La pop music et le rock, des objets d’études encore discrets
« Popanalia », « Progressive Music Festival », aucun doute, les festivals de l’été 1970 s’inscrivent dans la culture pop. En étudiant ces festivals, nous analysons un aspect de la musique pop et de la culture pop de la fin des années 60 et début des années 70. Cette musique anglo-saxonne arrive en France dans les années 60 et remporte un succès grandissant. Elle ne modifie pas les paroles anglaises contrairement aux « yéyés » qui reprennent les chansons en français, mais elles gardent leur version d’origine. Les Français s’approprient le pop sans le modifier et créent eux aussi des groupes pop. Ces thèmes restent très peu étudiés en histoire alors qu’ils mobilisent davantage les historiens de l’art, les sociologues, les journalistes ou les musicologues. Les rares ouvrages sur la musique pop sont considérés comme des ouvrages de « musique » et sont pensés indépendamment de leur contexte social, culturel ou politique. Les journalistes se rapprochent d’un travail d’historien en étudiant les groupes de rock. Il faut d’ailleurs souligner la qualité de certains travaux journalistiques comme les hors-séries du mensuel spécialisé Rock&Folk . C’est Bertrand Lemonnier et son ouvrage L’Angleterre des Beatles : une histoire culturelle des années 1960 en 1995, qui présente la culture pop et sa musique comme un objet propice à une étude d’histoire légitime et sérieuse. Au moyen d’un groupe de pop, Les Beatles, il fait une histoire culturelle, économique et sociale de l’Angleterre des années 60. La culture pop et la musique peuvent donc être considérées comme des sujets scientifiques. L’histoire du rock peine à trouver sa place à l’Université. Le séminaire d’histoire sociale du rock dirigé par Florence Tamagne (IRHis) et Arnaud Baubérot (CRHEC) est l’unique séminaire qui lui est consacré.
L’ajout en 2015 des Beatles au programme de l’option musique du concours de l’Ecole Normale Supérieure affirme à nouveau la nécessité de considérer cette musique comme un objet d’étude légitime. En nous intéressant aux festivals de musique pop, nous nous inscrivons dans la lignée de Bertrand Lemonnier qui conclut son ouvrage en insistant sur la nécessité d’étudier la culture de masse qui n’est pas une « sous-culture » mais qui au contraire représente une majorité de la population. Le travail de Bertrand Lemonnier représente pour nous un modèle historiographique. Les recherches sur la culture pop évoluent, cependant il nous a été difficile de trouver des ouvrages d’histoire concernant la musique pop en France.
En 2015, l’historien américain de l’Indiana University Northwest, Jonathyne Briggs publie Sounds French, Globalization, Cultural communities and Pop Music in France, 1958-1980, qui dresse un panorama de la musique pop en France. Il est pertinent de constater que la culture pop intéresse un historien américain ; tout comme la culture pop anglaise est étudiée par Bertrand Lemonnier, historien français. Jonathyne Briggs explique notamment sa volonté de décentrer le regard de l’historien qui est trop national. La culture pop constitue encore un milieu à découvrir pour les historiens.
La jeunesse et l’identité jeune
Spectatrice et admiratrice de musique pop, la jeunesse est au cœur des festivals pop.
Les jeunes sont directement assimilés à ces événements dans l’imaginaire collectif de la fin des années 60. C’est pourquoi, notre recherche revient aussi à étudier la culture jeune. La jeunesse en tant que telle, est un objet d’histoire qui naît avec L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime de Philippe Ariès. Il montre la naissance du sentiment d’enfance. Ce travail ouvre la voie à des recherches plus approfondies sur la jeunesse. Pourtant, elle n’est rythmée que par des avancées éloignées. C’est l’Histoire des jeunes en Occident de Giovanni Levi et Jean-Claude Schmitt qui tend à relancer cette thématique et dresse une évolution complète de cette notion de jeunesse. Malgré une chronologie et une évolution évidente de la perception de la jeunesse, la définition même du mot « jeunesse » reste abstraite puisqu’elle change selon les périodes et les contextes. Dans le cas de notre étude, cette histoire de la jeunesse correspond à un point central. Dans les années 60 la jeunesse est un acteur majeur de cette décennie. Les jeunes étudient désormais à l’Université, privilégient les bandes d’amis et ont de l’argent de poche pour des loisirs en tout genre. Ils se créent leur propre culture en opposition avec celle de leurs parents. L’esprit jeune, ses pratiques et son identité sont étudiées dans les ouvrages d’Anne-Marie Sohn et de Ludivine Bantigny . Anne-Marie Sohn se concentre davantage sur une jeunesse « yéyé » et les différents éléments qui font la culture jeune comme les émissions télévisées, la presse jeune, la mode vestimentaire ou les modes de vie étudiant. Ludivine Bantigny a une approche beaucoup plus sociale et politique.
L’ouvrage Les Baby-boomers Une génération 1945-1969 de Jean-François Sirinelli montre que la jeunesse doit aussi être étudiée en rapport avec la culture de masse et les Trente Glorieuses. Trois approches différentes qui dévoilent tout de même un intérêt présent pour l’étude de la jeunesse.
Les médias, les politiciens et l’opinion générale de la génération précédente, craignent cette jeunesse. Ce nouvel esprit jeune, c’est avant tout pour eux une jeunesse violente, chahuteuse, proche de la révolution, une jeunesse qui se rebelle. Cet été 1970 représente l’été de toutes les peurs. La peur d’un rassemblement de la jeunesse dans un même lieu alors que Mai 68 reste encore très proche dans l’esprit des adultes. Pour Ludivine Bantigny, Mai 68 fait naître une sorte « d’intolérance à la jeunesse » voire même un « racisme anti-jeune ». Mai 68 marque une double crise en France puisqu’il s’agit à la fois d’une contestation étudiante et d’une explosion sociale. La crise part d’un mouvement étudiant puisque la contestation démarre avec un groupe d’étudiants d’extrême gauche mené par Daniel Cohn-Bendit à l’Université de Nanterre puis se propage à la Sorbonne. Les étudiants revendiquent à la fois plus de libertés et moins de contraintes. Certains ont un projet plus révolutionnaire en lutte contre un monde jugé trop capitaliste et matérialiste. C’est avec les jeunes que naît Mai 68, les grèves et les difficultés politiques qui s’en suivent. Un festival réunit une masse d’individus au même endroit. La peur du festival cache la peur qu’on puisse s’emparer d’une foule et se l’approprier politiquement et idéologiquement. Se dissimule alors la peur que l’événement soit politique et protestataire avant tout. Il témoigne d’une certaine paranoïa à la fois à l’égard de la jeunesse mais aussi de sa culture, et plus particulièrement sa culture pop rock comme le témoigne l’article « Les vraies raisons du bide de Saint-Pons » de François Jouffa dans le numéro de Pop music du 6/08/2015 « le souci de tous ceux qui voient un lanceur de bombe dans un amateur de Rock n Roll » . La musique pop et donc le Rock’n’roll sont assimilés à une image de violence et de rébellion.
De plus, les jeunes sont associés à l’univers hippie. Les « cheveux longs », symboles d’une jeunesse en rupture avec leurs parents, représentent aussi la génération hippie associée aux drogues et à la nudité. L’utilisation des drogues à des fins expérimentales devient une partie intégrante de la culture jeune. Emmanuelle Retaillaud-Bajac parle d’une « juvénilisation du phénomène » , point sur lequel les médias ne cessent d’attirer l’attention notamment en réalisant des reportages sur les hippies. Les ouvrages de Jean-Pierre Bouyxou et Pierre Delannoy L’aventure hippie et Frédéric Robert La révolution hippie montrent comment ce mouvement est né aux Etats-Unis et plus précisément à San Francisco à Haight Street. Ils dévoilent les modes de vie hippies ainsi que l’aspect communautaire et antimatérialiste très présent au début puis le lien avec la musique pop et psychédélique. Cette jeunesse présente aux festivals, ressemble aux hippies en apparences, pourtant elle n’en est rien. Majoritairement étudiante et bourgeoise, la jeunesse française est loin du mode de vie hippies connu aux Etats-Unis mais adopte le mouvement plus comme une mode vestimentaire que comme un idéal de vie.
Les sources et les méthodologies
Des sources diverses
Pour répondre à notre problématique, différentes sources sont utilisées. Premièrement, il est intéressant d’utiliser des documents d’archives, sources qui sont parfois difficile à mobiliser à cause d’une dispersion d’archives en France. La vision institutionnelle est souvent une vision manquante dans l’histoire des festivals. Nous avons étudié les papiers du maire d’Aix-en-Provence conservés aux archives départementales des Bouches-du-Rhône à Marseille. Nous avons aussi pu consulter les procès-verbaux de police pour le festival de Biot conservés aux archives départementales des Alpes maritimes à Nice. Nous avons aussi consulté un compte-rendu technique de la direction centrale des compagnies républicaines de sécurités aux archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine. Ces sources officielles peuvent nous fournir des informations sur l’organisation des festivals mais aussi sur leur déroulement. Elles peuvent éclairer à la fois le lien entre le festival et ses acteurs mais aussi le festival et son implication dans un lieu précis.
Dans la mesure où il est question d’histoire culturelle et que « Tout est source » selon la définition de Pascal Ory, les sources dites documentaires sont aussi à prendre en compte. Les sources médiatiques représentent la majorité de notre corpus. Elles sont analysées sous une approche comparative intermédia. L’enjeu principal est de comprendre comment l’événement est raconté et quelles représentations sont assimilées à des festivals de pop music en France. Pour cela, nous avons utilisé des sources très diverses tendant à répondre à la définition de « média » de Fabrice D’Almeida et Christian Delporte : « Tout moyen, outil ou système d’organisation permettant la diffusion massive ou la communication publique d’une information ou d’un message dans l’espace et dans le temps » . Nous comprenons alors dans cette définition : la presse écrite, la télévision, la radio, le cinéma, les affiches, les photographies, les témoignages écrits et autres documents ayant pu être diffusés «massivement ». Pour l’aspect temporel, notre chronologie comprend l’avant-festival, de l’annonce des festivals, jusqu’à l’après-festival, qui souvent correspond à seulement quelques jours après la fin du festival. Nous avons réalisé des dépouillements dans la presse écrite à la Bibliothèque nationale de France sous trois échelles différentes. Premièrement, la presse nationale représentée par trois journaux quotidiens de mouvances politiques différentes :
L’Humanité, Le Monde et le Figaro. Nous pouvons mesurer si les festivals intéressent à un niveau national. Deuxièmement, nous étudions la presse régionale avec trois journaux quotidiens des régions des festivals : Le Parisien Libéré, Le Provençal et Nice Matin. Il s’agit plus particulièrement de comprendre l’accueil de la population locale. Troisièmement, nous étudions la presse spécialisée avec Pop Music et le mensuel Rock&Folk, créé par Philipe Koechlin en 1966 qui fournit essentiellement des analyses de groupes anglo-américains. Ces magazines de presse spécialisée accordent une place centrale à la pop music et donnent des informations sur les festivals. La presse spécialisée apporte une vision différente de la presse nationale et locale car les journalistes sont des connaisseurs de musique pop contrairement aux autres journalistes qui peuvent couvrir des événements culturels de tous les genres ou des sujets très variés. Cependant il faut rappeler qu’elle n’est pas lue de tous malgré le succès de Rock&Folk. La presse audiovisuelle complète la presse écrite dans notre recherche. À l’Inathèque, nous avons pu consulter grâce à l’application de recherche Hyperbase les journaux télévisés des chaînes nationales et régionales mais aussi les émissions télévisées comme POP DEUX. Le même travail est réalisé pour les émissions de radio. Cependant, l’Inathèque conserve les radios privées depuis seulement 2001 tandis que les radios publiques sont en dépôt légal. Nous n’avons pas pu trouver les émissions de 1970 d’Europe n°1, partenaire du festival d’Aix-en-Provence et de RTL, partenaire de Biot. Les établissements de ces deux chaînes ne nous ont pas laissé accéder à leurs archives bien que nous soyons persuadés de l’intérêt de ces documents puisque les festivals étaient retransmis et majoritairement couverts par ces deux chaînes. Les sources audiovisuelles, plus particulièrement la télévision et la radio, restent difficile à obtenir intégralement. Reconstituer la réalité des reportages traitant des festivals est compliqué. Rares sont les journaux télévisés conservés intégralement à l’INAthèque. Pour les radios, les radios privées ne donnent pas accès à leurs archives ou les émissions sont en direct et ne sont pas conservées. Les sources audiovisuelles sont des traces dont il est difficile d’avoir l’intégralité. Le contemporanéiste qui travaille avec ces sources va contre l’idée commune de l’histoire contemporaine qui disposerait d’une multitude de sources et se rapprocherait du médiéviste dont les sources restent parfois difficiles à obtenir.
Esthétique et conception de la musique pop
La musique doit être considérée comme un objet d’étude à part entière. Nous n’étudierons pas la musique dans les détails de la partition car nous ne sommes pas musicologue. Il s’agit de comprendre ce mouvement musical autant d’un point de vue esthétique que pour ce qu’il représente. La musique pop est d’abord une abréviation anglaise qui désigne la popular music, musique populaire. Le sens anglais de popular désigne une musique qui « s’appuie sur les médias et la technologie, sur la consommation de masse dont le public est jeune » . Elle est écoutée par le plus grand nombre. Elle se définit par les personnes qui l’écoutent. En France, la définition de la musique pop n’est pas la même qu’en Angleterre. Des caractéristiques restent communes puisqu’elle s’inscrit plus particulièrement dans la culture jeune puisqu’elle est faite par les jeunes et pour les jeunes. C’est cette définition large dont nous essayerons de détailler les composantes et de comprendre les nuances. Les programmations et les performances sont analysées. La réussite commerciale de ce mouvement musical entraîne aussi une conception nouvelle du monde musical par les auditeurs. Une définition de la musique pop est faite ici par le prisme des festivals. Le rôle des festivals dans la constitution de cette culture musicale pop sera aussi un enjeu de cette partie.
Analyse de la programmation : diversité et contestation
Les quatre festivals se définissent comme des festivals de musique pop. Le terme « pop » est utilisé dans le nom du festival de Biot « Popanalia ». À Aix-en-Provence, le terme « musique progressive » est préféré au « pop ». Le terme « festival pop » reste plus employé lorsqu’il s’agit de citer ce festival. Mais qu’est-ce que la « pop » ? Premièrement, elle n’est pas liée à un seul art. L’exemple le plus emblématique reste le Pop Art représenté entre autre par Andy Warhol. Le terme est utilisé pour la peinture, la sculpture, le cinéma et la musique.
Pour Bertrand Lemonnier et Michka Assayas la définition française de la musique pop reste floue et difficile à établir. Elle part notamment d’une confusion puisque dans les années 60, « pop » est utilisé à la place du « rock ». Ceci est dû au fait que le pop est très clairement reliée au rock. Il peut être considéré comme un sous-genre du rock’n’roll. Les musiques pop sont principalement les musiques venues d’Angleterre ou des Etats-Unis. Contrairement au yéyé, les paroles ne sont pas traduites mais laissées dans leur langue originale. Cette définition, peu fixe et particulièrement abstraite, rend la musique pop à la fois « inclassable » et « perméable aux influences » (Bertrand Lemonnier). La musique pop se définit aussi par son public car c’est une musique de masse commerciale. Les programmations des festivals de musique pop reflètent cette définition floue. Les styles musicaux sont très variés et donc à l’image de cette diversité musicale qui se dévoilent derrière le « pop ». Le jazz, le jazz rock, le blues, le rock progressif, le rock psychédélique sont présents aux festivals de musique pop. Il s’agira d’étudier les genres musicaux associés au pop et qui sont dans les programmations.
Des groupes psychédéliques sont présents aux festivals français : Les Iron Butterfly à Valbonne, les Pink Floyd et les Soft Machine à Biot. Le rock psychédélique est un genre particulièrement apprécié en France puisque c’est véritablement à partir de la sortie de l’album psychédélique Sgt Pepper and the Lonely Hearts Club Band des Beatles que la pop music conquiert la France encore admiratrice des yéyés . Le rock psychédélique est un mouvement artistique et culturel caractérisé par la prise de drogues hallucinogènes. C’est la version « contre-culturelle» de la pop. C’est aussi une musique dite « totale » puisqu’elle implique des jeux de scènes, des danses et des effets de lumières s’approchant au plus près de l’état provoqué par les drogues et plus particulièrement la LSD. Au festival du Bourget, des « light-show » ont lieu pendant les performances ce qui rejoint cette atmosphère psychédélique. Les affiches de festivals s’inspirent aussi de l’art psychédélique puisqu’elles sont semblables au travail de Wes Wilson ou encore Rick Griffin, les grands artistes psychédéliques des années 60 (annexe III, 1). Malheureusement nous n’avons pas pu trouver d’informations sur la conception des affiches. À la fin des années 1960, la musique psyché se complexifie et évolue en cherchant une rupture avec les structures pop traditionnelles. Elle puise vers de nouvelles influences comme la musique classique, la musique orientale ou encore l’utilisation du clavier électronique . Le tube le plus représentatif de cette évolution est « The White Shade of Pale » de Procol Harum sorti en 1967. Il reprend le prélude de Bach joué au synthé. Le groupe est d’ailleurs présent au festival du Bourget. La présence de groupes psychédéliques aux festivals de musique pop est loin d’être réservée à la France. Les groupes psychédéliques participent et naissent dans les be-in hippies de San Francisco. Les Iron Butterfly ont déjà joué au Newport Pop Festival en 1968 ou les Soft Machine au festival d’Amougies en octobre 1969. Les groupes psyché les plus présents aux festivals de musique pop restent les Jefferson Airplane, les pionniers de « l’acid rock » (Monterey International Pop Music Festival 1967 : The Newport Pop Festival 1968 ; Kramlingen Music Festival (Rotterdam) 1970 ; Bath Festival (1970) et les Grateful Dead (The Newport Pop Festival 1968). Pourtant, aucun n’est programmé aux festivals français. Ceci ne nuit en rien à la place primordiale donnée à la musique psychédélique pendant les festivals français.
Le festival comme légitimation et médiation artistique : retour sur les performances
Un festival est différent d’un concert. En allant à un concert, le groupe qui se produit sur scène est déjà connu du public présent dans la salle. Il vient pour jouer à la fois des chansons qui ont fait son succès mais aussi pour promouvoir un nouvel album. Le public sait, à un certain degré, ce qui l’attend. Un festival est différent puisqu’il réunit plusieurs groupes sur plusieurs jours. C’est un véritable défilé de concerts et les chances de faire des découvertes musicales sont plus élevées bien que les têtes d’affiches soient principalement connues de tous. Pour attirer un public conséquent, le festival doit d’ailleurs miser sur une tête d’affiche déjà très populaire. Les affiches des festivals reflètent cette hiérarchie puisque les têtes d’affiche sont présentées avec une police de taille plus grande mise en évidence sur l’affiche par leur place ou encore mis en gras. À Aix -en-Provence, Leonard Cohen, The Flock et Johnny Winter sont mis en avant. Ceci est dû à leur succès du moment. Leonard Cohen venait d’ailleurs de se produire à l’Olympia le 20 mai. Les critères de sélection sont principalement la renommée du musicien qu’elle soit durable ou simplement représentative d’un hit du moment. Il s’agit dans cette partie de revenir sur les performances des festivals mais aussi d’étudier le festival comme une scène de légitimation et de médiation musicale.
Conception de l’industrie musicale et des festivals pop
« Qu’est-ce que c’est d’après toi la pop music ? – C’est un éventail de toutes les musiques qui peuvent être et qui doivent être commerciales […] c’est de la musique tout court en fait, et commerciale puisqu’elle vend » . Cette définition du journaliste de Pop Music Frank G.Lipsik attire l’attention sur ce lien entre pop music et commerce. Selon lui, cette musique se définit avant tout par sa capacité à vendre et son succès. Dans les années 1970, la pop music rencontre un succès notable. Cette musique apparaît donc comme un bon investissement pour les maisons de disques qui cherchent à la récupérer. Cependant, cette récupération par les maisons de disques et donc un monde dit « commercial» entre en contradiction avec un idéal plus underground et émancipé voulu par certaines personnes qui l’écoutent. Cette lutte contre l’univers de l’argent se fait aussi ressentir au sein des festivals qui sont des scènes où se produisent des groupes appartenant à des maisons de disques. Les maisons de disques sont souvent les organisateurs (à Biot par exemple avec le label Byg Actuel). Assimilée alors à un mouvement de contre-culture comme on peut le voir en Amérique, la société de consommation est dénoncée par l’exemple du festival utilisé pour faire de l’argent. À l’intérieur de la pochette du vinyle À Cause du pop, film qui retransmet le festival d’Aix, sont disposées à côté des photographies de la foule, des photographies de régimes totalitaires tels que le régime chinois ou nazi . Une photographie d’une gare à l’heure de pointe avec une foule autour d’un train est présente avec pour légende « le troupeau se rassemble pour vénérer ce qui le symbolise : son Dieu consommation ». Ces photographies dévoilent un aspect contre-culturel présent. Simple vision d’un cinéaste ou témoignage d’un aspect politique manifesté durant le festival ?
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Table des matières
Introduction
Une histoire des festivals
La pop music et le rock, des objets d’études encore discrets
La jeunesse et l’identité jeune
Les sources et les méthodologies
Des sources diverses
Un jeu d’échelles nécessaire
Justification et annonce du plan
Une histoire culturelle
…sous différents angles d’étude
I. La naissance difficile des festivals de musique pop
1. Les portraits des organisateurs et les conditions nécessaires pour réaliser un festival
2. Les interdictions, leurs raisons et les résistances qui s’en suivent
3. Des enjeux politiques à différentes échelles
II. Esthétique et conception de la musique pop
1. Analyse de la programmation : diversité et contestation
2. Le festival comme légitimation et médiation artistique : retour sur les performances
3. Conception de l’industrie musicale et des festivals pop
III. Un phénomène social et culturel des années 60-70
1. Les publics des festivals : représentation Sex, Drugs and Rock&Roll
2. Jeunesse politisée ou peur du jeune ?
3. Vivre ensemble : entre village éphémère et voyage spirituel
IV. Des événements médiatiques ?
1. Identifications et rôles des médias
2. Une approche quantitative
3. Entre défenseurs des festivals et responsables des échecs
V. Un phénomène transnational
1. L’obsession « woodstockienne »
2. Faire l’histoire des premiers festivals de musique pop italiens en 1970
3. Une étude par les médias : entre modernisation et tradition
Conclusion
L’échec des festivals ? Le temps des bilans
Un avenir pour les festivals pop ?
Pour une histoire des festivals
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