La modélisation comportementale et émotionnelle d’un individu

La simulation comportementale 

Certains systèmes réels, au comportement ou à la structure complexe, échappent aux outils d’étude classiques. L’observateur n’a alors pas les moyens de saisir l’ensemble des tenants et aboutissants de ces systèmes caractérisés par un grand nombre d’interactions internes et externes, une structure non décomposable et un comportement imprédictible. L’étude des comportements sociaux d’un groupe d’individus s’inscrit dans cette problématique. Ces dernières années, l’informatique a néanmoins permis de développer des outils de simulation de plus en plus performants permettant notamment le traçabilité des phénomènes, la réitération des expériences, la capture de moments clés et la possibilité d’étude de cas inexistants ou encore jamais survenus en milieu réel. À partir d’une modélisation pertinente du système, on parvient aujourd’hui à simuler son évolution de plus en plus fidèlement. Au niveau de l’étude de l’individu et des interactions sociales, les sciences humaines apportent également leur expertise dans ce processus de modélisation. À la confluence de ces deux disciplines, on entrevoit aujourd’hui la possibilité de modéliser et simuler le comportement humain.

Les études dans le domaine des modèles comportementaux se sont particulièrement développées au cours du XXème siècle. Les progrès conjugués de la psychologie, de la médecine et des sciences cognitives ont permis de croiser des données expérimentales avec les modèles proposés par les chercheurs. On peut distinguer deux axes d’études : l’étude du caractère de l’individu et celle des émotions ressenties. Pour le premier, les modèles de traits comportementaux tel que le Big Five (Goldberg, 1990) ont connu une certain succès, renforcé dans les 20 dernières années par le développement du secteur des ressources humaines et de l’outil informatique. Pour le second, on a assisté à la démonstration de l’importance des émotions dans le processus décisionnel humain et à l’établissement d’une catégorisation largement adoptée des émotions principales de l’être humain dans des modèles tels qu’OCC.

D’autre part, les travaux effectués conjointement dans les domaines de l’intelligence artificielle et de la vie artificielle ont fourni matière à l’apparition du domaine des systèmes multiagents. Ce domaine de recherche, axé sur la création d’entités virtuelles autonomes, a connu de grandes avancées dans les 20 dernières années avec l’apparition de modèles d’agent reconnus tel que le modèle BDI (Bratman, 1987; Rao and Georgeff, 1991). Les SMAs sont aujourd’hui utilisés dans des domaines très variés : des robots explorateurs martiens aux simulations de phénomènes biologiques. Les avancées des modèles comportementaux et des SMAs laissent aujourd’hui entrevoir la possibilité de simuler le comportement humain.

La modélisation comportementale et émotionnelle d’un individu

La modélisation du comportement humain est un sujet qui n’a eu de cesse de susciter l’intérêt des chercheurs tout domaine confondu. Ce fût logiquement dés l’Antiquité un des premiers champs d’investigation de la philosophie qui a très tôt essayé de décortiquer les mécanismes à la base du comportement et plus généralement de la pensée. À la fin du XIXème siècle, la psychologie a continué dans les traces initiées par les philosophes en essayant cette fois-ci de construire des modèles médicaux et rationnels autour du comportement. C’est réellement avec l’apparition de l’informatique que l’on a vu là une voie pour utiliser ces modèles afin de répliquer avec plus ou moins de succès le raisonnement humain dans les machines.

Cadre applicatif

À l’origine, le projet « TC&Plus.Virtuel », partenariat entre les entreprises PerformanSe, spécialisée dans les outils d’évaluation comportementale, et Aparta, un atelier protégé visant à la réinsertion par le travail de traumatisés crâniens, avait pour finalité la réalisation d’une plateforme de simulation en réalité virtuelle mettant en scène les employés d’Aparta travaillant sur une de leur machine. La chaîne de production étudiée était une chaîne de conditionnement de paquets de gâteaux par lots (scellage, pose d’étiquettes, mise en carton, . . .). Ce premier projet avait donné lieu à une première réalisation accréditant la faisabilité et la pertinence de la démarche. Dans un contexte similaire, nous avons eu pour but de créer cette fois ci un véritable modèle permettant de simuler le comportement humain, en développant plus particulièrement la partie affective de ce comportement. Cette démarche, à mis chemin entre le monde de l’informatique et celui de la psychologie, a donc nécessité un important travail de recherche sur les modèles comportementaux existants et leur adéquation avec nos besoins.

