La cosmogonie du projet
Un contexte scolaire propice
Si la cosmogonie se définie comme un système de formation de l’Univers , il s’agit ici de revenir sur les terreaux fertiles ayant rendu possible la création et le développement d’un tel projet.
C’est en premier lieu bien évidemment le contexte scolaire de cette année, qui a permis la mise en place de cette dynamique : une école du 11e arrondissement de Paris sortie de ZEP à la rentrée 2015, bénéficiant de classes à effectifs encore limités, dotée d’une équipe pédagogique dynamique et ouverte aux propositions de projets éducatifs porteurs et neufs, un directeur accordant sa confiance à ses collaborateurs, mais aussi des collègues abordant d’ores et déjà en certaines occasions les thèmes mythologiques à travers les œuvres de Muriel Szac et enfin, des parents d’élèves investis et tout-à-fait prêts à suivre la classe de leur enfant dans cette grande aventure.
Ce dernier point semble important à noter puisque pour la pleine réussite d’un tel projet et pour qu’il donne tout son sel, il est important que les familles s’en emparent, aumoins en partie dans leurs échanges avec les élèves. Or l’étincelle semble ici avoir prise puisque d’après les réponses aux questions 1 et 2 du questionnaire passé auprès des parents d’élèves de la classe, 95% des répondants affirment savoir que la classe travaille cette année sur le thème de la mythologie et 91% peuvent citer au-moins un ouvrage traité en classe comme support d’étude.
Cela étant, c’est bien sûr et avant tout la classe qui a inspiré une telle démarche. Ce CE1 se compose de 24 élèves d’un niveau sensiblement homogène en mathématiques, découverte du monde, langue étrangère, arts et sport, mais plus diversifié en français,notamment en lecture. Il est d’ailleurs à savoir que deux élèves sont suivis par le RASED pour des problématiques d’écriture et de lecture, dont l’un a déjà été maintenu en CE1 en septembre (son précédent CE1 ayant été mené dans une autre école du quartier).
Dès lors, la nécessité de formes d’apprentissages motivantes, qui fassent sens et incitent les élèves à s’emparer des compétences développées, s’est très rapidement faite jour.
En outre, il est à préciser, que cette classe est menée en responsabilité partagée par deux professeurs des écoles stagiaires M2 alternant. Cependant, ce qui a pu être perçu comme une difficulté supplémentaire à l’annonce de cette situation à la veille de la rentrée de septembre 2015, s’est en réalité très vite révélée être une opportunité, d’autant que la communication et les échanges sont excellents entreles deux enseignantes. En effet, il a ainsi fallu entièrement penser cette classe, dans sa globalité et l’ensemble des apprentissages. Cela a occasionné une charge de travail importante certes,mais a également conduit à une profonde réflexion et une créativité pédagogiques, que chacune a su nourrir de sa personnalité et de ses acquis antérieurs.
Une trajectoire très personnelle
Le second terreau essentiel à cette démarche, outrele contexte scolaire, est sans aucun doute mon propre parcours.
En effet, avant l’entrée à l’Espe de Paris en septembre 2015, je fus diplômée en 2008 d’une licence d’histoire, ainsi que d’une licence d’histoire de l’art de l’Université Nancy 2 et en 2011 d’un Master 2 de médiation culturelle, option anthropologie sociale et culturelle en Europe, de l’École du Louvre. Dans l’ensemble de ces cursus, l’Antiquité, et en particulier, l’Antiquité grecque, de par son histoire, sa religion ou son art, tenait une place importante.
De plus, à l’instar de mon diplôme de l’École du Louvre, les quatre années et demi passées à l’Établissement Public du Parc et de la Grande Halle de la Villette (EPPGHV) de février 2011 à juillet 2015 en tant que Chargée du développement des ateliers pédagogiques, ont fini de me convaincre du formidable levier que pouvait être la médiation culturelle, c’està-dire littéralement le truchement de la culture, pour les apprentissages. Ainsi, comme je l’écrivais dans mon mémoire de fin d’études de l’École du Louvre, dans ces ateliers pédagogiques, le sensible, l’imaginaire et la culture sont au service des apprentissages. Le constat de l’équipe de Jasmine Francq est simple : pour qu’une histoire, un thème, un propos retiennent durablement l’attention de l’enfant, il faut qu’il le divertisse mais surtout éveille sa curiosité. Cet éveil peut alors s’opérer par la sollicitation des sens, la rencontre d’œuvres, l’écoute de contes et de mythes, … Tel est le ressort, à titre d’exemple, des Étoiles de la Villette , atelier traitant des constellations à travers l’évocation de récits mythologiques, source première de leur dénomination.
Me souvenant encore de l’arbre généalogique des Olympiens trouvé dans un Images Doc en CM1 à 9 ans et que j’avais accroché au-dessus de mon lit, du cours de mon professeur de CM2 sur la mythologie gauloise à la suite de la visite d’un camp gallo-romain de la campagne vosgienne, ou encore pour terminer les anecdotes, du « Cahier d’égyptologie » que j’avais créé en 6e à la suite d’une lecture de Christian Jacq afin de recopier et traduire des symboles hiéroglyphiques et plus généralement de compulser frénétiquement toute documentation liée, je ne pouvais que souscrire à cette vision d’une union entre imaginaire et transmission des savoirs.
Ainsi, les réalités de ma classe, l’environnement scolaire, mais également mes propres appétences, expériences et compétences, m’ont conduite à imaginer, concevoir et mettre en œuvre un tel projet autour de la mythologie avec mes élèves de CE1.
À la manière d’Arachnée, un projet qui tisse sa toile
Ce que disent les textes officiels
Dès l’Antiquité, deux philosophes, sans doute parmi les plus célèbres, pères de la philosophie occidentale, prônaient déjà les vertus des mythes et leur enseignement comme le précise Bruno BETTELHEIM:
Platon savait ce que les expériences psychologiques peuvent apporter à une véritable humanité. Il proposait que les futurs citoyens de sa république idéale fussent initiés à l’éducation littéraire par le récit des mythes, plutôt que par les faits bruts et les enseignements prétendument rationnels. Aristote lui-même, le maître de la raison pure, disait : »L’ami de la sagesse est également l’ami des mythes ».
Si l’étude approfondie des mythes fut longtemps un classique de l’enseignement, elle n’est plus aujourd’hui d’actualité, du moins pour une classe de CE1, de manière explicite, dans les programmes. En effet, l’Antiquité ou la mythologie ne sont pas mentionnées dans les programmes de 2008 pour le cycle 2, en français, découverte du monde ou même histoire des arts. Il faut pour cela attendre le cycle 3. Cela étant, les textes officiels, programmes comme socle commun de connaissances, de compétenceset de culture , ménagent une place intéressante à la notion de culture humaniste estimant, dans le cadre des compétences attendues en fin de CE1, que l’élève doit être capable de « lire seul et écouter lire des textes du patrimoine adapté à son âge », mais aussi « découvrir des éléments culturels d’un autre pays » ou encore « distinguer le passé récent du passé plus éloigné ».
À ces titres, en tant qu’objets patrimoniaux de culture générale, les mythes peuvent trouver leur place dans l’enseignement de CE1. Pour aller même plus loin, leur contact et les apprentissages liés peuvent être un moyen intéressant de démocratisation culturelle et ainsi de réalisation des valeurs républicaines portées par l’école et rappelées par Najat VallaudBelkacem, Ministre de l’Éducation Nationale, le 22 janvier 2015 au travers de l’appel à une Grande mobilisation de l’École pour les valeurs de la République et de ses 11 mesures phares.
Par ailleurs, depuis 2013, le Ministère de l’Éducation Nationale a mis en place un nouveau parcours d’Éducation artistique et culturelle, conscient de la nécessaire utilité de l’imaginaire artistique, culturel et patrimonial dans le développement de l’enfant, du futur adulte et du citoyen. Ainsi, dans le préambule du Guide pour la mise en œuvre d’un parcours d’éducation artistique et culturelle paru en 2013, il est stipulé que :
L’éducation artistique et culturelle contribue à la réussite et à l’épanouissement des élèves, notamment par le développement de l’autonomie et de la créativité, la diversification des moyens d’expression et l’appropriation de savoirs, de compétences et de valeurs. (…) Contribuant à l’épanouissement des aptitudes individuelles et à l’égalité d’accès à la culture, l’éducation artistique et culturelle « favorise la connaissance du patrimoine culturel et de la création contemporaine et participe au développement de la créativité et des pratiques artistiques ». Ce parcours pour tous les élèves tout au long de leur scolarité joue un rôle décisif dans la lutte contreles inégalités en favorisant un égal accès de tous les jeunes à l’art et à la culture dans le respect de la liberté et des initiatives des acteurs concernés.
Dès lors, comme mentionné précédemment, les mythes, dont la qualité patrimoniale n’est plus à démontrer, et l’imagerie qu’ils sous-tendent sont à la fois vecteurs d’épanouissement personnel, mais aussi de démocratisation culturelle et donc de lien social. Ainsi les productions sensibles, images, livres, sefont les médiateurs de l’enfant, du citoyen en devenir et du monde.
Un dispositif … tentaculaire
À l’image d’une hydre de Lerne qui serait non pas monstrueuse, mais réjouissante,ce projet est né avec une seule tête immortelle, ou tout au-moins avec un noyau dur et irréductible : la lecture offerte du Feuilleton d’Hermès. Puis celui-ci se dédoubla, encore et encore jusqu’à former une myriade de dispositifs, liés à autant d’apprentissages, gravitant autour de ce centre et thème commun : la mythologie.
Un réseau de lecture
Rapidement, une mise en réseau de textes liés à cette thématique s’opéra. Les textes choisis furent de plusieurs natures, tant documentaires, permettant ainsi aux élèves de se familiariser avec ce concept même , que littéraires, offrant ainsi la possibilité de rencontrer d’autres mythesque ceux évoqués dans l’ouvrage de Muriel Szac. L’intérêt de la constitution d’un réseau de lectures est évoqué par Catherine Tauvernon.
Les arts visuels et l’histoire des arts
L’iconographie, autre source de connaissance des mythes pour les contemporains, parallèlement aux textes, constituent naturellement une branche de cette ramification. En effet, comme le note Pierre Grimal :
Le mythe se trouve ainsi attiré autour de lui toute la part de l’irrationnel dans la pensée humaine : il est, par sa nature même, apparenté à l’art, dans toutes ses créations.
Et c’est là peut-être le caractère le plus saisissant du mythe grec : nous constatons qu’il s’est intégrés à toutes les activités de l’esprit. Il n’est aucun domaine de l’hellénisme, aussi bien la plastique que la littérature, qui n’est constammentre cours à lui. Pour un Grec, le mythe ne connaît point de frontière.
Tout d’abord, après chaque lecture d’épisode, la reproduction d’une œuvre plastique est observée avec les élèves, qui sont interrogés sur ce qu’ils voient, la manière dont les éléments sont représentés et les raisons de cela, ce qu’ils ressentent à la vue d’une telle œuvre. Les œuvres choisies sont aussi bien des peintures, sculptures, dessins ou gravures et courent de la période hellénistique à des périodes plus tardives.
L’éducation morale et civique et la philosophie
La mythologie a également permis d’aborder la notion d’éducation morale et civique et de philosophie par le biais des débats à visée philosophique, mais aussi plus modestement grâce aux discussions informelles réalisées après chaque lecture.
Dans le cadre des débats à visée philosophique, c’est la question de la liberté qui fut abordée avec une première séance consacrée à la définition de ce thème par les enfants à travers un temps de recueil des idées initiales, puis le tri d’images supports en très petits groupes et enfin la réalisation d’un affichage. La seconde séance reposait sur la réflexion autour du mythe de Prométhée enchaîné, qui, malgré sa situation, refuse l’arrangement proposé par Zeus et préfère rester entravé que de lui révéler le secret qu’il convoite tant. Dès lors, une question se posait aux lecteurs : « Prométhée est-il libre malgré ses chaînes ? », question à laquelle les élèves ont réfléchi à la suite d’une relecture individuelle à la maison, puis collective à l’école, des épisodes traitant de ce mythe, nourris par leur première séance et donnant lieu à un véritable débat contradictoire, d’où fut tirée une affiche.
On s’est posé : Est-ce que Prométhée est libre enchaîné au Caucase ? C’était vraiment bien ça ! Parce que ça nous a fait nous poser des questions et aussi réfléchir sur la liberté parce que en fait il est enchaîné mais il est libredans son âme mais il ne peut pas bouger quand même. Et ça j’aime bien parce que moi j’ai unlivre sur la liberté à la maison.(Manon).
La production d’écrits
Des exercices de production d’écrits sont également pensés autour de ce thème avec la création, en binôme, de cartes d’identité des dieux, chaque petit groupe ayant un dieu attitré.
Pour se faire, la classe a réfléchi à l’utilité d’un tel objet, aux éléments importants à faire apparaître et se nourrit des textes et iconographies étudiés, mais également de textes spécifiques sur chaque dieu et déesse distribués aux binômes concernés. Cette activité permet de mettre en pratique les apprentissages acquis en étude de la langue, tout en préparant à la restitution du projet.
Une vision holistique
Ainsi, cette approche est une démarche de projet à la fois pluridisciplinaire (mise en réseau de domaines disciplinaires autour d’un même thème), transdisciplinaire (de mêmes compétences construites au travers de plusieurs disciplines, telle la transversalité de l’expression orale), mais aussi interdisciplinaire (plusieurs disciplines sont concernées simultanément, comme lors de la restitution du projet).
Il s’agit d’une vision holistique, c’est à dire globale, de l’enseignement. L’ensemble des ramifications, objectifs et moyens, mis en œuvre dans cette démarche sont représentés sur la carte mentale ci-après.
Cependant, si la pédagogie de projet se développe depuis une vingtaine d’années en France, elle peine à se généraliser car victime de mauvaises représentations notamment sur les difficultés de mise en œuvre, selon Madame N’Guyen,formatrice à l’Espe de Paris.
Cela étant, les méthodes actives comme celles de William Kilpatrick au début du XXe siècle théorisant que plus l’intérêt croît pour un domaine, plus on y consacre d’efforts, ou celles de l’École Nouvelle de Maria Montessori , Célestin Freinet et tant d’autres, allant à l’encontre des pédagogies transmissives et de la passivité des élèves, ont su montrer l’intérêt de telles démarches, en particulier dans la lutte contre le décrochage scolaire.
Par ailleurs, la perspective cognitiviste d’Henri Wallon , tout comme celle socioconstructiviste de Lev Vygotski et Jean Piaget ont mises en lumière l’importance de la construction des apprentissages par le biais de manipulations et d’interactions sociales, prônant des apprentissages collaboratifs et coopératifs.
Or force est de constater qu’un tel dispositif sous-tend en effet de nombreux avantages, intérêts pédagogiques et apprentissages.
La mythologie, un fil d’Ariane pour bon nombre d’apprentissages
Une portée universelle visant le développement de la culture générale
Réserve de pensée, le mythe a fini par vivre d’une vie propre, à mi-chemin entre la raison et la foi ou le jeu. En lui a pris sa source, toute la méditation des Grecs, et après eux, celle des lointains héritiers ; c’est à lui que les poètes tragiques demandèrent leurs sujets et les lyriques leurs images. Prométhée, Œdipe, Oreste ont été d’abord des héros de légende. Les images d’Achille et d’Ulysse, la folie d’Ajax, indéfiniment reproduites sur les vases : cruches à vin, coupes, récipients de toutes sortes, mêlaient le mythe à la vie quotidienne et le rendait familier. À la maison comme au théâtre, ces figures sont des compagnes qui imprègnent la pensée, occupent l’imagination, dominent les conceptions morales.
Si Pierre Grimal évoque parfaitement ici l’influence culturelle qu’on pu avoir les mythes sous l’Antiquité, il est à noter que celle-ci ne s’est jamais vraiment tarie et ils continuent, jusqu’aujourd’hui, d’inspirer de nombreuses réalisations artistiques. De la musique et l’opéra avec pour exemple Le ballet de Psyché de Lully (1656) ou Orphée aux Enfers d’Offenbach (1858), aux arts visuels tels le très renaissance Persée tenant la tête de Méduse de Cellini , partout la mythologie irradie de ses personnages et récits.
En outre, les mythes sont aussi de puissants pourvoyeurs d’expression dans la langue française : « sortir de la cuisse de Jupiter », « un cheval de Troie », « une force de titan »,
pour n’en citer que quelques-unes, ainsi que de noms topographiques : le Mont Parnasse, les Champs Élysées, faisant directement référence à l’environnement d’élèves parisiens, ou encore de mots de vocabulaire courant ou moins courant : «harpies », « dédale » ou « lycaon » par exemple dont le sens se trouve directement lié au mythe dont ils sont issus.
Dès lors, l’école se donnant pour objectif d’offrir à chaque élève des références culturelles solides nécessaires à la compréhension du monde, les mythes peuvent constituer un point d’appuis concret au développement de cetteculture générale.
De plus, par les liens qu’ils peuvent tisser avec des objets culturels faisant d’ores et déjà partie de leur univers enfantin, cela crée un sens global pour les élèves, mettant les apprentissages et leur utilité en perspective et valorisant leurs pré-notions et compétences acquises comme ils le soulignent :
Parfois sur l’ordinateur de mon père je regarde les dessins animés de mythologie. Et c’est bien ! Les dessins sont jolis…mais le Titan il est un peu bizarre, il a du bleu sur sa peau, il a des grandes cornes et Athénaon voit presque pas ses cheveux à cause du casque, on voit sa chouette qui est grande comme ça.(Justine).
Une motivation accrue des élèves
Susciter l’intérêt de l’enfant, voilà le défi de n’importe quel pédagogue, pour qu’alors les apprentissages s’encrent durablement. Or, à l’instar de Serge Boimare, Bruno Bettelheim précise que Nous avons tous tendance à évaluer les mérites futurs de n’importe quelle activité sur la base de ce qu’elle offre sur le moment. C’est particulièrement vrai pour l’enfant qui, beaucoup plus que les adultes, vit dans le présent ; bien qu’angoissé par l’avenir, il n’a que des notions, très vagues sur ce que celui-ci peut être et sur ce qu’il exigera de lui.
L’enfant ne peut pas croire que ses lectures puissent enrichir plus tard sa vie si les histoires qu’on lui lit ou qu’il lit tout seul sont dénuées de sens. Le principal reproche que l’on puisse faire à ces livres, c’est qu’ils trompent l’enfant sur ce que la littérature peut lui apporter : la connaissance plus profonde de la vie et ce qui est significatif pour lui au niveau du développement qu’il a atteint.
Ainsi, la littérature n’a pas pour seule vocation d’être le support d’un apprentissage de la lecture. Elle est davantage. Elle est une source d’enrichissement personnel, de développement et d’épanouissement. Cet aspect, cette épaisseur, ne doit pas être dissimulée aux enfants d’autant qu’elle nourrit l’intérêt des élèves et le sens des apprentissages prodigués, comme le mentionnait Sarah lors de son entretien. Dans les œuvres littéraires, tels les mythes qui tout à la fois divertissent, éveillent la curiosité, stimulent l’imagination, développent l’intelligence, éclairent les émotions, l’enfant peut sortir du rôle de récepteur passif dans lequel il est souvent cantonné. Il s’agit au contraire d’un univers où il peut aller en tous sens : entrer, jouer, grandir, rapetisser, s’exprimer, écouter, observer.
Or, dans le cadre d’un projet multidisciplinaire, c’est l’ensemble des domaines qui prennent sens en commun, jouent à l’harmonie, résonnent et se répondent en profondeur.
Cette signification et ce corps donnés aux apprentissages ne peuvent qu’aider les élèves et en particulier ceux en difficulté, selon les hypothèses de Serge Boimare mentionnées dans son ouvrage, pour qui il est important d’enrober, enchanter les savoirs pour mieux les transmettre, grâce entre autre à la « médiation culturelle qui permettrait de prendre en compte les inquiétudes et émotions parasitant l’apprentissage ».
Des compétences en lecture et compréhension de texte développées…
L’adhésion pleine et entière des élèves à ce projet et sa thématique permet une implication accrue dans l’ensemble des domaines abordés, mais c’est bien sûr dans les principales matières traitées par ce biais (lecture, maîtrise de la langue, histoire des arts) que les impacts sont les plus sensibles.
Tout d’abord, la valeur modélisante des séances de lecture offerte ne peut pas être occultée. En effet, ce moment agréable, pour les élèves comme pour l’enseignante, de regroupement et de partage d’un récit, permet par l’écoute, l’observation, la répétition du rituel, de travailler sur les questions d’intonation, de rythme, de vie à donner à une lecture à voix haute, comme le souligne Madame Pelletier, professeure tutrice à l’Espe de Paris, dans son second rapport de visite-conseil : « La lecture orale suscite l’intérêt, l’enseignante s’attache à différencier les différentes parties (la narration proprement dite de l’histoire et les dialogues de chaque personnage). »
Or ces questions font partie intégrante du travail de longue haleine mené cette année avec cette classe de CE1 en lecture comme l’évoque David:
Moi ce que j’aime beaucoup c’est la lecture ! Quandc’est les élèves qui lisent et quand c’est toi qui lis aussi. J’aime bien quand c’est les élèves parce que c’est comme si on était des personnages et qu’on disait notre…ce qu’on dit. Comme quand tu fais le Feuilleton d’Hermès.
De plus, cette atmosphère de réel plaisir pris dans la lecture et son partage permet dans une certaine mesure de transmettre ce goût aux élèves. Ils ne sont d’ailleurs pas rares à exprimer leur inclination pour ce genre d’exercices à l’école comme à la maison, à l’image de Sarah : Tu nous avais donné des épisodes à lire pendant lesvacances et je les lis à mes parents ! Et ils ont vraiment beaucoup aimé, ils voulaient tout savoir ! Et puis je leur ai lu aussi le texte « Comprendre un mythe » et comme ça on a compris et ça j’aime bien le relire
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Table des matières
INTRODUCTION
1. Retour aux origines : la cosmogonie du projet
1.1. Un contexte scolaire propice
1.2. Une trajectoire très personnelle
2. À la manière d’Archnée, un projet qui tisse sa toile
2.1. Ce que disent les textes officiels
2.2. Une porte d’entrée privilégiée pour la rencontre avec les mythes : le support littéraire
2.3. Un dispositif … tentaculaire
2.3.1. Un réseau de lecture
2.3.2. Les arts visuels et l’histoire des arts
2.3.3. L’éducation morale et civique et la philosophie
2.3.4. La production d’écrits
2.3.5. L’étude de la langue
2.3.6. L’organisation de données
2.3.7. La découverte du monde
2.3.8. Une vision holistique
3. La mythologie, un fil d’Ariane pour bon nombre d’apprentissages
3.1. Une portée universelle visant le développementde la culture générale
3.2. Une motivation accrue des élèves
3.3. Des compétences en lecture et compréhension detexte développées
3.4. … Parallèlement aux capacités langagières
3.5. Des capacités imageantes nourries
3.5.1. Enrichir son imaginaire au contact d’œuvres d’art
3.5.2. S’exprimer sensiblement
3.5.3. Des affichages visibles et visuels
3.6. Vers la construction d’un être social, collectif et individuel
3.6.1. L’identification au héros
3.6.2. Une réflexion collective
3.6.3. …mais aussi personnelle
3.7. Des apprentissages d’autant plus efficaces quela cohésion du groupe classe est renforcée
3.7.1. Un groupe classe soudé
3.7.2. … et des familles impliquées
4. « Ne pas se brûler les ailes », de la nécessité d’un projet mesuré
4.1. Savoir finir une aventure : restitution du projet grâce aux Médiateurs en herbe
4.2. Ne pas s’essouffler : de l’intérêt de la diversité
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
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