La mise en valeur de l’image de soi dans le Discours Politique

THEORIE DE BASE

    Pour le besoin de notre recherche, nous nous intéressons à l’analyse du discours. Cette dernière s’inscrit de façon générale dans le cadre de l’évolution des sciences du langage à partir des années soixante (60). Elle entretient avec la linguistique des rapports complexes qui sont toujours en situation de redéfinition constante, car il s’agit plus d’un mouvement scientifique qui se situe à la croisée des chemins, ayant son objet, ses cadres méthodologiques et ses notions, qu’une discipline circonscrite comme un bloc homogène. En dépit de la diversité des approches en analyse de discours, des théories et des notions qui y sont impliquées, toutes les voies convergent vers la définition unique de son objet par GRAWITZ(1990 : 345) qui soutient que toutes les recherches en ce domaine « (…) partent néanmoins du principe que les énoncés ne se présentent pas comme des phrases ou des suites de phrases mais comme des textes. Or un texte est un mode d’organisation spécifique qu’il faut étudier comme tel en le rapportant aux conditions dans lesquelles il est produit. Considérer la structure d’un texte en le rapportant à ses conditions de production, c’est l’envisager comme discours ». En effet, nous pouvons retenir qu’il existe différentes approches en analyse du discours. Par contre, nous allons nous focaliser sur l’approche énonciataire du discours politique en particulier. Nous jugeons cette approche pertinente pour notre travail dans la mesure où elle prend en compte tous les phénomènes liés aux conditions de production du discours mais aussi à la prise en charge de celui-ci par un énonciateur.

CADRE CONCEPTUEL

   Cette partie s’articule autour d’une définition des concepts clés utilisés dans notre travail.
➢ Le discours : Le discours implique un acte langagier d’où émergent un texte, un contexte et une intention. Le discours est donc une entité complexe ayant une dimension linguistique (en tant que texte), une dimension sociologique (en tant que production en contexte), et une dimension communicationnelle (en tant qu’interaction finalisée). Dans l’œuvre de Benveniste (1966), il est défini comme « toute énonciation supposant un locuteur et un auditeur et chez le premier l’intention d’influencer l’autre en quelque manière » (p.242)
➢ Le discours politique : Le discours politique est, au sens restreint, une forme de la discursivité par laquelle un locuteur (individuel ou collectif) poursuit l’obtention du pouvoir. Par cette définition, on tend à faire du discours politique un discours du pouvoir. Cette façon de le concevoir peut être expliquée par le fait de son importance dans la lutte pour l’accession au pouvoir. Il est difficile en effet, d’envisager une lutte politique sans discours politique. Pour Christian Le Bart, comme pour de nombreux autres chercheurs, le discours politique est celui que tiennent les hommes et femmes politiques dans l’exercice de leurs fonctions. Il s’agit là d’une définition ciblée et restreinte, à laquelle s’oppose une définition plus large et délibérément un peu floue, à savoir « tout propos qui implique un jugement sur l’organisation de la communauté » ( Bonnafous S et al). L’objet d’étude va ainsi de la parole professionnelle des politiciens à tous les discours qui traitent de la chose politique dans l’espace public. C’est dans cette perspective qu’on peut dire que le discours politique recouvre une pluralité de situations allant de l’orateur face à un auditoire, du débat parlementaire ou télévisé et du journalisme politique à la parole participative sur Net.
➢ L’image de soi ou éthos : La notion d’éthos vient de la Grèce antique où « personnage » désigne l’image de soi que l’orateur construit dans son discours pour contribuer à l’efficacité de son dire, autrement dit, pour exercer une influence sur son auditoire. Dans la tradition de la rhétorique antique coexistent deux positions contraires : celle d’Aristote, pour qui l’éthos se construit surtout dans et par le discours de l’orateur versus celle d’Isocrate, qui considère l’éthos comme une donnée préexistante fondée par l’autorité individuelle et institutionnelle de l’orateur. Dans le domaine des sciences du langage d’aujourd’hui, c’est Maingueneau qui reprend et réadapte la notion. Pour lui (1998 :138), l’éthos est « ce que l’orateur prétend être, il le donne à entendre et à voir ». Selon Patrick Charaudeau (2005), qui adapte la notion au discours politique, l’éthos est à la fois discursif et pré discursif, car, il se construit à partir de l’image que l’auditoire (Co énonciateur) a de l’orateur (énonciateur) avant sa prise de parole, et ce que l’énonciateur dit dans sa prise de parole. De ce fait l’éthos de l’homme politique demeure un facteur très important pour faire adhérer les gens à ses idées.
➢ L’énonciation : En linguistique, l’énonciation est l’acte individuel de production d’un énoncé, adressé à un destinataire, dans certaines circonstances. Ainsi, Anscombre et Ducrot (1976, p.18) le définissent comme étant « l’activité langagière exercée par celui qui parle au moment où il parle ». C’est donc un acte d’appropriation de la langue par un locuteur.
➢ L’énoncé : L’énoncé est le résultat linguistique, c’est-à-dire, la parole prononcée ou le texte écrit. C’est le produit d’un énonciateur au cours d’un acte d’énonciation dans une situation donnée. Ainsi, énonciation s’oppose à énoncé comme production s’oppose à produit.
➢ L’énonciateur : L’énonciateur c’est la personne qui s’exprime, produit un énoncé (ce qui est dit ou écrit) à un destinataire, à un moment et dans lieu donné.
➢ La situation d’énonciation : C’est la situation dans laquelle a été émise une parole, ou dans laquelle a été produit un texte. Celle-ci permet de déterminer qui parle à qui (ou qui écrit à qui) et dans quelles circonstances.