L’intérêt premier d’une telle simulation est d’en retirer des connaissances sur les postes de travail, sur l’ambiance de l’équipe. Il s’agit donc de substituer à une observation in vivo coûteuse en temps, une simulation in virtuo de ces comportements individuels et de groupe. Pour atteindre ce but, les agents doivent donc être les plus proches possibles de l’Homme. En effet, pour pouvoir envisager une quelconque mise en valeur des connaissances produites, celles-ci doivent être valides. Il n’est donc pas envisageable de ne pas prendre en compte les émotions et plus généralement le tempérament, parties intégrantes du comportement, rendant le processus de décision et le raisonnement possibles et les relations humaines riches et variées. La recherche dans les émotions artificielles prend, en général, en compte les émotions à un seul niveau (expression, planification, transmission, . . .). Notre objectif a dès le départ afin de rendre la simulation crédible de couvrir le plus largement possible l’éventail de l’influence des émotions sur l’ensemble du comportement humain.

La particularité de notre cadre applicatif réside dans l’étude de personne cérébrolésées dans le milieu professionnel. Ces personnes, également qualifiées de traumatisé crâniens, ont subit un traumatisme violent à la tête, la plupart du temps dû à un choc . L’affectif en temps normal joue déjà un rôle prépondérant dans les processus de prise de décision comme a pu le démontrer Damasio (1994), néanmoins la plupart des personnes parviennent à réguler leurs émotions dans leur milieu professionnel et à adopter un comportement réfléchi et cartésien. Le traumatisme crânien a pour particularité, de par les lésions subies par les hémisphères cérébraux responsables du comportement raisonné, d’affecter à des degrés divers les filtres émotionnels dont chacun de nous est pourvu. Les personnes cérébrolésées peuvent donc présenter, en plus de troubles psycho moteurs éventuels, des comportements inappropriés où leurs émotions prennent plus facilement qu’à l’acoutumée le pas sur le comportement rationnel ordinaire attendu dans ces cas-là.

Afin de pouvoir simuler les mécanismes à la fois cognitifs et affectifs à l’œuvre dans la génèse du comportement humain, il nous a donc été nécessaire de développer nos recherches selon plusieurs axes complémentaires. La modélisation comportementale est le premier sujet auquel nous nous sommes intéressé d’une part de part son importante utilisation dans les milieux professionnels et d’autre part parce que justement la société PerformanSe est éditrice de logiciels d’évaluation comportemental à destination des entreprises. La dimension émotionnelle moins souvent traitée dans les milieux professionnels car comme nous l’avons dit moins exprimer au travail a été notre deuxième axe d’étude avec les modèles là encore développée par les chercheurs pour expliquer l’origine de ce que l’on appelle les émotions. Enfin, nous sommes difficilement parvenu à collecter des travaux sur la dimension sociologique des émotions et sur la place de l’affect dans les rapports humains.

Les modèles comportementaux 

Historique des modèles comportementaux

L’étude de l’individu et de son comportement est un champ de recherche ancien. Confondu au départ avec la philosophie, la psychologie est réellement née à la fin du XIXème siècle avec Freud (2005), père de la psychanalyse, Watson (1913), à l’origine du behaviorisme, Piaget (1950), opposé au behaviorisme et fondateur de la psychologie cognitive, et Hebb (2001), précurseur de la neuropsychologie. Les branches d’études se sont multipliées avec les progrès médicaux, biologiques, physiques et informatiques donnant accès à des données de plus en plus précises et variées pour expliquer le comportement. Parmi ces branches, la théorie des traits, sous domaine de la psychologie différentielle, cherche à déterminer la personnalité d’une personne et son comportement par rapport à un nombre fini de caractéristiques comportementales : les traits, dont la valorisation constitue un profil comportemental. Le modèle le plus répandu et celui sur lequel nous nous sommes en partie appuyé est celui du Big Five (Fiske, 1949; Tupes and Christal, 1961; Goldberg, 1990). Bien que cette prédiction du comportement et la notion même de personnalité aient été fortement remises en cause dans les années 70 80, de nouvelles méthodologies (Sinclair and Barrow, 1992) ont pu montrer la viabilité de ces théories et ont ainsi permis la résurgence des recherches sur le sujet et les outils liés au cours des deux dernières décennies.

