des sens. Cette rรฉalitรฉ, il lโ€™a appelรฉe le monde des idรฉes. Cโ€™est dans ce monde que se trouvent les ยซ modรจles ยป รฉternels et immuables qui sont ร  lโ€™origine des diffรฉrents phรฉnomรจnes prรฉsents dans la nature. ยป Mais selon Platon, les essences ne sont pas le fondement ultime des choses. Elles ont elles mรชmes un principe. Car si chacune est identique ร  elle-mรชme, elles sont nรฉanmoins plusieurs. Alors que la rรฉalitรฉ suprรชme doit รชtre une, simple et inconditionnรฉe, cโ€™est-ร -dire quโ€™elle doit รชtre condition de toute chose sans รชtre elle-mรชme conditionnรฉe par aucune autre. Ce principe inconditionnรฉ est selon Platon le Bien ou Un-Bien. Tous les objets connaissables, sensibles ou intelligibles, tiennent de lui ร  la fois leur รชtre et leur possibilitรฉ dโ€™รชtre connus. Cโ€™est en ce sens que Platon sโ€™intรฉressait beaucoup aux mathรฉmatiques, parce que les rapports mathรฉmatiques ne changent jamais. Cโ€™est pourquoi on peut prรฉtendre ร  une vraie connaissance dans ce domaine. Pour rรฉsumer, on peut dire que Platon a divisรฉ la rรฉalitรฉ en deux parties. Une premiรจre partie dans laquelle rรฉside une connaissance approximative et imparfaite que nous acquรฉrons en nous servant de nos sens. Une seconde partie constituรฉe par le monde des idรฉes qui nous permet dโ€™accรฉder ร  la vraie connaissance grรขce ร  lโ€™usage de la raison. Dโ€™aprรจs ce qui prรฉcรฉdรฉ, on peut dire et on doit mรชme dire que lโ€™idรฉe dโ€™un monde dรฉterminรฉ est ce qui fonde la connaissance chez Platon. Car, dans le monde des idรฉes oรน se trouve la vraie connaissance, tout est soumis ร  un dรฉterminisme rigoureux, ce qui rend la connaissance possible. Cependant, les positions de ces auteurs que Jacques Monod qualifie dโ€™ ยซ รฉpistรฉmologies mรฉtaphysiques ยป sont teintรฉes dโ€™idรฉologie. Ceci en ce que ยซ ces รฉdifices idรฉologiques, prรฉsentรฉs comme a priori รฉtaient en rรฉalitรฉ des constructions a posteriori destinรฉes ร  justifier une thรฉorie รฉthico-politique prรฉconรงueยน. ยป Au XVIIe siรจcle, on peut dire que la conception dโ€™un univers dรฉterminisme a รฉtรฉ reprise et posรฉe comme postulat thรฉorique par la science classique pour rendre compte des phรฉnomรจnes naturels. Mais cette entreprise de la science, dit Jacques Monod, ne sโ€™agit pas dโ€™une prise de position ร  ce dรฉbat. Elle met en place pour cela le postulat dโ€™objectivitรฉ qui oblige le scientifique de ne pas tenir compte de ses รฉtats dโ€™รขme et de son appartenance ร  une culture particuliรจre en matiรจre de science. Il doit suivre dans ce cas les normes รฉtablies par une communautรฉ scientifique quelconque. Mais si ces normes รฉtaient respectรฉes ร  la lettre aurait-on besoin dโ€™opรฉrer une distinction entre ยซ science du nord ยป et ยซ science du sud ยป ? Lโ€™introduction de la gravitation universelle et lโ€™effort de la mathรฉmatisation de la physique a fait de Newton le principal initiateur de la physique classique. Comme le dit ARTHUR KOESTLER, ยซ (โ€ฆ) Aprรจs plus de deux siรจcles, notre vision du monde reste gรฉnรฉralement newtonienne ยป. Mais celui en qui lโ€™esprit de la physique classique sโ€™incarne le mieux est, semble-t-il, Pierre Simon Laplace. En effet, les travaux de Newton avaient crรฉรฉ chez les philosophes et les scientifiques une foi en la science. Ceci en ce quโ€™il leur semblait que le pouvoir quโ€™avait lโ€™esprit humain dโ€™expliquer la nature est sans limite. Mais cโ€™est avec Laplace que lโ€™รฉnonciation du dรฉterminisme scientifique devient plus opรฉrante dans son Essai sur les probabilitรฉs. Le dรฉterminisme dominera ainsi toute lโ€™idรฉologie scientifique semblant รชtre une consรฉquence de la gravitation newtonienne. Alors que Newton exigeait que Dieu intervienne pรฉriodiquement afin de remonter le mรฉcanisme des planรจtes, le systรจme du monde que dรฉcrit Laplace est stable. De la rรฉgularitรฉ et de lโ€™autonomie des phรฉnomรจnes astronomiques, Laplace tire une thรฉorie du dรฉterminisme universel. Pour lui, aucun รฉvรฉnement ne survint dans la nature de maniรจre fortuite. Lโ€™รฉvolution de lโ€™univers, du monde microphysique jusquโ€™aux mouvements planรฉtaires est gouvernรฉe par des lois rationnelles et immuables. Cโ€™est ainsi que la connaissance de ces lois et celle de lโ€™รฉtat prรฉsent du systรจme permettent de prรฉdire lโ€™รฉtat du systรจme ร  nโ€™importe quel moment de son รฉvolution. Le futur tout entier est contenu dans le prรฉsent qui lui-mรชme รฉtait contenu dans le passรฉ. Cโ€™est pourquoi il dit ceci : ยซ Nous devons envisager lโ€™รฉtat prรฉsent de lโ€™univers comme lโ€™effet de son รฉtat antรฉrieur et comme la cause de celui qui va suivre. Une intelligence qui, pour un instant donnรฉ connaitrait toutes les forces dont la nature est animรฉe et la situation respective des รชtres qui la compose, si dโ€™ailleurs elle รฉtait assez vaste pour soumettre ces donnรฉes ร  lโ€™analyse, embrasserait dans la mรชme formule les mouvements des plus grands corps de lโ€™univers et ceux du plus lรฉger atome : rien ne serait incertain pour elle et lโ€™avenir comme le passรฉ serait prรฉsent ร  ses yeux. ยป Une telle affirmation laisse entendre non seulement lโ€™existence dโ€™une cause pour tout phรฉnomรจne, mais aussi et surtout la liaison de toutes ces causes en un systรจme cohรฉrent de lois connaissables excluant lโ€™existence de phรฉnomรจnes imprรฉvisibles. Il est vrai que le dรฉterminisme en tant que concept a fait naitre une abondante littรฉrature dans le champ de la science et dans la physique en particulier. En physique ce concept est tantรดt confondu avec celui de causalitรฉ, tantรดt diffรฉrenciรฉ avec celui-ci. Cโ€™est pourquoi nous orientons notre analyse dans le sens de ce concept posรฉ comme ce qui permet au physicien classique de nous dire ce quโ€™il en est de lโ€™Univers. Selon la distinction opรฉrรฉe par Jean Ullmo, la causalitรฉ consiste en lโ€™interaction entre les phรฉnomรจnes or, le dรฉterminisme est la possibilitรฉ de prรฉvenir lโ€™avenir par le prรฉsent. Pour la physique classique donc, il nโ€™y a pas dโ€™รฉvรฉnement survenant au hasard sans cause connaissable. Cโ€™est-ร -dire que le hasard nโ€™a pas dโ€™existence ontologique. Tout รฉvรฉnement qui survient dans le monde est dรป ร  une cause bien dรฉterminรฉe. De plus, tous ces รฉvรฉnements sont liรฉs entre eux en un systรจme de cause ร  effet. Cela signifie que la physique nโ€™est rien dโ€™autre que la recherche de ces lois de causalitรฉ. Ainsi, pour tenter de caractรฉriser lโ€™esprit classique, on peut dire que le physicien classique est rรฉaliste, dรฉterministe et quโ€™il croit en lโ€™objectivitรฉ de la nature. Ceci en ce que ces รฉlรฉments semblaient aux physiciens classiques des exigences de la raison, les conditions sine qua none de la science.

