LA MODELISATION DES PHENOMENES IRREVERSIBLES
Mécanique de l’endommagement
Le phénomène d’endommagement représente des discontinuités surfaciques pour les microfissures, ou volumiques pour les cavités. Il s’agit donc d’un processus rhéologique bien différent de la déformation, même si les causes initiales des deux phénomènes sont identiques : mouvements et accumulation des dislocations dans les métaux, modifications des liaisons intermoléculaires dans les matériaux organiques, micro décohésions dans les minéraux. La théorie de l’endommagement décrit l’évolution des phénomènes entre l’état vierge et l’amorçage de la fissure macroscopique. La rupture macroscopique est étudiée depuis fort longtemps. Déjà vers 1500, Léonard de Vinci se préoccupait de caractériser la rupture à l’aide de variables mécaniques, mais ce n’est qu’assez récemment que l’on s’est préoccupé de modéliser la détérioration progressive de la matière qui précède la rupture macroscopique. 1958 est la date historique pour la mécanique de l’endommagement. Le premier travail a été publie par Kachanov pour décrire la rupture des métaux sous sollicitations unidimensionnelles [01].
Variables d’endommagement
Il est difficile de distinguer macroscopiquement un élément de volume fortement endommagé d’un élément de volume vierge, on est donc obligé d’imaginer une variable interne représentative de l’état de détérioration de la matière. Considérons un solide endommagé dans lequel on a isolé un élément de volume fini d’une taille suffisamment grande par rapport aux hétérogénéités du milieu. Cet élément est représenté par la figure I.1. La mesure mécanique de l’endommagement dans une direction normal est donnée par le rapport entre la surface efficace SD (surface fictive supportant les efforts) et la section initiale S repérée par sa normal.
Théorie de la plasticité : Plusieurs modèles ont vu le jour depuis le début de l’utilisation de la théorie de plasticité pour la simulation du comportement non-linéaire de matériaux. En ce qui concerne le béton, les mécanismes microscopiques mises en jeux sont plus complexes, les propriétés cohésives jouent un rôle du moins aussi important que les propriétés frottantes, et le mode de rupture correspond à une apparition de surfaces de discontinuité avec décohésion du matériau qu’à un glissement frottant de celles-ci. Afin de mieux représenter la réponse du matériau béton sous différents trajets de chargements, ce qui peut solliciter de multiples mécanismes engendrant les non-linéarites du matériau, le principe de plasticité multi-surfaces peut être appliqué dans lequel chaque mécanisme est géré par sa propre surface de charge. Cette plasticité multi-critères permet de coupler aisément fissuration et plasticité. Le comportement fragile peut ainsi être géré par un critère en contrainte maximale (Rankine) et la phase ductile (compression) par de la plasticité du type Drucker-Prager, tenant compte de la pression hydrostatique. L’écoulement plastique est régi par la règle d’écoulement définie à partir d’une fonction convexe G (, Ai) appelée potentiel plastique. L’évolution des déformations plastiques est supposée vérifier les relations suivantes.
On suppose ainsi dans la théorie de la plasticité qu’il n’y a des évolutions plastiques que si le point de charge est sur la surface de charge (F=0) et y reste (._ _ 0). Si G (, Ai) =F (, Ai), l’écoulement est dit associé, et la direction des incréments de déformations plastiques est normale à la frontière du domaine d’élasticité. Dans le cas contraire, l’écoulement est dit non-associé. Il est important de noter que dans le cadre de la modélisation des géomatériaux, la plasticité est en général considérée comme non associée afin de mieux représenter le comportement dilatant de ces matériaux .
Comportement en traction : Bien que le béton soit principalement conçu pour résister à la compression, la connaissance de ses propriétés en traction est importante pour une description complète de son comportement matériel. Vu la difficulté de la réalisation de l’essai, on fait souvent appel à des essais indirects pour déterminer ce comportement. La figure II.3, présente la courbe contraintedéformation pour le béton en traction simple (essai de traction directe). Dans cette figure, on peut distinguer deux phases importantes du comportement du béton:
dans une première phase, le comportement est quasiment élastique linéaire avec une légère perte de raideur juste avant d’atteindre le pic.
Une deuxième phase (phase adoucissante), après le pic, caractérisée par une chute presque brutale de la contrainte. Durant cette phase, les micro-fissures bifurquent dans la pâte de ciment et se propagent en mode I essentiellement pour constituer une fissure continue perpendiculaire à l’extension principale.
Les cycles charge-décharge permettent de constater une chute importante de la raideur en fin d’essai (de E à E/2) et l’apparition de déformation résiduelle. Dans son état ultime, l’essai de traction directe conduit à une fissure unique, localisée et perpendiculaire à la direction d’extension.
L’essai de traction cyclique présenté à la figure II.4, permet de confirmer le rôle prépondérant du développement de la micro-fissuration qui provoque une dégradation des caractéristiques élastiques du matériau, et que ces boucles d’hystérésis sont très faibles. Ceci paraît logique si l’on admet qu’elles sont principalement dues à des phénomènes de frottement entre lèvres de micro-fissures.
Les approches de localisation : De nombreuses études ont abordé le problème de la localisation des déformations dans un milieu continu. La localisation peut être définie comme une zone où les déformations restent continues, mais se concentrent dans une bande de taille, très petite vis-à-vis de la structure, qui dépend des conditions de chargement. Ce phénomène de localisation conduit rapidement à la ruine de la structure. En pratique, la localisation se traduit de différentes façons. Pour les métaux, la bande de localisation se forme par des glissements de plans cristallins et par la formation de cavités. Pour les milieux granulaires, un réarrangement de grains peut être à l’origine de la localisation. Enfin, pour le cas des matériaux hétérogènes quasi-fragiles, la bande de localisation est formée par une collection de microfissures. Le critère de localisation des déformations est généralement du à l’apparition de modes de déformation présentant une discontinuité du gradient des vitesses de déplacement à travers certaines surfaces singulières. Par conséquent, les équations de champs perte leur caractère elliptique en statique. L’ellipticité des équations de champs est une condition nécessaire et suffisante d’unicité de la solution. II.6.1 Approches continues : Les approches continues permettent une modélisation du comportement non linéaire du béton, elle consiste à considérer ce matériau comme un milieu continu et à intégrer le comportement non linéaire du matériau dans la loi de comportement. Les dégradations sont prises en compte par l’intermédiaire de variables internes agissant sur les caractéristiques mécaniques ou sur les variables de base de la modélisation. La fissure est alors représentée par une zone de matériau totalement dégradée, qui reste continue au sens de la mécanique des milieux continus. Ainsi, les redistributions des contraintes, qui résultent de la concentration des déformations et de l’évolution de la dégradation, auront lieu dans une région appelée zone de microfissuration ou FPZ (Fracture Process Zone).
L’évolution de la dégradation dans cette zone et l’évolution de son étendu déterminent la direction de propagation de la fissure. A titre d’exemple, nous pouvons citer, concernant ces approches, les modèles de fissuration diffus « smeared crack models » (Rots (1988) [23]) ou les modèles d’endommagement (Mazars [08]), ou les modèles de plasticité. Si des modèles utilisant la théorie des milieux continus sont capables de représenter le comportement mécanique du béton pendant différentes phases caractéristiques (élastique, écrouissage non linéaire positif et écrouissage non linéaire négatif), ils ne donnent aucune information sur l’évolution de la fissuration, son ouverture en particulier [04]. Dans les modèles continus les discontinuités ne sont pas explicitement représentée, la contribution de la fissuration à la dégradation du béton est prise en compte en supposant une distribution uniforme des variables internes sur la surface(ou volume) d’un élément fini.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I : THERMODYNAMIQUE ET MECANIQUE NON LINEAIRE POUR
I.LA MODELISATION DES PHENOMENES IRREVERSIBLES
I.1 LA THERMODYNAMIQUE
I.1.1 Enoncés fondamentaux de la thermodynamique
I.1.1.1 Loi de conservation, premier principe
I.1.1.2 Entropie, deuxième principe
I.1.2 Variables d’état
I.1.2.1 Variables observables
I.1.2.2 Variables internes
I.1.3 Potentiel thermodynamique
I.1.4 Potentiel de dissipation
I.2 MECANIQUE DE L’ENDOMMAGEMENT
I.2.1 Généralité
I.2.2 Variables d’endommagement
I.2.3 Théorie de l’endommagement isotrope
I.2.3.1 Potentiel thermodynamique
I.2.3.2 Potentiel de dissipation
I.2.4 Théorie de l’endommagement anisotrope
I.2.4.1 Potentiel thermodynamique
I.2.4.2 Potentiel de dissipation
I.3 THEORIE DE LA PLASTICITE
CHAPITRE II : COMPORTEMENT EXPERIMENTAL DU BETON ET APPROCHES DE MODELISATION
II.1 COMPORTEMENT MECANIQUE DU BETON
II.1.1 Comportement en compression
II.1.2 Comportement en traction
II.1.3 Comportement cyclique traction-compression
II.1.4 Comportement multiaxial
II.2 EXEMPLE DE MODELES D’ENDOMMAGEMENT POUR LE BETON
II.2.1 Modèles isotropes
II.2.1.1 Modèle de Mazars
II.2.1.2 Modèle de « de Vree »
II.2.2 Modèles anisotropes
II.2.2.1 Modèle de Dragon et Halm (1998)
II.2.3 Modèles unilatéraux
II.2.3.1 Modèle de Laborderie (1991)
II.2.3.2 Modèle de Ramtani (1990)
II.3 EXEMPLE DE MODELE DE PLASTICITE POUR LE BETON
II.3.1 Le modèle de Drcüker-Prager
II.3.2 Le modèle de Feenstra
II.4 MODELES ELASTO-PLASTIQUE ENDOMMAGEABLE
II.4.1 Modèle de Nechnech (2000)
II.5 LES APPROCHES DE LOCALISATION
II.5.1 Méthodes de régularisation
II.5.1.1 Méthode énergétique
II.5.1.2 Modèles non-locaux
II.5.1.3 Modèles à gradients
II.6 LES DIFFERENTES APPROCHES DE MODELISATION DE LA FISSURATION
II.6.1 Approches continues
II.6.2 Approches discontinues
II.6.2.1 La discontinuité entre les éléments
II.6.2.2 La discontinuité au niveau des noeuds
II.6.2.3 La discontinuité dans l’élément
II.6.3 Approches mixtes
II.6.4 Description de l’ouverture des fissures à partir d’une approche continue
CHAPITRE III : ESTIMATION DES OUVERTURES DES FISSURES DANS LES STRUCTURES EN BETON
III.1 INTRODUCTION
III.2 MODELE DE FICHANT
III.3 LES MODIFICATIONS APPORTEES
III.4 SIMULATION D’UN TIRANT EN BETON ARME
III.4.2 Résultats numériques
III.5 SIMULATION DES POUTRES EN BETON EN FLEXION 3 POINT
III.5.1 Géométrie et chargement
III.5.2 Le but de la simulation
III.5.3 Les résultats de la simulation
III.5.3.1 Les réponses globales
III.5.3.2 Les ouvertures de fissures
III.5.4 Commentaires
CHAPITRE IV : APPLICATION AUX ENCEINTES DE CONFINEMENT SOUS UN CHARGEMENT ACCIDENTEL
IV.1 INTRODUCTION
IV.2 ASPECT STRUCTURAL DES ENCEINTES DE CONFINEMENT
IV.3 LES MATERIAUX CONSTITUANT L’ENCEINTE DE CONFINEMENT
IV.3.1 Caractérisation du béton
IV.3.2 Caractérisation de la précontraintes
IV.4 PRINCIPE DE DEFENSE EN PROFONDEUR
IV.5 LE ROLE DE L’ENCEINTE DE CONFINEMENT
IV.6 LES RISQUES D’ORIGINE EXTERNE
IV.6.1 Le risque d’origine naturelle
IV.7 LE RISQUE DE CHUTE D’AVION
IV.8 SIMULATION DU COMPORTEMENT DE L’ENCEINTE DE CONFINEMENT SOUS CHUTE
D’AVION
IV.8.1 Géométrie et ferraillage de la centrale
IV.8.2 Simulation avec le modèle de Fichant modifié
IV.8.2.1 L’endommagement
IV.8.2.2 Les ouvertures de fissure
IV.8.2.3 Déformation plastique des armatures
IV.8.2.4 Déplacement vertical du sommet du dôme
IV.8.3 Le modèle visco-endommageable DYNA-LMT
IV.8.3.1 Les paramètres du modèle dynamique DYNA-LMT
IV.8.3.2 Les résultats de la simulation
IV.8.3.2.1L’endommagement
IV.8.3.2.2Déplacement vertical du sommet du dôme
IV.8.3.2.3L’influence de la quantité d’aciers
CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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