Les outils d’évaluation comportementale

De nombreux outils d’évaluation de la personnalité sont utilisés en gestion des ressources humaines. Ils ont généralement pour but de construire le profil d’une personne afin d’aider le décideur. Un outil d’évaluation de la personnalité permet d’obtenir le profil d’une personne à partir de réponses à un questionnaire. Les intérêts de ce type d’outils sont multiples : aide au recrutement, aide à la mobilité interne, partie comportementale d’un bilan de compétences . . . Il est entendu que ces outils ne doivent pas être utilisés à des fins discriminantes. En particulier, lors d’un recrutement, un tel questionnaire doit être une base d’entretien pour le responsable des ressources humaines et aucunement un outil de pré-selection des candidats. La limite est parfois ténue et seul une formation et un accompagnement de l’évaluateur peut permettre d’éviter cet écueil. La plus grande difficulté réside dans le fait que chacun d’entre nous possède ses propres stéréotypes et qu’il est facile de rapidement les appliquer au profil comportemental de la personne évaluée pour la juger en bien ou en mal.

Les outils existants se divisent en questionnaires ouverts et questionnaires fermés. Pour les questionnaires ouverts, la personne est libre de ses réponses. Celles-ci sont ensuite analysées par un expert en psychologie qui va dessiner le profil comportemental de cette personne. Ces outils sont remis en cause car l’interprétation de l’expert est très subjective et variable, comme nous l’avons mentionné auparavant. C’est pourquoi ces questionnaires ne sont pas très nombreux. Nous citerons, par exemple, Phrases (Stein and Bransford, 1979) qui demande à l’utilisateur de compléter 50 phrases en 30 minutes, sous les yeux d’un examinateur. Ensuite, les réponses et le comportement de la personne lors de l’évaluation sont étudiées. Ce type d’outils a été très peu étudié car il est très difficile d’effectuer des analyses statistiques sur des questions ouvertes.

La deuxième catégorie d’outils est beaucoup plus répandue : il s’agit de questionnaires fermés. Ces questionnaires peuvent donc être informatisés facilement. Généralement, ils consistent en un ensemble de questions (les items) avec deux ou plus de choix possibles. Un ensemble de règles, du type de celles trouvées dans un système expert, ont été établies préalablement et permettent de construire un profil en fonction des réponses choisies. Un profil est généralement composé d’un nombre prédéterminé de traits de personnalités (les dimensions). De nombreux outils basés sur ce fonctionnement existent, nous présentons les plus utilisés :
– Sosie ((Noci, 2003)) (d’ECPA) : 20 traits de personnalités évalués à partir de 98 groupes de 4 assertions,
– PAPI ((Kostick.1960) Perception And Preference Inventory de Cubiks) :
– le test classique : un choix pour 90 couples de phrases,
– le test normatif : 126 assertions sur lesquelles l’utilisateur choisit entre « complètement en accord « ou » complètement en désaccord »,
– MBTI ((Myers, 1962; Myers and Myers, 1995)) (from Myers and Brigg) : 126 questions avec un choix entre deux réponses et un profil choisi parmi 16 profils prédéfinis,
– PerformanSe Echo (Philippé et al., 2004) : 70 questions avec deux réponses au choix et un profil selon 10 dimensions bipolaires déterminés grâce à un ensemble de règles,
– Assess First : 90 questions avec deux réponses au choix et un profil selon 20 dimensions comportementales et 5 familles .

