Le complexe de la NADPH oxydase
La NADPH oxydase
La NADPH oxydase des phagocytes (Nox2)
Rôles physiologiques
La NADPH oxydase (nicotinamide adénine dinucléotide phosphate oxydase) des phagocytes est un complexe multienzymatique impliqué dans la réponse immunitaire innée. Suite à une agression pathogénique, l’organisme va réagir en envoyant sur le lieu de l’infection des cellules immunitaires circulantes telles que les granulocytes neutrophiles et les monocytes. Ces sentinelles vont ainsi remonter les gradients de chimioattractants (chimiokines et cytokines) sécrétés par les macrophages résidant dans les tissus puis traverser les parois endothéliales par diapédèse pour enfin s’accumuler sur le lieu de l’agression exogène. Contrairement au complexe d’attaque membranaire du complément qui est localisé dans le sang, la NADPH oxydase est effectivement capable de détruire les pathogènes au niveau de leur intrusion dans l’organisme, avant toute infection systémique.
Les neutrophiles et monocytes vont ainsi adhérer, ingérer puis digérer les microorganismes pathogènes par phagocytose (Witko-Sarsat et al. 2000) . Différents récepteurs tels que les Toll-Like-Receptors (TLR), des lectines de type C, des intégrines, reconnaissent de manière spécifique des motifs moléculaires pathogéniques (PAMPs) présents chez de nombreux pathogènes. L’organisme est toutefois capable de distinguer des antigènes issus de pathogènes de ceux issus de cellules apoptotiques qui seront également phagocytés mais induiront des voies de transduction du signal différentes (Blander 2007). La phagocytose peut être facilitée par l’opsonisation des pathogènes. Des pseudopodes vont ensuite englober la particule reconnue pour finalement l’ingérer complètement au sein de vacuoles digestives appelées phagosomes.
C’est au sein de ces phagosomes que les pathogènes phagocytés vont être détruits sous l’action de protéases et de ROS produits par la NADPH oxydase. Ce complexe multienzymatique est localisé au niveau de la membrane cytoplasmique du phagosome (cf. I.1.B). La reconnaissance du pathogène par le phagocyte déclenche la transduction d’un signal qui va finalement activer la NADPH oxydase (cf. II.3.A). Celle-ci va alors permettre le transfert d’électrons du cytosol vers l’intérieur du phagosome à travers la membrane. Ces électrons excédentaires vont déclencher une explosion respiratoire en initiant la réduction de l’oxygène moléculaire en anion superoxyde .
La cascade oxydative qui en résulte sera à l’origine de la production d’espèces réactives de l’oxygène (ROS) telles que le peroxyde d’hydrogène H2O2 formé par dismutation des anions superoxyde O2.-. La concentration en superoxyde dans le phagosome est alors très élevée, de l’ordre du micromolaire (Reeves et al. 2002). Les radicaux hydroxyles OH. sont ensuite générés par la réaction d’Haber-Weiss . La myelopéroxydase catalyse ensuite la production d’acide hypochlorique HOCl, plus connue sous le nom d’eau de Javel, à partir de peroxyde d’hydrogène et d’ions chlorures (Vignais 2002). Ces espèces hautement réactives sont responsables de la destruction des pathogènes phagocytés . Elles sont capables d’oxyder les lipides membranaires, d’endommager l’ADN (mutation, cassure de chaîne, instabilité génomique) et de modifier les protéines (oxydation, clivage de liaisons peptidiques, cross linking, modification d’activité enzymatique, de localisation, d’interaction) (Azad et al. 2008).
