La motivation : un point majeur dans l’apprentissage
Dans les apprentissages, un autre point majeur est la motivation. Pour approfondir cela, nous nous appuierons sur un article de Pascal Bressoux, professeur de Sciences de l’Éducation à l’université Grenoble Alpes ainsi qu’à l’Institut Universitaire de France. Bressoux (2017) donne une définition plus précise de la motivation, notamment à l’école. Pour lui, elle permet la mise en action mais ne suffit pas à elle seule le succès dans les apprentissages scolaires. Pour affiner ses recherches, il s’appuie beaucoup sur les théories motivationnelles ainsi que la théorie de l’autodétermination. Il part d’une définition de la motivation par Vallerand et Thill (1993) (cités par Bressoux, 2017), selon lesquels “le concept de motivation représente le construit hypothétique utilisé afin de décrire les forces internes et/ou externes produisant le déclenchement, la direction, l’intensité et la persistance du comportement”. On y retrouve trois éléments importants. D’abord, la motivation est inobservable et est donc une hypothèse de travail. Elle est pertinente pour expliquer des comportements mais les comportements ne constituent pas la motivation en ellemême (ils en sont la conséquence). La nature de la motivation des élèves est inconnue. Ensuite, la motivation n’est pas le seul élément qui déclenche la mise en route d’un comportement. Elle détermine aussi les buts que s’est fixés le sujet. Enfin, la motivation est assimilée à une force qui peut venir de la personne (interne), de l’environnement (externe) ou des deux à la fois. Elle résulte donc d’un processus et n’est pas la simple conséquence d’un trait de personnalité exclusif qui signifierait que les individus sont, de façon stable et générale, des personnes “motivées” ou “non motivées”. Par la suite, Bressoux prend appui sur un autre point de vue. Selon les scientifiques, la motivation est un processus continu qui régit le comportement d’une personne en relation avec son environnement. Les individus et leur environnement sont indissociablement liés, c’est-à-dire qu’une personne est toujours motivée car son comportement l’est aussi, consciemment ou inconsciemment. Enfin, dans cet article, l’auteur précise l’importance des attentes de réussite (ai-je les capacités requises pour accomplir la tâche?). Il affirme que plus l’ego est impliqué, plus la réussite le confortera, mais plus l’échec l’affectera. Il indique également que les croyances motivationnelles comportent deux dimensions : les valeurs et/ou les attentes (“l’individu va évaluer la valeur de la tâche et va s’évaluer lui-même en relation à cette tâche”). Il explique alors que beaucoup de liens existent entre les croyances d’efficacité personnelle et les acquisitions des élèves. Il y a une influence non négligeable des croyances d’efficacité personnelle sur les performances académiques.
Après avoir défini ce qu’est la motivation d’après Bressoux, il semble utile d’évoquer les différents types de motivation qui peuvent exister chez les élèves, en lien avec le principe de l’autodétermination. D’abord, il y a “la motivation intrinsèque”. Elle se définit comme étant le niveau le plus élevé de l’autodétermination. C’est lorsque la personne réalise une activité pour elle-même. Le second type de motivation est appelé “la motivation extrinsèque”. Celle-ci signifie que la personne fait une activité non pas pour le plaisir mais parce qu’elle perçoit, à travers cette activité, des opportunités pour atteindre autre chose qu’elle désire. Au sein de cette motivation, il y a différentes formes de régulation comportementale. Nous allons nous centrer principalement sur celles qu’il est possible d’observer à l’école primaire. La première est la régulation externe, qui renvoie aux comportements qui se font par obligation, pour obtenir une récompense ou par crainte d’être punis. La deuxième est la régulation introjectée, celle où les comportements se font sous l’imposition de contraintes et pressions que l’individu se donne à lui-même. La dernière est la régulation identifiée, qui définit des comportements valorisés et jugés importants par la personne (par exemple, une personne qui travaille beaucoup les mathématiques parce qu’elle veut faire des études scientifiques dans le futur). Enfin, il existe également le terme d’amotivation. C’est le cas lorsqu’un individu n’est motivé ni intrinsèquement ni extrinsèquement, ce qui donne lieu à une absence de régulation. Pour conclure sur la motivation, la forme la plus favorable aux apprentissages scolaires devrait être la motivation intrinsèque, après laquelle viendraient les régulations identifiées, introjectées et externes.
Est-il possible d’apprendre sans motivation?
Après avoir défini la motivation, notamment en rappelant les différents types de motivation qui existent, nous allons essayer, en nous appuyant sur nos lectures, de nous pencher sur l’une de nos principales interrogations : est-il possible d’apprendre sans motivation ? L’une de nos lectures nous a apporté de nombreuses informations quant à ce sujet, il s’agit du premier chapitre de l’ouvrage de Pierre Vianin (2007). Cet enseignant spécialisé et professeur de la Haute Ecole Pédagogique du Valais se consacre à une thématique précise qui est la lutte contre l’échec scolaire. Dans ce livre et plus précisément dans le premier chapitre, Vianin (2007) évoque la notion de motivation.
Selon lui, la motivation est primordiale dans le processus d’apprentissage. Il la définit comme étant “une composante essentielle de la réussite scolaire”. En effet, dans cet ouvrage, l’auteur prend position en affirmant que tout apprentissage dépend de la motivation. Il étoffe son propos en la qualifiant de “mise en mouvement initiale”, d’”élan du cœur et de l’esprit, et même du corps”, sans laquelle tout apprentissage est impossible. Pour lui, la motivation est le moteur de l’activité, qui assure “la direction du véhicule et la persévérance vers l’objectif”. Vianin pense donc qu’à travers la motivation, il est possible de surmonter tous les obstacles.
De plus, Vianin (2007) s’appuie sur des constatations d’enseignants. Il précise que souvent, pour justifier les difficultés rencontrées par les élèves, les enseignants invoquent leur faible motivation. D’ailleurs, il indique que plus les notes obtenues par les élèves sont basses, plus les résultats concernant la résignation et l’amotivation sont élevés. A l’opposé, plus les notes sont élevées et plus les résultats qui concernent la motivation le sont également. Vianin (2007) cite également les auteurs italiens De Beni et Pazzaglia (2001), qui ont affirmé que “la faible motivation est vécue (par les enseignants), non seulement comme frustrante, mais comme principal obstacle au succès du processus d’enseignement-apprentissage”. Enfin, pour enrichir davantage sa pensée, il note qu’un psychologue, J-L. Aubert, avait affirmé en 1994 que la motivation faisait partie des processus conatifs et qu’elle était, avec la disponibilité psychique, une composante essentielle de la réussite scolaire. Astolfi (2008) considère que “la motivation n’est présente qu’en creux dans le discours scolaire parce qu’on ne parle d’elle qu’en termes de manque : les élèves ne sont pas motivés, répète-t-on à l’envie”.
En s’appuyant donc sur les écrits de Vianin, on remarque que son avis penche particulièrement vers le fait que lorsqu’il y a motivation, tous les apprentissages sont possibles. Pour lui, il ne serait donc pas envisageable d’apprendre sans motivation. En revanche, deux auteurs, Franck Amadieu et André Tricot (2014), vont à contresens de son avis. Effectivement, ils précisent que la motivation à utiliser une technologie pour apprendre dépend du contexte d’utilisation et du type de tâche qui est réalisée avec cette technologie. Pour eux, la motivation n’est pas le médiateur incontournable entre la technologie et un apprentissage performant. Cet argument sera plus amplement expliqué lorsque l’on traitera l’influence négative des outils numériques sur la motivation des élèves.
De la motivation à l’engagement
A notre arrivée en deuxième année de Master et en se projetant davantage sur l’expérimentation, nous nous sommes questionnées quant à l’observation de la motivation en classe. Nous avons, suite à quelques recherches, fait le choix d’observer plutôt l’engagement des élèves dans la tâche à réaliser. La motivation scolaire se manifeste de différentes façons. En effet, l’engagement cognitif en fait partie, mais il y a également la persévérance et l’apprentissage. Salomon (cité par M. Britt, 2018), psychologue de l’éducation, définit l’engagement cognitif comme le “degré d’effort mental que l’élève déploie quand il fait une activité”, c’est-à-dire qu’un élève motivé montrera un certain engagement en recourant à des stratégies d’apprentissage qui lui permettent de réaliser l’activité. Butler, docteur en philosophie à l’université British Columbia et Cartier, professeure agrégée en psychopédagogie et andragogie à l’université de Montréal (cités par M. Britt, 2018), apportent une définition qui s’en rapproche. Elles précisent que l’engagement cognitif est “une gestion active et réfléchie que l’élève fait de ses stratégies d’apprentissage lorsqu’il doit accomplir une activité pédagogique”. Les stratégies d’apprentissages auxquelles font référence ces trois chercheurs sont définies par Viau (cité par M. Britt, 2018), enseignant et chercheur québécois sur la motivation en pédagogie, comme “des moyens que l’élève utilise pour acquérir des connaissances et compétences, et mieux contrôler sa démarche d’apprentissage”. Il en existe des différentes, telles que les stratégies cognitives, métacognitives, affectives ou encore de gestion du contexte de l’apprentissage.
De ce fait, nous remarquons à quel point l’engagement est un indicateur incontournable de la motivation en milieu scolaire. En effet, à partir du moment où l’activité est considérée comme “motivante”, elle doit impérativement exiger un engagement cognitif de la part de l’élève, c’est-à-dire l’inciter à développer des stratégies d’apprentissage lui permettant de mieux appréhender les notions en jeu dans l’activité en question. D’autre part, la motivation suscitée dans une activité peut aussi provenir des possibilités d’interactions que celle-ci offre. En effet, dans beaucoup d’activités dites “motivantes”, les élèves sont invités à échanger avec leurs pairs ou avec l’enseignant(e) et à discuter de leur travail. Ils peuvent mettre en commun leur point de vue et leurs idées, et sont alors confrontés à une démarche d’apprentissage coopératif.
Se pose alors la question : comment mesurer l’engagement des élèves dans une activité ? Différents indicateurs apparaissent, notamment la pertinence des questions posées, soit à l’enseignant(e), soit à ses pairs. En effet, parfois, certaines questions peuvent être étrangères à l’activité et donc montrer un certain désengagement. Les déplacements et gestes des élèves sont aussi un moyen de mesurer l’engagement de leur part, ainsi que la qualité d’écoute entre pairs, leur assiduité ou encore leur taux de participation orale. Tous ces indicateurs seront à prendre en compte pour l’analyse (voir partie Méthodologie).
Pour conclure, il convient de rappeler que l’engagement cognitif est un mélange entre attention et efficacité, et qu’il n’est pas possible sans motivation. Chaque élève doit, pour pouvoir être engagé dans une tâche d’apprentissage, pouvoir y donner du sens afin d’y être pleinement impliqué.
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Table des matières
Introduction
I. Cadre théorique et institutionnel
1. La motivation et les apprentissages : motivation intrinsèque et extrinsèque
a) L’apprentissage des élèves
b) La motivation : un point majeur dans l’apprentissage
c) Est-il possible d’apprendre sans motivation?
d) De la motivation à l’engagement
2. Le numérique au service des apprentissages : la place du numérique à l’école
a) Le Cadre de Référence des Compétences Numériques
b) Le Socle Commun de Connaissances, de Compétences et de Culture
c) Les programmes de l’Education Nationale
3. L’utilisation des outils numériques en classe et son influence sur la motivation des élèves
a) Influence positive et négative
b) Le VidéoProjecteur Interactif
c) Le développement des interactions langagières
d) Le développement de la coopération grâce à l’outil numérique (VPI)
II. L’expérimentation
1. Hypothèses
2. Méthodologie : composition du recueil de données
a) La situation proposée
b) La constitution des groupes de travail
c) Les données à recueillir
3. Les outils utilisés, pourquoi et comment ?
a) Les caméras
b) Les microphones
4. Analyse a priori des données recueillies
III. Analyse du recueil des données
1. Description détaillée des activités proposées
a) Cycle 1
b) Cycle 3
2. Liens entre les deux expérimentations : les axes observés
a) En quoi les éléments recueillis relèvent de l’engagement ?
b) Les manifestations de la coopération au sein du groupe d’élève
c) De nouvelles données pour répondre à notre problématique
IV. Discussion
1. Re-contextualisation de la recherche
2. Re-contextualisation de l’expérimentation
3. Un bilan contrasté
4. Les apports et les limites de cette recherche
Conclusion
Bibliographie
Annexes