Parmi tous ces outils, seuls Sosie, MBTI et PerformanSe Echo ont eu une réelle validation psychologique et statistique. Cependant, ils sont tous basés sur des théories psychologiques reconnues : la théorie de Jungian (Cowan, 1989; Myers, 1962), la théorie du « Big Five » (Goldberg, 1981; Wiggins, 1996) ou encore l’étude des motivations (George and Jones, 2002). Les études statistiques permettent d’apporter une validation complémentaire aux études comportementales sous tendant les modèles psychologiques.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Introduction
Chapitre 1 La modélisation comportementale et émotionnelle d’un individu
1.1 Cadre applicatif
1.2 Les modèles comportementaux
1.2.1 Historique des modèles comportementaux
1.2.2 Les outils d’évaluation comportementale
1.2.3 Le modèle comportemental PerformanSe
1.2.4 Spécificités des personnes cérébrolésées
1.3 Le système cognitif humain
1.3.1 L’attention
1.3.2 La mémoire
1.3.3 Le langage
1.3.4 La vision et l’imagerie mentale
1.3.5 Les fonctions exécutives
1.4 Les émotions
1.4.1 Définition
1.4.2 Théories des émotions
1.4.3 Le rôle des émotions
1.4.4 Le modèle OCC
1.5 Humeurs et tempérament
1.6 Les sentiments
1.7 L’influence de l’environnement
1.7.1 Les facteurs d’ambiance
1.7.2 Les interactions sociales
Chapitre 2 Les systèmes multi-agents
2.1 Principes et concepts
2.1.1 Historique
2.1.2 Définition
2.1.3 L’environnement
2.2 Les modèles d’agents
2.2.1 La problématique de la modélisation agent
2.2.2 L’agent non-délibératif
2.2.3 L’agent délibératif
2.2.4 Les agents hybrides
2.2.5 L’agent émotionnel
2.3 Les interactions entre agents
2.3.1 Les interactions entre agents
2.3.2 La communication entre agents
2.3.3 La notion de concurrence
2.3.4 Les langages de communication entre agents
Chapitre 3 Fouille de données multidimensionnelles
3.1 Historique, objectif et principe général de la fouille de données
3.2 La simulation et la problématique des données multidimensionnelles
3.2.1 Les dimensions spatiale et temporelle
3.3 Techniques et outils de stockage de données multidimensionnelles
3.3.1 La notion de temps et les logiques temporelles
3.3.2 Les logiques temporelles
3.3.3 L’intégration du temps et de l’espace dans les SGBD relationnels et objets
3.4 Data mining temporel
3.4.1 Préliminaires
3.4.2 Les tâches classiques d’étude de données temporelles
3.4.3 ECD sur des données temporelles : la découverte de motifs
3.4.4 La méthode des projections aléatoires
3.5 Data mining spatial
3.5.1 Les techniques de data-mining spatial
3.5.2 Notion de sémantique d’une position et problématique
Chapitre 4 Un nouveau modèle d’agent émotionnel : l’agent EFT
4.1 Un modèle d’agent émotionnel : l’agent EFT
4.1.1 Structure générale de l’agent
4.1.2 Processus de contrôle de l’agent
4.2 Les interactions du système
4.2.1 Présentation du système étudié
4.2.2 Modélisation de protocoles d’interaction
4.2.3 Modélisation d’interactions spécifiques
Chapitre 5 Un modèle de fouille de trace d’agents
5.1 Données issues de la simulation
5.1.1 Des données propres
5.1.2 Des données malléables
5.1.3 Des données à volonté
5.2 Pré-traitement des données
5.2.1 Discrétisation des données
5.2.2 Dissimilarité entre vecteurs
5.2.3 Réduction dimensionnelle
5.2.4 Agrégation de vecteurs
5.3 Méthode des projections aléatoires
5.3.1 Présentation générale de la méthode
5.3.2 Étapes du traitement
5.3.3 Mise en oeuvre de la méthode
Chapitre 6 Implémentation de la simulation et résultats obtenus
Conclusion

Lire le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *