La mondialisation de la pauvreté
Les promesses de parousie
Déjà en juillet 1973, les premiers balbutiements de cette mondialisation étaient perceptibles. Sur l’initiative de David ROCKEFELLER, figure de prou du capitalisme américain, naissait la commission trilatérale. Des dirigeants des multinationales, gouvernants des pays riches et partisans du libéralisme économique ont vite compris qu’ils devraient se concerter s’ils voulaient imposer leur vision du monde. La commission entend alors devenir un organe privé de concertation de la politique internationale des pays de la triade (Etats-Unis, Europe, Japon). L’élite rassemblée au sein de cette organisation opaque fort peu démocratique va s’employer à définir les critères d’une « bonne gouvernance » internationale.
En 1974, les groupes dominants des pays riches avaient promis d’éradiquer la pauvreté en l’an 2000. Il fallait comprendre par là de faire franchir aux individus le seuil de la pauvreté absolue, fixé à 2 dollars de revenu par jour et par personne. Faudrait-il remarquer qu’à travers ce discours, il y avait une volonté affichée d’éliminer la pauvreté dans le monde. Mais vu la nature et les ambitions de cette commission, nous étions en droit de douter de leur bonne foi. Pour réussir ce pari, ils s’étaient engagés à allouer 0,7% de leur produit intérieur brut à l’aide publique au développement. Quinze ans après, c’est-à-dire en 1989, ils nous servent la même rhétorique. Cette fois-ci, ils nous font miroiter une hypothétique paix mondiale, laquelle augurerait des lendemains meilleurs pour les pauvres. Ces mêmes groupes capitalistes annonçaient avec optimisme, qu’à la suite de la disparition de l’Union soviétique, la fin du vingtième siècle et le début du vingt unième siècle inauguraient une nouvelle ère de paix mondiale, espérant qu’ils n’auront plus besoins de gaspiller des sommes énormes pour les armements. D’après leur projection, le monde va à la suite de cette nouvelle donne, bénéficier des dividendes de la paix ; lesquelles faciliteraient la réalisation de l’objectif de l’éradication de la pauvreté en l’an 2000.
Mais c’est sans compter avec le rythme endiablé de cette machine «anthropophage» qu’est la mondialisation, qu’ils ont enclenché. Indépendamment de leurs projections, la mondialisation continue de faire son œuvre car le processus est irréversible. En vérité, ce qui s’est passé c’est que la pauvreté n’a pas été éliminée, et elle s’est même exacerbée au cours des années 1990. Pour illustrer ce propos, nous allons nous référer au Rapport sur le développement humain du Programme des nations unies pour le développement (PNUD).
En 2000, sur une population de 6 milliards d’habitants, on comptait 2 milliards vivants audessous du seuil de pauvreté, et parmi eux, 1,3 milliards reconnus comme extrêmement pauvres car disposant d’un dollar par jour. En 2003, le nombre de pauvre s’est grossi de 100 millions, atteignant 2,8 milliards Force est de reconnaître que si l’objectif de 1974 n’a pas été atteint, ce n’est pas qu’il était irréalisable. L’une des raisons majeures de ce fiasco, c’était que les groupes dominants des pays riches ont mené des politiques commerciales, financières et technologiques renforçant du coup les causes de la paupérisation des populations déjà dans le dénuement total. Pour ce qui est de la promesse d’une paix mondiale, les foyers de tensions sont plus que jamais ardents, notamment au Proche-orient, en Afghanistan, en Irak, au Darfour.
Mais le tournant est sans conteste les attentats du 11 Septembre 2001 visant le World Trade Center et le Pentagone symboles de l’hégémonie américaine. C’est à partir de ce moment que le monde va entrer dans une longue phase de guerre contre le terrorisme, plongeant ainsi l’économie mondiale dans une seconde impasse et obligeant les pays développés à revoir leurs projections. Présentement leur échéance réaliste, disent-ils, est la réduction à moitié du nombre de personnes pauvres en 2015. Tel est encore une fois l’objectif ambitieux que la communauté internationale s’est donnée pour répondre aux droits de la vie et de la dignité humaine des 2,8 milliards de pauvres.