ETHOS (Approche définitionnelle)

   En considérant l’ethos comme le produit d’une énonciation nous donnons aux cadres énonciatifs toute leur valeur vu que le sens peut avoir un dit en fonction du contexte et de la situation de communication. L’analyse d’un discours s’intéresse à l’énonciateur (le locuteur) qui porte sa voix même si celle-ci est reprise dans un texte. L’étude de la personnalité du locuteur dans son discours est nécessaire dans la mesure où elle permet de voir dans quelle mesure l’image en discours politique de l’autorité peut influer sur son auditoire L’importante rhétorique antique appelle « ethos » « l’image de soi que l’orateur construit dans son discours pour contribuer à l’efficacité de son dire ». Chez ARISTOTE, l’ethos fait partie des preuves techniques fournit par l’orateur autrement dit c’est le caractère morale (de l’orateur) qui amène la persuasion, quand le discours est tourné de telle façon que l’orateur inspire la confiance » Dans la RHETORIQUE, l’ethos est défini comme l’image de soi que projette l’orateur désireux d’agir par la parole. Aristote précisera que cette image n’est produite que dans le discours. Son propos continue d’alimenter le débat selon lequel, à côté du discours l’orateur peut présenter un ethos occasionné par son statut social ou les fonctions et les titres occupés dans la vie. En partageant l’avis D’ARISTOTE, ROLAND BARTHES note que l’ethos réside dans les « traits de caractères que l’orateur doit montrer à l’auditoire (peu importe sa sincérité) pour faire bonne impression : ce sont ces airs (..) » C’est aussi l’avis de DOMINIQUE MAINGUENEAU qui soutient que « l’ethos (du locuteur) est (…) attaché à l’exercice de la parole, au rôle qui correspond à son discours, et non à l’individu « réel », indépendamment de sa prestation oratoire : c’est donc le sujet d’énonciation en tant qu’il est en train d’énoncer qui est ici en jeu » La rhétorique d’ARISTOTE considère l’ethos comme un moyen de preuve dans la mesure où le discours permet à l’orateur, en dehors de ses démonstrations, de dégager le bon sens, la vertu et la bienveillance. Ces trois éléments concourent à inspirer confiance auprès de l’auditoire. Ce point de vue moral d’ARISTOTE est enrichi par WISE qui trouve nécessaire d’y ajouter la qualité intellectuelle : personnage inclue des qualités morales et intellectuelles C’est l’alliance de l’intellect et de la vertu qui permet de rendre l’orateur digne de confiance. L’ethos de l’autorité politique doit intégrer dans son discours le point de vue d’EGGS qui pense aussi que la compétence comme la capacité sont déterminante dans le discours. La relecture du texte d’ARISTOTE le confirme « les orateurs inspirent confiance, si leurs arguments et leurs conseils sont compétents, raisonnables et délibérés, s’ils sont sincères, honnêtes et équitables et s’ils montrent de la solidarité, de l’obligeance, et de l’amabilité envers leurs auditoires ». Dans cette logique nous comprenons le président SALL dans ces propos : « Je pense à tous ceux qui souffrent des aléas de la vie. Pour eux, nous devons toujours poser des actes qui donnent du sens à l’équité et à la justice sociale, dans notre société qui se veut solidaire. » Nous comprenons dès lors qu’au-delà de la dimension morale, il faut mettre sur pied des stratégies, c’est-à-dire des choix, délibérés et appropriés. On conclut avec EGGS que, « (…). Cette moralité, bref l’ethos en tant que preuve rhétorique, est donc procédurale » La théorie sur l’ethos développée par ARISTOTE à partir de la rhétorique ancienne et élargie par WISE et EGGS cette théorie nous semble un outil pertinent pour faire l’analyse du discours politique. En effet si nous revenons sur les deux acteurs à savoir l’instance politique et l’instance citoyenneté et sur le rôle important que chacun joue dans une communication , nous comprenons mieux pourquoi il est nécessaire pour la première instance de bien construire son image dans le discours. Cette opportunité qu’a le locuteur d’influencer et d’orienter son auditoire n’est pas négligée dans les discours adressés à la nation où l’autorité use tous les moyens pour faire adhérer son auditoire. Dans le champ politique, le rapport de force est tellement vivant qu’on a toujours besoin de rassurer l’autre et lui inspirer confiance. C’est ce qui justifie tout l’effort discursif de l’instance au pouvoir pour faire accepter ses projets politiques à une instance autonome et libre d’opinions et de pensées. C’est comme le dit ARISTOTE, cette image de soi ne peut se construire que dans le discours. En nous inscrivant dans cette perspective le Président Macky SALL dans ses discours adressés à la nation choisit en fait de son mieux pour forcer le respect et négocier la sympathie et le soutien du peuple sénégalais. Il a montré d’ailleurs par endroit sa disponibilité et celle des autres membres du gouvernement à venir répondre aux besoins des peuples sénégalais et africains d’une manière générale. Il l’affirme en ces termes : « Voilà pourquoi le développement dans la solidarité et le partage me tient tant à cœur. C’est l’orientation que j’ai donnée à la Déclaration de Politique générale de Monsieur le Premier Ministre et au Budget national pour 2015 ; orientation traduisant le choix volontariste d’une gouvernance axée sur l’investissement productif, qui protège le bien commun et améliore les conditions de vie du plus grand nombre. » (Macky sall, discours de fin d’année, 2014) En outre, il serait pertinent de noter que pour soigner son image, l’homme politique doit en quelque sorte montrer son attachement aux valeurs partagées de sa société. En effet, ceci doit nettement apparaitre autant dans l’éthos prédiscursif que dans l’éthos discursif pour bénéficier de l’adhésion du peuple mais aussi pour maintenir ses militants. C’est d’ailleurs cette posture que le Président de la république Macky SALL tente toujours d’adopter. Et cela se justifie en ces termes : « Dans l’esprit de solidarité en faveur des plus démunis parmi nous, j’ai décidé que le Programme national de bourses familiales soit doté en 2015 d’une enveloppe de 20 milliards de Franc CFA, pour bénéficier à 100000 nouvelles familles, soit 200000 familles attributaires au total. La solidarité nationale s’exprime également par la Couverture Maladie Universelle. » (Macky Sall, discours de fin d’année, 2014) Dans cet extrait, le président SALL exprime son attention face à la solidarité qui est d’ailleurs l’une des valeurs les plus partagées et exigées de la population sénégalaise. En somme, nous retiendrons, après tout ce que nous venons de dire, que le Président SALL fait tout ce qu’il peut pour valoriser son image en tant que chef d’Etat.

