La nature et le fonctionnement de l’entrepreneur

Après une période de plus de trente ans de stagnation, le début du 21ème siècle s’est illustré par un regain de croissance en Afrique (Guillaumont, 2007). Pendant près d’une décennie, et jusqu’en 2008, suite aux politiques de réforme, au maintien de l’aide internationale et au prix élevé des matières premières, la plupart des économies sub-sahariennes ont connu des taux de croissance relativement élevés pendant près d’une décennie. La pauvreté s’est réduite, la santé et l’éducation se sont améliorées (Okonjo-Iweala, 2009).

En 2008, l’ensemble du continent africain est confronté à trois crises successives : la hausse de plus de 50 % des prix des denrées alimentaires, le prix du baril de pétrole culmine à 140 dollars et la crise financière mondiale n’épargne aucune région du monde. Le résultat de ces chocs fut catastrophique, illustré par les émeutes de la faim dans plusieurs pays. Toutefois, les réactions des Etats et l’aide internationale ont été rapides. Elles ont permis de ne pas laisser sombrer les pays les plus fragiles et de limiter l’euphorie dans les régions pouvant profiter de l’accroissement conjoncturel du prix des ressources naturelles.

Après un taux de croissance moyen de 5,5 % de 1995 à 2005, le développement de la zone sub-saharienne s’est accélérée à 5,7 % en 2006, 6,1 % en 2007. Sur la période 1997 – 2007, un pays comme le Sénégal a connu un taux de croissance du PIB de 4,5 %, le Mali de 5,7 %, le Burkina Faso de 5,9 %, le Bénin de 4,4 % et le Tchad de 8,1 %. La croissance s’est accompagnée d’une réduction de la pauvreté. Depuis 1995, le pourcentage des africains vivants avec moins de 1,5 dollar par jour est passé de 57 à 50. Parallèlement, les taux de scolarisation ont progressé rapidement et la lutte contre les épidémies a connu des progrès significatifs.

Trois ensembles d’explications macroéconomiques sont avancés pour comprendre ce développement. D’abord, après des années de sacrifices liés aux politiques d’ajustements structurels, les indicateurs macroéconomiques ont connu des améliorations significatives. Les taux d’inflation se sont fortement réduits pour représenter en 2007 la moitié de ce qu’ils étaient en 1995. Le « World Bank’s Country Policy and Institutional Assessment » est un autre indicateur qui témoigne de l’amélioration économique de la zone Afrique avec des niveaux de performance passant de 3,1 en 2001 à 3,25 au milieu des années 2000. Ensuite, l’augmentation du prix des matières premières au début des années 2000 a fortement contribué au développement des pays exportateurs. Enfin, l’aide extérieure s’est accrue pendant la période pour atteindre 40 milliards de dollars en 2006, principalement dû aux initiatives d’allègements de la dette qui ont permis une utilisation plus efficace des recettes fiscales.

La nature et le fonctionnement de l’entrepreneur

Aucune discipline ne peut embrasser à elle seule la nature et le fonctionnement d’un entrepreneur. Les tentatives disciplinaires pour appréhender le phénomène entrepreneurial rencontrent toutes des limites importantes : les économistes ont une approche très superficielle de l’entrepreneuriat ; les sociologues ont oublié l’entrepreneur dans leurs analyses ; les psychologues ne reconnaissent pas suffisamment l’importance du contexte pouvant influencer les actions de créateur des entrepreneurs. Afin de mieux comprendre le phénomène, une approche interdisciplinaire est incontournable. L’objet de ce développement est de rappeler les contributions de chaque champ de recherche et de faire émerger une approche plus globale du phénomène entrepreneurial.

Les approches économiques de l’entrepreneur

Jusqu’au 20ème siècle, les économistes ont largement ignoré l’entrepreneur dans leurs développements théoriques, à quelques exceptions notables près. Les économistes classiques étaient à la recherche des sources de la richesse des nations (terre, travail, capital), et les néoclassiques s’intéressaient aux questions de la valeur, de l’utilité marginale et des décisions rationnels quant à l’allocation optimale des ressources dans un monde de concurrence pure et parfaite. Ces approches laissaient peu d’espace à l’entrepreneur, et il fallut attendre les critiques importantes des hypothèses à la base de la théorie de l’équilibre, pour que le rôle de l’entrepreneur dans le processus de décision soit pris en compte (Casson, 1982; Kirzner, 1973 ; Schumpeter, 1934).

Chell (2008) dresse un panorama des principales écoles de la pensée qui ont abordé, de près ou de loin, le rôle de l’entrepreneur dans l’économie.

La synthèse des principales contributions des économistes à la compréhension de l’entrepreneuriat montre la prise de conscience progressive du rôle joué par les créateurs d’entreprises dans la croissance économique. Les approches théoriques précédentes expliquent la motivation de l’entrepreneur principalement dans la recherche du profit : exploiter les meilleures opportunités et intégrer les nouveaux développements technologiques dans le but de réduire les coûts ou d’acquérir un avantage compétitif.

Les économistes considèrent que l’entrepreneur agit sur un marché, mais les auteurs s’éloignent les uns des autres dans leurs approches de la théorie de l’équilibre et dans les hypothèses qu’ils posent. Les théories économiques traditionnelles sont déterministes, s’intéressent aux comportements rationnels et suggèrent que les productions sont prévisibles. Ces hypothèses sont progressivement remises en question : par exemple, le concept de destruction créative de Schumpeter (1961) indique qu’à certains moments les prévisions sont impossibles à établir. Shackle (1972 ; 1979) s’oppose à Kirzner (1980) en montrant que les entrepreneurs agissent en fonction de leur imagination, lieu où se situent les opportunités. Les jugements des entrepreneurs dépendent de leurs expériences, de leur personnalité, ambitions, aspirations et savoir. Il y a une reconnaissance de la part de nombreux économistes de l’importance des variables psychologiques et comportementales qui permettent de distinguer les entrepreneurs des autres acteurs économiques.

L’environnement socio-économique

L’environnement affecte les comportements individuels : l’entrepreneur est libre d’agir au sein d’un cadre social contraignant, dans un contexte culturel spécifique et avec des règles financières préétablies. Les opportunités et les limites auxquelles le créateur d’entreprise doit faire face sont présentes à des niveaux socio-économiques différents. Au plan macroenvironnemental, le cadre institutionnel rend possible ou limite les capacités d’action des acteurs. Au niveau méso, l’entreprise est un lieu où les opportunités se créent ou disparaissent. D’un point de vue micro, les interactions entre les individus et au sein d’une équipe peuvent être à la source de dynamiques entrepreneuriales.

Les opportunités et les limites au niveau macro-environnemental

Le macro-environnement traditionnel s’organise autour d’hypothèses déterministes en liens avec le contexte national et international qui encadre les comportements compétitifs. Les conditions de la concurrence sont considérées comme immuables et influencent les décisions des entreprises (Casson, 2005 ; Miller, 1983 ; Burns & Stalker, 1961). L’environnement est constitué de sous-systèmes socio économiques, politiques et légaux, eux-mêmes rendus plus complexes par les environnements physiques, technologiques et religieux.

Il y a l’idée que l’environnement est ailleurs ou qu’il est internalisé, produit et reproduit par les acteurs et les agents (Craib, 1992 ; Giddens, 1984). Dans ce contexte, on peut s’interroger sur le processus par lequel le comportement entrepreneurial se forge ou se trouve limité. Giddens développe une théorie de la structuration au sein de laquelle il existe un jeu de réciprocité entre la structure et les agents, ces derniers produisant et reproduisant la structure. La structure est constituée socialement autour des concepts de « signification » (production d’un sens), « légitimation » (les règles et les normes, le légal et l’illégal) et «domination» (l’exercice du pouvoir). Analytiquement, la structure, les agents et leurs interactions (structuration) sont des notions séparées. En effet, l’environnement crée des situations dont la plupart sont identifiées dans les actions routinières des agents. On peut ainsi anticiper les comportements et les schémas d’action à l’aide d’expériences passées. Le comportement prend du sens lors de la rencontre d’une situation connue et reconnue par les pairs comme appropriée. A l’inverse, l’environnement peut faire apparaître de nouvelles situations pour lesquelles les individus n’ont pas d’expériences passées. On se retrouve alors dans un contexte de liberté d’action dans lequel l’agent peut développer de nouvelles façons de travailler, de nouvelles procédures et de nouvelles règles.