Un autre mécanisme de destruction des pathogènes existe au sein des phagocytes : la destruction enzymatique lysosomiale. L’action conjuguée de ces hydrolases, lipases, protéases, nucléases et autres carbohydrases n’est cependant pas spécifique des neutrophiles puisqu’on retrouve ces vacuoles digestives dans le cytosol de toutes les cellules eucaryotes animales, à l’exception des hématies. Chez les phagocytes, l’action de ces protéases peut être conjuguée à celle des ROS par maturation du phagosome en endosome (modification de la composition membranaire et baisse du pH) puis par fusion des lysosomes aux phagosomes et création d’un phagolysosome (Vieira et al. 2002). Soulignons toutefois l’importance de la NADPH oxydase comme première barrière contre les microorganismes puisque 70 % des leucocytes phagocytaires sont des granulocytes neutrophiles.
Une étude récente vient de montrer un autre mécanisme de défense immunitaire innée impliquant la NADPH oxydase. Il est connu que la production de ROS au sein du phagosome finit par induire la mort du phagocyte. Une étude de Brinkmann et al. (Brinkmann et al. 2004) a récemment montré que cette mort cellulaire pouvait s’accompagner de la formation de filaments appelés NET (neutrophil extracellular traps) ou encore « filets » qui se lieraient aux bactéries à Gram positif et négatif, les piègeraient et exerceraient une activité bactéricide extracellulaire à distance. La production de ROS par la NADPH oxydase active interviendrait dans la destruction des pathogènes à la fois directement dans le phagosome, mais aussi par l’induction d’une mort cellulaire à l’origine des NET (Fuchs et al. 2007). Les ROS dérivés de la NADPH oxydase peuvent directement réguler certaines voies de transduction du signal (Buetler et al. 2004) et ils ont également été proposés comme jouant un rôle dans l’activation des protéases granulaires (Reeves et al. 2002). L’importance de cette machinerie enzymatique très finement régulée est illustrée par l’existence d’individus dépourvus d’activité NAPDH oxydase et souffrant d’une immunodéficience innée, la Granulomatose Sceptique Chronique ou CGD (cf. I.3.A). Cependant, bien que l’activité NADPH oxydase soit primordiale pour l’élimination des pathogènes, la génération de superoxyde doit être strictement régulée puisqu’un grand nombre d’études ont montré que des taux élevés de ROS produits par les phagocytes peuvent contribuer à des dommages tissulaires rencontrés dans de nombreuses maladies inflammatoires et neurodégénératives (Krause 2004; Bedard and Krause 2007; Lambeth 2007) (cf. I.3).
Remarquons enfin qu’à plus faibles concentrations, les ROS jouent un rôle de molécules signal qui sont impliquées dans les cascades de transduction de signal d’un grand nombre de facteurs de croissance, de cytokines et d’hormones, régulant des processus biologiques tels que l’apoptose, la prolifération et la différentiation cellulaire ou encore l’angiogénèse (Sauer and Wartenberg 2005) .
Les différents constituants du complexe
La NADPH oxydase est un complexe multienzymatique comprenant une composante membranaire, le flavocytochrome b558 et trois facteurs cytosoliques ainsi qu’une petite GTPase. A l’état de repos, le complexe est dissocié et inactif : le flavocytochrome b558 est stocké sur la membrane de granules intracellulaires (Jesaitis et al. 1990), Rac est maintenue dans une forme liée au GDP dimérisée avec l’inhibiteur de dissociation nucléotidique RhoGDI (Abo and Pick 1991; Abo et al. 1991) et les autres facteurs cytosoliques sont associés dans un complexe ternaire (Kuribayashi et al. 2002; Lapouge et al. 2002). La NADPH oxydase est constituée du flavocytochrome b558 comprenant les protéines membranaires gp91phox et p22phox ainsi que les facteurs cytosoliques p67phox, p47phox, p40phox et la petite protéine GDP-Rac liée à RhoGDI .
