La notion de la sentence arbitrale
Le but ultime de l’arbitrage est d’aboutir à une décision définitive tranchant un litige. Appelée sentence arbitrale, cette décision est par conséquent inhérente à la procédure d’arbitrage puisqu’elle marque la fin de cette dernière. En effet, l’article 1710 du Code judiciaire dispose que: «Le tribunal arbitral tranche le différend.» Il s’agit de l’élément le plus distinctif entre l’arbitrage et les autres méthodes alternatives de résolution des conflits : l’arbitrage pourra mener à un jugement de nature privée qui, en outre, pourra aboutir à une exécution forcée, à l’issue d’une procédure d’exequatur.
La notion de sentence arbitrable ne fait pas l’objet d’une définition précise dans notre législation nationale. Nous pouvons définir la sentence arbitrale comme étant la décision par laquelle est clôturée la procédure d’arbitrage. En effet, par cette décision, le tribunal arbitral tranche de manière définitive le litige qui lui a été soumis. C’est en tout cas ce qu’il ressort d’un arrêt de la Cour de cassation française qui précise que: « les actes des arbitres qui tranchent de manière définitive, en tout ou en partie, le litige qui leur est soumis, que ce soit sur le fond, sur la compétence ou sur un moyen de procédure qui les conduit à mettre fin à l’instance.
La notion d’effectivité de la sentence arbitrale
Dans le dictionnaire, effectivité est définie comme suit: «caractère de ce qui est effectif», autrement dit, ce qui produit des effets. Cette notion concerne la réalisation d’un objectif souhaité. L’effectivité est ici synonyme de la capacité de concrétisation de l’objectif recherché.
L’arbitre poursuit le desiratum suivant: «la sentence arbitrale ne doit pas rester lettre morte». C’est précisément ce résultat que nous tentons d’obtenir en favorisant un maximum l’effectivité de la sentence arbitrale. Autrement dit, l’effectivité de la sentence arbitrale correspond, par conséquent (doit aboutir) à la mise en œuvre de la décision/ de celle-ci.
Par ailleurs, toute l’efficacité de la procédure d’arbitrage dépend de l’exécution de la sentence arbitrale qui en résulte. Pour que l’arbitrage soit efficace, il faut que la sentence arbitrale soit effective. Le législateur belge a donc prévu tout un arsenal législatif qui tend à garantir un maximum son effectivité.
Les différents types de sentences
Le Code judiciaire précise à l’article 1713, paragraphe 1er, que : « le tribunal arbitral statue définitivement ou avant dire droit par une ou plusieurs sentences » .
Ainsi, le droit belge compte plusieurs sortes de sentence : les sentences définitives, les sentences partielles et les sentences avant-dire droit.
La sentence définitive est la décision qui tranche définitivement tous les points du litige. La sentence partielle est, quant à elle, celle qui règle de manière définitive un ou plusieurs éléments du litige.
Quant à la sentence avant-dire droit, il s’agit de l’équivalent arbitral des jugements avant-dire droit : elle sert à ordonner une action préalable afin d’enquêter ou de régler provisoirement la situation entre les parties30. Elle n’est pas obligatoire31. Il convient à l’arbitre de décider si une telle mesure sera utile au déroulement de la procédure. Ainsi, dans le cas où la sentence avant-dire droit risque de créer un moyen dilatoire comme, par exemple l’allongement de la procédure d’arbitrage, il serait préférable de l’écarter. En revanche, si l’arbitre l’estime nécessaire, il peut décider de rendre plusieurs sentences avant-dire droit dans un même litige.
Comme nous le verrons, ces deux types de sentences répondent aux mêmes conditions de forme que la sentence définitive.
Tant les sentences partielles que les sentences avant-dire droit peuvent servir de base à une demande de force exécutoire.
Ces deux sentences diffèrent des sentences définitives en ce qu’elles n’épuisent pas la compétence du tribunal arbitral sur les questions résolues. En effet, les sentences définitives épuisent la compétence du tribunal arbitral, mais uniquement sur les points qui y sont tranchés.
L’arbitre peut rendre également une sentence dite « d’accord-parties »35. En vertu de l’article 1712, paragraphe 2, du Code judiciaire, les parties qui parviennent à un accord peuvent solliciter du tribunal arbitral qu’il constate cet accord. Cette sentence produit les mêmes effets que la sentence rendue sur le fond du litige. Celle-ci doit contenir les mentions prévues à l’article 1713 du Code judiciaire. De plus, le tribunal arbitral doit aussi vérifier que cet accord soit conforme à l’ordre public.
Enfin, il existe également des sentences additionnelles, qui viennent compléter la sentence finale. Cette sentence a lieu lorsque le tribunal a oublié de statuer sur un point du litige.
Conditions de forme et conditions de fond de la sentence arbitrale
Les conditions de forme siègent à l’article 1713 du Code judiciaire. Comme mentionné plus haut, la législation belge s’est fortement inspirée de la loi type de la CNUDCI et, plus précisément, de son article 31 en ce qui concerne les conditions de forme et de fond, bien qu’elle aille parfois au-delà de la loi type et, dans un même temps, s’en éloigne. Par exemple, en ce qui concerne les sentences arbitrales rendues en Belgique, la législation nationale exige qu’elles soient motivées, ce que la loi type n’exige pas, cette dernière permettant aux parties de convenir que la sentence ne soit pas motivée.
Conformément à l’article 1713, paragraphe 3 du Code Judiciaire, « la sentence arbitrale est rendue par écrit et signée par l’arbitre. Dans une procédure arbitrale comprenant plusieurs arbitres, les signatures de la majorité des membres du tribunal arbitral suffisent, pourvu que soit mentionnée la raison de l’omission des autres.» Les conditions de fond, quant à elles, sont au nombre de deux. Premièrement, la sentence arbitrale doit être motivée. Deuxièmement, l’article 1713, paragraphe 5, du Code judiciaire précise les mentions obligatoires devant apparaître dans la sentence arbitrale : «la sentence comprend notamment, outre le dispositif, les mentions suivantes : a) les noms et domiciles des arbitres; b) les noms et domiciles des parties; c) l’objet du litige; d) la date à laquelle la sentence est rendue; e) le lieu de l’arbitrage déterminé conformément à l’article 1701, § 1er.»
Sentence arbitrale versus jugement
La sentence arbitrale crée les mêmes effets dans les relations entre les parties qu’une décision judiciaire. Cela signifie que la sentence arbitrale entre les parties est dotée de l’autorité de la chose jugée.
Tout comme le jugement, la sentence arbitrale peut aboutir à un titre exécutoire. En effet, elle constitue un acte juridictionnel puisqu’elle produit les mêmes effets qu’une décision judiciaire, sans, cependant, disposer du caractère exécutoire.
Par conséquent, la sentence arbitrale est contraignante : toutes les parties doivent se conformer à cette décision. Néanmoins, si l’une des parties ne s’exécute pas, l’autre partie peut demander au tribunal de première instance de revêtir la sentence arbitrale de la formule exécutoire. Cette procédure d’exequatur permet ainsi à une partie de faire exécuter la sentence arbitrale contre la volonté de l’autre partie, sans avoir à suivre une nouvelle affaire devant le vrai juge.
Alors qu’il est possible de faire appel des jugements, sauf si la loi en dispose autrement50, il n’est pas toujours possible de faire appel de la sentence arbitrale ; tout dépend de ce que les parties ont convenu au départ. Cependant, si aucun appel n’est possible, les parties peuvent toujours saisir le tribunal pour demander l’annulation de la sentence arbitrale.
Contrairement au jugement, la sentence arbitrale est issue d’une convention d’arbitrage qui repose sur un accord entre les parties. Ainsi, celles-ci peuvent choisir de ne pas soumettre leur différend à un juge, mais à des arbitres. Ainsi, en vertu de l’article 1681 du Code judiciaire : « Une convention d’arbitrage est une convention par laquelle les parties soumettent à l’arbitrage tous les différends ou certains des différends qui sont nés ou pourraient naître entre elles au sujet d’un rapport de droit déterminé, contractuel ou non contractuel. »
Finalement, contrairement aux sentences arbitrales, les jugements sont en général rendus en audiences publiques. La sentence, quant à elle, est notifiée aux parties conformément à l’article 1713 paragraphe 8 du Code Judiciaire54 et doit, en principe, faire l’objet d’un dépôt au greffe du tribunal de première instance55 (sauf si les parties y renoncent).
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE I LA SENTENCE ARBITRALE EN DROIT BELGE
CHAPITRE I : GENERALITES
i. Cadre juridique
ii. La notion de la sentence arbitrale
iii. La notion d’effectivité de la sentence arbitrale
iv. Les différents types de sentences
v. Conditions de forme et conditions de fond de la sentence arbitrale
vi. Sentence arbitrale versus jugement
CHAPITRE II L’effectivité de la sentence arbitrale belge
SECTION I Des effets de sentence arbitrale favorisant son effectivité
i. L’autorité de la chose jugée
ii. Force probante de la sentence arbitrale
SECTION II Une mise en œuvre effective prévue par la législation national
i. L’absence d’appel
ii. Procédure en exequatur
iii. Recours en annulation limité contre la sentence arbitrale
SECTION III Autres mesures tendant à l’application maximale de la sentence arbitrale
i. Astreinte
ii. Mesures visant à sauvegarder la sentence
iii. Des recours limités contre les décisions émanant des juges étatiques
iv. Principe de l’autonomie de la convention d’arbitrage
PARTIE II L’EFFECTIVITE DE LA SENTENCE : ARBITRAGE INTERNATIONAL COMMERCIAL
CHAPITRE I GENERALITES
i. L’arbitrage commercial international et son cadre juridique
CHAPITRE II LA CONVENTION DE NEW-YORK
i. Buts et objectifs de la Convention
ii. Champ d’application
iii. Caractéristiques de la Convention tendant à l’effectivité de la sentence
iv. Les règles générales d’interprétation favorisant l’exécution des sentences
v. Quelques arrêts mettant en évidence la grande contribution de la Convention de New-York, en matière de reconnaissance et exécution des sentences arbitrales
vi. Motifs de refus
CHAPITRE 3 LA CONVENTION DE NEW-YORK DANS LE DROIT BELGE
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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