INDICES OU DEICTIQUES TEMPORELS

   Ces marqueurs signalent, relativement au moment de l’énonciation qui leur sert de repère, une situation de simultanéité ou d’antériorité Simultanéité : adverbes (actuellement, en ce moment, maintenant, etc.) ; Antériorité : adverbes (hier/avant ; naguère/récemment), déterminants définis(le, le jour, le mois, la semaine, etc.) : à venir : adverbes de (Demain /après demain, bientôt), déterminant défini(le, le mois, le jour prochain, etc.,) Mais l’emploi des indices temporels peuvent ainsi emporter une valeur durative (combien de temps) une valeur répétitive (combien de fois ?), ou, à l’inverse, indiquer le caractère ponctuel (depuis, depuis quand, dans combien de temps ?) Concernant les marqueurs d’embrayage (qui permettent au locuteur de connecter son énonciation à la situation de parole), certains linguistes considèrent depuis les travaux de Benveniste sur la deixis, que le terme de déictiques et d’embrayeur doit pouvoir s’appliquer aussi bien aux indices de personnes qu’aux indices d’ostension. Contrairement aux termes nominaux qui renvoient à des concepts, ces marqueurs renvoient à des individus qui sont soit des personnes, soit des moments, soit des lieux. Par leur qualité ils constituent des vides, selon Sarfati (2005: 22), c’est-à-dire des dépourvus de sémantisme propre : leur référence varie avec la situation d’énonciation. Si avec Benveniste, la subjectivité trouve son fondement dans le langage c’est sans doute en raison des contraintes conventionnelles et l’exercice de la communication langagière. Nous ne pouvons user du langage sans employer les déictiques et autres marques qui se définissent toujours par rapport à l’instance d’énonciation, « Une langue sans expression de la personne ne se conçoit pas » (Benveniste 1974: 261). Cette forme de subjectivité sur l’égo que révèle le langage peut être qualifié de subjectivité au premier degré. Selon Orecchioni, il existe une autre forme de subjectivité dite évaluative, et affective (1999: 168). Cette forme de subjectivité dénonce la réaction émotionnelle du sujet qui s’avoue implicitement ou explicitement comme source d’interprétation et d’évaluation du référent qu’il est censé d’écrire.

