A travers le temps et l’espace, l’intégrité de la personne humaine est une valeur universellement reconnue. Le corps, truchement indispensable de toute vie quelle qu’elle soit, richesse première de l’humanité doit être protégé contre certains facteurs qui le menacent. Tout dommage corporel, atteinte à l’intégrité physique d’une personne, constitue une atteinte au droit de la personnalité le plus inviolable, à la sécurité publique et à la paix sociale : corrélativement tout individu a droit au respect de sa personne. Il en résulte une exigence de sécurité particulièrement impérieuse en matière d’intégrité des personnes et de dommages corporels. Elle relève du droit naturel comme Grotius le soulignait déjà. La déclaration universelle des droits de l’homme proclame que « tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté des personnes » .
D’où l’importance du rôle des médecins. Ils sont dotés de « la noble mission d’exercer leur art afin de prodiguer des soins pour soulager et guérir l’être humain dans ses dimensions physiques, morales et psychiques » (1). Il est indéniable et unanimement admis que le rôle qu’ils jouent est indispensable pour la santé publique. L’évolution spectaculaire de la médecine depuis quelques années au même rythme que l’avancée de la science et de la technologie présente des risques pour l’intégrité de la personne humaine .En effet, initialement objet servant la recherche de la perfection, la science a à travers son évolution inconsidérée asservi l’Homme pour ses expérimentations et se déshumanise. Comme le rappelle la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme: tout être humain a droit au respect de sa vie et de sa santé. L’Etat de son côté a pour rôle de prodiguer aux citoyens les moyens nécessaires pour leur permettre de protéger ce droit. Pendant très longtemps, le domaine de la responsabilité médicale est resté l’un des derniers où les victimes de dommages corporels étaient tributaires d’une responsabilité pour faute du médecin. La responsabilité du médecin n’est pas une notion nouvelle. Les Babyloniens avaient déjà un code « le code d’Hammourabi » qui comportait 282 dispositions parmi lesquelles la règle 218 « si un médecin incisant un abcès perd son malade ou l’œil de son malade, on lui coupera la main ». Dans les siècles qui suivirent, se succédèrent des périodes d’immunité totale puis des retours à une recherche de responsabilité des médecins. Le médecin était tenu d’une obligation de moyens et la mise en jeu de sa responsabilité dépendait de la preuve qu’il avait commis une faute. Il y a environs 30ans, le débat s’est ouvert sur la nécessité d’indemniser automatiquement les victimes d’accidents médicaux avec ou sans faute. L’aléa, pourtant inséparable de la médecine était devenu inadmissible. Le problème prend une envergure mondiale. Les pays du monde entier sont concernés, seules les réactions diffèrent. On peut citer les Etats-Unis, les pays scandinaves, la France….d’autres ont trouvé une solution adéquate au problème, contrairement à la législation malgache encore trop jeune où on ne peut que se référer à la pratique. La situation actuelle, met cruellement l’accent sur les déficiences de notre droit positif dans ce domaine. Pour les Etats-Unis, un rapport de l’ « Institute of Medecine » publié en 2000 rapporte qu’entre 44000 et 98000 américains par an décèdent à la suite d’erreurs médicales pourtant évitables. En 2005,190 poursuites ont été intentées contre des médecins au Québec dont 10% seulement se sont rendu devant les tribunaux avec un gain de cause d’une chance sur trois.7 malgaches sur 10 croient qu’une personne court de grandes risques d’être victime d’erreur médicale dans les hôpitaux publics si plus de 80% des victimes endurent leur mal faute de savoir ce qui leur arrive. Moins de 50% des agents de santé dans les formations sanitaires, si on ne cite que les domaines obstétricaux et néonatals, connaissent et exécutent correctement les gestes à faire pour prévenir les infections et les complications pendant le travail et l’accouchement. De même, moins de 50% des agents sanitaires connaissent et utilisent correctement les médicaments et produits nécessaires (1). Il est donc important de permettre aux victimes d’analyser ses droits dans la diversité des situations qui peuvent se présenter à eux. S’il est indéniable que le progrès de la médecine profite à la collectivité dans son ensemble, il devrait etre pourvu d’un encadrement adéquat.
LA NATURE DE LA RESPONSABILITE DU MEDECIN
Jusqu’en 1936, en cas de faute, le médecin engageait sa responsabilité civile délictuelle, sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil. Par un arrêt « Thouret-Noroy » du 18 juin 1835, la Chambre des requêtes de la Cour de cassation affirmait qu’il n’existait pas de contrat entre médecin et patient. Un revirement important eut lieu, par l’arrêt « Mercier » du 20 mai 1936 (1). La Chambre des requêtes considère qu’« il se forme entre le médecin et son client un véritable contrat comportant, pour le praticien, l’engagement, sinon, bien évidemment, de guérir le malade, ce qui n’a d’ailleurs jamais été allégué, du moins de lui donner des soins, non pas quelconques, ainsi que paraît l’énoncer le moyen du pourvoi, mais consciencieux, attentifs et, réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science». Depuis cet arrêt extrêmement important, médecin et patient sont dans le cadre de l’exercice libéral liés par un contrat civil. Il en est de même lorsqu’un patient est hospitalisé dans un établissement privé, pour le contrat qui le lie au médecin, distinct du contrat de prestation de la clinique. En revanche, s’il est accueilli dans un établissement public(2), le lien de droit est statutaire. Le contrat médical, hormis la situation précitée, est dès lors soumis aux dispositions du droit des obligations, notamment à celles de l’article 1108 du Code civil posant quatre conditions de validité du contrat: consentement, capacité, objet et cause. Il convient dès lors de préciser le fondement de la responsabilité médicale avant d’approfondir sa nature proprement dite .
LE FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE MEDICALE
Les diverses responsabilités en cause
Lorsqu’on parle de responsabilité, le but est principalement soit : l’indemnisation, soit la répression. La victime utilise la voie civile ou administrative pour obtenir réparation de son préjudice , la répression est la sanction attribuée à ceux qui causent un trouble à l’ordre social .
La responsabilité en vue de réparer un préjudice
La responsabilité indemnitaire est une responsabilité civile lorsque l’exercice médical se fait en milieu privé (activité libérale, clinique). Il s’agit d’une responsabilité administrative lorsque l’activité est exercée en milieu hospitalier. La responsabilité civile est engagée, soit en raison de l’inexécution d’un contrat (responsabilité contractuelle) soit en raison d’un acte volontaire ou non, (responsabilité délictuelle) entraînant pour la personne qui est fautive ou qui est légalement présumée fautive, l’obligation de réparer le dommage qui a été subi par une ou plusieurs autres. Dans les deux cas, il appartient généralement à la victime d’apporter l’existence d’une faute ainsi que le lien de causalité entre cette dernière et le dommage.
La responsabilité contractuelle ou délictuelle
La nature du contrat médical
Auparavant, les actes dépendant d’une profession littéraire, scientifique ou artistique ne sauraient, en eux-mêmes et directement, former l’objet du contrat puisque le débiteur de la prestation caractéristique ne peut être contraint civilement à l’exécution de son obligation(1) Depuis 1936, la responsabilité médicale est classiquement une responsabilité de type contractuelle, la liberté étant un des principes gouvernant la relation médecin-malade. Le premier est libre dans l’exercice de son devoir « le médecin est un travailleur indépendant libre à l’égard de tout employeur, de tout supérieur hiérarchique, il organise son travail et sa vie comme il l’entend. »(2) le malade quant à lui a la libre attitude dans le choix de son médecin. En effet, en 1936, la cour de cassation, dans l’arrêt « Mercier » a confirmé « qu’entre le médecin et son client, se forme un véritable contrat, comportant pour le praticien l’engagement, sinon bien évidemment de guérir le malade, ce qui n’a jamais été allégué, du moins de lui donner des soins non pas quelconques mais consciencieux, attentifs et réserves faites de circonstances exceptionnelles, conformes aux données actuelles de la science ; que la violation, même involontaire de cette obligation contractuelle est sanctionnée par une responsabilité de même nature, également contractuelle » .Ainsi, entre le médecin et son patient s’établi un contrat de soins.
-C’est un contrat civil et oral. Aucun formalisme n’est requis pour sa formation. Il suffit que le médecin ait accepté de proposer des soins et que le patient ait accepté de recevoir le traitement et le contrat est conclu.
-C’est un contrat conclu intuitu personae, conclu à titre personnel. La santé du patient, le fonctionnement de ses organes, les misères physiques dont il souffre, la nature des soins qu’il demande aux médecins, touchent l’intimité même de la personne. Le médecin est choisi à raison de la confiance qu’il inspire au malade.
-C’est un contrat synallagmatique à titre onéreux.. Chacun des contractants a des obligations. Le patient a obligation de payer les honoraires du médecin et à suivre ses prescriptions. Les obligations du médecin ont été définies par l’arrêt« Mercier»comme étant : l’obligation de soins et l’obligation d’information.
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE I. LA NATURE DE LA RESPONSABILITE DU MEDECIN
Chapitre I. Fondement de la responsabilité médicale
Section 1. Les diverses responsabilités en cause
§1 : La responsabilité en vue de réparer un préjudice
§2 : La responsabilité en vue de sanctionner un trouble social
Section 2. Les obligations du médecin conformément à son statut
§1 : Les obligations à la charge du professionnel de santé
§2 : Les conditions de mise en jeu de la responsabilité médicale
Chapitre II. La nature de l’obligation emporte celle de la responsabilité
Section 1. La nature exacte de l’obligation médicale : moyen ou résultat ?
§1 : La permanence de l’obligation de moyens
§2 : La reconnaissance exceptionnelle de l’obligation de résultat
Section 2. Les accidents médicaux et l’aléa thérapeutique
§1 : Notion d’accident médical
§2 : L’obligation d’information
PARTIE II. LES DIFFERENTS SYSTEMES D’INDEMNISATION
Chapitre I. Le domaine d’intervention de l’indemnisation
Section 1. Le préjudice indemnisable
§1 : Lorsque la source du préjudice est la faute
§2 : Lorsque la source la source du dommage est l’aléa
Section 2. Qui peut prétendre à une réparation ?
§1 : Qui sont les victimes ?
§2 : Comment doit s’opérer la réparation ?
Chapitre II. Le système sanitaire Malgache
Section 1. Analyse du système actuel : les principes
§1 : Nature et fondement de la responsabilité médicale
§2 : La mise en œuvre de la responsabilité du médecin et l’indemnisation
Section 2. Les éléments a prendre en compte par la législation
§1 : Les carences de la législation Malgache
§2 : Perspective d’amélioration du système Malgache
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE