La naissance du marché des bureaux en France
Le début des années 1970 marque la nouvelle prédominance d’une économie de services après l’apogée du mode de production industriel. De ce fait, le développement des constructions de bureaux répond à un facteur simple identifié tel que la croissance du nombre d’emplois dont l’activité est destinée à être dans des bureaux. De plus, un mouvement de dissociation spatiale des activités de fabrication et de services s’est mis en place, entrainant une division des activités et des spécialités, donc un accroissement des emplois de bureaux. Ce phénomène de forte demande a entrainé une hausse considérable de la surface du parc de bureaux français, notamment dans les grandes métropoles et en particulier la région parisienne et ce en un laps de temps très court. Dans une moindre mesure, l’évolution des normes de surface a également joué sur la croissance des constructions de bureaux malgré qu’elles soient fluctuantes. Ainsi, les normes de surface ont connu « une forte élévation entre 1970 et 1990, suivie d’une réduction ». Aujourd’hui ces dernières sont définies aux articles R4214-22, R4222-5 et R4222-6 du Code du Travail. En 2013, la norme NF X 35-102 recommande de façon précise les dimensions des espaces de travail en bureau et un espace minimum de :
– 10m² pour une personne seule
– 11m² par personne dans un bureau collectif (soit 22m² par personne, etc.)
– 15m² par personne dans un espace collectif bruyant
Évolution périodique et typologie géographique
Pour reprendre les propos de Jacques Bonnet [2003], jusqu’en 1965-1970 la construction de bureaux neufs restait confinée à la région parisienne. L’essentiel des transactions concernait des transformations de logements en bureaux dans les immeubles anciens des centres traditionnels des villes. Cette localisation en centre-ville a été théorisée dès 1921 par l’américain Haig, démontrant que « l’intrant exclusif des activités de bureau, à savoir l’information, trouve une réduction maximale des coûts productifs dans une localisation en centre-ville (qui réduit les distances) » [CROUZET, 2003]. Ce dernier s’inscrit dans le prolongement de la théorie des places centrales de Christaller .
La création de la DATAR en 1963 et la mise en place de la politique des métropoles d’équilibre a marqué la naissance d’une nouvelle géographie des bureaux. Les orientations des investissements préférentiels définies dans les schémas directeurs des grandes agglomérations laissaient la part belle à l’immobilier d’entreprise tertiaire. Le centre directionnel de la Part Dieu à Lyon, le quartier Meriadeck à Bordeaux et surtout le quartier de La Défense en sont les témoins privilégiés. Ces mêmes modèles, à une échelle réduite, ont été repris quelques années plus tard dans la plupart des métropoles régionales, permettant la mise en place et le succès de centres directionnels locaux. En 1967, un régime d’aide à la localisation en province de certaines activités tertiaires est mis en place dans les métropoles d’équilibre et dans les chefs-lieux de région situés hors du Bassin Parisien. Améliorée en 1972, cette aide, qui a par ailleurs déjà augmenté considérablement la surface de bureaux disponible en province, voit se greffer la tendance à l’internationalisation des entreprises impliquant le développement de nombreux services liés aux exportations. De ce fait, les bureaux associés aux usines s’agrandissent et ce surtout en périphérie des grandes métropoles françaises.
Enfin, depuis les années 1990 et la mondialisation, les villes de provinces et la capitale se sont vues placées dans un cadre déréglementé et facilité quant à l’accueil d’entreprises sur leur territoire. En effet, l’agrément préalable au permis de construire pour les locaux d’entreprise en Île-de-France et plus tard dans les grandes métropoles françaises mis en place en 1955 et ayant pour but de « lutter contre la désertion de certaines régions et contre la surpopulation des grandes agglomérations » a été allégé en 1986 puis supprimé en 2000. À partir de cet instant, l’immobilier de bureau a connu une croissance très forte, non sans conséquences. Cette période marque l’arrivée massive d’investisseurs étrangers dans l’immobilier d’entreprise français, notamment des fonds de pension américains et allemands, de nouveaux acteurs devenus aujourd’hui des opérateurs essentiels jusqu’en province et parties prenantes de la mise en concurrence de toutes les villes européennes. Les années 1990 marquent l’explosion du marché et l’irruption massive des bureaux dans le paysage urbain de toutes les grandes villes françaises. La construction de parcs d’affaires et de technopôles en périphérie des villes se généralise, bien souvent au cœur de Zones d’Aménagement Concerté, opérations publiques d’aménagement de plus en plus utilisées par les collectivités après la loi sur la décentralisation de 1982.
Cette période voit également s’affirmer le rôle croissant des marchés financiers dans le fonctionnement économique, politique et social des territoires. Certains parlent ainsi de « première période de financiarisation immobilière en France » . Les investissements étrangers se font très présents dans les villes françaises et contribuent à la hausse des prix du marché. De plus en plus de bureaux sont construits parce qu’il y’a une demande forte et soudaine d’investissements et non plus dans le cadre de la demande des entreprises. Mais cette « euphorie du marché» [NAPPI-CHOULET, 2013] va subir un coup d’arrêt à l’aube de la dernière décennie du XXème siècle.
La crise des bureaux du début des années 1990
Si une première crise immobilière caractérisée par une pénurie de bureaux a touché le marché de l’immobilier tertiaire français jusqu’en 1985, une seconde crise plus violente a marqué ce secteur en 1991. Après les facilités administratives consécutives de l’allégement de la procédure d’agrément, l’internationalisation de l’économie et la multiplication des projets immobiliers en province favorisée par la décentralisation, l’offre de bureaux a connu « une croissance sans précédent jusqu’en 1989-1990 » [NAPPI-CHOULET, 2013]. À titre d’exemple en 1985 le parc de bureaux d’Île-de-France comprenait 29 millions de m², entre cette date et 1991 près de 12 millions de m² supplémentaires ont été mis en chantier soit un accroissement de plus de 40%. L’année 1991 marque un retournement du marché, en effet à la hausse brutale des loyers et des prix induites par l’arrivée massive d’investisseurs étrangers a succédé une période de baisse des valeurs et de décote de la majorité des immeubles de bureaux construits durant la période d’euphorie évoquée précédemment. En 1993, ce ne sont pas moins de 4,5 millions de m² qui sont annoncés inoccupés en Île-de-France [NAPPI-CHOULET, 2013].
Plongé dans la crise, le marché de l’immobilier d’entreprise tertiaire est « reparti » en 1996 grâce à l’arrivée de fonds opportunistes sur le marché français. Ce dernier a alors connu un nouveau cycle caractérisé par des hausses sans précédent des valeurs immobilières et par la financiarisation du secteur immobilier. La crise financière de 2008 a ouvert un nouveau chapitre pour le marché des bureaux.
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Table des matières
Introduction
PARTIE 1 : HISTOIRE, ENJEUX ET DYNAMIQUES DE L’IMMOBILIER D’ENTREPRISE TERTIAIRE
I) Une lecture dans le temps
1) La naissance du marché des bureaux en France
2) Évolution périodique et typologie géographique
3) La crise des bureaux du début des années 1990
4) Les dynamiques actuelles du marché de l’immobilier d’entreprise tertiaire
II) Les acteurs de l’immobilier d’entreprise tertiaire
1) La production
2) Le financement
3) Le rôle des collectivités publiques
4) Un panel d’acteurs gravitant autour du couple production-financement
III) Les différentes dimensions de l’immeuble tertiaire
1) La dimension architecturale et paysagère
2) La dimension artistique et culturelle
3) La dimension urbanistique et structurelle
4) La dimension financière et spéculative
5) La dimension outil de production
IV) Deux exemples de marchés d’immobilier d’entreprise tertiaire
hors-normes en France
1) La Défense : un moteur d’attractivité internationale pour la France
2) Lyon : une des villes européennes les plus attractives pour son dynamisme
économique
PARTIE 2 : L’IMMOBILIER D’ENTREPRISE TERTIAIRE À TOURS, QUELS LIENS AVEC L’IMAGE DE LA VILLE
I) Regards sur Tours, une métropole régionale en devenir
1) Situation géographique
2) Tourisme et image de ville
3) Dynamiques économiques
II) Le marché de l’immobilier d’entreprise tertiaire tourangeau : entre rationalisation,
tertiarisation et crise financière
1) 2000-2003 : rationalisation du marché
2) 2004-2008 : tertiarisation
3) 2009 à aujourd’hui : l’influence de la crise
III) Les dernières tendances du marché de l’immobilier tertiaire tourangeau
1) Dynamiques et chiffres clés
2) Les grands projets
3) L’immobilier d’entreprise tertiaire au cœur d’une stratégie
d’envergure régionale
IV) L’immobilier d’entreprise tertiaire au cœur d’une stratégie associant dynamisme
économique et marketing territorial
1) Image de ville et marketing territorial
2) L’immobilier d’entreprise tertiaire tourangeau dans
le discours des acteurs
3) L’immobilier d’entreprise tertiaire et les citadins : enquête
Conclusion
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