Les structures sont les institutions qui font les sociétés et les nations dans lesquelles les entrepreneurs et les entreprises se développent. Les institutions comprennent le mariage, la famille, la religion, les banques ou la finance. Alors que la connaissance du fonctionnement de ces institutions varie, ces différences de savoir sont des facteurs qui distingue les agents entre eux, et plus spécifiquement les dirigeants et les entrepreneurs. Le statut ontologique de ces institutions et les systèmes qu’elles développent de part leur fonctionnement peuvent être questionnés. D’une part, elles sont considérées comme des structures concrètes produisant des résultats tangibles et, d’autre part, on leur attribue un caractère phénoménologique (Giddens, 1984). En fait, on peut considérer qu’elles sont les deux en même temps : les institutions ne sont pas seulement le résultat d’un discours, elles ont une existence attestée par l’information publique autour d’elles. Par exemple, la famille est une réalité tangible que l’on peut vivre au quotidien. Elle véhicule également des aspects normatifs et communicationnels plus intangibles.

Les structures institutionnelles forgent le comportement des agents mais ne les déterminent pas. Les règles développent des contraintes aux comportements individuels, mais elles laissent des espaces de liberté et de choix aux individus. Les règles ne sont pas des lois naturelles et elles peuvent être violées pour de multiples raisons : culturelles, mouvements sociaux, etc. Soulignons que la théorie de la structuration de Giddens suppose que les agents agissent dans un univers où les règles sociales sont établies. La routine guide les actions et ne favorise en rien l’entrepreneuriat et l’innovation. Cette vision est critiquable dans un contexte de globalisation, de changement technologique rapide, de développement des connaissances, d’abandon des repères moraux, etc. Ce monde complexe et peu unifié conduit les individus à chercher du sens à leur situation. Dans cet environnement, les comportements d’entrepreneurs prennent une réelle importance.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE LE CADRE THEORIQUE
CHAPITRE 1. LA NATURE ET LE FONCTIONNEMENT DE L’ENTREPRENEUR
Section 1. Les approches économiques de l’entrepreneur
Section 2. L’environnement socio-économique
Section 3. L’approche par les traits
Section 4. Les approches par les comportements
Section 5. L’intention d’entreprendre
Section 6. Les approches de la personnalité : interactionnisme et cognitivisme
Rappel des points-clés du chapitre 1
CHAPITRE 2. LE CADRE CONCEPTUEL
Section 1. La motivation entrepreneuriale
Section 2. Les antécédents et les facteurs modérateurs
Section 3. Les logiques d’action
Section 4. Le cadre d’analyse
DEUXIEME PARTIE LA DEMARCHE METHODOLOGIQUE
CHAPITRE 1. LES CHOIX METHODOLOGIQUES
Section 1. Les approches qualitatives alternatives
Section 2. Les approches quantitatives
CHAPITRE 2. LA METHODE DE RECHERCHE
Section 1. Les variables et leurs mesures
Section 2. L’échantillon
Section 3. La méthodologie d’analyse des données
TROISIEME PARTIE : L’ANALYSE EMPIRIQUE DE LA MOTIVATION ENTREPRENEURIALE
CHAPITRE 1. L’ANALYSE DES DIMENSIONS DES ECHELLES
Section 1. Les dimensions de l’échelle de la motivation entrepreneuriale
Section 2. Les dimensions de l’échelle mesurant les antécédents
Section 3. Les dimensions de l’échelle mesurant les logiques d’action
CHAPITRE 2. L’IMPACT DES CARACTERISTIQUES DE L’ECHANTILLON SUR LES DIMENSIONS DE LA MOTIVATION, LES ANTECEDENTS ET LES LOGIQUES D’ACTION
Section 1. L’influence des caractéristiques de l’échantillon sur la motivation
Section 2. L’influence des caractéristiques sur les logiques d’action
CHAPITRE 3. LA VALIDATION DU CADRE CONCEPTUEL
Section 1. La motivation entrepreneuriale, antécédents et les logiques d’action
Section 2. L’analyse comparée du cadre conceptuel avec les résultats sur l’échantillon français
CHAPITRE 4. LES CHEMINS DE LA MOTIVATION
Section 1. Aux origines des logiques d’action en Afrique
Section 2. Aux origines du besoin de maîtrise
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE

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