La Mitochondrie : centrale énergétique cellulaire
L’étude de ces organites semi-autonomes logés dans les cellules eucaryotes débutent il y a un siècle et demi. Les premières observations de mitochondries débutent au milieu du XIXième siècle par l’observation de granules dans les cellules musculaires. A la fin du XIXième siècle, Altman mis au point la coloration de ces organites et les nomma bioblastes en raison de leur taille, similaire à celle des bactéries, leur hyptothétique rôle dans le métabolisme et leur autonomie génétique. C’est également en cette fin de XIXième siècle que le terme de bioblaste disparaît pour laisser place au terme mitochondrie (du grec mitos : fil et chondros : grain). Le milieu du XXième siècle marque une période révolutionnaire dans la connaissance de ces organites au niveau structural et métabolique. C’est en effet à cette période qu’on a pu localiser et mettre en évidence les différents évènements métaboliques cellulaires tels que le cycle d’acide citrique, encore appelé cycle de Krebs, la β-oxydation des acides gras ou la chaîne de transfert d’électrons nécessaires à la viabilité cellulaire. Ces découvertes marquent la naissance de l’ère moderne de l’énergétique cellulaire.
Les premières descriptions tridimensionnelles de mitochondries ont été révélées par microscopie électronique à transmission par Palade en 1950, puis par Sjostrand en 1953. L’ultrastructure des mitochondries n’était pas encore bien établie car les premières descriptions avaient été faites par extrapolation des coupes en série de mitochondries obtenues par microscopie électronique à transmission. Différents modèles de la structure interne mitochondriale ont été émis :
– Le modèle de Palade que nous utilisons dans la plupart des ouvrages comme modèle exact soutenait que les crêtes mitochondriales sont des invaginations de la membrane interne mitochondriale.
– Le modèle de Sjostrand postulait que les crêtes mitochondriales s’organisaient comme des lamelles indépendantes non connectées avec la membrane interne mitochondriale
– Enfin, le modèle contemporain « orthodoxe » semble être celui qui se rapproche de la réalité cellulaire. Des expériences en microscopie électronique à haute résolution révèlent la coexistence de crêtes tubulaires et de crêtes lamellaires dans les cellules de pancréas [1].
Structure et Fonction des mitochondries
Structure
Les mitochondries sont de petits organites logés dans les cellules eucaryotes et mesurent 1 à 2 µM de long et 0,1 à 0,5 µM de large. Ce sont des structures pouvant adopter plusieurs formes, du bâtonnet à la sphère, selon le type cellulaire qu’elles habitent. Cependant elles possèdent toutes la même structure de base : L’intérieur de la mitochondrie ou matrice est séparé du cytosol par deux membranes : une membrane externe et une membrane interne. Celles-ci délimitent l’espace intermembranaire. Chacune de ces membranes et chacun de ces compartiments sont voués à des fonctions cellulaires bien précises.
Fonction
1. La membrane externe. La membrane externe a une épaisseur comprise entre 6 et 7 nm et est peu sélective aux ions et autres petites molécules. La membrane est composée de 60% de lipides et 40% de protéines. Les protéines présentes sont essentiellement des canaux anioniques de type VDAC et des porines.
2. La membrane interne. La membrane interne est très sélective car elle est imperméable à la plupart des ions. C’est une membrane particulière caractérisée par sa richesse en protéines (80 %) et sa faible teneur en lipides (20%). Les cardiolipines sont les seuls lipides participant à l’architecture rigide de la membrane interne mitochondriale. Dans cette membrane on retrouve les constituants enzymatiques de la chaîne de transfert d’électrons décrites dans la section suivante ainsi que la protéine responsable de la production de la majorité de l’ATP cellulaire : l’ATP synthase. Elle contient également quelques protéines translocatrices d’anions comme l’ANT ou l’échangeur ADP/ATP, le transporteur de phosphate ainsi que des protéines nommées UCP (Uncoupling Protein). Ces deux membranes fusionnent parfois pour assurer le passage de grosses molécules ou l’import de protéines mitochondriales. Ces jonctions sont en fait des pores de translocation qui ne sont pas toujours constitutifs mais qui apparaissent lorsqu’un transport de matière est nécessaire entre le cytosol et la mitochondrie ou inversement.
3. L’espace intermembranaire. Il est en général très étroit (6 à 8 nm) dans les mitochondries à fortes activités respiratoires. Il contient le cytochrome c et est le lieu de l’acylation de la carnitine, étape importante dans la β-oxydation des acides-gras .
4. L’espace matriciel. L’espace matriciel mitochondrial est un compartiment riche et dense car il est le siège de nombreux phénomènes indispensables à la cellule. Dans la matrice sont contenus l’ADN mitochondrial et toute la machine transcriptionnelle et traductionnelle mitochondriale. Elle est également le siège de nombreux évènements métaboliques tels que le cycle de l’acide citrique encore appelé cycle de Krebs, la β-oxydation des acides gras, la biosynthèse des vitamines, la biosynthèse des hormones stéroïdes, la biosynthèse des hèmes et le cycle de l’urée. Elle est un réservoir de calcium et le lieu de production de ROS, produits ratés de la chaîne de transfert d’électrons, ce qui fait d’elle un carrefour essentiel dans la signalisation cellulaire du calcium et des ROS. Enfin, elle est également un des acteurs majeurs dans le contrôle et l’initiation de la mort cellulaire ou apoptose.
Avec cette description succincte de ses différentes fonctions, on espère avoir convaincu le lecteur que les mitochondries sont vitales pour le fonctionnement cellulaire. Une altération de l’une de ces fonctions provoque de graves dommages à la cellule voire à l’organisme tout entier.
Dysfonctionnements mitochondriaux
Les dysfonctionnements mitochondriaux peuvent avoir diverses sources :
– Dégradation de l’ADN mitochondrial et de la machine transcriptionnelle
– Mutation dans l’ADN nucléaire codant les protéines mitochondriales
– Défauts dans les enzymes de la chaîne respiratoire et dans le fonctionnement de l’ATP synthase
– Défauts dans les enzymes participant au métabolisme
– Défauts d’assemblage dus au dysfonctionnement des protéines « chaperon » .
La liste est longue et non exhaustive mais les conséquences peuvent être nombreuses. Les défauts énergétiques ou un défaut dans le contrôle de l’apoptose peuvent participer grandement à la non viabilité des cellules ou participer à la formation des tumeurs cancéreuses.
Description de la chaîne respiratoire
Dans cet exposé, le but n’étant pas de décrire l’ensemble des fonctions mitochondriales, nous allons nous recentrer sur le phénomène de respiration cellulaire et décrire plus en détail les constituants de la chaîne respiratoire et leur fonctionnement.
Description générale. Chez les eucaryotes aérobies, l’énergie nécessaire au fonctionnement cellulaire est apportée par l’oxydation des nutriments (glucose, acides gras ou acides aminés). Ces combustibles sont dégradés en de petites molécules appelés coenzymes réduits (NADH2, FADH2), qui vont ensuite être oxydés en donnant leurs électrons aux différents complexes de la chaîne respiratoire, jusqu’à la réduction de l’O2 moléculaire, accepteur final d’électrons. Ce transfert d’électrons doit être couplé au transport actif de protons qui traversent la membrane par les différents complexes. Une différence transmembranaire de potentiel électrique, ∆ψ et de pH, ∆pH est créée et l’addition de ces deux composantes constitue le gradient électrochimique, encore appelé force protomotrice (pmf). La dissipation de ce potentiel par le retour des protons dans la matrice à travers l’ATP synthase fournit une force suffisante pour catalyser la synthèse d’ATP.
Transfert d’électrons couplé au transfert de protons dans les quatre complexes enzymatiques. La structure des quatre complexes a été résolue à haute définition par radiocristallographie. Dans ce chapitre nous allons décrire cette chaîne complexe par complexe et décrire les réactions que chacun d’eux catalyse.
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Table des matières
I INTRODUCTION
A La Mitochondrie : centrale énergétique cellulaire
I Structure et Fonction des mitochondries
Structure
Fonction
Dysfonctionnements mitochondriaux
Description de la chaîne respiratoire
Description générale
Transfert d’électrons couplé au transfert de protons dans les quatre
complexes enzymatiques
La production d’ATP par l’ATP synthase
B Structure, biogenèse et organisation supramoléculaire de l’ATP synthase
I Comparaisons de structure et nomenclature structurale de l’ATP synthase de S.cerevisiae
Comparaison de structure
L’ATP synthase de E.coli : Structure de base
Comparaison des nomenclatures de S.cerevisiae, B.taurus et de E.coli
Composition des parties F0 et F1 de l’ATP synthase fonctionnelle de S.cerevisiae
Biogenèse de l’ATP synthase de S.cerevisiae
II Organisation supramoléculaire de l’ATP synthase de S.cerevisiae
C Mécanisme rotatif de l’ATP synthase
I Composition du rotor et du stator
II La translocation des protons induit le mouvement du rotor
III Mise en évidence du mécanisme de rotation de l’ATP synthase
D Mécanisme catalytique de l’ATP synthase
I Le modèle de changement d’affinité établi par Paul Boyer
II Les différents régimes catalytiques
III Le rôle des sites non catalytiques
E Mécanisme de régulation de l’ATP synthase mitochondriale
I Inhibiteurs et sites de fixation dans les ATP synthases mitochondriales
II L’inhibition de l’ATPase mitochondriale par le peptide endogène IF1
Description de l’IF1 de B.taurus
Spécificité d’action d’IF1 pour les ATP synthases mitochondriales
Mécanisme d’inhibition du peptide
F Présentation du travail de thèse
II MATÉRIELS ET METHODES
G MODIFICATION ET PRODUCTION D’IF1
I Les outils
Les souches de bactéries E.coli utilisées
Le vecteur d’expression pET/inh1
PCR de mutagenèse dirigée/Clonage
PCR de mutagenèse
Clonage
II Description et création des différents mutants d’IF1
Étude de l’oligomérisation d’IF1
Les mutants « N-ter » d’IF1
III Production et purification des peptides
Transformation des clones positifs par électroporation
Surexpression du peptide
Lyse cellulaire
Purification d’IF1 sur colonne Nickel
Les IF1 wT, tronqués et cystéiques
Les IF1 allongés
Dosage de protéines et électrophorèse SDS-PAGE
H MODIFICATION ET EXTRACTION DE L’ATP SYNTHASE ENTIÈRE ou ISOLÉE (F1-ATPase)
I Les outils
Souches de levures S.cerevisiae utilisées
Les plasmides « vecteur navette » bactérie E.coli/levure S.cerevisiae
Historique d’ATP1 et d’ATP2 au laboratoire
II Construction des mutants de F1-α et de F1-β
Les mutants d’ATP1
Les mutants d’ATP2 : les mutants de DELSEQD
PCR de mutagenèse
Transformation des levures S.cerevisiae
Transformation des souches « euroscarf »
Transformation des souches W303
III Préparation de mitochondries et contrôles respiratoires
IV Préparation de SMP (particules submitochondriales)
V Préparation de F1 isolé
VI Dosage de protéines
I Études structurales et expériences fonctionnelles
I Etude de l’oligomérisation d’IF1 par spin labeling et visualisation par spectroscopie RPE
II Marquage des peptides et détermination du taux de marquage
Marquage des peptides IF1 cystéiques avec le marqueur de spin MTSL
Détermination du taux de marquage
Spectroscopie RPE
J Mesures de l’hydrolyse d’ATP, Cinétique d’inhibition, Étude enzyme-Substrat
I Mesure d’hydrolyse d’ATP
II Cinétique d’inhibition et traitement des données
III Étude enzyme-Substrat et traitement des données
III RÉSULTATS
1 Étude de l’oligomérisation d’IF1 par marquage de spin et visualisation par spectroscopie RPE
A Description biochimique d’IF1 et mise en évidence des différentes formes d’IF1 chez B.taurus et S.cerevisiae
B Description structurale d’IF1 : l’IF1 de B.taurus
Description du monomère d’IF1
Identification des régions impliquées dans l’oligomérisation de l’IF1 bovin
Une histoire de protonation pour la dimérisation d’IF1
C L’IF1 de S.cerevisiae
D L’outil : Le marquage de spin et la spectroscopie RPE
I Principe de la technique de marquage de spin associée à la spectroscopie RPE
II Application de la technique de marquage de spin à l’étude de l’oligomérisation d’IF1
E Les mutants cystéiques, une histoire de longue date qui se poursuit
I Historique des mutants cystéiques au laboratoire
II Justification du choix des mutants cystéiques
F Résultats obtenus sur les IF1 E33C et IF1 L54C
I Mise au point du marquage
II Contrôle de la structure des peptides par CD en UV lointain
Contrôle de la structure des IF1 cystéiques
Contrôle de la structure des IF1 marqués au MTSL
III Analyse des spectres RPE
Exemple de spectres, interprétations et définitions
Spectre à bande X de l’IF1 E33C et l’IF1 L54C à 298K (température ambiante) et à 100K (basse température)
Spectres du MTSL libre, de l’IF1 E33C et l’IF1 L54C obtenus à 298K
Spectres obtenus à 100K
Comment favoriser la formation de dimères d’IF1 marqués ?
Variation de la concentration en IF1 E33C marqué
Ajout d’IF1 wT en excès sur l’échantillon d’IF1 E33C marqué
G Discussion, mises au point et perspectives
I Les résultats préliminaires tendent-ils à favoriser la formation du dimère par
l’interface T ?
Les expériences à 298K et à 100K
Le problème des dimères monomarqués
II Les points à améliorer
III Les perspectives avec les mutants prévus
IV CONCLUSION