Le caractère inévitable et naturel de la pauvreté
Puisque nous sommes partisans d’un épanouissement de tous les êtres humains à travers des conditions de vie améliorées, nous pouvons aussi qu’applaudir aux innovations qui concourent réellement au progrès de l’humanité. Puisque nous sommes citoyens du monde, nous ne pouvons qu’être favorable à une mise en commun des richesses de la planète, dans un processus qu’on pourrait nommer mondialisation. Pourtant la mondialisation que nous subissons n’est que le processus impérialiste de domination du capital, et le « progrès » qui nous guette est surtout celui qui correspond au développement de nouveaux marchés dans lesquels seuls les pays compétitifs sont conviés ou aux intérêts d’actionnaires privilégiés. Ce nouveau impérialisme, ce néolibéralisme pour ainsi dire, maître-d’œuvre de cette mondialisation « sauvage » ne fait qu’accentuer les inégalités et les injustices. L’un des mensonges des néolibéraux consiste à dire que la croissance économique des entreprises produit une meilleure répartition de la richesse et de l’emploi. Cette allégation s’avère fausse dans la mesure où la volonté manifeste des tenants de ce système est de soumettre des milliards d’êtres, et ils veulent se défaire de tous ceux qui seraient de trop c’est-à-dire ceux qui seraient à l’encontre de leurs intérêts. Mais ces « jetables » pour ainsi dire peuvent se révolter du jour au lendemain. Femmes, enfants, vieillards, jeunes, immigrés et tous ceux qui dérangent l’ordre nouveau sont les condamnés du système, les victimes de cette recherche effrénée des dividendes colossales. C’est pourquoi Jacques NIKONOFF affirme dans ce sens que : « Emergeant du rideau de fumée qui en avait longtemps dissimulé la nature profonde, la mondialisation apparaît avant tout comme un système de domination du Nord sur le Sud, du capitalisme anglo-saxon sur les autres formes de capitalisme, des possédants sur les démunis. Au point que l’on peut dire que cette mondialisation-là est la mise en œuvre concrète de l’idéologie néolibérale. » .
Soixante trois ans se sont écoulés depuis la fin de la seconde guerre mondiale, et nous sommes toujours à l’époque de la course vers l’armement oubliant délibérément la souffrance des milliards de pauvres. Sommes-nous réellement dans un monde à figure humaine ? C’est comme si nous n’étions pas conscients du risque d’extinction qui menace le genre humain.
Devant cette double impasse, les mondialisants proposent aux mondialisés d’accepter le caractère inévitable et à la limite naturel de la pauvreté, occasionnant ainsi une lutte sans merci pour la survie individuelle. Au moment où les barrons de l’économie mondiale tergiversent pour éradiquer à jamais la pauvreté, au moment où ils nous fixent d’autres échéances afin de venir à bout de ce qui est convenu d’appeler au regard de leur politique une « fatalité », des millions de pauvres viennent grossir le contingent de ceux qui croupissent dans la misère. Le temps est venu de déclarer illégitime la pauvreté, comme ce fut avec l’esclavage au cours du vingt unième siècle, de la mettre au ban de la société sur la base cet ultime principe:Personne n’a le droit d’être pauvre Déclarée illégitime la pauvreté signifie concrètement démocratiser et décentraliser les richesses, ériger en loi universelle la justice sociale.
En somme, la politique menée par les mondialisants exhibe leur laxisme dans la résolution de ce fléau qu’est la pauvreté. Ils ont choisi froidement de la rendre naturelle et du coup leur donnant la latitude de garder leur posture de dominant. La conséquence de cette option est sans conteste la balkanisation du monde en deux camps, et de manière beaucoup plus subtile le remodelage en profondeur des esprits. En termes clairs, ils sont en train de créer un « homme nouveau » qui n’a plus le temps d’user de sa raison pure parce que préoccuper par sa situation de paupérisation avancée. Au terme de ce processus, il sera contraint de monnayer sa liberté jadis acquise avec cette nébuleuse-la mondialisation- qu’on a de la peine à cerner. En fait, nous pouvons nier avec MARX jusqu’à un certain seuil qu’il n’existe pas de « nature humaine » mais une « condition humaine » qui varie selon les époques. Et s’il n’existe plus d’époques mais l’époque tout cours, à savoir ce moment présent, cette nouvelle ère de la mondialisation ; ne serions-nous pas tenter de soutenir la thèse contraire ?
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : La création d’un « homme nouveau »
CHAPITRE 1 : La mondialisation de la pauvreté
1.1- Les promesses de parousie
1.2- Le caractère inévitable et naturel de la pauvreté
CHAPITRE 2 : Le sujet postmoderne
2.1- La ruse de la raison
2.2- De l’éclatement à la promotion d’un nouveau modèle d’État
DEUXIEME PARTIE : Du « Nous » au « Je »
CHAPITRE 1 : La refonte des esprits
1.1- Le déficit de la raison pure
1.2- Le non-être n’est pas
CHAPITRE 2 : Le discours alternatif
2.1- L’altermondialisation
2.2- De la servitude à la liberté
CONCLUSION
LISTE DES REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
BIBLIOGRAPHIE