En réponse au contact d’un phagocyte avec des microorganismes pathogènes, les facteurs cytosoliques vont être recrutés à la membrane et activer le complexe. Les granules intracellulaires vont alors fusionner avec la membrane plasmique chez le neutrophile et le macrophage ou avec la membrane endosomale chez le macrophage (Casbon et al. 2009).
|
Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I : LE COMPLEXE DE LA NADPH OXYDASE
I. La NADPH oxydase
I.1 La NADPH oxydase des phagocytes (Nox2)
I.1.A Rôles physiologiques
I.1.B Les différents constituants du complexe
I.1.B.1 Le flavocytochrome b558
I.1.B.2 Les facteurs cytosoliques
I.1.B.2.a p67phox
I.1.B.2.b p40phox
I.1.B.2.c Rac
I.1.C Mécanisme général d’activation de Nox2
I.1.C.1 Les voies de transduction du signal
I.1.C.2 La translocation à la membrane
I.1.C.3 Transferts d’électrons à travers le flavocytochrome b558
I.2 Les autres NADPH oxydases
I.2.A Topologie et régulateurs des Nox et Duox
I.2.B Répartition cellulaire et fonctions physiologiques
I.2.B.1 Nox1
I.2.B.2 Nox3
I.2.B.3 Nox4
I.2.B.4 Nox5
I.2.B.5 Les Duox
I.3 Pathologies et intérêts cliniques
I.3.A La Granulomatose Chronique Sceptique (CGD)
I.3.A.1 Historique
I.3.A.2 Génétique
I.3.A.3 Diagnostique et traitement
I.3.B Le cancer
I.3.C Autres
I.3.C.1 Les maladies cardiovasculaires
I.3.C.2 Le vieillissement
I.3.C.3 Les maladies pulmonaires
I.3.C.4 Les maladies du système nerveux central
II. p47phox et son rôle dans le mécanisme d’activation
II.1 Topologie
II.2 La phosphorylation de p47phox comme signal transducteur
II.3 Données structurales et fonctionnelles
II.3.A Le domaine PX
II.3.B Le tandem SH3s
II.3.C La région riche en proline (PRR) C-terminale
II.4 Mécanisme d’activation de p47phox
II.4.A L’ancien modèle
II.4.B Vers un nouveau modèle
CHAPITRE II : LA SPECTROMETRIE DE MASSE (SM)
I. Brève introduction à la spectrométrie de masse
I.1 Le spectromètre de masse
I.2 Historique
II. Les sources d’ionisation
II.1 La désorption-ionisation laser assistée par matrice (MALDI)
II.2 L’électrospray ou électronébulisation
II.2.A La formation du « spray »
II.2.B Fission des gouttelettes
II.2.C Formation des ions en phase gazeuse
II.2.D Caractéristiques de l’ESI
II.2.E La nano-ESI
II.2.F Le couplage chromatographique
III. Les analyseurs
III.1 Temps de vol (TOF)
III.1.A Historique
III.1.B Fonctionnement du TOF
III.1.C Amélioration de la résolution
III.1.C.1 L’extraction retardée
III.1.C.2 Le réflectron
III.2 Quadripôles
III.3 La trappe ionique linéaire
III.4 La trappe ionique orbitale
III.5 Résonance cyclotronique ionique à transformée de Fourier
IV. Le spectre de masse
IV.1 Paramètres
IV.2 Massifs isotopiques
IV.4 Obtenir la masse à partir des états de charge
V. La spectrométrie de masse en tandem
V.1 La MS/MS dans l’espace
V.2 La MS/MS dans le temps
V.3 Différents types de fragmentation des protéines
V.3.A Dissociation induite par collision (CID)
V.3.B Autres mécanismes de fragmentation
CHAPITRE III : LES APPLICATIONS DE LA SM A LA BIOLOGIE STRUCTURALE
I. L’échange hydrogène/deutérium couplé à la spectrométrie de masse (DXMS)
I.1 Principe
I.2 Caractéristiques de cette méthodologie
I.2.A La trempe à pH acide et basse température
I.2.B Utilisation de protéases acides
I.2.C Vers l’utilisation du Transfert d’Electrons par Dissociation (ETD) ?
II. L’oxydation
III. La protéolyse ménagée
IV. Le pontage covalent chimique
V. La spectrométrie de masse en conditions natives
MATERIELS
CONCLUSION