La nécessité du retour à la gestion des RN par les communautés de base

L’imposition prohibitive face à la dégradation des forêts

Le double visage des traditions

À Madagascar, les ascendants historiques de la gestion de la forêt montrent une certaine ambivalence. La survivance de deux (02) tendances contradictoires à savoir la protection et la dégradation parfois volontaire de la forêt, remet sur la table les contrastes du peuplement et des traditions de la Grande île. Les rapports sur la déforestation galopante se multiplient concomitamment à la réduction de la surface forestière du pays. Ainsi, la forêt d’antan avait été estimée à 19 380 722 ha soit 32,79 % du territoire (Guichon, 1958) et en 2015, ce pourcentage a été réduit à 21,4 % (Banque Mondiale, 2017). De nombreuses raisons expliquent le phénomène, mais la plus récursive dans les discours conservationnistes revient au « feu » dont les auteurs ont été identifiés comme les riverains des forêts victimes. Et pourtant, la pratique du feu ne reflète pas une prédisposition à la pyromanie, mais une méthode de reproduction socioéconomique séculaire sur quoi la survie et l’identité de tout un peuple reposent. En effet, la culture du riz, l’aliment de base des malgaches et l’élevage de bœufs, l’emblème national, requièrent tous deux le défrichement puis l’embrasement de la couverture végétale (Ramanantsoavina, 1965). D’un autre côté, dans certaines régions, des procédés de protection traditionnelle de la forêt ont été décelés chez des autochtones et se concrétisent par des règles coutumières, des interdits et l’acceptation d’éléments surnaturels qui surveillent constamment le mouvement des vivants. Cet ensemble de normes coutumières a contribué à la sacralisation de la forêt et éclaire la survivance actuelle des forêts primaires. Toutefois, la perpétuation de telles pratiques, localisées dans des zones reculées avec des sociétés fermées résistent mal aux pressions extérieures, conduisant souvent à la profanation des lieux sacrés puis à la dégradation de la ressource.

Encadré 1- La protection traditionnelle par les Bara Zafimanely
Les Bara Zafimanely ont depuis longtemps assumé le rôle de protecteur de la forêt, grâce à leur statut de tompontany qui leur permettait de contrôler l’accès d’autres groupes d’origines diverses et de limiter les quantités de prélèvement tout en tirant dans les deux cas des bénéfices matériels (accroissement sur troupeau, pourcentage élevé sur les récoltes des migrants, extension des réseaux d’alliance et de clientèle)… Lebigre Jean-Michel, Milieux et sociétés dans le Sud-Ouest de Madagascar, 1997 .

Le pragmatisme aux temps des Rois

Le Roi Andrianampoinimerina (1787-1810) se préoccupait déjà du sort des forêts dès le XVIIIème siècle et en avait fait la propriété inaliénable des souverains (Fanony, 1988). Il avait émis certaines règles comme l’interdiction de résider à l’intérieur de la forêt (Pomel, Salomon, 1998). Plus tard, vers 1988, sous le règne de Ranavalona II (1868-1883), les principes d’Andrianampoinimerina furent repris et complétés dans le « Code des 305 articles » (Lavauden, 1934) . Malgré les restrictions, le célèbre Roi se montrait magnanime en instituant les prémisses d’une conservation des ressources naturelles en harmonie avec la population locale. Malheureusement, l’édiction de telles normes n’avait pas empêché la destruction des habitats naturels.

Encadré 2- La politique forestière d’Andrianampoinimerina
« Voici la forêt dit le Roi, j’en fais le grand héritage indivis, le moyen de subsistance des orphelins, des femmes seules et de tous les malheureux… je décide que nul ne pourra les empêcher de venir dans la forêt dont je fais le moyen de subsistance de tous les pauvres et de toutes les femmes. Je vous charge de veiller sur la forêt »  Callet, R.P., 1972-1978 ; Histoire des rois, traduction G.S. Chapus & E. Ratsimba, Librairie de Madagascar ed. Antananarivo. Selon Andrianampoinimerina qui a régné de 1800 à 1810, la forêt est « un patrimoine non susceptible de répartition entre ses sujets pour éviter sa disparition complète et irrémédiable. C’est un bien commun inaliénable, fait pour l’usage et non pour l’appropriation individuelle. L’installation sera acceptée à l’orée de la forêt et non à l’intérieur ». Lavauden, 1934, « Histoire de la législation et de l’administration forestière à Madagascar », Revue des Eaux et Forêts .

L’interdiction sous la période colonialiste

Le recul notable des surfaces forestières (Girod-Genet, 1899) poussa l’Administration coloniale (1896-1960) à développer et à prendre en charge la politique forestière. La découverte d’espèces animales et végétales endémiques propres à la Grande Ile par des chercheurs étrangers  (Raveloarinoro, 2006) confortait les gouvernants dans l’adoption d’une politique de conservation qui s’est traduite par une répression et une exclusion des communautés locales jugées coupables de la dégradation de la forêt. En pratique, il fut question d’édiction de nouvelles réglementations , puis de contrôles, de sanctions pécuniaires et de la création du Service forestier . Étonnamment, les soucis de préservation furent compilés avec les desseins directeurs de l’expansionnisme telle la recherche de matières premières pour alimenter la machine industrielle et le commerce international. Les concessions de cultures phares vouées à l’exportation gourmande en terre, et l’exploitation de bois d’œuvre ont augmenté la pression sur les ressources naturelles et surtout sur la forêt (Bertrand, 2004). Cette double vocation de la politique forestière coloniale a mis à part d’un côté la population locale au profit de l’économie externe et n’a fait qu’accélérer le processus de dégradation des forêts.