CONCLUSION

   Pour Kafetzi (2013), « une image vaut mille mots ». A défaut de convaincre, il s’agit surtout de séduire par l’intermédiaire d’un outil mis à la disposition de l’homme politique : son image discursive télévisuelle. Le peu de temps alloué pour s’exprimer est probablement l’une des raisons pour laquelle l’homme politique insiste plus sur l’ethos et le pathos que sur le logos. Ainsi, le locuteur délaisse le choix de l’argumentation aiguisée pour la substituer à une image de soi séduisante véhiculée par le discours : en faisant appel à la dimension émotionnelle et affective, et en cherchant à engendrer une identité qu’il va présenter à l’électeur téléspectateur, qui l’impactera positivement lors de l’élection .Dans la même lignée, Cotteret (2000) parle du caractère « spectacle » du discours politique à la télévision qui donne plus d’importance au statut (ethos) de celui qui parle qu’à l’agencement et au contenu du discours qu’il prononce (logos), ce qui contraint l’orateur à adopter une visée persuasive mettant en avant l’objectif de séduction (pathos). Selon Ducrot (1980), tout ce qui relève de la présentation de soi est coconstruit par le locuteur et le destinataire du message. Il explique que le secret de la persuasion pour l’orateur est de construire une image de soi favorable qui recueillera l’assentiment des destinataires du message. Il ne doit pas le faire via des appellations flatteuses sur sa propre personne (ce qui pourrait s’avérer contre-productif) mais grâce au contenu de son discours et au choix des mots. Enfin, Nel montre que le discours via le débat politique télévisé débouche souvent sur une présentation de soi, produisant le culte de la personne au détriment du logos. L’émotion joue donc un rôle majeur dans la construction de l’image de soi du candidat à la télévision, le rationnel (logos) étant mis de côté. Chacun des candidats, pour se distinguer des autres, travaille ce chantier de l’édification de son ethos individuel permis par l’utilisation de l’émotion. Lors des débats et des discours adressés à la nation, le type d’émotion mobilisé n’est pas le même selon les types de discours. Fort de ce constat, il est possible d’émettre l’hypothèse selon laquelle : « L’ethos que donne le candidat tend à se rapprocher de l’ethos prédiscursif que lui confère le public ». Et cette hypothèse est bien vérifiée. Par ailleurs, notre travail a montré que le Président SALL insiste bien sur la construction de son image. Il le montre à travers son attention sur les valeurs partagées. Autrement dit, il fait bon usage des valeurs de la société Sénégalaise compte tenu de la manière dont il agence ses discours. Donc nous en déduisons que notre hypothèse est bien vérifiée. En outre, l’identification est bien présente dans ses discours. Dans la mesure où il se confond au peuple. Dans ses discours il montre aux sénégalais qu’on a un destin commun et qu’on est qu’un. Toutefois, il serait pertinent de noter que le Président Macky SALL tient beaucoup à sa crédibilité et il le montre à chaque fois que l’occasion se présente. Car il veut maintenir ses militants mais en meme temps négocier la sympathie et l’adhésion du peuple sénégalais. Tout ceci pour une mise en valeur de l’image de soi dans son discours politique.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 : CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE
1.1. PROBLEMATIQUE
1.1.1. CONTEXTE ET JUSTIFICATION
1.1.2. QUESTION DE RECHERCHE
1.1.3. OBJECTIFS
1.2. REVUE LITTERAIRE
1.3. METHODOLOGIE
CHAPITRE 2 : STRATEGIES ARGUMENTATIVES
2.1. ETHOS
2.1.1. L’ETHOS PREDISCURSIF
2.1.2. L’ETHOS DISCURSIF
2.2. LE PATHOS
2.3. LE LOGOS
CHAPITRE 3 : LA SITUATION D’ENONCIATION
3.1. L’ACTE D’ENONCIATION
3.1.1 LES INDICES DE PERSONNES
3.1.2. LES INDICES DE LIEU
3.1.3. LES INDICES DE TEMPS
CHAPITRE 4 : LES NOTIONS DE CREDIBILITE ET D’IDENTIFICATION
4.1. LA NOTION DE CREDIBILITE
4.2. LA NOTION D’IDENTIFICATION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE

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