Lโ€™IRRUPTION DU DESORDRE ET LE STATUT DES LOIS PROBABILISTES

ย  ย Depuis que les physiciens ont commencรฉ lโ€™รฉtude des lois de la nature, la conception dโ€™un univers faisant place ร  lโ€™irrรฉgularitรฉ, ร  la discontinuitรฉ et au dรฉsordre รฉtait bannie de leur champ dโ€™investigation. Tous considรฉraient ces aspects comme รฉtant rebelle ร  lโ€™exploration des phรฉnomรจnes pour produire de la connaissance. Cependant, quelques annรฉes plus tard, notamment dans les annรฉes soixante-dix, lโ€™exploration du dรฉsordre avait commencรฉ ร  voir le jour, plus prรฉcisรฉment aux Etats-Unis et en Europe. Cette entreprise mobilise non seulement les physiciens mais aussi beaucoup de scientifiques รฉvoluant dans dโ€™autres domaines. Ils sโ€™agissent entre autres des biologistes, des chimistes, des mathรฉmaticiens. Tous รฉtaient ร  la recherche des aspects irrรฉguliers des phรฉnomรจnes de la nature. Ces propos suivants de JAMES GLEICK semblent illustrer bien ce fait : ยซ Depuis quโ€™il existe des physiciens รฉtudiant les lois de la nature, le monde a รฉtรฉ particuliรจrement ignorant du dรฉsordre de lโ€™atmosphรจre, de la mer turbulente, des variations des populations animales, des oscillations du cล“ur et du cerveau. Lโ€™aspect irrรฉgulier de la nature, discontinu et dรฉsordonnรฉ, est restรฉ une รฉnigme ou, pis, a รฉtรฉ perรงu comme une monstruositรฉ. Mais, dans les annรฉes soixante-dix, quelques scientifiques aux Etats-Unis et en Europe ont commencรฉ ร  explorer le dรฉsordre. Ceux furent des mathรฉmaticiens, des physiciens, des biologistes, des chimistes, tous ร  la recherche de relations entre les diffรฉrents types de comportements irrรฉguliers. ยป. Ainsi, les recherches sur le chaos ont fini par regrouper des disciplines qui, autrefois, รฉtaient sรฉparรฉs, ou pour dire comme JAMES GLEICK, ยซ le chaos supprime les frontiรจres entre disciplines scientifiques. ยป Cela signifie que des conceptions et des principes, qui autrefois รฉtaient sรฉparรฉes, deviennent similaires et se font jours dans plusieurs domaines diffรฉrents. Mais dans ce prรฉsent travail, seules les rรฉflexions allant dans le sens de la physique quantique nous intรฉressent. En effet, lโ€™exploration de la nature ร  lโ€™รฉchelle microphysique a obligรฉ les physiciens ร  changer de posture. Elle les pousse ร  reconnaitre que le dรฉterminisme tel quโ€™il apparait dans les lois de la thรฉorie classique nโ€™est pas universellement valable. Il existe des รฉvรฉnements qui sont, par principe, imprรฉvisibles parce que survenant au hasard. Cela sans quโ€™une cause nรฉcessaire les oblige ร  se produire ร  un moment donnรฉ. Cette situation apparait dรจs lors comme un renoncement ร  un principe dโ€™explication. Il implique aussi une reprรฉsentation radicalement diffรฉrente du monde. Dโ€™un univers absolument dรฉterminรฉ oรน tout est peut รชtre prรฉvisible, on passe ร  un univers oรน tout est seulement probable. Le but de la science nโ€™est plus de trouver des lois qui dรฉfinissent de faรงon certaine ร  un instant donnรฉ la position, la vitesse, lโ€™รฉnergie dโ€™un corpuscule, mais plutรดt de formuler une distribution probabilitaire de ces valeurs. Cette conception probabiliste dans sa formulation extrรชme, a รฉtรฉ particuliรจrement dรฉveloppรฉe par les positivistes logiques, comme Carnap. En effet pour Carnap, la structure causale de la mรฉcanique quantique dans la physique contemporaine est dรฉcrite par la plupart des physiciens et des philosophes comme non dรฉterministe. Une telle structure, nous dit-il, est plus faible que celle de la physique classique, ยซ parce quโ€™elle contient des lois fondamentales de caractรจre essentiellement probabiliste ยป. Ainsi, le postulat selon lequel la matiรจre repose sur une structure mathรฉmatique qui permet de prรฉdire avec toute la prรฉcision voulue est remis en cause. Parce que la thรฉorie quantique ยซ a dรฉmenti ยป ce postulat au moins en deux sens. Dโ€™abord, elle dรฉcouvre que lโ€™atome nโ€™est pas le constituant ultime de la matiรจre, au sens oรน il contient des รฉlectrons et un noyau. Ce noyau ร  son tour est composรฉ de neutron et de protons et les protons en mรฉsons. Ensuite, cette thรฉorie postule que les trajectoires des รฉlectrons ne sont pas dรฉterminรฉes, elles sont plutรดt alรฉatoires. Cโ€™est dans ce sens que semble sโ€™inscrite Etienne Klein lorsquโ€™il dit la chose suivante : ยซ (โ€ฆ) Les physiciens ont alors compris que les atomes, ces petits grains de matiรจre dรฉcouvertes quelques annรฉes plus tรดt, ne sont pas des objets ordinaires. Leur comportement nโ€™obรฉissant pas aux lois de la physique habituelle, il a fallu en mettre au jour de nouvelles (โ€ฆ) En lโ€™espace de quelques annรฉes, le monde est devenu mรฉconnaissable. Et les physiciens ont dรป inventer une nouvelle physique, la physique quantique, celle de lโ€™infiniment petit. ยป Etant donnรฉ quโ€™il nous est impossible de retracer toute lโ€™histoire, dans les dรฉtails, de la thรฉorie des quantas, nous allons essayer de dรฉgager sommairement la signification philosophique des relations dโ€™incertitudes de Heisenberg. Mais tout dโ€™abord il y a lieu de se demander ceci : dans quel contexte est apparue la conception des relations dโ€™incertitudes de Heisenberg ? Au XXe siรจcle, ร  en croire Pierre Guaydier, la physique a connu un remarquable essor que lโ€™on peut cadrer dans deux grandes directions. Dans la premiรจre, des gรฉnies รฉlaborent dโ€™originales thรฉories qui finissent par estomper les notions les plus classiques. Dans la seconde, un certain nombre de chercheurs, par leur imagination, mettent en place de nombreuses inventions. Mais nous allons essayer dโ€™analyser, de faรงon concise, la question allant dans le sens des thรฉories, plus prรฉcisรฉment dans la mรฉcanique. En effet, ร  la fin du XIXe siรจcle, lโ€™application des thรฉories classiques ร  la lumiรจre aboutit ร  la loi de de Rayleigh. Or, une telle loi va ร  lโ€™encontre de lโ€™expรฉrience, cโ€™est-ร -dire quโ€™elle a รฉchouรฉ dans ces tentatives dโ€™explication. Cโ€™est pourquoi il รฉtait indispensable dโ€™รฉpurer ces thรฉories pour sortir de cette impasse : ยซ cโ€™est ce que fit en 1900 lโ€™Allemand Max PLANCK (1858-1947). Pour lui, il nโ€™y pas de continuitรฉ dans les problรจmes concernant lโ€™รฉnergie, comme il รฉtait admis avant. Et pour mieux se faire comprendre, il รฉnonce le postulat suivant : ยซ La matiรจre ne peut รฉmettre lโ€™รฉnergie que dโ€™une maniรจre discontinue, par quantitรฉs finies, par quanta, dont la valeur est proportionnelle ร  la frรฉquence suivant la loi q= hf (loi de Planck) ยป. Dรจs lors, lโ€™รฉnergie eut un attribut quโ€™il partage avec la matiรจre car elle est dotรฉe dโ€™une ยซ structure granulaire ยป. Cโ€™est dans une telle logique que Planck a รฉtabli une loi qui sโ€™accorde avec lโ€™expรฉrience, en reprenant la thรฉorie des corps noirs. Ainsi, des jeunes sโ€™intรฉressรจrent bientรดt ร  la thรฉorie des quanta et lโ€™appliquรจrent ร  tous les problรจmes liรฉs ร  lโ€™รฉnergie ou, pour dire comme Pierre Guaydier, ร  presque toute la physique. Aprรจs les annรฉes 1920, nous dit lโ€™auteur, le quanta a fini par faire lโ€™assentiment chez les savants. Et la constante de Planck devient un รฉlรฉment fondamental de la physique moderne. Cโ€™est dans un tel contexte que sโ€™inscrit Heisenberg (1901) qui fait des quanta lโ€™รฉlรฉment essentiel de sa thรฉorie : ยซ Ce nouvel aspect de la physique moderne apparut encore plus nettement dans la mรฉcanique quantique, fondรฉe ร  partir de 1925 par un jeune physicien allemand, Heisenberg (โ€ฆ). Faisant des quanta lโ€™รฉlรฉment essentiel de sa thรฉorie, [ โ€ฆ]ยป En effet, en sโ€™intรฉressant au comportement des particules รฉlรฉmentaires, Heisenberg rompt avec le principe du dรฉterminisme. Mais aussi avec toutes les thรฉories qui se reprรฉsentent lโ€™atome comme une rรฉalitรฉ sensible. Ses travaux dans lโ€™algรจbre des matrices sont tout ร  fait incompatibles avec la commutativitรฉ de la multiplication qui est pourtant valable en physique classique. Les matrices peuvent รชtre considรฉrรฉes comme des nombres avec lesquels la commutativitรฉ de la multiplication nโ€™est pas respectรฉe.

LES ENJEUX THEORIQUES ET EPISTEMOLOGIQUES

ย  Avec lโ€™avรจnement de la thรฉorie quantique, la science moderne dรฉcouvre un ยซ nouveau continent รฉpistรฉmologique ยป [lโ€™expression est de Bado Ndoye] qui rompt avec les principes qui ont jusquโ€™ici accompagnรฉ la science classique. Or, une telle situation ne peut se solder que par une nouvelle faรงon de faire et une nouvelle vision de la science. Un certain nombre dโ€™รฉvรฉnements thรฉoriques comme ยซ lโ€™invention de la relativitรฉ, la dรฉcouverte des quantas, la crise des fondements en mathรฉmatique, lโ€™avรจnement du chaos et lโ€™essor des biotechnologies ยป , ont contribuรฉ au faรงonnement de cette ยซ nouvelle conscience ยป. James Gleick essaie dโ€™apprรฉhender cette situation en partant dโ€™une analyse qui consiste en lโ€™รฉlimination dโ€™une thรฉorie par une autre. ร€ son avis, ยซ la relativitรฉ a รฉliminรฉ lโ€™illusion newtonienne dโ€™un espace et dโ€™un temps absolu ; la thรฉorie quantique a supprimรฉ le rรชve newtonien dโ€™un processus de mesure contrรดlable ; le chaos, lui, รฉlimine lโ€™utopie laplacienne dโ€™une prรฉdictibilitรฉ dรฉterministe ยป. Le but de la philosophie est dans ce sens de se rรฉinterroger sur la science. Et cela a comme consรฉquence une remise en cause de lโ€™image positiviste quโ€™on se faisait de la science en adoptant une conception plus complexifiรฉe de la connaissance rationnelle. [Lโ€™idรฉe est de Bado Ndoye]. Ce changement de perspective dans le champ de la science a รฉtรฉ bien apprรฉhendรฉ par Thomas Kuhn dans La structure des rรฉvolutions scientifiques. Cโ€™est comme si les tenants de la thรฉorie quantique sont soudainement transportรฉs vers une sphรจre autre, au sein de laquelle se trouvent des objets qui leur sont inconnus. Autrement dit, en rompant avec les principes de la thรฉorie classique, les spรฉcialistes de la thรฉorie quantique sont comme emportรฉs dans un nouvel espace gรฉographique quโ€™ils ne connaissent pas bien. Pourtant, nous dit Kuhn, tel nโ€™est pas le cas. Cโ€™est seulement ยซ les changements de paradigmes [qui] font que les scientifiques, dans le domaine de leurs recherches, voient tout dโ€™un autre ล“il. Dans la mesure oรน ils nโ€™ont accรจs au monde quโ€™ร  travers ce quโ€™ils voient et font, nous pouvons รชtre amenรฉs ร  dire quโ€™aprรจs une rรฉvolution les scientifiques rรฉagissent ร  un monde diffรฉrent. ยป Cela revient ร  dire que le monde dans lequel le scientifique travaille nโ€™est pas fixe une bonne fois pour toutes. Il est plutรดt dรฉterminรฉ par lโ€™environnement dans lequel il travail et par la ยซ science normale ยป quโ€™il apprend ร  suivre. Cโ€™est la raison pour laquelle aux moments des rรฉvolutions, lโ€™homme de science change de vision quand change la tradition de science normale. Il est obligรฉ de rรฉapprendre ร  voir le monde autour de lui. Le monde de ses recherches lui paraitra ensuite, sur certains points, diffรฉrent de celui dโ€™avant. Cโ€™est pourquoi aux yeux de Kuhn, lโ€™utilisation de certains paramรจtres, comme lโ€™รฉnoncรฉ dโ€™une loi ou la seule dรฉfinition dโ€™un concept thรฉorique, ne suffisent pour le physicien qui vient de dรฉbuter. Il devient obligatoire pour ce dernier dโ€™apprendre ร  les utiliser dans diverses situations concrรจtes. Cโ€™est encore ce qui fait que ยซ les รฉcoles guidรฉes par des paradigmes diffรฉrents sont toujours lรฉgรจrement en dรฉsaccord. ยป Ce lรฉger dรฉsaccord reste visible dans le combat entre les tenants de la thรฉorie classique et ceux de la thรฉorie quantique. Parce que, malgrรฉ le fait quโ€™un bon nombre de scientifiques partagent la conception du ยซ paradigme de la complexitรฉ ยป, dโ€™autres ont fait de leur mieux pour conserver les principes du ยซ paradigme de la simplicitรฉ ยป. Cโ€™est pourquoi, ร  la question de savoir si les lois de la nature sont absolument dรฉterministes ou indรฉterministes, il est tout ร  fait difficile de trancher. A ce propos le dรฉbat reste loin dโ€™รชtre clos car selon Reichenbach, ยซ la discussion de ce problรจme a menรฉ ร  deux conceptions opposรฉes. Selon la premiรจre, lโ€™emploi des lois statistiques nโ€™est quโ€™un aveu dโ€™ignorance (โ€ฆ) La seconde conception reprรฉsente le point de vue opposรฉ. Elle ne croit pas ร  la causalitรฉ rigoureuse des mouvements de chaque molรฉcule ยป. Ainsi, nous pouvons dire que si la premiรจre รฉtape de la formation dโ€™un scientifique consiste en lโ€™apprentissage et en la conception de ce quโ€™est une bonne explication, la seconde consistera ร  rรฉaliser quโ€™il nโ€™y a pas une bonne explication dans lโ€™absolu. Car une explication nโ€™est satisfaisante que dans un contexte particulier. Ce qui signifie que cโ€™est le scientifique qui choisit ce qui doit รชtre expliquรฉ et comment lโ€™expliquer. Or, cela ne sera pas valable chez un autre scientifique, si ce dernier a reรงu une formation disciplinaire diffรฉrente. [Lโ€™idรฉe est de Michel Morange] Le dรฉbat entre Albert Einstein et Niels Bohr au congrรจs Solvay de mille neuf cent vingt-sept (1927)74 illustre bien cet esprit de dรฉsaccord. Mais en quoi consiste dโ€™abord le congrรจs ? Il sโ€™agit de la crise de la raison qui a comme consรฉquences la remise en cause des principes de la physique classique. Pour Cheikh Anta Diop, il sโ€™agit de la ยซ crise de la raison dans la mesure oรน le principe de causalitรฉ, le dรฉterminisme, la sรฉparabilitรฉ des phรฉnomรจnes et leur objectivitรฉ qui rรจgnent en macrophysique sont fondamentalement mis en cause en microphysique ยป. En effet, malgrรฉ les nombreuses tentatives effectuรฉes par Einstein, en vain, pour sauver les principes de la mรฉcanique classique, il nโ€™a jamais cessรฉ de soutenir lโ€™idรฉe que lโ€™univers est dรฉterminรฉ. Pour lui, sโ€™il lui arrive dโ€™รฉchouer ses tentatives de dรฉmontrer que lโ€™univers est dรฉterminรฉ, cela ne signifie pas que la nature est indรฉterminรฉe. Cโ€™est plutรดt son incapacitรฉ ร  pouvoir dรฉmontrer cela. Ses discussions avec Max Born, dans une correspondance de 1916-1965, illustrent bien ร  quel point Einstein tenait aux principes de lโ€™ancien paradigme. Il dit ceci : ยซ Lโ€™avis de Bohr sur le rayonnement mโ€™intรฉresse fort, รฉcrit-il ร  Max Born. Mais, je ne voudrais pas me laisser entrainer ร  renoncer ร  la causalitรฉ stricte tant quโ€™on ne sโ€™en sera dรฉfendu de toute autre faรงon que jusquโ€™ร  prรฉsent. Lโ€™idรฉe quโ€™un รฉlectron exposรฉ ร  un rayonnement choisit en toute libertรฉ le moment et la direction oรน il veut sauter mโ€™est insupportable. Sโ€™il en รฉtait ainsi, jโ€™aimerais mieux รชtre cordonnier ou mรชme employรฉ dans