L’élan social de la gestion communautaire

Le germinal d’une revendication rurale

Durant la période post coloniale, l’Administration a certes reconnu les erreurs de la politique conservationniste exclusive, mais a toutefois hésité à réellement impliquer les communautés locales dans la gestion des ressources naturelles. Elle avançait à tâtons à la quête d’une politique pouvant à la fois concilier la protection de l’environnement et le développement du pays et surtout des communautés de base (Bertrand, 1989). Il s’ensuit un bras de fer constant entre les organismes de conservation bénéficiant de soutien d’entités internationales et les populations rurales pourtant riveraines des forêts. L’opposition portant sur la gestion des ressources naturelles (Bertrand et al, 2009), c’est-à-dire : qui va gérer la forêt ? Comment la gérer ? Quelles sont les priorités ? Toutes ces interrogations en reviennent au dilemme conservation/valorisation. En effet, les communautés locales dépendent des forêts si ce n’est que pour l’alimentation (cueillette, chasse), l’énergie (bois de chauffe, charbons de bois), la santé (prélèvement de plantes médicinales), la construction (habitations, pirogues, matériels de production), l’artisanat (le tissage, sculpture) et les pratiques coutumières (lieux de cultes et d’interdits). Les organismes de défense de la nature souhaitent établir des sanctuaires en vue de préserver des espèces en voie de disparition. La création de sites à vocation de protection de la faune et de la flore a débuté bien avant .Mais dans un tel contexte de divergence inéquitable, cela a pris de l’ampleur. Des fois, les expériences ont démontré que sur le long terme, la mise au ban de la population locale avait des conséquences désastreuses (Karsenty, Fournier, 2008), car l’accumulation du sentiment de frustration dû à la « confiscation » des droits légitimes par l’Administration constitue une « bombe à retardement » pour la biodiversité. En clair, lorsque l’État se retrouve dans l’incapacité de faire valoir ses prérogatives (crises politiques, économiques, sociales ou chocs exogènes), la débâcle prend l’air de revanche et le pillage des ressources naturelles dépasse de loin les résultats de la politique de conservation.

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Table des matières

INTRODUCTION
Chapitre 1. La légitimation historique et doctrinale du processusde transfert de gestion des ressources naturellesà Madagascar
Section 1. La nécessité du retour à la gestion des RN par les communautés de base
I. L’imposition prohibitive face à la dégradation des forêts
I.1. Le double visage des traditions
I.2. Le pragmatisme aux temps des Rois
I.3. L’interdiction sous la période colonialiste
II. L’élan social de la gestion communautaire
II.1. Le germinal d’une revendication rurale
II.2. L’élaboration d’un cadre propice à un transfert de gestion des ressources naturelles
Section 2 : La reconnaissance et la diffusion de l’esprit communautaire
I. L’avènement des communaux
I.1. La crise des biens communs
I.2. La recette d’une gestion locale réussie
II. Le néologisme communautaire
II.1. La gestion participative
II.2. La gestion contractuelle
II.3. La gestion patrimoniale
II.4. La décentralisation de la gestion des ressources naturelles
II.5. La délégation de gestion
II.6. La déclinaison Gestion locale sécurisée /Gestion contractualisée des forêts de l’Etat
Chapitre 2. L’établissement du transfert de gestiondes ressources naturelles renouvelables sur la base de convention et de consolidation
Section 1 : La transcription procédurale de la démarche communautaire
I. L’harmonisation du management environnemental
I.1. Les étapes préliminaires
I.2. L’initialisation du transfert de gestion
I.3. La maturation du transfert
I.4. La conclusion du contrat de transfert de gestion
II. Les parties prenantes au transfert de gestion
II.1. Le trépied de la gestion communautaire
II.2. Un partenaire non négligeable : L’organisme d’appui
Section 2 : La viabilité du dispositif de Transfert de gestion
I. Le mécanisme progressif du transfert de gestion
I.1. La conduite de l’évaluation
I.2. La capitalisation des acquis
II. La popularité croissante des transferts de gestion
II.1. Une nette évolution quantitative
II.2. Une dispersion géographique notoire
Chapitre 3. L’histoire conjointe de la forêt de Tapiaet de la Commune de Soamahamanina
Section 1 : La singulière forêt de tapia
I. L’Uapaca bojeri dit tapia
I.1. Une espèce endémique nationale
I.2. Un arbre à la peau dure
II. Les multiples facettes de la forêt de tapia
II.1. Une prodigieuse source de bienfaits
II.2. Un écosystème en danger
Section 2 : La discrète Commune rurale de Soamahamanina
I. Soamahamanina et ses caractéristiques
I.1. Au cœur de l’Itasy
I.2. Les potentialités de la Commune de Soamahamanina
II. Une dizaine d’années de transfert de gestion à Soamahamanina
II.1. La mise en œuvre du transfert de gestion
II.2. La perception de la population riveraine
CONCLUSION

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