un tripot que physicien. Mes tentatives pour donner aux quanta une forme concevable ont, ร  vrai dire, toujours รฉchouรฉ, mais je nโ€™abandonnerai pas tout espoir avant longtemps. Et si rien ne marche, je pourrai toujours me dire pour me consoler que lโ€™รฉchec ne tient quโ€™ร  moi ยป. Donc on peut dire, dโ€™aprรจs ce qui suit, quโ€™Einstein ne pouvait pas se rรฉsoudre ร  lโ€™idรฉe de voir les principes de la physique classique sโ€™รฉcrouler. Il ne tardera pas ร  mettre en dรฉfaut ยซ la cohรฉsion interne de la mรฉcanique quantique, cโ€™est-ร -dire, son inaptitude ร  dรฉcrire toute laย  rรฉalitรฉ. ยป, comme le dit cheikh Anta Diop. Cela lโ€™amรจne, avec ces deux collaborateurs Podolsky et Rosen, ร  รฉcrire un article cรฉlรจbre en 1935 dans lequel il conรงoit lโ€™argument ou le paradoxe E.P.R. qui porte leurs noms successifs. Ils dรฉfinissent le principe de la rรฉalitรฉ comme suit : ยซ Si, sans perturber dโ€™aucune faรงon un systรจme, on peut prรฉdire avec certitude la valeur dโ€™une quantitรฉ physique, il existe un รฉlรฉment de rรฉalitรฉ physique (relatif ร  ce systรจme, qui correspond ร  cette quantitรฉ physique ยป. Dans une interview de 1929, la position dโ€™Einstein devient plus radicale, car il va jusquโ€™ร  รฉtendre le dรฉterminisme dans tous les sphรจres de la rรฉalitรฉ. Pour lui, lโ€™insecte, lโ€™รฉtoile, les รชtres humains, les lรฉgumes, tout comme une poussiรจre dโ€™รฉtoile sont dรฉterminรฉs par une force invisible. Il dit ceci ร  ce propos : ยซ Tout est dรฉterminรฉ par des forces que nous ne contrรดlons pas. Tout est dรฉterminรฉ, pour lโ€™insecte comme pour lโ€™รฉtoile. Etres humains, lรฉgumes ou poussiรจre dโ€™รฉtoile, nous dansons tous au rythme dโ€™un air mystรฉrieux jouรฉ au loin par un joueur de flute invisibleยฒ. ยป Au dรฉbut du XXe siรจcle, Henri Poincarรฉ รฉtait convaincu que la science serait un jour capable de mettre fin ร  lโ€™idรฉe que nous nous faisions du hasard. Pour Poincarรฉ, ยซ une cause trรจs petite, qui nous รฉchappe, dรฉtermine un effet considรฉrable que nous ne pouvons pas ne pas voir, et alors nous disons que cet effet est dรป au hasard. ยปย Or, dit-il, tel nโ€™est pas le cas car, ยซ si nous connaissons exactement les lois de la nature et la situation de lโ€™univers ร  lโ€™instant ultรฉrieur. ยป

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Table des matiรจres

INTRODUCTION
CHAPITRE I : Lโ€™ESPRIT DES LOIS EN PHYSIQUE CLASSIQUE ET EN PHYSIQUE QUANTIQUE
SECTION 1 : Lโ€™ESPRIT DES LOIS EN PHYSIQUE CLASSIQUE
SECTION 2. Lโ€™IRRUPTION DU DESORDRE ET LE STATUT DES LOIS PROBABILISTES
SECTION 3 : LES ENJEUX THEORIQUES ET EPISTEMOLOGIQUES
CHAPITRE II : LOIS BIOLOGIQUES ET LOIS PHYSIQUES
SECTION 1 .DU MECANISME CARTESIEN A LA NAISSANCE DE LA BIOLOGIE
SECTION 2 .LE MECANISME PHYSICO-CHIMIQUE : DE LA NAISSANCE DE LA CHIMIE A LA REVOLUTION MOLECULAIRE
SECTION 3 : LES ENJEUX DE Lโ€™EXPERIMENTATION ET LE STATUT DES LOIS BIOLOGIQUES
CHAPITRE III : LOIS PHYSIQUES ET LOIS SOCIOLOQUES
SECTION 1 LES SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES : APPROCHE CONCEPTUELLE
SECTION 2 : LA POSTURE REDUCTIONNISTE EN SOCIOLOGIE
SECTION 3 : LES ENJEUX DE Lโ€™EXPERIMENTATION ET LE STATUT DES LOIS EN SOCIOLOGIE
CONCLUSION
BIBLIOGRPHIE

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